samedi 15 décembre 2018

Force et fragilités de la Révolution des Gilets Jaunes

mercredi 12 décembre 2018

Voila désormais près d'un mois que le Mouvement des Gilets Jaunes a débuté en France. Malgré le froid, la pluie, les difficultés, les relations parfois tendues avec la police, les blessés et les morts, rien ne semble pouvoir altérer la détermination de cette partie du peuple entrée en insurrection.
Le gouvernement, jamais avare d'un propos infantilisant ou d'une communication pleine de fiel à l'égard du peuple, n'en reste pas moins profondément inquiet par les événements. Car la situation est inédite depuis 1968, voire 1934 si l'on se cherche une référence historique plus adéquate. En 1968 en effet, ce fut d'abord la révolte des bobos, d'une jeunesse qui ne supportait plus un certain nombre de conservatismes qui sclérosaient quelque peu la Société. Néanmoins, les insurgés de l'époque ne parvinrent pas à renverser le Général de Gaulle. Cependant, les soixante-huitards gagnèrent autrement la bataille, avec une purge qui s'opéra jusqu'au sein de la Maison de la Radio, à une époque où Radio France restait le média le plus écouté des Français. Voila comment l'idéologie libérale et anti-France s'est immiscée progressivement dans le ron-ron médiatique ambiant.
En 1934, c'est une révolte autrement plus populaire qui bien que débutée par les réseaux d'extrême droite de l'époque, a pourtant fait converger à elle des millions d'ouvriers y compris dans les partis et syndicats les plus à gauche, ce qui entraîna la chute du gouvernement Camille Chautemps le 27 Janvier de la même année, et posera les fondations du Front Populaire deux années plus tard.
Aujourd'hui à la veille de l'année 2019, l'insurrection en cours ne nécessite pas de grandes analyses sociologiques et politiques. C'est en premier lieu la France des provinces qui se mobilise. D'ailleurs, certains observateurs malicieux ou cherchant à susciter la polémique, remarquent que ce ne sont pas les banlieues qui se soulèvent, et que décidément, il y a beaucoup trop de "blancs" parmi les Gilets Jaunes. La réalité reste tout de même à nuancer, c'est d'avantage les Français en paix avec leur unité nationale et leur citoyenneté qui se révoltent. Cela indépendamment des origines et repères cultuels de chacun. Certes il y a des électeurs du FN, mais il y a aussi des électeurs de la France Insoumise, des syndiqués (beaucoup), des gens émanant de l'extrême gauche comme de la droite conservatrice, et surtout une très forte majorité de gens qui ne se reconnaissent aucun attachement partisan particulier. Certains ânonnent que le mouvement est apolitique (jusqu'à vouloir interdire les autres de discuter de politique), mais c'est évidemment un mensonge. Le mouvement est transpartisan, ce qui ne l'empêche pas d'être profondément politique. 
En clair, ce sont les masses dépolitisées qui sont actuellement en train d'occuper les ronds points et remonter par vague chaque Samedi dans les grandes villes et en particulier sur la Capitale, dans l'espoir d'un renversement politique complet à faire advenir. Et le peuple est lucide, terriblement lucide, quand bien même il se trouvera toujours des journalistes ou intellectuels pour laisser à entendre que les Gilets Jaunes soient des idiots. En effet, dans tous les cortèges et rassemblements sur l'intégralité du territoire français, quelle revendication est la plus souvent scandée par le peuple ?
"Macron démission !"
Il faut comprendre ici tout ce que signifie une telle revendication. D'abord, la charge symbolique. Si Macron devait être destitué ou poussé à la démission, ce serait vécu comme une immense victoire par les insurgés et la démonstration qu'ils ne se sont pas battus pour rien. Une réelle fierté et fraternité nationale en découlerait assurément. Il y aurait un peuple en liesse partout dans les rues. Je ne crains pas de m'avancer sur une telle prévision.
Vient ensuite la réelle logique politique sous-jacente, et c'est en cela que les Gilets Jaunes sont lucides. Ils ont en effet bien compris que ce n'est pas M. Macron, ni son gouvernement qui opéreront tous les changements que nous pourrions espérer. Que l'on envisage des progrès substantiels sur la Démocratie comme la proposition d'introduire dans la Constitution le référendum d'initiative citoyenne, ou que l'on exige des mesures économiques et sociales qui soient clairement favorables au peuple et réellement significatives dans leurs effets. Non décidément, jamais Emmanuel Macron pas plus qu’Édouard Philippe, tous deux inféodés à des intérêts prédateurs, ne se soumettront aux revendications des Gilets Jaunes. Raison pour laquelle ces derniers vont à la racine du problème : il faut impérativement renverser ces gens, car aucun progrès ne pourra être envisagé avec de tels félons au pouvoir.
Ce qu'en revanche, la majorité des Gilets Jaunes ignore, c'est qu'il y a aussi des raisons pénales de renverser Emmanuel Macron et une partie de son gouvernement. Les ayant déjà exposées dans un autre billet, je n'y reviendrai pas ici.
L'entrisme, la lâcheté, la servitude volontaire.
"Or ce tyran seul, il n'est pas besoin de le combattre, ni de l'abattre. Il est défait de lui-même pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s'agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner". 

Discours de la Servitude Volontaire, Étienne de la Boétie.
Si les revendications sociales et celle portant sur la destitution d'Emmanuel Macron restent les plus exposées par les Gilets Jaunes depuis le 17 Novembre dernier, depuis peu, les militants qui travaillent à la promotion du RIC en France, permettent à la fois une avancée dans le débat intellectuel sur les revendications, autant qu'ils semblent inconscients des reculs qu'ils peuvent susciter. En effet, ces derniers ignorant superbement les revendications depuis le départ scandées par les Gilets Jaunes,  tentent de faire entendre à ces derniers qu'il faudrait discuter avec le Gouvernement et Emmanuel Macron dans l'espoir insensé qu'ils acceptent avec l'aval du parlement, d'introduire dans la Constitution un texte qui serait extrêmement préjudiciable à l'oligarchie. En clair, exit la revendication de destitution de Macron, ce qui est une trahison ! Quand on tente de comprendre cette absence de logique dans le déroulement du processus révolutionnaire, on se rend compte que cette branche plus éduquée des Gilets Jaunes, est aussi nettement plus lâche (et j'insiste lourdement sur ce terme) car paniquée à l'idée de ne pas savoir ce qui adviendrait après le renversement de Macron. 
Les Gilets Jaunes qui manifestent et ne disposent pas nécessairement de cette culture politique, notamment sur la Démocratie, n'ont  pour leur part aucunement peur. Ils savent que rien ne peut être pire qu'un gouvernement félon, et qu'un succès révolutionnaire conduisant au renversement d'Emmanuel Macron, aboutirait nécessairement à de grands progrès politiques et sociaux au profit du peuple. A ce titre, les espoirs des militants du RIC sont douchés par la réalité de terrain. On continue sur les ronds points et dans la rue de gueuler "Macron Démission" et le RIC ne peut que s'ajouter aux revendications actuelles, et non les supplanter toutes. A bons entendeurs, salut !
L'inexpérience des animateurs de la Révolution.

Comme dans tout processus révolutionnaire, des têtes émergent notamment par le prisme des réseaux sociaux, situation qui restait encore inédite en France jusque là, mais qu'ont parfaitement connu les Tunisiens quelques années plus tôt. Des blogueurs, youtubeurs et militants inondent la toile de leurs publications adressant leurs commentaires et conseils sur la situation. Malheureusement, aucune de ces notoriétés du web ne jouit d'une éducation politique suffisamment consistante pour comprendre ce qui se joue exactement à l'heure actuelle. Que ce soit sur le plan de la stratégie opérationnelle ou l'organisation locale et nationale du mouvement, les Gilets Jaunes accumulent des retards et des erreurs dans leur façon de s'organiser et pressuriser le gouvernement. Et c'est bien ce qui peut conduire au délitement du mouvement. Car nous approchons les fêtes de Noël et de la St Sylvestre, et bien évidemment, les Français lassés de ne rien obtenir et ayant à cœur de revenir vers leurs familles, risqueront bien de ne plus ressortir dans les rues une fois l'année 2019 démarrée. Emmanuel Macron le sait, les Gilets Jaunes le savent, mais quand bien même avec quelques camarades, j'ai tenté de faire entendre notre appel à occuper les grands médias parisiens et le parlement, les meilleurs relais d'opinion se taisent pour le moment, bien qu'ils soient informés de cette proposition. Ce qui signifie que les Gilets Jaunes n'occupent toujours pas les institutions les plus sensibles pour remporter la guerre de l'information et pousser le parlement à voter la destitution d'Emmanuel Macron. Ainsi, Samedi 15 Décembre prochain sera sans doute le jour de vérité. Car si de nombreux Français sont prêts à renouveler encore leurs efforts sur la capitale, ces derniers devront nécessairement aboutir à un succès d'étape qui soit suffisamment important pour remotiver les troupes.

La délicate question des porte-paroles.

Une autre fragilité est la dimension anarchique du mouvement. Si la majorité des Gilets Jaunes comprend qu'il est nécessaire de disposer d'un certain nombre d'interlocuteurs à présenter aux institutions, personne ne peut revendiquer une quelconque légitimité ou un vote démocratique pour ce faire. De fait, l'Armée et la Police Nationale, comme les ambassades étrangères, ne savent pas avec qui parler. Ce qui est une difficulté réelle sachant qu'une Révolution se termine toujours (dans ses aspects les plus concrets) lorsque l'Armée prend fait et cause pour le peuple, et ne reconnaît plus la légitimité du commandement à un chef d’État contesté. Nous devons pouvoir adresser un message à l'Armée et en sommes encore incapables. Bien que progressivement au niveau local, les insurgés s'organisent pour se nommer des référents, beaucoup oublient en premier lieu de rédiger et voter les mandats de ces animateurs locaux afin d'éviter des renversements constants au gré de mini putschs lors des Assemblées Générales. En outre, parmi les Gilets Jaunes, certains sont totalement engoncés dans leurs abstractions. Ils ne s'intéressent pas aux institutions, à la marche de l’État et sont tellement frileux à l'idée que nous soyons représentés, qu'ils se refusent (avec beaucoup de prosélytisme) à participer à une véritable structuration du mouvement. A ce point dégoûtés (et à juste titre) par nos "élites" politiques, ils jettent le bébé de la représentation nationale ou locale, avec l'eau du bain. Ils oublient néanmoins que la majorité des gens sont bienveillants et pas nécessairement corruptibles. Ils éludent le fait que si Macron est destitué, c'est le président du Sénat qui reprendra la main. Ils sont incapables d'imaginer qu'un gouvernement provisoire, à l'égal de ce que fut le Conseil National de la Résistance au sortir de la guerre 39-45, puisse tout à fait reprendre la main pour organiser à la fois des élections présidentielles anticipées, moult référendums attendus du peuple et de grandes réformes sociales et économiques favorables à la nation, au moyen de décrets-lois. Pour ces nihilistes rejetant violemment toute discussion politique, les intellectuels, experts, lanceurs d'alerte, personnalités politiques alternatives, etc, quand bien même ces gens défendent depuis des années le bien commun de façon désintéressée et cela loin de toute exposition médiatique, ces gens-là donc, sont nécessairement des salauds et des traîtres en puissance. Et qu'importe qu'à l'observation froide, il soit manifeste que nous disposions d'une intelligentsia politique parfaitement intègre et visionnaire en France. Les Gilets Jaunes ne la connaissent pas pour l'écrasante majorité d'entre eux, et c'est un problème.
L'issue

En tant que révolutionnaire consistant et intègre, il va de soi pour ma part, que nous ne parviendrons à changer totalement de cycle politique, que dès lors que nous aurons renversé Emmanuel Macron et son gouvernement. Si les médias (publics) et le parlement deviennent la cible stratégique première des Gilets Jaunes au cours des prochains jours ; que la banlieue se soulève à son tour (sans haine, sans armes et sans violence) ; que les Assemblées Générales des Gilets Jaunes se décident à inviter des intellectuels pour se faire expliquer la marche de l’État ; que chaque groupe se structure dans les meilleures formes et qu'enfin, nous commencions à discuter d'un gouvernement de transition à former ; alors  seulement, le peuple français gagnera sa bataille contre l'oligarchie. Nous entrerons alors dans une nouvelle ère politique qui sans nul doute conduira à la restauration de l'indépendance nationale (sortie de l'U.E., de l'euro et l'OTAN), l'institution de la Démocratie, mais aussi des mesures de planification économique, industrielle et agricole permettant de revenir au plein emploi et assurer le devoir social de l’État. 
L'autre issue possible est malheureusement le délitement progressif, comme ce qu'il s'est passé avec l'expérience "Nuit Debout". Dans ce cadre, Emmanuel Macron en profitera sans doute pour nous trahir encore et toujours. Notamment sur la cession de la place de la France au Conseil de Sécurité de l'ONU à l'Union européenne, ainsi que son idée folle de constituer une "armée européenne" et ouvrir notre dissuasion nucléaire à l'Allemagne. Bien évidemment, il continuera son œuvre de privatisation de toutes nos institutions et entreprises publiques, de démolition de notre souveraineté nationale et de notre pacte social, notamment en visant à abolir la Sécurité Sociale qui a le mauvais goût pour les financiers, d'user d'un système par répartition plutôt que par capitalisation.
Peut-être qu'un sursaut populaire en ressortira à nouveau avant la fin de ce quinquennat usurpé, mais je reste très pessimiste à ce sujet.
A ce titre, je tiens ici à conclure ce billet par une mise en garde à la fois aux Gilets Jaunes et aux forces régaliennes du pays :
Nous avons le devoir collectif de restaurer notre indépendance nationale et faire cesser le dépeçage de la France sur l'autel de la finance et des volontés d'affaiblissement de notre pays par des puissances étrangères (notamment l'Allemagne, les USA, le Royaume-Uni et Israël). Si les Gilets Jaunes se doivent désormais de se montrer plus stratèges dans leur mobilisation, l'Armée pour sa part a une écrasante responsabilité qui pèse sur ses épaules. Comment accepter que nos généraux puissent tolérer les trahisons constantes d'Emmanuel Macron, ainsi que ses violations répétées du Droit International, sans mot dire ? Soldats, gendarmes et policiers, puisque votre haut commandement collabore avec un gouvernement illégitime au service des intérêts les plus hostiles à la France, vous avez le devoir de collaborer avec le peuple insurgé. Cessez d'obéir à des ordres manifestement illégaux ! Faites-vous portez pale, n'usez de la force que contre les réels provocateurs et appariteurs, mais PROTÉGEZ les manifestants résolument pacifiques. C'est votre devoir, vous êtes payés par le peuple pour cela. Quant à mes camarades qui luttent partout en France, ne lâchez rien, restez fermes sur la destitution de Macron et dans votre démarche pacifiste, et politisez vous réellement. Pas au sens des partis ou des idéologues, mais au sens d'une réelle éducation sur la monnaie, l'économie, le droit ou la géopolitique, qui sont des disciplines essentielles aux sciences politiques.

Structurez-vous. Ne laissez pas les casseurs ou les esprits s'interdisant toute réflexion ou tentative d'organisation, polluer le Mouvement. Restez courageux, l'issue est peut-être bien plus proche que chacun ne pourrait l'imaginer.
Avec ma fraternité résistante,
Sylvain Baron

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