samedi 27 février 2016

La "personnalité préférée des Français"

Il est sympathique, il jouait bien au tennis, certains l'apprécient comme chanteur mais quand on lit cet entretien ... il y a de quoi changer d'opinion !


Bernard Laroche

Noah dans les locaux de RTL cela vaut son pesant de chocolat, suisse bien entendu
Ce pourri dans les locaux de RTL
Interview de Noah !

Question : Monsieur Noah, vous avez indiqué récemment que vous souteniez le programme du Parti socialiste quant à la taxe de 75 % sur les hauts revenus, est-ce vraiment le cas ?
Noah : "Oui, c'est absolument vrai car il y a tellement de gens qui souffrent qu'il est normal que les plus riches soient fortement taxés. J'ai bien dit que cette taxe de 75 % ne devrait concerner que les revenus supérieurs à un million d'euros par an !"
Question : Mais vous ne pensez pas que cela fera fuir les plus riches ?
Noah : "Ce n'est pas grave. Qu'ils partent. Je pense qu'il faut être généreux avec les plus faibles. C'est citoyen de payer plus d'impôt´t ! Ce qui compte c'est la générosité et le partage. D'ailleurs, mon dernier album qui vient de paraître évoque cette thématique. Vous l'avez écouté ?"
Question : Dans votre cas, cette taxe de 75 % se concrétisera par plus d'impôt ?
Noah : "Je ne sais pas. Vous savez je ne m'occupe pas des problèmes d'argent."
Question : Je repose ma question : Serez-vous concerné par cette taxe de 75 % ?
Noah : "En fait, je ne crois pas car mes revenus de source française n'atteignent plus aujourd'hui le million d'euros mais si cela avait été le cas, j'aurais accepté de payer cette taxe et donc d'être généreux."
Question : Donc, vous êtes pour une taxe que vous ne paierez pas ?
Noah : "Certes mais c'est parce que seule une partie de mes revenus est taxée en France. Mais je soutiens le principe de cette taxe par solidarité et par générosité pour les plus faibles."
Question : Mais si vous ne payez pas cette taxe et que vous pensez qu'il faut être généreux, accepteriez vous de verser une partie de votre fortune déjà acquise ?
Noah : « Non, cela n'a rien à voir avec le passé. J'ai bien précisé que j'étais pour cette taxe de 75 % pour les revenus futurs et pas pour les revenus passés ! »
Question : Mais accepteriez-vous de donner une partie de votre fortune accumulée par le passé ?
Noah : "Laissez-moi tranquille avec ça, j'ai parlé des revenus futurs ! La générosité est un principe général, une philosophie de tous les jours. Je n'ai rien à prouver. C'est d'ailleurs ce que je dis à mon public. Avez-vous ma prochaine tournée ?"
Question : Votre fils a signé un contrat de 65 millions de dollars avec son club de basket, contribuera-t-il à payer pour les plus faibles ?
Noah : "Laissez mon fils tranquille. Il construit son avenir et il n'est pas en France. Il n'a donc pas à contribuer à cette taxe."
Question : Et vous, allez-vous contribuer à payer pour les plus faibles ?
Noah : "Je vous ai dit que mes revenus de source française sont aujourd'hui inférieurs à un million d'euros ! Donc, je ne suis pas concerné. Laissez-moi tranquille. L'interview est finie !!!"
Question : Monsieur Noah, revenez, j'ai encore une question !
Noah : "Laissez-moi partir, je ne veux plus répondre."
Question : Monsieur Noah, Monsieur Noah !
Monsieur Noah a quitté précipitamment le studio ! Et il doit 1 million d euros au fisc français.
Moralité de M. Noah : " les riches, vous devez payer mais moi non, car je ne suis pas riche en France, ma fortune est à l'étranger....."
On croit rêver....
ET DIRE QU'UNE PARTIE DES FRANÇAIS ; LES MALS VOYANTS ET MALS ENTENDANTS, L'ONT ÉLU "PERSONNALITÉ PRÉFÉRÉE" DE NOTRE PAYS.
IL Y A DES ABRUTIS PARTOUT MAIS EN FRANCE CELA DÉPASSE LES BORNES.

dimanche 21 février 2016

La cause de l’évolution des espèces enfin dévoilée?

Une succession d’inversions magnétiques des pôles de notre planète survenues par le passé a entraîné une évolution accélérée englobant tous les espèces terrestres, estime une équipe de chercheurs de l’Université de Floride (États-Unis).

Les scientifiques ont fait paraître les premiers résultats de leur recherche dans la revue Science, le reste sera publié dans les mois à venir dans le journal Gondwana Research. En attendant, les chercheurs n'hésitent pas à en dévoiler des détails intéressants. En voici un aperçu.

L'inversion magnétique des pôles, expliquent les paléontologues, a un impact considérable sur la faune terrestre. Exemple à l'appui: l'explosion cambrienne, marquée par l'apparition soudaine de formes animales, premiers ancêtres de pratiquement tous les animaux qui nagent, volent ou rampent aujourd'hui, a été provoquée par une inversion rapide des pôles survenue il y a 550 millions d'années.
Ce phénomène naturel, poursuivent les chercheurs, est susceptible d'entraîner une destruction presque immédiate de la couche d'ozone, si bien que le rayonnement ultraviolet passant sans entrave à travers l'atmosphère risque de réduire à néant toutes les formes animales.

Ainsi, les animaux menacés par l'excès de radiation n'ont d'autre choix que de s'adapter au nouvel environnement, ce qui implique des changements considérables dans leur anatomie et physiologie: des yeux avec un degré de complexité beaucoup plus élevé, qui permettent aux animaux marins de descendre à des profondeurs jusqu'alors inaccessibles, des membres antérieurs suffisamment puissants pour creuser la terre, des moyens de protection plus sophistiqués tels que des crocs, des griffes, des carapaces et des écailles, etc.

Il s'ensuit que tous les changements évolutifs, quelles que soient leur complexité et leur imprévisibilité, sont liées aux inversions magnétiques des pôles terrestres qui s'égrènent au fil de millions, voire de milliards d'années, estiment les paléontologues de l'Université de Floride. Quoi qu'il en soit, les recherches géologiques des dernières années confirment cette hypothèse: selon les scientifiques, la période qui précède l'explosion cambrienne se caractérise par une succession importante d'inversions magnétiques (20 fois plus fréquentes qu'aujourd'hui).

IL Y A 50 ANS, CHARLES DE GAULLE DÉCIDAIT DE RETIRER LA FRANCE DU COMMANDEMENT MILITAIRE INTÉGRÉ DE L'OTAN.

Il y a un demi-siècle jour pour jour, - le 21 février 1966 -, lors d'une conférence de presse mémorable à Paris, Charles de Gaulle annonça au monde entier le retrait de la France du commandement militaire intégré de l'OTAN.
----------------------------------------------------------------- CONFÉRENCE DE PRESSE DU GÉNÉRAL DE GAULLE (Paris, 21 février 1966) ----------------------------------------------------------------- Il le fit dans ces termes (la vidéo de ce passage peut être visionnées dans les archives de INA en cliquant ici )
Conférence de presse du 21 février 1966
Extrait du verbatim de la conférence de presse :
Rien ne peut faire qu’une loi s’impose sans amendement quand elle n’est plus en accord avec les mœurs. Rien ne peut faire qu’un traité reste valable intégralement quand son objet s’est modifié.
Rien ne peut faire qu’une alliance demeure telle quelle quand ont changé les conditions dans lesquelles on l’avait conclue.
Il faut alors adapter aux données nouvelles la loi, le traité, l’alliance, sans quoi, les textes, vidés de leur substance, ne seront plus, le cas échéant, que de vains papiers d’archives, à moins que ne se produise une rupture brutale entre ces formes désuètes et les vivantes réalités.
Eh bien ! Si la France considère, qu’encore aujourd’hui, il est utile à sa sécurité et à celle de l’Occident qu’elle soit alliée à un certain nombre d’États, notamment à l’Amérique, pour leur défense et pour la sienne dans le cas d’une agression commise contre l’un deux, si la déclaration faite en commun à ce sujet, sous forme du Traité de l’Alliance Atlantique signé à Washington le 4 avril 1949, reste à ses yeux toujours valable, elle reconnaît, en même temps, que les mesures d’application qui ont été prises par la suite ne répondent plus à ce qu'elle juge satisfaisant, pour ce qui la concerne, dans les conditions nouvelles.
Je dis : les conditions nouvelles. Il est bien clair, en effet, qu'en raison de l'évolution intérieure et extérieure des pays de l'Est, le monde occidental n'est plus aujourd'hui menacé comme il l'était à l'époque où le protectorat américain fut organisé en Europe sous le couvert de l'O.T.A.N.
Mais, en même temps que s'estompaient les alarmes, se réduisait aussi la garantie de sécurité, autant vaut dire absolue, que donnaient à l'Ancien Continent la possession par la seule Amérique de l'armement atomique et la certitude qu'elle l'emploierait sans restriction dans le cas d'une agression. Car, la Russie soviétique s'est, depuis lors, dotée d'une puissance nucléaire capable de frapper directement les États-Unis, ce qui a rendu, pour le moins, indéterminées les décisions des Américains quant à l'emploi éventuel de leurs bombes et a, du coup, privé de justification - je parle pour la France - non certes l'alliance, mais bien l'intégration.
D'autre part, tandis que se dissipent les perspectives d'une guerre mondiale éclatant à cause de l'Europe, voici que des conflits où l'Amérique s'engage dans d'autres parties du monde, comme avant-hier en Corée, hier à Cuba, aujourd'hui au Vietnam, risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu'il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l'Europe, dont la stratégie est, dans l'O.T.A.N., celle de l'Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu'elle ne l'aurait pas voulu.
Il en serait ainsi pour la France, si l'imbrication de son territoire, de ses communications, de certaines de ses forces, de plusieurs de ses bases aériennes, de tels ou tels de ses ports, dans le système militaire sous commandement américain devait subsister plus longtemps.
Au surplus, notre pays, devenant de son côté et par ses propres moyens une puissance atomique, est amené à assumer lui-même les responsabilités politiques et stratégiques très étendues que comporte cette capacité et que leur nature et leurs dimensions rendent évidemment inaliénables.
Enfin, la volonté qu'a la France de disposer d'elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait bientôt de croire en son propre rôle et de pouvoir être utile aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée.
Par conséquent, sans revenir sur son adhésion à l'Alliance atlantique, la France va d'ici au terme ultime prévu pour ses obligations et qui est le 4 avril 1969, continuer à modifier successivement les dispositions actuellement pratiquées, pour autant qu'elles la concernent.
Ce qu'elle a fait hier à cet égard en plusieurs domaines, elle le fera demain dans d'autres, tout en prenant, bien entendu, les dispositions voulues pour que ces changements s'accomplissent progressivement et que ses alliés ne puissent en être soudain et de son fait incommodés.
En outre, elle se tiendra prête à régler avec tels ou tels d'entre eux, et suivant la façon dont elle a déjà procédé sur certains points, les rapports pratiques de coopération qui paraîtront utiles de part et d'autre, soit dans l'immédiat, soit dans l'éventualité d'un conflit. Cela vaut naturellement pour la coopération alliée en Allemagne.
Au total, il s'agit de rétablir une situation normale de souveraineté, dans laquelle ce qui est français, en fait de sol, de ciel, de mer et de forces, et tout élément étranger qui se trouverait en France, ne relèveront plus que des seules autorités françaises. C'est dire qu'il s'agit là, non point du tout d'une rupture, mais d'une nécessaire adaptation. Charles de Gaulle, 21 février 1966
---------------------------------------------------- CINQ ARGUMENTS TOUJOURS VALABLES, MAIS QUI FERAIENT TAXER DE GAULLE DE « COMPLOTISTE » DE NOS JOURS ---------------------------------------------------
Comme on le voit, l’Homme du 18 juin appela un chat un chat en avançant 5 arguments pour justifier la sortie de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN. Ces 5 arguments furent les suivants :
  • 1°) L'O.T.A.N. est en fait « un protectorat américain sur l’Europe », que l’affaiblissement de la menace des pays du bloc de l'est ne rend plus aussi utile qu’auparavant,
  • 2°) L'arme nucléaire soviétique et la capacité de l’URSS de frapper le territoire américain constituent une situation nouvelle qui jette un doute sur la volonté réelle des Etats-Unis d’engager leur armement nucléaire pour protéger l’Europe de l’ouest au risque de mettre en jeu leur propre survie,
  • 3°) L’O.T.A.N. impose à l’Europe et à la France la « stratégie de l’Amérique », c’est-à-dire des guerres voulues par les États-Unis ; l’appartenance de la France au commandement militaire intégré de cette organisation risquerait donc d’entraîner la France dans des guerres, voire dans « une conflagration mondiale » que notre pays « n’aurait pas voulu ».
  • 4°) La possession de l'arme nucléaire par la France lui permet d’assurer elle-même sa sécurité, ce qui est incompatible avec une position de « subordonnée » dans les structures intégrées de l'Alliance,
  • 5°) L'appartenance au commandement intégré de l'Alliance est contradictoire avec la volonté française d'indépendance nationale, incompatible avec « une situation normale de souveraineté » .
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Ce qui est fascinant lorsque l’on relit ces propos tenus il y a un demi-siècle, c’est qu’ils sont toujours d’une brûlante actualité :
  • plus que jamais, l'O.T.A.N. est « un protectorat américain sur l’Europe » ; et la disparition de l’URSS et du Pacte de Varsovie aurait même dû conduire à sa dissolution (ce que de Gaulle avait prophétisé devant Alain Peyrefitte, preuve qu’il n’était pas infaillible et qu’il sous-estimait, malgré tout, la volonté de domination mondiale de Washington et la soumission des élites européennes ),
  • plus que jamais, on peut douter de la volonté réelle des États-Unis de protéger l’Europe, notamment lorsque l’on voit les liens étroits entretenus par Washington avec l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, qui fournissent armes, logistique et financement aux terroristes salafistes,
  • plus que jamais, l’O.T.A.N. impose à l’Europe et à la France la « stratégie de l’Amérique », c’est-à-dire des guerres voulues par les États-Unis : Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Ukraine,…
  • plus que jamais, l’appartenance de la France au commandement militaire intégré de l’O.T.A.N. risque d’entraîner la France dans des guerres, voire dans « une conflagration mondiale » avec la Russie, que le peuple français « n’aurait pas voulu »,
  • plus que jamais, la possession de l'arme nucléaire par la France lui permet d’assurer elle-même sa sécurité, ce qui est incompatible avec une position de « subordonnée » dans les structures intégrées de l'Alliance,
  • plus que jamais, l'appartenance au commandement intégré de l'Alliance est incompatible avec l'indépendance nationale et « une situation normale de souveraineté » .
Ce qui est non moins fascinant, c’est que le fondateur de la France Libre ne pourrait plus faire la même analyse publique de nos jours sans se faire immédiatement taxer « d’anti-américanisme primaire » par des Léa Salamé ou sans être accusé séance tenante de « complotisme » par des Rudy Reichstadt, Ornella Guyet et autres petits soldats de l’impérialisme américain.
L’UPR en sait quelque chose puisque les analyses que nous faisons, qui constituent souvent de simples reprises actualisées de celles de Charles de Gaulle, sont précisément celles qui nous valent ce genre de calomnies .
---------------------------------------------------- UNE AMBIGUÏTÉ DÉLIBÉRÉE ---------------------------------------------------
La conférence de presse du 21 février 1966 de Charles de Gaulle comprenait une autre bombe, un peu plus discrète. C’était le moment où il précisait que, « sans revenir sur son adhésion à l'Alliance atlantique, la France va d'ici au terme ultime prévu pour ses obligations et qui est le 4 avril 1969, continuer à modifier successivement les dispositions actuellement pratiquées, pour autant qu'elles la concernent. »
Les commentateurs retinrent de ce passage que le fondateur de la Ve République ne voulait pas sortir de l’Alliance atlantique. Mais est-ce si sûr ? Volontairement ambiguë, la formule retenue pouvait en réalité signifier deux choses :
  • soit que la France allait procéder à des modifications la concernant pendant le laps de temps courant jusqu’au 4 avril 1969 – c’est-à-dire sortir du commandement militaire intégré -, sans remettre en cause son appartenance à l’O.T.A.N. elle-même après cette date,
  • soit au contraire que la France ne « reviendrait pas sur son adhésion à l'Alliance atlantique » jusqu’au 4 avril 1969, allait sortir du commandement militaire intégré dans l’intervalle de 3 ans entre le 21 février 1966 et cette date, puis sortirait ensuite de l’Alliance atlantique elle-même après le 4 avril 1969.
Même si les deux lectures sont possibles, j’ai pour ma part tendance à privilégier la seconde, du fait que Charles de Gaulle mentionna le « terme ultime prévu pour ses obligations et qui est le 4 avril 1969 ».
Ce détail n’en est pas un. Car il fait clairement allusion à l’article 13 du traité de l’Atlantique nord du 4 avril 1949, que mes lecteurs et mes auditeurs connaissent bien, car j’en parle souvent puisque c’est l’article qui prévoit la procédure de sortie de l’O.T.A.N . Cet article est ainsi rédigé :
« Article 13 -
Après que le Traité aura été en vigueur pendant vingt ans, toute partie pourra mettre fin au Traité en ce qui la concerne un an après avoir avisé de sa dénonciation le gouvernement des États-Unis d’Amérique, qui informera les gouvernements des autres parties du dépôt de chaque instrument de dénonciation. »
Comme on le voit, cet article 13 signifie qu’il était interdit juridiquement à un pays de sortir de l’O.T.A.N. pendant vingt ans à partir de sa date d’entrée en vigueur (4 avril 1949), soit jusqu’au 4 avril 1969. Si de Gaulle parlait du « terme ultime prévu pour [les] obligations [de la France ] qui est le 4 avril 1969 », c’était donc bien qu’il avait à l’esprit de faire sortir la France de l’organisation sitôt après cette date, lorsque cette sortie serait devenue juridiquement possible.
----------------------------------------- AVRIL 1969 : SORTIE DE LA FRANCE DE L’OTAN, OU SORTIE DE DE GAULLE DU POUVOIR ? ------------------------------------------
Du reste, si de Gaulle n’avait pas envisagé de faire sortir la France de l’O.T.A.N. purement et simplement après le 4 avril 1969, pourquoi bigre aurait-il mentionné cette date ? S’il n’avait voulu que sortir du commandement militaire intégré, il lui aurait parfaitement suffi de dire : « sans revenir sur son adhésion à l'Alliance atlantique, la France va modifier successivement les dispositions actuellement pratiquées, pour autant qu'elles la concernent », sans mentionner la moindre date et sans faire référence au « terme ultime prévu pour les obligations » de la France.
Sans doute de Gaulle préféra-t-il user d’une formule sciemment ambiguë, afin de ne pas trop heurter Washington d’un seul coup d’une part, et afin de se conserver une marge de manœuvre, et la possibilité de changer d’avis le moment venu, d’autre part.
Mais il prévoyait certainement de conduire la démarche jusqu’à son terme : après avoir fait sortir la France du commandement militaire intégré dans un premier temps, il aurait fait sortir la France de l’O.T.A.N. dans un second temps, lorsque les Américains n’auraient plus eu de motif juridique de s’y opposer.
On notera que plusieurs confidences faites par de Gaulle à Alain Peyrefitte pendant les années 1963-1966 tendent à confirmer que telle était bien son intention.
Il n’est pas interdit enfin d’imaginer que cette date butoir d’avril 1969 a pu peser dans la décision de Charles de Gaulle d’organiser son référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation le même mois, référendum dont l’échec entraîna sa démission. Peut-être l’objectif secret de de Gaulle était-il, s’il avait gagné le référendum, de profiter de cette nouvelle légitimité du suffrage universel pour mettre à bien son projet de sortir de l’O.T.A.N. dans la foulée, sans que Washington ne puisse alors décemment protester ?
------------------------------------- CONCLUSION : EN 2017, MOBILISONS-NOUS POUR CHASSER CEUX QUI TRAHISSENT LA FRANCE. --------------------------------------
Comme on le sait, hélas, le formidable héritage de souveraineté, de rayonnement et d’indépendance de la France que nous avait légué Charles de Gaulle a été dilapidé par ses successeurs, les uns après les autres, et tout spécialement par les deux derniers.
En 2007, Nicolas Sarkozy a décidé d’effacer la décision du 21 février 1966 en assurant le retour de la France dans le commandement intégré de l’O.T.A.N. Cette décision devint effective en avril 2009.
Le maître pose la main sur son domestique, qui sourit avec soumission et veulerie.
Et le 4 janvier 2016, le Conseil des ministres réuni sous la présidence de François Hollande a donné son accord sur un projet de loi « autorisant l’accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux, créés en vertu du Traité de l’Atlantique Nord ». Ce projet a été aussitôt déposé pour examen à la Présidence du Sénat.
Sans l’avoir jamais proposé dans son programme présidentiel de 2012, sans l’avoir jamais annoncé dans la moindre conférence de presse, sans avoir jamais demandé aux Français s’ils étaient d’accord, François Hollande a ainsi décidé - en catimini - que la France allait réintégrer l’ensemble des instances militaires de l’Alliance atlantique.
Une décision autoritaire, illégitime, antidémocratique et très dangereuse.
La discrétion honteuse de l’actuel président français s’explique : fin 2008, François Hollande, alors premier secrétaire du Parti “socialiste”, avait en effet défendu bec et ongles une motion de censure portée par le groupe socialiste contre le retour de la France dans le commandement intégré de l’O.T.A.N. décidée par Sarkozy ! Mais il ne s’agissait que d’une opposition factice puisque François Hollande et les dirigeants du Parti “socialiste” ont approuvé les traités européens qui placent la “politique européenne de sécurité et de défense” sous la tutelle de l’O.T.A.N. (article 42 du T.U.E.).
Totalement illégitime du point de vue démocratique, cette décision autoritaire de François Hollande parachève la destruction de l’héritage gaulliste, consacre le renoncement à notre souveraineté nationale, et l’abandon de notre indépendance militaire.
En se vautrant dans la soumission à Washington, François Hollande place en outre la France dans la situation très dangereuse d’où de Gaulle l’avait justement fait sortir : il entraîne la France et le peuple français – qui ne l’a pas voulu - dans des guerres qui ne sont pas les nôtres, voire dans « une conflagration mondiale » avec la Russie.
En 2017, les Français devront se mobiliser pour chasser du pouvoir cet homme qui trahit la France et pour empêcher un de ses clones « made in USA » de lui succéder.
François ASSELINEAU 21 février 2016

Stocker des données pendant des milliards d’années est désormais possible

Des chercheurs de l'université de Southampton ont annoncé avoir créé une technologie permettant "d'enregistrer des données en cinq dimensions et de les stocker pendant des milliards d'années".

Les données sont sauvegardées sous forme de "nanostructures" gravées sur un disque de verre à l'aide d'un laser ultrarapide, dit "laser femtoseconde". Le procédé permet d'encoder des informations en cinq dimensions: les trois coordonnées spatiales, la taille et l'orientation des nanostructures. Ces dernières modifient le trajet de la lumière à travers le verre et sa polarisation, ce qui permet ensuite de lire les données sauvegardées en utilisant à cet effet un microscope optique et un polariseur.

Le support, dit "disque 5D", est capable de stocker jusqu'à 360 téraoctets d'information et ce, à des températures allant jusqu'à 1.000°C. Selon les inventeurs de cette technologie, il peut également rester opérationnel pendant 13,8 milliards d'années à une température ambiante.
Les scientifiques de Southampton avaient déjà présenté leur innovation en 2013, mais ils n’avaient à l’époque réussi à enregistrer qu'un fichier texte de 300 kilooctets. Depuis, ce mode de stockage a considérablement évolué, ce qui a permis d'enregistrer en 5D la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'Optique de Newton, la Magna Carta et la Bible.

"Il est fascinant de penser que nous avons créé une technologie permettant de sauvegarder et de stocker des documents et des informations pour les générations futures. Grâce à cette technologie nous pouvons être sûrs que notre civilisation, tout ce que nous avons appris ne sera pas oublié", a déclaré le professeur Peter Kazansky, du Centre de recherche en optoélectronique (ORC) de Southampton.


Lire la suite: http://fr.sputniknews.com/sci_tech/20160220/1021956956/donnees-stockage-disque-technologie.html#ixzz40nYO5HA6

vendredi 19 février 2016

Quand Dieu n’existait pas

Par  

J’allume la télévision, la radio. Et ils sont là. Partout. Des religieux. De toutes confessions. Des durs. Des mous. Des excités. Des conciliants. Ils s’expriment. Au même titre que les élus, les chercheurs, les intellectuels. Ils formulent des analyses, émettent des préconisations. S’immiscent dans le débat public. Ils ont voix au chapitre. On les consulte. On écoute leurs recommandations. Leurs souhaits. Leurs exigences, même. Mariage et adoption pour tous. Fin de vie. Et même, depuis Charlie, fanatisme religieux (!), liberté d’expression (!!), laïcité (!!!). Ils sont là, partout, arpentent les plateaux. Et s’ils ne sont pas là, on parle d’eux. On tient compte de leur «sensibilité». On nous dit qu’il faut veiller à ne pas les heurter. Et tant pis si, par leurs incursions hors des lieux de culte, ils heurtent les athées et nuancent d’emblée une laïcité pourtant non négociable.

J’allume la télévision, la radio. Et me retrouve projeté dans des temps très lointains et très obscurs. Des temps que je n’ai pas connus. Et que je ne pensais pas connaître un jour. Parce qu’on se croyait délivrés. Affranchis. J’ai grandi en banlieue. Un écheveau de villes plus ou moins tranquilles, bien mélangées, avec leurs cités déjà sensibles, leurs lotissements et un reste de culture prolétaire à l’ancienne. J’avais des copains beurs, des copains blacks, la plupart vivaient dans les HLM. On ne parlait pas de musulmans. Ceux qui l’étaient ne s’en réclamaient jamais. Comme aurait dit Charb : ils faisaient le ramadan comme d’autres fêtaient Noël, par habitude et parce que ça rythmait l’année, rien de plus.

On ne savait pas si untel ou untel était juif ou autre. S’il était pratiquant ou non. D’ailleurs les racistes n’étaient pas «islamophobes». Ils se contentaient de détester les Arabes et les Noirs. Et on les emmerdait. Et l’antisémitisme était juste un truc immonde de très vieux cons, qui allait disparaître avec la dernière génération à l’avoir nourri. On avait grandi bercés par les disques de nos parents, Brel, Brassens et Ferré. On avait passé notre enfance à écouter Renaud, à regarder Coluche et Desproges, à s’endormir devant Polac et Cavanna. On chourait le Canard de nos pères pour dévorer les dessins de Cabu. Notre prof préféré nous faisait commenter les dessins de Charlie. On était tous un peu anars. On bouffait du religieux (curés, imams, rabbins, tous dans le même sac), on se foutait des flics, de l’armée, de la nation, des fachos. Et l’internationale serait le genre humain. A nos yeux, la religion n’était qu’une vieille scorie déliquescente, un reste d’obscurantisme dont on avait mis des siècles à se délivrer mais ça y était, c’était fait, on tenait le bon bout. Il y avait bien quelques cathos de nos âges mais ils restaient entre eux dans leurs écoles privées, se retrouvaient au catéchisme, se côtoyaient chez les scouts. C’était juste des sujets de plaisanteries. Des types coincés et des filles pas "futes-futes", dotés de parents bornés. Nous, les seules paroles du Christ qu’on se refilait c’étaient les dernières : "Un clou, je glisse !".

Au final, qu’on soit blanc, black ou beur, la religion, c’était juste un hobby bizarre, un truc du dimanche matin pour la plupart, qui nous faisait un peu froid dans le dos parce que ça ressemblait quand même à un genre de secte et franchement, quand on les voyait sur le parvis de l’église en rentrant de la boulangerie, ils ne faisaient pas envie. Ils étaient tous gris tous fermés tous coincés dans leurs croyances irrationnelles et leurs principes étriqués. Mais on les plaignait plus qu’autre chose : avec tout ça, ils allaient rater Téléfoot. Nos parents ne nous démentaient pas, ceux qui avaient été élevés dans la religion nous répétaient combien nous étions chanceux de nous construire en esprits libres, guidés par des enseignants soucieux de former des citoyens éclairés et non par des curés. Quant à ceux des cités, dont beaucoup étaient vaguement musulmans, jamais je n’ai entendu l’un d’eux invoquer le Prophète, ni même mentionner le Coran. C’étaient d’autres temps.

La citoyenneté, la liberté l’égalité la fraternité, et le combat qu’il fallait mener pour que ces belles paroles deviennent des réalités : c’était ça, le projet commun. Ce qui nous projetait ensemble vers l’avenir. La laïcité était un principe intangible. Et l’athéisme n’était pas une croyance parmi d’autres mais un idéal universel. On voulait bien admettre qu’il y ait encore quelques volontaires pour s’aveugler, on voulait bien apprendre à le tolérer, pourvu que tout ça reste dans le silence des églises, des synagogues et des mosquées. Que la religion demeure une occupation strictement privée et vaguement honteuse. Un genre d’hygiène personnelle. Comme le yoga, en plus sectaire. Ou les arts martiaux, en moins physique. Oui vraiment, c’était une autre époque. Une époque bénie.

Source : http://www.liberation.fr/chroniques/2015/01/30/quand-dieu-n-existait-pas_1192366

Citation de Bernie Sanders (candidat à l'investiture du parti Démocrate, aux Etats-Unis)


Rencontre entre Chaplin et Einstein


dimanche 14 février 2016

Réforme de l'orthographe : député devient depute, la drôle d'humeur de Pierre Emmanuel Barré

Cette semaine, les députés devaient voter une réforme de la Constitution. Sur les 577 députés que compte l'Assemblée Nationale, il y avait 441 absents...

La drôle d'humeur de Pierre-Emmanuel Barré dans La Bande Originale du 12 février.

Les invités étaient Stéphane Guillon et Hugh Coltman http://www.franceinter.fr/emission-la-bande-originale-stephane-guillon-et-le-live-de-hugh-coltman

Plus de Drôle d'humeur de Pierre Emmanuel Barré : http://www.franceinter.fr/emission-la-drole-dhumeur



Réforme de l'orthographe : député devient... by franceinter

Sourcehttp://dai.ly/x3rpyac

vendredi 12 février 2016

LE TAUX DE CHÔMAGE VIENT DE TOMBER À 1,9% EN ISLANDE !

== LE TAUX DE CHÔMAGE VIENT DE TOMBER À 1,9% EN ISLANDE ! == LE PREMIER MINISTRE EXPLIQUE CE MIRACLE : « NOUS N’AURIONS PAS PU SORTIR DE LA CRISE SI NOUS AVIONS ÉTÉ MEMBRE DE L’UNION EUROPÉENNE ET DE L'EURO ».
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Le chômage en Islande vient de tomber à 1,9%, alors qu'il avait dépassé les 10% au plus fort de la crise en 2008. Ce taux de chômage incroyablement bas est presque aussi bas que le record historique enregistré en 2007, avant la crise, lorsqu'il était de 1,3%.

Le Premier ministre islandais Sigmundur Davíð Gunnlaugsson a expliqué récemment ce "miracle" très simplement : « Nous n’aurions pas pu sortir de la crise si nous avions été membre de l’Union européenne».

Et il a précisé que ne pas être membre de la zone euro avait été une chance pour l’Islande : «Si toutes ces dettes avaient été en euros, et si nous avions été obligés de faire la même chose que l'Irlande ou la Grèce et de prendre la responsabilité des dettes des banques en faillite, cela aurait été catastrophique pour nous sur le plan économique.»

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CONCLUSION
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Bien entendu, aucun grand média français ni aucun des "experts" conviés sur toutes les grandes chaînes de télévision et de radio ne souffle mot de ce qui se passe en Islande.

Ce petit pays prouve que l'on peut n'avoir que 330 000 habitants et de très faibles ressources et ne pas être membre de l'UE ni de l'euro.

Mais il prouve même mieux : c'est justement parce qu'il n'est ni dans l'UE ni dans l'euro qu'il assure à sa population l'une des plus hautes qualités de vie du monde (cf. son indice IDH) et l'un des taux de chômage les plus bas du monde.

FA
10 février 2016
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Source : http://geopolis.francetvinfo.fr/miracle-a-l-islandaise-a-reykjavik-le-taux-de-chomage-est-tombe-a-19-95935


Source pour suivre les commentaireshttps://www.facebook.com/upr.francoisasselineau/photos/a.393974702611.173278.367713397611/10153973020802612/?type=3&theater

En France, 7 milliardaires contrôlent 95% de la production journalistique.


Découverte des ondes gravitationnelles : une révolution pour l’astronomie

Un document historique : les ondes gravitationnelles, émises par la fusion de deux trous noirs, enregistrés ensemble par les deux interféromètres de l'observatoire américain Ligo, situés à 3000 kilomètres l'un de l'autre. Document Ligo/NSF.

Un document historique : les ondes gravitationnelles, émises par la fusion de deux trous noirs, enregistrés ensemble par les deux interféromètres de l’observatoire américain Ligo, situés à 3000 kilomètres l’un de l’autre. Document Ligo/NSF.

C’est un événement extraordinaire, qui n’arrive jamais, ou presque. Un événement que personne n’a jamais vu. Et pour cause : la chute vertigineuse l’un vers l’autre, puis la collision et la fusion de deux trous noirs, cela n’intervient qu’une fois tous les dix millions d’années dans une galaxie comme la nôtre, et le phénomène est absolument, irrémédiablement invisible…
 
Et c’est pourtant cet improbable cataclysme que les physiciens de l’observatoire américain Ligo annoncent aujourd’hui avoir observé, dans une galaxie lointaine et inconnue située à 1,3 milliard d’années-lumière… Observé ? Oui, et ce faisant, ils ont ouvert toute grande une nouvelle fenêtre sur l’Univers et marqué définitivement l’histoire des sciences.
 
Car la fusion, durant quelques centièmes de seconde et à la vitesse de la lumière, de ces deux trous noirs n’a pas été observée avec un télescope ou un radiotélescope, qui perçoivent la lumière visible et ses dérivés, rayons gamma et X, ultraviolet, infrarouge et rayonnement radio, c’est à dire le rayonnement électromagnétique, première fenêtre ouverte sur le cosmos depuis… la nuit des temps, ni dans le domaine des neutrinos, seconde fenêtre entre ouverte en 1968, mais dans le domaine… gravitationnel, un rayonnement jamais observé jusqu’ici.
 
C’est Ligo, l’observatoire américain d’ondes gravitationnelles, et ses deux immenses interféromètres de Hanford et Livingstone, situés à 3000 kilomètres l’un de l’autre, de part et d’autre des Etats-Unis, qui ont capté l’infime message gravitationnel du nouveau trou noir…
Une observation magistrale, incontestable : les deux signaux sont pratiquement identiques et ont été enregistrés à 7 millisecondes d’écart, signalant par là la direction de l’onde gravitationnelle, provenant de quelque part, dans le ciel du sud…
 
C’était le 14 septembre 2015, et aussitôt tous les télescopes du monde se sont tournés vers cette région immense du ciel – grande comme 2500 Pleine Lune environ… Ces télescopes traditionnels n’ont rien vu : la fusion des deux trous noirs n’a laissé aucune trace, malgré l’énergie immense produite durant moins d’une demie seconde…
Avec seulement deux instruments d'observation, il est impossible aux astronomes de repérer exactement l'endroit du ciel où a eu lieu, à 1.3 milliard d'années-lumière d'ici, la fusion des deux trous noirs. Voici la zone du ciel austral qu'on arpenté, en vain, les télescopes gamma, X, optiques et radio à la recherche d'une trace de l'évènement... Avec l'ajout de l'instrument Virgo, la précision du repérage sera cent fois plus grande. La résolution de cet interféromètre gravitationnel à trois télescopes avoisinera dix degrés. Photo NSF.
Avec seulement deux instruments d’observation, il est impossible aux astronomes de repérer exactement l’endroit du ciel où a eu lieu, à 1.3 milliard d’années-lumière d’ici, la fusion des deux trous noirs. Voici la zone du ciel austral qu’on arpenté, en vain, les télescopes gamma, X, optiques et radio à la recherche d’une trace de l’évènement… Avec l’ajout de l’instrument Virgo, la précision du repérage sera cent fois plus grande. La résolution de cet interféromètre gravitationnel à trois télescopes avoisinera dix degrés. Photo NSF.

Que c’est-il passé ? Ce 14 septembre, ou plus exactement il y a 1,3 milliard d’années, deux trous noirs de 36 et 29 masses solaires, tournant à quelques centaines de kilomètres l’un de l’autre à une vitesse folle, et échangeant des vagues gravitationnelles énormes, ont spiralé l’un vers l’autre en accélérant jusqu’à la vitesse de la lumière, avant de se fondre en un seul trou noir de 62 masses solaires… 62… Vous trouvez que le compte n’y est pas ? En effet, dans cette fusion cataclysmique, probablement l’événement le plus violent dans l’Univers ce jour là, l’équivalent de la masse de trois Soleil a été convertie en ondes gravitationnelles, délivrant une puissance de plus de 10 puissance 50 watts, une énergie monstrueuse, inimaginable…
 
Le phénomène a été baptisé GW150914, et il est est entré dans l’histoire de l’astronomie. Car en une demi-seconde, plus un siècle de travail théorique et technique, les scientifiques ont observé pour la première fois la fusion de trous noirs et ouvert une nouvelle fenêtre sur l’Univers… Un Prix Nobel de Physique quasiment assuré dès cette année pour cet exploit technique et scientifique, et un véritable triomphe de la pensée humaine…
Les télescopes gravitationnels observeront les explosions d'étoiles, les fusions d'étoiles à neutrons ou les fusions de trous noirs.
Les télescopes gravitationnels observeront les explosions d’étoiles, les fusions d’étoiles à neutrons ou les fusions de trous noirs.

Les ondes gravitationnelles ont été prédites par Albert Einstein voici un siècle exactement, dans sa théorie de la relativité générale. Pour le génial physicien, il s’agit des déformations de la trame de l’espace-temps, déformations induites par les masses en mouvement, un peu comme un caillou lancé dans l’eau créé des ondes qui se dissipent progressivement. On le sait, l’espace-temps einsteinien est courbe, courbe et lisse. Mais si une masse se déplace dans le cosmos, elle creuse l’espace-temps et le ride. Ces rides, ces ondes gravitationnelles, se propagent, comme la lumière, à 300 000 kilomètres par seconde. Sauf que, jusqu’à ce jour, elles n’avaient jamais été observées. Les preuves que la relativité générale est aujourd’hui et depuis cent ans la théorie la plus précise et la plus féconde pour expliquer le cosmos à grande échelle sont légions : l’espace-temps courbe relativiste a été testé jusqu’à de sidérantes, sidérales précisions. Mais les ondes gravitationnelles, extraordinairement ténues, Einstein lui-même pensait qu’on ne les détecterait jamais…
Ligo est constitué de deux interféromètres, situés de part et d'autre des Etats-Unis, à 3000 kilomètres l'un de l'autre, l'un au nord ouest, à Hanford, état de Washington (sur cette image), l'autre au sud est, à Livingstone, en Louisiane, non loin de la ville de Baton Rouge. Les deux instruments, identiques, ont été conçus en 1992, et mis en service en 2005. Photo Ligo/NSF.
Ligo est constitué de deux interféromètres, situés de part et d’autre des Etats-Unis, à 3000 kilomètres l’un de l’autre, l’un au nord ouest, à Hanford, état de Washington (sur cette image), l’autre au sud est, à Livingstone, en Louisiane, non loin de la ville de Baton Rouge. Les deux instruments, identiques, ont été conçus en 1992, et mis en service en 2005. Photo Ligo/NSF.

La preuve – mais indirecte – de leur existence a d’abord été apportée par Russel Hulse et Joseph Taylor, ce qui leur a valu le prix Nobel de physique en 1993 :
En observant le pulsar double PSR B1913+16, ces astronomes montrèrent en effet que les deux étoiles à neutrons du couple chutent progressivement l’une vers l’autre, la déformation de l’espace-temps induite par ces deux masses extraordinairement denses et proches entraînant un fort rayonnement gravitationnel. Mais cette mesure – l’accélération de l’orbite du pulsar de 40 secondes en trente ans, qui correspond exactement à la prédiction de la relativité générale – était indirecte. D’où le désir des physiciens de détecter directement ces fameuses ondes, en faisant mentir Albert Einstein… En vain, un siècle durant.

L'interféromètre de Livingstone, en Louisiane, à 3000 kilomètres de l'interféromètre de Hanford. Photo Ligo/NSF.
L’interféromètre de Livingstone, en Louisiane, à 3000 kilomètres de l’interféromètre de Hanford. Photo Ligo/NSF.

Car les ondes gravitationnelles, on a cherché à les détecter, dès 1960. Et à la fin du XX e siècle, les scientifiques ont mis les bouchées doubles, en construisant trois immenses instruments, Ligo et Virgo. Des instruments identiques dans leur principe : il s’agissait de mesurer avec une précision absolue la distance entre deux masses tests, afin de détecter l’éventuelle passage d’une onde gravitationnelle, celle-ci, déformant l’espace pendant son passage, changerait imperceptiblement la distance entre ces deux masses. Pour ce faire les physiciens ont donc conçu des interféromètres de Michelson géants, c’est à dire des bancs optiques en forme de L, aux deux bras perpendiculaires, longs de 4 kilomètres pour Ligo, de 3 kilomètres pour Virgo, à l’extrémité desquels se trouvent les masses tests, à savoir des miroirs… Dans ces deux bras, soumis à un vide spatial, un faisceau laser circule continuellement. Les faisceaux réfléchis par chaque miroir sont mis en phase, les opticiens disent qu’ils forment des franges d’interférence. C’est en observant ces franges, qui doivent rester immobiles, que les physiciens attendent le passage d’une onde gravitationnelle. Un déphasage – correspondant à une distance parcourue moindre ou supérieure par le laser – était censée signer la déformation spatio-temporelle induite par le passage de l’onde…
Décrit comme cela, ça à l’air tout simple, mais en réalité, cette expérience de physique était un pari fou… Car des quatre « forces de la nature » l’électromagnétisme, les champs nucléaires fort et faible et la gravitation, cette dernière est de très loin la plus faible : la gravitation est cent milliards de milliards de milliards de milliards (10 puissance 38) de fois plus faible que la force nucléaire qui lie les noyaux atomiques… La gravitation ne se fait sentir qu’en présence de masses considérables, comme les planètes, les étoiles, les trous noirs…

L'interféromètre franco-italien Virgo, va bientôt se joindre à Ligo pour décupler la précision des observations gravitationnelles. Photo Virgo.
L’interféromètre franco-italien Virgo, va bientôt se joindre à Ligo pour décupler la précision des observations gravitationnelles. Photo Virgo.

Les ondes gravitationnelles, qui font frissonner l’espace-temps courbe de la relativité générale, sont plus faibles encore. Jugez-en : le système solaire entier émet sous forme d’ondes gravitationnelles une puissance de… 5000 watts ! C’est la puissance d’un projecteur de stade de football… On comprend que Albert Einstein n’ai jamais cru à leur détection.
En revanche, les astres tout à la fois denses, compacts et en interaction peuvent émettre une quantité considérable d’énergie sous forme gravitationnelle : le pulsar double PSR B1913+16, avec ses deux étoiles à neutrons qui se tournent l’une autour de l’autre à la vitesse de 450 kilomètres par seconde, émet environ 10 puissance 24 watts, cela représente 2 % de la puissance rayonnée du Soleil… Quant à la fusion de deux trous noirs, comme celle qu’a observée Ligo, elle dépasse 10 puissance 50 watts, c’est à dire environ cinquante fois l’énergie produite sous forme de lumière par… l’Univers entier.
 
Mais les ondes gravitationnelles, comme les rides de l’eau d’un lac provoquée par la chute d’une feuille, s’amortissent progressivement… Et le lac cosmique est infini ou presque : de fait, les ondes gravitationnelles attendues par Ligo ou Virgo sont incroyablement ténues : l’espace, dans l’intervalle des miroirs des interféromètres, doit s’allonger – et se contracter dans l’autre bras perpendiculaire – de 10 puissance moins 19 mètre, soit du dix millième du diamètre d’un proton. On comprend, dès lors, que les interféromètres détectent avant tout du bruit de fond… Rumeurs de la Terre, mouvement des vagues lointaines, des masses atmosphériques, des voitures passant au loin, d’une petite souris grattant la terre sous l’interféromètre… Discriminer le signal, d’une ténuité surréaliste, des ondes gravitationnelles, du bruit ambiant, tel était le défi fou des ingénieurs et physiciens, de part et d’autre de l’Atlantique…
 
Pari gagné par l’équipe de Ligo, donc et son instrument rénové en 2015, appelé désormais Advanced Ligo. Advanced Ligo a commencé à observer en septembre 2015, avec en particulier un « run » d’observation de soixante heures d’affilée des deux antennes ensemble, une première. De son côté, Advanced Virgo va entrer en service dans quelques mois.
 
C’est à cette occasion que, à leur immense stupéfaction, les ingénieurs et physiciens de l’équipe Ligo ont repéré, dans les données de leurs interféromètres ultra-précis, deux signaux identiques, à 3000 kilomètres de distance, et ayant exactement le profil d’une onde gravitationnelle… Encore une fois, la détection est indiscutable, et ce sont en tout… mille auteurs qui ont publié aujourd’hui l’article fondateur de l’astronomie gravitationnel dans les Physical Reviews Letters. Un article partagé gratuitement avec le public, donc, et d’une simplicité confondante, comme, souvent, les grandes découvertes scientifiques… Il est à noter que l’équipe américaine de Ligo a partagé la découverte avec l’équipe franco-italienne de Virgo, qui a participé à la naissance de cette nouvelle astronomie, en particulier grâce aux travaux fondateurs, en France, de Alain Brillet, Nathalie Deruelle et Thibault Damour, à l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques (IHES).

La salle de contrôle de l'observatoire Ligo. Photo Ligo/NSF.
La salle de contrôle de l’observatoire Ligo. Photo Ligo/NSF.

Cette observation extraordinaire ouvre probablement une nouvelle ère de l’astronomie et de la physique. Les chercheurs espèrent, dans les mois qui viennent et avec la mise en route de Advanced Virgo, pouvoir, avec les trois instruments de Ligo et Virgo ensemble, détecter et repérer plus précisément de nouveaux événements gravitationnels : explosions de supernovae, fusions d’étoiles à neutrons, fusion de trous noirs… Si ces événements sont rarissimes, le volume d’espace gigantesque embrassé par Ligo et Virgo promet, en principe, de nombreuses observations par an. Alain Riazuelo, chercheur à l’Institut d’Astrophysique de Paris, spécialiste de la modélisation des trous noirs, est optimiste : « Les anciennes versions de Ligo et Virgo n’avaient peut-être qu’une chance par siècle de détecter quelque chose. C’était trop peu, d’ailleurs, ils n’ont rien trouvé… Avec Advanced Ligo et Advanced Virgo, on devrait passer à une coalescence d’étoiles à neutrons ou de trous noirs par mois, voire par semaine. La prochaine génération d’interféromètres, comme le Einstein Telescope, dont les bras mesureront dix kilomètres, pourrait permettre d’observer l’Univers entier, alors, on pourrait avoir une découverte par jour, puis pourquoi pas, une toutes les heures… ».
 
Cette nouvelle fenêtre sur l’Univers, entr’ouverte aujourd’hui, devrait à l’avenir s’ouvrir toute grande : un clone de Ligo, Ligo India, doit être installé bientôt en Inde, les Japonais terminent la construction de leur propre télescope gravitationnel, Kagra, dans la mine de Kamioka, à côté du détecteur de neutrinos SuperKamiokande, et l’Europe, après ce spectaculaire succès, devrait bientôt donner le feux vert au télescope Einstein, un « super Virgo » actuellement à l’étude.
 
L’astronomie gravitationnelle promet d’observer les événements les plus violents de l’Univers, jusqu’ici demeurés invisibles : cœur d’étoiles supergéantes s’effondrant en trous noirs, fusions d’étoiles et fusions de trous noirs, chutes d’étoiles dans des trous noirs, ou encore fusions de trous noirs galactiques… Un rêve de physicien : comprendre mieux les trous noirs et leurs propriétés étranges, découvrir, peut-être, un écart de leur comportement à la loi d’airain d’Einstein, écrire, enfin, les premières pages d’une nouvelle physique… A plus long terme, c’est même le premier souffle de l’Univers, le « Aum » originel, émis au moment même du big bang, dont les télescopes gravitationnels pourraient entendre l’écho, partout dans le ciel.
 
Serge Brunier

Sourcehttp://www.science-et-vie.com/2016/02/decouverte-des-ondes-gravitationnelles-une-revolution-pour-lastronomie/

jeudi 11 février 2016

Conspirationnisme : la paille et la poutre

par Frédéric Lordon, 24 août 2012

Le peuple est bête et méchant, le peuple est obtus. Au mieux il pense mal, le plus souvent il délire. Son délire le plus caractéristique a un nom : conspirationnisme. Le conspirationnisme est une malédiction. Pardon : c’est une bénédiction. C’est la bénédiction des élites qui ne manquent pas une occasion de renvoyer le peuple à son enfer intellectuel, à son irrémédiable minorité. Que le peuple soit mineur, c’est très bien ainsi. Surtout qu’il veille à continuer d’en produire les signes, l’élite ne s’en sent que mieux fondée à penser et gouverner à sa place.

Pour une pensée non complotiste
des complots (quand ils existent)

Il faudrait sans doute commencer par dire des complots eux-mêmes qu’ils requièrent d’éviter deux écueils symétriques, aussi faux l’un que l’autre : 1) en voir partout ; 2) n’en voir nulle part. Quand les cinq grandes firmes de Wall Street en 2004 obtiennent à force de pressions une réunion longtemps tenue secrète à la Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur des marchés de capitaux américains, pour obtenir de lui l’abolition de la « règle Picard » limitant à 12 le coefficient de leviérisation globale des banques d’affaires (1), il faudrait une réticence intellectuelle confinant à l’obturation pure et simple pour ne pas y voir l’action concertée et dissimulée d’un groupe d’intérêts spécialement puissants et organisés – soit un complot, d’ailleurs tout à fait couronné de succès. Comme on sait les firmes de Wall Street finiront leviérisées à 30 ou 40, stratégie financière qui fera leur profits hors du commun pendant la bulle… et nourrira une panique aussi incontrôlable que destructrice au moment du retournement. Des complots, donc, il y en a, en voilà un par exemple, et il est de très belle facture.
Sans doute ne livre-t-il pas à lui seul l’intégralité de l’analyse qu’appelle la crise financière, et c’est peut-être là l’une des faiblesses notoires du conspirationnisme, même quand il pointe des faits avérés : son monoïdéisme, la chose unique qui va tout expliquer, l’idée exclusive qui rend compte intégralement, la réunion cachée qui a décidé de tout. Exemple type de monoïdéisme conspirationniste : Bilderberg (ou la Trilatérale). Bilderberg existe ! La Trilatérale aussi. Ce n’est donc pas du côté de l’établissement de ce (ces) fait(s) que se constitue le problème (comme ça peut être le cas à propos du 11 septembre par exemple) : c’est du côté du statut causal qu’on leur accorde. Ainsi donc de Bilderberg ou de la Trilatérale érigées en organisateurs uniques et omnipotents de la mondialisation néolibérale. Pour défaire le monoïdéisme de la vision complotiste, il suffit de l’inviter à se prêter à une expérience de pensée contrefactuelle : imaginons un monde sans Bilderberg ni Trilatérale, ce monde hypothétique aurait-il évité la mondialisation néolibérale ? La réponse est évidemment non. Il s’en déduit par contraposition que ces conclaves occultes n’étaient pas les agents sine qua non du néolibéralisme, peut-être même pas les plus importants. Et pourtant ceci n’est pas une raison pour oublier de parler de Bilderberg et de la Trilatérale, qui disent incontestablement quelque chose du monde où nous vivons.
Il suffirait donc parfois d’un soupçon de charité intellectuelle pour retenir ce qu’il peut y avoir de fondé dans certaines thèses immédiatement disqualifiées sous l’étiquette désormais infamante de « conspirationnistes », écarter leurs égarements explicatifs, et conserver, quitte à les réagencer autrement, des faits d’actions concertées bien réels mais dont la doctrine néolibérale s’efforce d’opérer la dénégation – il est vrai qu’il entre constitutivement dans la vision du monde des dominants de dénier génériquement les faits de domination (salariés et employeurs, par exemple, sont des « co-contractants libres et égaux sur un marché du travail »…), à commencer bien sûr par tous les faits de ligue explicite par lesquels les intérêts dominants concourent à la production, à la reproduction et à l’approfondissement de leur domination. Dans un débat public médiatique qui n’a pas son pareil pour saloper irrémédiablement n’importe quelle question, il est donc probablement sans espoir d’imaginer définir une position intermédiaire qui tiendrait ensemble et la régulation contre certains errements extravagants (jusqu’au scandaleux) de la pensée conspirationniste, et l’idée que la domination, si elle est principalement produite dans et par des structures, est aussi affaire pour partie d’actions collectives délibérées des dominants – mais faire ce genre de distinction est sans doute trop demander, et on voit d’ici venir les commentaires épais qui feront de ce propos une défense apologétique du complotisme et des complotistes…
On pourrait arguer que l’analyse sociologique ou politologique de ces actions concertées, précisément, se déploie hors des schèmes intellectuels caractéristiques du conspirationnisme : monoïdéisme, exclusivisme, attraction sans partage pour l’occulte, ignorance corrélative pour tous les effets impersonnels de structure, etc. (2) Et ce serait parfaitement exact ! C’est bien pourquoi il serait temps de faire la part des complots – comme faits avérés, puisqu’il en existe certains – et du complotisme – comme forme générale –, soit d’en appeler, en quelque sorte, à une pensée non complotiste des complots, c’est-à-dire aussi bien : 1) reconnaître qu’il y a parfois des menées concertées et dissimulées – on pourra les appeler des complots, et 2) refuser de faire du complot le schème explicatif unique de tous les faits sociaux, ajouter même que de tous les schèmes disponibles, il est le moins intéressant, le moins souvent pertinent, celui vers lequel il faut, méthodologiquement, se tourner en dernier… et ceci quoiqu’il ait parfois sa place ! Et il faudrait surtout consolider cette position intermédiaire à l’encontre de tous ceux pour qui maintenir l’amalgame des complots et du complotisme a l’excellente propriété de jeter le bébé avec l’eau du bain, en d’autres termes de garantir l’escamotage des faits de synarchie avec la disqualification de la forme « complotisme ».

Le conspirationnisme comme symptôme politique
de la dépossession

Tout ceci cependant est dire à la fois trop et trop peu quand, du conspirationnisme, il est possible de prendre une vue latérale qui vient quelque peu brouiller l’image de ses habituelles dénonciations, et puis, plus encore, celle de ses frénétiques dénonciateurs. Sans doute trouve-t-on de tout à propos du conspirationnisme : des tableaux sarcastiques de ses plus notoires délires (le fait est qu’il n’en manque pas…), des revues de ses thèmes fétiches, jusqu’à de savantes (pitoyables) analyses de la « personnalité complotiste » et de ses psychopathologies. Mais d’analyse politique, point ! La puissance des effets de disqualification, la force avec laquelle ils font le tri des locuteurs, les caractéristiques sociales associées à ce tri même, la réservation de la parole légitime à certains et l’exclusion absolue des autres, procédant là aussi par un effet d’amalgame qui confond dans l’aberration mentale, puis dans l’interdiction de parler, toute une catégorie, voire un ensemble de catégories sociales, à partir de quelques égarés isolés, ceci pour faire du discours politique l’affaire monopolistique des « représentants » assistés des experts : tous ces mécanismes devraient pourtant attirer l’attention sur les enjeux proprement politiques engagés dans le « débat sur le conspirationnisme » – au lieu de quoi il n’est matière qu’à gloussements ou cris faussement horrifiés puisque, si isolées soient-elles, les saillies conspirationnistes fournissent la meilleure raison du monde à la dépossession.
Dépossession : tel est peut-être le mot qui livre la meilleure entrée politique dans le fait social – et non pas psychique – du conspirationnisme. Car au lieu de voir en lui un délire sans cause, ou plutôt sans autre cause que l’essence arriérée de la plèbe, on pourrait y voir l’effet, sans doute aberrant, mais assez prévisible, d’une population qui ne désarme pas de comprendre ce qu’il lui arrive, mais s’en voit systématiquement refuser les moyens – accès à l’information, transparence des agendas politiques, débats publics approfondis (entendre : autre chose que les indigentes bouillies servies sous ce nom par les médias de masse) etc. Décidément l’événement politique le plus important des deux dernières décennies, le référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005 a montré ce que peut, pourtant dans un extraordinaire climat d’adversité, un corps politique auquel on donne le temps de la réflexion et du débat : s’emparer des matières les plus complexes et se les approprier pour produire un suffrage éclairé.
Hors de ces conditions exceptionnelles, tous les moyens ou presque de faire sens des forces historiques qui l’assaillent et surtout d’avoir part aux délibérations qui décident de son destin lui sont refusés. Or, remarque Spinoza, le quant-à-soi ne saurait connaître aucune suspension : « nul ne peut céder sa faculté de juger » (Traité politique), aussi celle-ci s’exerce-t-elle comme elle peut, dans les conditions qui lui sont faites, et avec l’acharnement du désespoir quand au surplus elle n’a que son malheur à penser. Le conspirationnisme n’est pas la psychopathologie de quelques égarés, il est le symptôme nécessaire de la dépossession politique et de la confiscation du débat public. Aussi est-il de la dernière ineptie de reprocher au peuple ses errements de pensée quand on a si méthodiquement organisé sa privation de tout instrument de pensée et sa relégation hors de toute activité de pensée. Cela, nul ne le dit mieux que Spinoza : « Il n’est pas étonnant que la plèbe n’ait ni vérité ni jugement, puisque les affaires de l’Etat sont traitées à son insu, et qu’elle ne se forge un avis qu’à partir du peu qu’il est impossible de lui dissimuler. La suspension du jugement est en effet une vertu rare. Donc pouvoir tout traiter en cachette des citoyens, et vouloir qu’à partir de là ils ne portent pas de jugement, c’est le comble de la stupidité. Si la plèbe en effet pouvait se tempérer, suspendre son jugement sur ce qu’elle connaît mal, et juger correctement à partir du peu d’éléments dont elle dispose, elle serait plus digne de gouverner que d’être gouvernée » (Traité politique, VII, 27).

L’apprentissage de la majorité
(à propos de la « loi de 1973 »)

Mais plus encore que de la dépossession, le conspirationnisme, dont les élites font le signe d’une irrémédiable minorité, pourrait être le signe paradoxal que le peuple, en fait, accède à la majorité puisqu’il en a soupé d’écouter avec déférence les autorités et qu’il entreprend de se figurer le monde sans elles. Il ne lui manque qu’une chose pour y entrer complètement, et s’extraire des chausse-trappes, telle celle du conspirationnisme, dont tout débat public est inévitablement parsemé : l’exercice, la pratique, l’habitude… soit tout ce que les institutions de la confiscation (représentation, médias, experts) lui refusent et qu’il s’efforce néanmoins de conquérir dans les marges (associations, éducation populaire, presse alternative, réunions publiques, etc.) – car c’est en s’exerçant que se forment les intelligences individuelles et collectives.
Le débat sur la « loi de 1973 », interdisant supposément le financement monétaire des déficits publics devrait typiquement être regardé comme l’une des étapes de cet apprentissage, avec son processus caractéristique d’essais et d’erreurs. Bien sûr la « loi de 1973 », objet dans certaines régions de l’Internet d’une activité effervescente, a connu son lot d’embardées : depuis la vidéo à ambiance complotiste de Paul Grignon, Money as Debt, portant au jour une gigantesque conspiration monétaire – ce sont les banques privées qui créent la monnaie – dont les termes pouvaient cependant être lus dans n’importe quel manuel d’économie de Première ou de Terminale SES !, jusqu’à la lourde insistance à renommer la loi, d’abord « loi Pompidou » mais pour mieux arriver à « loi Rothschild », où certains ne verront qu’une allusion aux connexions du pouvoir politique et de la haute-finance (3) quand d’autres y laisseront jouer toutes sortes d’autres sous-entendus…
Au milieu de toutes ces scories, un principe de charité politique pourrait cependant voir : 1) ce petit miracle des non-experts se saisissant d’une question à l’évidence technique mais que ses enjeux politiques destinent au débat le moins restreint possible : la monnaie, les banques ; 2) le surgissement, peut-être désordonné mais finalement salutaire, d’interrogations sur la légitimité des taux d’intérêt, le financement des déficits publics, les figures possibles de la souveraineté monétaire, la place adéquate des émetteurs de monnaie dans une société démocratique ; 3) une intense activité polémique, au meilleur sens du terme, avec production kilométrique de textes, lancement de sites ou de blogs, controverses documentées en tous sens, etc. Tout ceci, oui, au milieu d’ignorances élémentaires, de quelques dérapages notoires et de fausses routes manifestes – certains parmi les plus acharnés à dénoncer la loi de 1973 commencent à s’apercevoir qu’ils ont poursuivi un fantôme de lièvre (4) … Mais pourtant comme un exercice collectif de pensée qui vaut en soi bien mieux que toutes ses imperfections, et dans lequel, tout sarcasme suspendu, il faudrait voir un moment de ce processus d’apprentissage typique de l’entrée dans la majorité. Sans surprise, des trébuchements de l’apprentissage les élites installées tirent parti pour refuser l’apprentissage même. On les comprend : il y va précisément de la dépossession des dépossédeurs.

À conspirationniste, conspirationniste et demi !

Mais les appeler « élites », n’est-ce pas beaucoup leur accorder ? Et que valent les élites en questions à l’aune même des critères qu’elles appliquent aux autres ? Répondre complètement à cette question exigerait de reparcourir l’interminable liste des erreurs accablantes de diagnostic, de pronostic, de conseils malavisés, innombrables foirades des experts, calamités « intellectuelles » à répétition, obstination dans l’erreur, passion pour le faux : avec une systématicité qui est en soi un phénomène, tous les précepteurs de la mondialisation néolibérale se sont trompés. Mais puisqu’il est question ici du conspirationnisme, c’est bien sur ce terrain qu’il faut les prendre. Car voilà toute la chose : à conspirationniste, conspirationniste et demi… Où il apparaît que la supposée élite y tombe aussi facilement que le bas peuple ! Qui voudrait faire du conspirationnisme un dérèglement n’aurait alors pas d’autre issue que de constater combien largement il est répandu – et que les frontières sociales sont rien moins qu’hermétiques sous ce rapport.
De ce point de vue c’est peut-être l’affaire DSK qui aura le plus spectaculairement déchiré le voile. Car jamais on n’aura vu théories du complot fleurir aussi allègrement dans les plus hautes sphères du commentariat. Les politiques, surtout du PS, sont évidemment les premiers à y choir, quitte à ce que ce soit sur le mode de la prétérition, ainsi Jean-Christophe Cambadélis dans une déclaration fameuse : « Je ne suis pas un adepte des complots mais… (5», suivi comme il se doit par une série de conjectures dont la conspiration est la seule conclusion logique ; Jacques Attali qui d’ordinaire sait bien voir les abîmes de la pensée conspirationniste mais, quand il s’agit de DSK, évoque d’abord l’hypothèse d’une « manipulation » (6) ; François Loncle, député PS qui assure pour sa part « qu’il n’y a pas de complot » (7) mais « un coup monté » (8), c’est très différent. « La thèse du complot se répand sur le web » titre un des articles de Libération (9) – « sur le web », n’est-ce pas, en aucun cas dans les pages du papier… Mais il faut bien l’avouer, jamais on n’aura vu « thèse du complot » si amplement exposée et si aimablement relayée dans les colonnes de la grande presse, quitte à ce que ce soit pour la discuter, voire la réfuter, en tout cas sans qu’il soit jugé indigne cette fois d’en faire la mention ou de ridiculiser ceux dans la bouche de qui elle est d’abord venue.

D’un certain conspirationnisme européiste

Les illustrations les plus spectaculaires cependant ne sont pas forcément les meilleures, et si elle a fait la démonstration édifiante de ce que valent les régulations de la classe oligarchique – à savoir rien – en situation de grande tension – par exemple quand il s’agit de sauver de l’opprobre son meilleur espoir –, l’affaire DSK demeure trop exceptionnelle pour être parfaitement significative. Autrement parlantes les pulsions conspirationnistes qui émaillent à répétition le discours de la crise européenne, à plus forte raison quand elles se donnent libre cours dans l’un des journaux les plus rigoureusement donneur de leçon anti-conspirationniste, Libération, et sous la plume de son journaliste le plus attaché à traîner dans la boue – y compris pour conspirationnisme – toute position de gauche critique de l’Europe telle qu’elle est, Jean Quatremer, auteur par exemple d’un magnifique « Quand l’euroscepticisme mène au conspirationnisme » (10).
Mais voilà : depuis que son objet chéri est en crise et attaqué de toutes parts, Jean Quatremer n’en finit pas de voir des complots partout. « Presse anglo-saxonne », « marchés financiers américains », « agences de notation », « hedge funds » : la monnaie unique européenne, pourtant plus franche que l’or, est la cible de pernicieuses entreprises de déstabilisation délibérée, orchestrées qui plus est par la plus maléfique des entités : « la finance anglo-saxonne ». Pour qui douterait qu’un esprit fondamentalement sain, puisque européen, ait pu ainsi être infecté par la maladie du complot, florilège de titres : « Les agences de notation complices des spéculateurs ? » (21 septembre 2011), « Les marchés financiers américains attaquent l’euro » (6 février 2010), « Comment le Financial Times alimente la crise » (30 mai 2010), « Moody’s veut la peau du triple-A français » (21 novembre 2011), « Les banques allemandes contre la zone euro » (31 juillet 2011), « Le jeu trouble de Reuters dans la crise de la zone euro » (29 juillet 2012).
Et l’intérieur est à l’avenant de la devanture : « Il apparaît de plus en plus clair (sic) que des banques et des fonds spéculatifs américains jouent l’éclatement de la zone euro » (11) – le complot est donc d’abord anglo-saxon. C’est l’imperméabilité à tout argument rationnel qui atteste l’intention concertée de nuire : « le problème est qu’il ne sert à rien d’expliquer que la faillite de la Grèce est totalement improbable » (12), commentaire qui, au passage, prend toute sa saveur avec le recul, et plus encore après que son auteur se fut cru suffisamment clairvoyant pour décerner un « Audiard d’or » à Emmanuel Todd annonçant l’explosion de l’euro (13) – il est vrai que toute prédiction de malheur à l’encontre de l’objet chéri ne peut être, au choix, qu’une grotesque bouffonnerie ou une ignoble trahison.
En tout cas la perfidie anglo-saxonne a de puissants relais, les médias par exemple dont « le biais anti-euro (…) est difficilement contestable » (14), les agences de presse également, à l’image de Reuters et de son « jeu trouble dans la crise de la zone euro » (15). Ainsi, par inconscience ou par malignité, on ne sait, donc par malignité, « les médias accroissent la panique des marchés ». Pour ce qui est du Financial Times en tout cas, l’explication n’est pas douteuse : « pris dans le sac du mensonge (…) il manipule l’information et colporte des rumeurs » (16) le 26 novembre 2010 – le 30 mai déjà il en était « à son second mauvais coup » (17). Une année plus tard cependant, « les marchés financiers américains » ne sont plus les seuls agents de la cinquième colonne, ce sont les banques allemandes qui sont occupées à « mettre le feu à la zone euro » (18) – et l’ennemi est maintenant à l’intérieur. Peu importe que jusqu’ici l’Allemagne en (toutes) ses institutions ait été la figure même de la vertu, le vrai moteur de l’Europe, dont le couple avec la France patati patatère – maintenant ce sont des traîtres. La circonscription de la conspiration peut donc varier, mais pas le fait conspirationniste lui-même, puisque la construction monétaire européenne est si parfaitement conçue qu’il faut nécessairement une ligue de forces occultes pour la renverser.
Si le mal organisé est partout, il n’en a pas moins son superlatif en les agences de notation : elles sont les « complices des spéculateurs » (19). « Allons plus loin : qui a déclenché la panique sur la dette française ? Moody’s justement (…) Bref encore une fois les agences viennent donner un coup de main aux spéculateurs pour déstabiliser les marchés » (20). Il est donc temps de poser la vraie question : « Alors complot des agences de notation qui servent ainsi leurs maîtres principaux, les banques d’affaires, les hedge funds, etc. ? (…) Laurence Parisot, la patronne du Medef en est persuadée » (21). Bien sûr il reste des amis de l’Europe, donc de Jean Quatremer, qui n’ont pas encore complètement perdu les pédales et tentent de le rattraper. Par fidélité un peu réticente mais impressionné par l’incontestable crédit européen de son interlocuteur, Quatremer cite Jean Pisani-Ferry qui lui explique que les agences ne font jamais que ratifier avec retard des anticipations de longue date incorporées dans les positions des investisseurs… Il lui fallait au moins cette poche à glace pour se persuader que « crier au complot ne sert de toute façon à rien sinon à soulager ses nerfs » (22). Donc Jean Quatremer a d’abord très fort envie de crier au complot – si fort que ça s’entend à longueur de billets –, puis, instruit par ses précepteurs de toujours, se convainc, mais difficilement, qu’il ne sert à rien d’y céder – moyennant quoi ses nerfs ne sont qu’à demi-soulagés, raison pour laquelle il y revient sans cesse.
Hedge Funds, médias, presse anglo-saxonne, agences de presse, marchés financiers américains, agences de notation, partout des malfaisants ligués contre l’objet chéri. De cette sorte de crumble intellectuel, les agences de notation sont peut-être l’ingrédient le plus caractéristique, boucs émissaires périphériques de toute une structure qui s’exprime par elles (23) – mais qu’évidemment on ne mettra jamais en question. Car les agences de notation, comme dans une moindre mesure la presse financière, sont les agents les plus représentatifs de la finance déréglementée comme pouvoir de l’opinion – l’opinion des investisseurs s’entend, et exclusivement celle-ci, mais opinion d’une foule traversée de croyances, très faiblement régulées par la rationalité, et pourtant base de jugements, le plus souvent mimétiquement polarisés, à partir desquels des masses immenses de capitaux sont mises en mouvement. Il faudrait donc expliquer à Jean Quatremer que la finance libéralisée, si constamment encouragée par la construction européenne, c’est cela même !, que dans cet ensemble, il entre constitutivement, et non accidentellement, rumeurs, erreurs, errances, absurdités, idées fausses, informations biaisées – Jean Quatremer s’est-il jamais ému pendant toutes les belles années qu’on voie d’incertaines start-up comme des eldorados de profit, ou bien la finance structurée comme la martingale définitive contre le risque de crédit, et l’explosion des titres adossés à l’endettement des ménages comme une géniale trouvaille ? De ce point de vue, et erreur pour erreur, les marchés sont sans doute plus près du vrai en anticipant la décapilotade de l’euro, qu’ils ne l’étaient alors…
Mais dans la vision du monde de Jean Quatremer, la finance est bonne… jusqu’à ce qu’elle s’en prenne à son talisman. On lui fera néanmoins observer qu’il y a une certaine logique, et comme une justice immanente, à ce que l’Europe modèle Maastricht-Lisbonne qui a sans relâche promu la finance périsse par la finance. Car enfin qui a fait le choix de remettre entièrement les politiques économiques entre les mains de ce pouvoir déréglé qu’est la finance libéralisée ? Qui a décidé d’instituer les marchés obligataires comme puissance disciplinaire en charge de la normalisation des politiques publiques ? Qui a voulu constitutionnaliser la liberté de circulation des capitaux qui offre à ce régime son infrastructure ?

Non pas les agents du mal mais la force des structures

En fait c’est là la chose que Jean Quatremer a visiblement du mal à comprendre – déficience par quoi d’ailleurs il verse immanquablement dans le conspirationnisme, qu’il dénonçait chez les autres à l’époque où « tout allait bien » (pour lui) –, les crises s’expliquent moins par la malignité des agents que par l’arrivée aux limites des structures. Il est vrai qu’ayant toujours postulé la perfection de son objet, donc l’impossibilité de sa crise, il n’a pas d’autre hypothèse sous la main pour en penser la décomposition : celle-ci ne peut donc être que le fait des méchants (et des irresponsables : Grecs, Portugais, Espagnols…).
Or on peut dire de la construction européenne la même chose que de n’importe quelle autre configuration institutionnelle : les comportements, même destructeurs, des agents n’y sont pas le fait d’un libre-arbitre pervers mais de leurs stratégies ordinaires telles qu’elles ont été profondément conformées par l’environnement structurel dans lequel on les a plongés… quitte à ce que ces structures, laissées à leur simple fonctionnement, produisent in fine leur propre ruine : la Deutsche Bank lâche la dette italienne, non par trahison anti-européenne (24), mais par simple fidélité à la seule chose qu’elle ait à cœur : son profit – et si l’on veut des banques qui aient à cœur d’autres choses, il va falloir se pencher sur leurs statuts autrement que par fulmination et vœux pieux interposés. De même, les spéculateurs spéculent… parce qu’on leur a aménagé un terrain de jeu spéculatif ! Rumeurs et informations incertaines y prennent des proportions gigantesques parce que ce terrain de jeu même institue le pouvoir de l’opinion financière, etc.
Sans doute, poussés comme n’importe quels médias par les forces pernicieuses de la concurrence, de la recherche effrénée du scoop et de la primeur, le FT a-t-il parfois lâché trop vite quelques informations foireuses, Reuters des confidences biaisées ou mal recoupées, mais ni plus ni moins que Libération ou Jean Quatremer lui-même qui n’hésite pas, par exemple, à donner audience à des études aux bases les plus incertaines à propos de la sortie de la Grèce, tout droit tirées des bons soins de la banque UBS (25), son fournisseur attitré, dont l’objectivité et la neutralité sont d’évidence incontestables… Qu’UBS batte la campagne, qui plus est sans doute au service de ses propres positions spéculatives, la chose lui est tout à fait négligeable, l’important est qu’UBS la batte dans le bon sens.
Le monde de la finance a pour propriété que n’importe quelle information est potentiellement porteuse d’effets terriblement déstabilisants, non parce que de machiavéliques émetteurs les ont voulues ainsi mais, en dernière analyse, parce qu’elles sont saisies par les forces immenses de la spéculation qui ont le pouvoir de faire un tsunami d’une queue de cerise. Si Jean Quatremer fantasme une finance dont tous les acteurs observeraient en toutes circonstances le grand calme olympien de la rationalité pure et parfaite, il faut lui dire qu’il fait des rêves en couleur. Encore faudrait-il, pour s’en apercevoir, qu’il daigne faire quelques lectures d’histoire économique, évidemment d’auteurs qui auraient fort le goût de lui déplaire, des gens comme Minsky, Kindleberger, Keynes ou Galbraith, lesquels, instruits des catastrophes passées, n’ont cessé de montrer que la finance de marché est par construction, par essence, le monde du déchaînement des passions cupides, de l’échec de la rationalité et du chaos cognitif. Et qu’en réarmer les structures, comme l’Europe l’a fait avec obstination à partir du milieu des années 1980, était le plus sûr moyen de recréer ces désastres du passé.
Entre une nouvelle, aussi factuelle soit-elle, et le mouvement subséquent des marchés, il y a toujours l’interprétation – celle des investisseurs –, et c’est par cette médiation que s’introduit la folie, particulièrement en temps de crise où la mise en échec des routines cognitives antérieures alimente les anticipations les plus désancrées. L’Europe a fait le choix de s’en remettre à cette folie-là. Et Quatremer s’étrangle de rage stupéfaite qu’elle en crève… Comme rien ne peut le conduire à remettre en cause ses objets sacrés – les traités, la règle d’or, Saint Jean-Claude et son vicaire Mario –, il ne lui reste que les explications par le mal, un équivalent fonctionnel des hérétiques ou des satanistes si l’on veut. Aussi se meut-il dans une obscurité peuplée d’agents qui fomentent des « mauvais coups » et mènent « un jeu trouble », un underworld de « complices » et d’incendiaires. Si difficile soit-il de s’y résoudre, il faudra pourtant bien admettre que la construction européenne s’effondre selon la pure et simple logique qu’elle a elle-même instituée. Elle n’est pas la proie d’une conjuration du mal : elle tombe toute seule, du fait même de ses tares structurelles congénitales et sous l’effet des forces aveugles qu’elle a elle-même installées – et s’en prendre répétitivement, comme à des incubes, aux agents variés qui n’en sont que les opérateurs (Hedge Funds, banques et agences) est le passeport pour l’asile de l’ignorance.
Mais il y a des aggiornamentos trop déchirants pour être consentis aisément, et des investissements psychiques trop lourds pour être rayés d’un trait de plume, aussi faut-il attendre l’infirmation définitive par le réel pour que se produise le premier mouvement de révision – et encore… On en connaît qui persistent à croire que la défaite de 40 est la faute du Front Populaire… Entre temps tous les moyens sont bons, y compris ceux de la stigmatisation complotiste, pour ravauder comme on peut le tissu de la croyance menacée de partir en lambeaux. Si l’euroscepticisme du peuple mène au conspirationnisme, il semble que l’eurocrétinisme des élites y conduise tout aussi sûrement…

Frédéric Lordon

Sourcehttp://blog.mondediplo.net/2012-08-24-Conspirationnisme-la-paille-et-la-poutre