samedi 31 décembre 2011

Les combats de poids lourds des 30 et 31 décembre 2011 en MMA


Il n'a fallu que deux minutes vingt-six secondes à Alistair Overeem (vainqueur du K1 Grand Prix 2010) pour saper la résistance de Brock Lesnar (ex-champion de l'UFC) à coups de genoux puis pour le coucher sur un coup de pied au corps et enfin pour obliger l'arbitre à arrêter le combat sur des frappes au sol. Sur cette défaite sans appel, Brock Lesnar a pris la décision de mettre un terme à sa carrière en MMA à l'âge de 34 ans tandis qu'à 31 ans, Alistair Overeem est devenu le challenger de Junior Dos Santos pour le titre suprême des poids lourds de l'UFC (après avoir conquis ceux du StrikeForce, du Dream et du K1 GP).

 

De l'autre côté de l'océan Pacifique, les Japonais, bien que privés de Pride Fighting Championship, continuent à s'enflammer pour les MMA. Le combat vedette du "Fight For Japan : Genki Desu Ka !" oppose l'ex-grand champion des MMA (de 2003 à 2010) Fedor Emelianenko (35 ans) au champion olympique 2008 (et champion du monde 2004) de judo Satoshi Ishii (25 ans). Ces deux hommes oscillent autour d'un gabarit de 1m80, 110kg, trop petit pour être un champion de boxe pieds-poings, trop léger pour être un champion de lutte-judo poids lourds sur une longue durée (dommage que Teddy Riner et Satoshi Ishii ne se soient jamais croisés en judo) mais apparemment idéal pour les MMA. Ce combat sera-t-il un passage de flambeau ?   
La réponse ne s'est pas fait attendre longtemps : non ! Fedor Emelianenko vainqueur par KO en deux minutes trente-quatre secondes (à peine plus long que le combat Overeem-Lesnar).

Vidéos :

samedi 17 décembre 2011

Incertitudes sur le palmarès d'un des plus grands champions de l'Antiquité : Glaukos de Karystos

Dans l'article de Wikipédia "Glaucos de Carystos", les différentes sources (antiques, moyenâgeuses et contemporaines) indiquant le palmarès de Glaucos de Carystos sont citées (http://fr.wikipedia.org/wiki/Glaucos_de_Carystos). Cela permet de mesurer les écarts énormes que cela peut représenter dans l'estimation de la durée réelle de son règne.

Selon l'auteur grec Pausanias du IIème siècle après J.-C. : il fut une fois vainqueur olympique, 2 fois pythique, et aux isthmiques et néméennes 8 fois dans chacun de ces concours.

Selon les anecdota graeca (3 volumes, publiés par Immanuel Bekker en 1814-20) qui feraient preuve d'incohérence :
- 20 années d'olympiades (?), 3 victoires pythiques et 10 isthmiques (vol. I, p. 232.24-29),
- ou 3 victoires olympiques, 8 pythiques et isthmiques, et plusieurs néméennes (vol. I, p. 227.24-28).
Le chercheur italien Luigi Moretti (qui fait référence en la matière depuis sa thèse de 1957) ne retient pour sa part que "3 victoires pythiques et 10 isthmiques" qu'il oppose au palmarès énoncé par Pausanias.

Selon la Souda (une encyclopédie grecque de la fin du IXème siècle) : 25 olympiques (?), 3 pythiques et 10 isthmiques.

Enfin, Cléanthis Paleologos dans "A travers les légendes d’Olympie¹ VIII" (paru dans la revue olympique en 1974) http://www.la84foundation.org/OlympicInformationCenter/RevueOlympique/1974/orf78/orf78x.pdf  : "Après cette première victoire au pugilat pour enfants, il en remporta encore trois au pugilat pour hommes, huit aux Jeux Isthmiques, huit à Némée, deux aux Jeux Pythiques et d’innombrables dans les compétitions d’Athènes, de Thèbes, Rhodes et de bien d’autres villes."

On oscille donc entre :
- victoire olympique : 1 (d'après Pausanias et Moretti) et 4 victoires olympiques (selon Cléanthis Paléologos) voire 20 à 25 années de règne selon les Anecdota Graeca ou la Souda (ce qui correspondrait à 5 voire même 6 olympiades)
- victoires pythiques : 2 (selon Pausanias) ou 3 victoires pythiques (selon la page 232 des Anecdota Graeca et la Souda) et même jusqu'à 8 (page 227 des mêmes Anecdota graeca) ce qui correspondrait à 32 années de règne étant donné la périodicité de cette compétition (tous les 4 ans) ... mais à mon sens, il s'agit d'une erreur de traduction et il fallait lire :  "3 victoires pythiques, 8 isthmiques et néméennes, et plusieurs autres".
- victoires isthmiques : 8 (selon Pausanias) ou 10 victoires isthmiques (selon les Anecdota Graeca et la Souda); cette compétition ayant pour sa part lieu tous les deux ans
- victoires néméennes : 8  (selon Pausanias, les Anecdota graeca ne précisant pas); cette compétition ayant également lieu tous les deux ans.

Estimation de la durée du règne de Glaukos de Karystos.

Dans la Période (six compétitions antiques majeures sur un cycle de 4 années), on peut considérer :
- soit les victoires olympiques et pythiques, comptabilisées comme valant chacune 2 années de règne,
- soit les victoires isthmiques et néméennes, comptabilisées comme valant chacune 1 année de règne. 

Minimum : 1 victoire olympique, 2 pythiques, 8 isthmiques et 8 néméennes (c'est la version la plus ancienne, celle de Pausanias). Glaukos aurait régné entre 6 et 16 ans, c'est à dire 11 +/-5 ans.

Maximum : 5 ou 6 olympiades (correspondant à 20 ou 25 années), 8 victoires pythiques, 10 isthmiques et 8 néméennes. Glaukos aurait régné entre 26 ou 28 ans et 18 ans, c'est-à-dire 22 +/- 4 ans et 23 +/-5 ans.
Cela dit, il n'est pas possible que Glaukos ait conquis 6 titres à Olympie en commençant en 520 avant J.-C. En effet, on ne connaît pas les vainqueurs précis des quatre olympiades suivantes (516, 512, 508 et 504) mais ensuite c'est Philon de Korkyra qui s'imposa (deux fois : en 500 et 496 avant J.-C.). Donc on retiendra 22 +/-4 ans.

Pour ma part, je retiens :
- 1 victoire olympique (celle de 520 avant J.-C.) citée par Pausanias, parce que les victoires olympiques étant les plus fameuses, elles devraient être précisément recensées ;
- 2 ou 3 pythiques, hésitant entre Pausanias et Cléanthis Paléologos, d'une part, et les Anecdota graeca et la Souda, d'autre part ;
- 8 ou 10 isthmiques, hésitant entre Pausanias et Cléanthis Paléologos, d'une part, et les Anecdota graeca et la Souda, d'autre part ;
- et 8 néméennes.
L'ensemble couvrant une période de 20 années pendant lesquelles Glaukos aurait remporté la plupart des compétitions panhelléniques mais pas toutes; à l'image de Mohamed Ali qui a dominé la boxe de 1960 (son sacre olympique) et 1979 (sa troisième conquête du titre poids lourds professionnel). "Un titre olympique et trois titres mondiaux", cela sonne ressemble d'ailleurs beaucoup à "un titre olympique et trois titres pythiques".

Conclusion : Glaukos aurait régné entre 8 ans (1 titre olympique et 3 pythiques) et 18 ans (10 titres isthmiques et 8 néméens), c'est à dire 13 +/-5 ans.

jeudi 15 décembre 2011

On parle de la croche dans Le Monde.fr !

La lutte traditionnelle réunionnaise "la croche" se fait connaître hors des frontières de la Réunion et hors du cadre habituel des sports de combat : sur Le Monde.fr   http://combat.blog.lemonde.fr/2011/12/09/la-reunion-sagrippe-a-la-croche/

Merci à Florent Bouteiller, journaliste au Monde, d'avoir ouvert son blog "Au tapis !" à cette discipline créole.
---


La Réunion s’agrippe à la croche

Jérôme Sanchez, instituteur depuis quinze ans à La Réunion, raconte
pour Au Tapis ! sa rencontre avec la croche, une lutte traditionnelle tombée
en désuétude depuis de nombreuses années. Ce passionné d’arts martiaux
s’est démené pour en réhabiliter la pratique

Premiers combats en plein air pour le grand public. A droite, Lino Charlettine, porte-drapeau de la discipline qui représentera La Réunion lors des Premiers championnats de l'Océan Indien de Croche, le 22 janvier à l'ïle Maurice.

Nous sommes au début des années 2000. Instituteur installé en métropole, j’ai à peine 27 ans quand je pose mes valises sur l’île de la Réunion. Pratiquant d’arts martiaux depuis ma plus tendre enfance, je m’inscris un peu par hasard dans un club de lutte olympique : l’Académie La Croche de Saint-Paul. D’emblée, le courant passe avec le propriétaire des lieux, Patrick Blanca.

Patrick Blanca (à gauche), avec William Arne, un des plus anciens crocheurs de 75 ans.

A quarante ans bien sonnés, ce Créole en paraît dix de moins. Et sa silhouette athlétique interpelle. Ses muscles semblent taillés comme des lames de couteaux, secs et filandreux, sans excroissance disgracieuse. De là provient cette souplesse étonnante qui lui permet de faire un grand écart à la verticale sur un mur. Son métissage est à l’image de la Réunion : un melting pot où le sang de l’Afrique, de l’Europe et de l’Inde semble avoir trouvé son point de chute. Si les racines du métis paraissent venir du fond des âges, son parcours martial est, lui aussi, des plus éclectiques : sambo, yoseikan budo et luttes olympiques. Et quand naïvement je lui demande d’où vient le nom « chantant » de sa salle pourtant dédiée aux arts martiaux et sports de combat, il répond, goguenard :

« La croche c’est la forme de lutte qui a égayé mon enfance. J’y jouais avec mes camarades, sur le sable en bord de mer ou sur l’herbe dans les jardins publics. »

« Quelles peuvent bien être les différences entre cette lutte réunionnaise et les styles olympiques (lutte libre et lutte gréco-romaine) ? » La question traverse mon esprit avant que je me décide à lui en toucher deux mots. « La différence ? Rien de plus simple : le combat ne s’arrêtait pas au sol, explique Patrick Blanca. On continuait jusqu’à ce qu’un des deux dise « La paix ! » ou bien « Arrête ! » quand il était contrôlé par une prise douloureuse. »

Les projections permettent d'amener son adversaire au sol pour le contraindre à une soumission.

Quelques démonstrations techniques viennent éclairer son récit. Immédiatement, je reconnais les clés articulaires et les étranglements. Ceux-là mêmes que j’avais appris en pratiquant le judo, le ju-jitsu ou le jiu-jitsu brésilien. La curiosité s’intensifie ! Il me faut vite épancher ma soif de savoir et rencontrer d’anciens crocheurs.

A la recherche des anciens

Patrick Blanca, qui était le plus jeune du dernier groupe de crocheurs saint-paulois, réunit ses anciens camarades de jeu. Ces quadragénaires et quinquagénaires sont surpris, pas très rassurés de l’intérêt qu’un étranger porte à leur jeu longtemps pratiqué. L’échange s’installe et la confiance naît progressivement. Chacun révèle, non sans un certain plaisir, sa « spéciale », sa technique de projection favorite ou celle qui lui permettait d’obtenir la victoire une fois au sol. De tous les témoignages recueillis, il ressort que tous les Créoles d’au moins 50 ans ont pratiqué la croche dans leur jeunesse mais qu’aucun Réunionnais aujourd’hui en âge de pratiquer des sports de combat (c’est-à-dire autour de 20 ans) n’en connaît l’existence. Pire, après une recherche bibliographique, il apparaît qu’aucun ouvrage n’a été consacré à ce sujet. A peine une inscription dans un dictionnaire français/créole des années 1980 ! Si rien n’est entrepris, la croche aura très bientôt disparu, définitivement oubliée. Ce qui n’était jusqu’alors que curiosité se transforme en passion. La découverte devient un engagement.

Renaissance d’un sport traditionnel

Pendant trois années, des centaines de témoignages sont épluchés, des dizaines de techniques identifiées et classées en planches techniques. Nous rencontrons des témoins âgés de plus de 90 ans. Certains attestent même que la croche était pratiquée au moins depuis la fin du XIXe siècle. Une carte postale de 1905 certifie en tout cas qu’elle l’était au tout début du XXe siècle.

Les clés articulaires au niveau des pieds sont autorisées à la croche.

A ce stade, la rencontre avec Frédéric Rubio est déterminante. Cet expert auprès de la FILA (Fédération Internationale des Luttes Associées) et de la Confejes (branche sportive de la Francophonie) a milité pendant plus de quinze ans pour la survie des luttes traditionnelles en Afrique. Jadis basé au Sénégal, il a synthétisé les différents styles de lutte africaine pour leur permettre de résister à la déferlante du football. C’est Frédéric Rubio lui-même qui va analyser les techniques et les pratiques de la croche pour rédiger une règlementation alliant la tradition et modernité (catégories de poids, durée des combats limitée, etc.).
Cette règlementation est limpide : une projection vaut un point, une immobilisation un point, et la victoire peut s’obtenir avant la limite du temps règlementaire en cas de renoncement de l’adversaire ou d’arrêt de l’arbitre. Un livre est publié en 2006 dans une maison d’édition locale, Azalées, avec une préface du président de la FILA lui-même : Raphaël Martinetti. C’est une reconnaissance institutionnelle mais il reste désormais le travail de terrain : former des cadres, ouvrir des clubs et organiser les premières rencontres sportives officielles (interclubs en 2007 et championnats régionaux en 2008).

Grandir pour ne pas mourir

La Croche est à la jonction entre la lutte et le judo. Elle pratique dès le plus jeune âge.

Reconnue par la FILA comme lutte traditionnelle de la Réunion, la croche n’en demeure pas moins au stade embryonnaire. Six clubs seulement sur l’île de la Réunion … et donc dans le monde. Elle reste très fragile. Pour ne pas disparaître, elle doit s’exporter. Chose possible dans la mesure où les règles sont simples, accessibles à n’importe quel public, et qu’elle se situe à la jonction entre la lutte olympique (saisies sur le corps et non sur les vêtements) et le judo (usage de toute la gamme technique au sol, les ne-waza).
La première rencontre internationale aura lieu le 22 janvier 2012, au Centre National de Lutte de Vacoas, à l’île Maurice. Ainsi seront organisés les premiers championnats de l’océan Indien de Croche. Parfois, il suffit d’un passionné et d’une poignée d’ancêtres pour faire revivre la flamme. Souvenons-nous d’un certain Jigoro Kano qui avait fait un rêve dans les années 1880. Un rêve nommé judo qui a su s’exporter aux quatre coins du monde et rencontrer le succès qu’on lui connaît aujourd’hui.
Jérôme Sanchez

Un instituteur fondu d’arts martiaux

Jérôme Sanchez, 42 ans, est professeur des écoles sur l’île de la Réunion, après une brève carrière d’ingénieur en France métropolitaine. Il a commencé la pratique des arts martiaux dès l’âge de 8 ans avec le judo, puis la boxe française et le kick-boxing. Il se passionne pour tous les sports de combat, leur histoire et leurs plus grands champions depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Installé à la Réunion en 1996, il a pratiqué le ju-jitsu sportif, le jiu-jitsu brésilien, les luttes olympiques, le muay thaï et le muay boran avant de découvrir la croche, la lutte traditionnelle réunionnaise alors en voie de disparition. Depuis 2002, il contribue à réhabiliter la croche par l’écriture d’un livre (2006), la création de clubs et l’organisation imminente d’une première compétition internationale (2012).