mercredi 30 mars 2016

Non au projet de loi de modernisation de l'élection présidentielle

Onze députés (oui, onze) ont voté jeudi dernier le changement des règles concernant l'accès à l’élection présidentielle pour favoriser les candidats des grands partis. Cette loi de "modernisation" (...) de l'élection présidentielle vise à rendre beaucoup plus difficile les candidatures dites indépendantes :
1/ Le texte vise à rendre publiques toutes les signatures des élus alors que jusqu'à présent elles étaient tirées au sort, soi-disant dans un but de transparence, en réalité, pour mettre une pression supplémentaire sur les élus suffisamment courageux pour avoir osé braver les interdits et donné un parrainage à un candidat indépendant.
2/ Le projet rend plus difficile l'obtention des 500 signatures de parrainage. Les élus devront dorénavant transmettre eux-mêmes leur parrainage au Conseil Constitutionnel alors que jusqu'à présent ils le remettaient au candidat ou à ses représentants. Un maire pourra ainsi vous promettre de vous donner sa signature et ne pas le faire.
3/ Le projet de loi vise aussi à limiter à 15 jours le temps d'égalité de parole (en lieu et place de 5 semaines). La règle d'égalité stricte sera remplacée par un "principe d'équité", fondée sur "la représentativité de chaque candidat" et sa "contribution à l'animation du débat électoral". La règle d'égalité stricte sera réservée aux deux dernières semaines avant l'élection.

Mais alors, « faut il en pleurer ou avoir la nausée » comme se demande l'ancienne députée Corinne Lepage ?  Nous disons : Il faut agir! Nous pouvons dire NON. Un non constructif qui propose une autre société et une autre élection présidentielle. 
Les Français ne cessent de faire part de leur envie de voter pour des candidats hors des partis politiques comme le révèle un récent sondage de l'Institut Odoxa pour Le Parisien :
"88 % estiment que notre monde politique souffre d’un manque de renouvellement de son personnel. Et ils sont 56 % à espérer — loin devant tous les autres vœux « politiques » — que cet appel d’air se produise enfin en 2016 ! Ce qui n’est visiblement pas à l’ordre du jour, si l’on en juge par le casting probable — identique à celui de 2012 — de la prochaine présidentielle."

De nouvelles initiatives émergent. Laprimaire.org et la transition représentent cette volonté de renouvellement, en permettant à des candidates ou candidats indépendants d'apparaître.
Voxe, MA VOIX, Fluicity, ReGéneration, Democracy OS, GOV ... les initiatives dites de "civic tech" se multiplient, et témoignent d'un mouvement en marche, d'une force: celle de la réinvention, d'un nouveau contrat citoyen à réécrire.
Le monde se transforme, et contrairement aux idées reçues, nombreux sont les femmes et les hommes qui ont envie non seulement de changement mais de l'incarner et d'y participer. Une démocratie représentative en France, c'est plus de diversité, de mixité, des parcours différents, un renouvellement générationnel. L'enjeu est de taille, c'est la clé pour innover, créer demain.
La meilleure façon de se plaindre est l'action. Ce mouvement, porté par la révolution numérique, est en train de grandir et tel un empire assiégé, les élus, qui sont censés être les représentants du peuple, se barricadent et ignorent les signaux. 
Nos dirigeants politiques nous répondent "Nous avons entendu" après chaque élection, avec un taux d'abstention toujours plus important, tout en faisant le contraire. La rupture ne cesse de se consommer entre ceux qui gouvernent en notre nom et un peuple qui se sent ignoré. La défiance politique est la mère de bien des maux, comme la perte de confiance et la montée terrifiante du Front National.

C'est notre responsabilité à tous, mais aussi celle de nos dirigeants de poser le socle d'une démocratie représentative digne de ce 21ème siècle. Ce projet de loi d'accession à l'élection présidentielle verrouille un système de plus en plus illégitime car aujourd'hui en France il n'y a que 365 000 adhérents à des partis politiques soit 0,5% de la population française ! 
Je lance cette pétition car je suis passionnée par la Civic tech, ces nouveaux usages du web qui permettent de développer le débat démocratique, et qui pourrait faire émerger des candidats nouveaux, et je ne peux pas accepter que ces initiatives soient limitées par une approche institutionnelle qui tue la dynamique citoyenne dans l'oeuf.
Nous n'avons plus que 7 jours pour empêcher l'adoption définitive le 5 avril de la loi de "modernisation" de l'élection présidentielle !
Si nous sommes des milliers à signer et partager, nous pouvons grâce à notre mobilisation, interpeller nos députés et faire part de notre désaccord. C'est une élection fondamentale de notre démocratie, nous ne pouvons pas nous la faire confisquer.
Nous sommes ceux que nous attendions. Le vote final aura lieu le 5 avril 2016. Faisons entendre notre désapprobation avant cela.

samedi 26 mars 2016

A propos de la reconnaissance des visages

Quand on pense que le logiciel de Facebook est capable d'identifier ceux de son milliard et demi (1 500 000 000 !) de membres en quelques secondes, on se dit que des gouvernements qui investissent des dizaines ou des centaines de milliards de $ dans l'armement (1er : Etats-Unis, avec 700 milliards par an; 2ème Chine avec 120 milliards par an; 3ème France avec 60 milliards par an) peuvent sans aucun doute disposer d'outils au moins aussi performants. Je ne me fais aucun souci pour les services de renseignement français par exemple à suivre au millimètre près les 5000 terroristes potentiels qui sont classés "S".

vendredi 25 mars 2016

Nadine Al-Budair : « Comment réagiraient les musulmans si des terroristes chrétiens se faisaient sauter au milieu d’eux? »



Nadine Al-Budair

10/03/2016 – 07h45 Dubaï (Breizh-info.com) – « Comment réagiraient les musulmans si des terroristes chrétiens se faisaient sauter au milieu d’eux? », s’interroge la journaliste saoudienne Nadine Al-Budair dans un article publié en décembre 2015 dans le quotidien kowëitien Al-Rai. Il a été repéré par le magazine Focus et diffusé par la suite – uniquement des extraits et très mal traduits – par le journal belge 7 sur 7.  La traduction anglaise a été initialement réalisée par  MEMI, l’Institut de recherche médiatique du Moyen-Orient.
En Arabie Saoudite – pays totalitaire ami des dirigeants français qui vont jusqu’à remettre la légion d’honneur au prince héritier –  la journaliste risque sans doute gros pour ces écrits. Elle réside d’ailleurs au Qatar, autre pays sensible « ami » des dirigeants français. Nadine Al-Budair est engagée pour le droit des femmes en terre d’Islam et les exhortait récemment à quitter leurs pays avant qu’il ne soit trop tard pour elles.
Une fois encore, on s’étonnera du silence des médias français subventionnés sur ce texte – comme pour l’histoire de cette journaliste égyptienne, condamnée à de la prison pour critique de l’islam. La presse internationale elle, n’hésite pas à en parler.
Voici l’article de Nadine Al-Budair, ci-dessous, que nous avons traduit intégralement en nous basant sur la source anglaise.
Comment réagiraient les musulmans si des terroristes chrétiens se faisaient sauter au milieu d’eux?
Imaginez un jeune Occidental, venant ici se faire sauter au milieu d’une de nos places publiques au nom du christianisme. Imaginez que deux gratte-ciels se soient effondrés dans une capitale arabe et qu’un groupe extrémiste chrétien, en vertu de préceptes arriérés, ait revendiqué cet acte, tout en voulant imposer partout les règles de la Chrétienté, selon son interprétation, afin de vivre comme au temps de Jésus et de ses disciples, afin de mettre en application certains édits d’un érudit chrétien.
Imaginez que vous entendiez les voix des moines et des prêtres dans des églises et des salles de prière à l’intérieur du monde arabe, hurlant des insanités contre les musulmans, les appelant infidèles, et scandant: « Dieu, éliminez les musulmans et battez les tous ».
Imaginez que nous ayons régularisé un grand nombre d’étrangers en leur offrant des visas, des cartes d’identité, une citoyenneté, de bons emplois, l’éducation gratuite, la sécurité sociale et les soins gratuits, etc. Et que plus tard un membre d’une de ces communautés soit sorti, aveuglé par la haine et la soif de sang pour tuer nos fils dans nos rues, dans nos bâtiments, dans nos rédactions, dans nos mosquées et nos écoles.
Imaginez un Français ou un Allemand à Paris ou à Berlin kidnappant son voisin musulman afin de l’égorger, puis de congeler froidement sa tête, comme un terroriste l’a fait avec la tête d’un américain il y a quelques années à Riyad.
Imaginez que nous visitions leurs pays comme touristes et qu’ils nous tirent dessus, fassent exploser des voitures à côté de nous et fassent connaître leur opposition à notre présence en chantant: « chassez les musulmans de notre pays et de notre culture! »
Ces images sont impensables pour le terroriste arabe ou musulman parce qu’il a la certitude, ou avait la certitude, que l’Ouest est une terre d’humanisme et qu’un citoyen occidental refuserait de répondre de cette manière aux crimes barbares des terroristes musulmans. Malgré les actes de terrorisme d’Al-Qaeda et de Daech (ou État Islamique), nous, les musulmans, vivons sur les terres occidentales depuis des années sans peur ni inquiétude.
Des millions de touristes musulmans, d’immigrants, d’étudiants et de demandeurs d’emplois vont dans les pays de l’Ouest, dont les portes leur sont ouvertes et les rues sans danger.
Pour combien de temps encore ? Aujourd’hui les choses ont changé. La colère des pays de l’Ouest contre les musulmans est évidente, et leurs responsables font des déclarations fracassantes. Comme Donald Trump, qui réclame qu’on empêche les musulmans d’entrer aux USA.
Il est étrange que nous les musulmans, nous permettions de condamner ces déclarations alors que nous nous refusons à en traiter les causes, et notamment l’implication d’extrémistes dans nos programmes politiques, notre éducation, nos régimes, sans en avoir honte. Il est étrange que nous condamnions l’Occident sans vouloir balayer devant notre porte, sans voir la façon extrémiste avec laquelle nous interprétons la Charia, sans voir nos comportements profondément réactionnaires à travers le monde. Il est étrange que nous condamnions le monde entier plutôt que de lui présenter nos excuses.
Comment réagiriez vous si un Européen faisait sauter un théâtre dans votre ville, ou un café que votre fils fréquente ? Que feriez-vous si vous entendiez des critiques violentes contre votre religion, contre votre foi, tous les dimanches, comme les chrétiens l’entendent émanant de nos imams les vendredis et les autres jours ?
Imaginez vous vivre à Amsterdam, Londres ou New York et savoir que les étudiants y apprennent durant leur cursus que vous êtes un infidèle et que vous tuer c’est faire une guerre sainte, qui vous permettra d’obtenir des vierges au paradis. Resteriez-vous jusqu’à l’été ? Où partiriez vous ? Vous feriez-vous exploser comme le font les terroristes musulmans ou vous contenteriez-vous de retenir votre rage et d’interdire aux chrétiens d’entrer dans les pays arabes. Que feriez-vous ?
Imaginez la guerre qui pourrait éclater si les Occidentaux oubliaient leurs valeurs pour venger les crimes commis par les étrangers, et si un contre-radicalisme chrétien ou occidental se développait dans nos villes arabes ?
Aujourd’hui, avec tout ce qu’il se passe, certains « spécialistes » du monde arabe passent un message pathétique, et ressassent en permanence la même chose à des millions d’auditeurs : ces musulmans qui ont commis des actes terroristes ne représentent pas l’islam, mais seulement eux-mêmes.
C’est la seule chose que nous sachions faire : nous dédouaner de toute culpabilité.

Nadine Al-Budair
Crédit photo : DR

La sédentarisation et l'invention de l'agriculture

A la fin de la dernière glaciation (12000-10000 av. JC), l'élévation de la température entraîne d'importantes modifications de la surface terrestre. Dans l'hémisphère nord, les glaces, qui se sont retirées vers le pôle, ne persistent que sur les sommets des plus hautes montagnes. Avec la toundra, les grands troupeaux de rennes, ces animaux qui, pendant tout le Paléolithique supérieur avaient fourni aux hommes l'une de leurs principales ressources alimentaires, se déplacent aussi peu à peu vers le nord.

En Europe, l'aire de diffusion des conifères et des bouleaux diminue au profit de celle des forêts de latifoliés (arbres à larges feuilles) des climats tempérés. Y vivent des animaux de grande taille : cerfs, sangliers, chevaux et urus. On les chasse, mais ce n'est pas aussi  fructueux qu'au temps des rennes et des mammouths, désormais disparus !

L'élévation de température entraîne également le développement des graminées et des légumes, riches en protéines et en calories, mais aussi celui des mollusques marins, sources de protéines et de sels minéraux. Dans beaucoup de sites, on a découvert d'énormes dépôts de coquilles d'escargots, ce qui témoigne de l'importance qu'avaient les mollusques dans l'alimentation de nombreuses populations.

Vers la sédentarité

Pour se nourrir, bien que le schéma classique de la préhistoire (chasse-cueillette) prévale encore largement, on assiste à une grande diversification des cultures, avec une préférence pour les produits des récoltes qui viennent suppléer la viande, plus difficile à trouver. Cette période est caractérisée par une amélioration générale des conditions de vie. On assiste à des mutations plus profondes encore avec la civilisation natoufienne, florissante du Xème au VIIIème millénaire avant J-C en Syrie et en Palestine. Son régime alimentaire, complété par la chasse et la pêche, est généralement fondé sur la récolte de céréales et de légumineuses. Des installation, de bonnes dimensions (de 3000 à 9000 m²), révèlent l'existence de zones collectives destinées au stockage des graines comestibles. La tendance à demeurer longtemps dans un même lieu révèle une certaine "sédentarité". C'est à l'époque natoufienne qu'apparaissent les premiers villages permanents construits en plain air sur des sites tout à fait nouveaux.

Ce type de civilisation, dit pré-agricole, implique une attitude différente face à l'environnement : il s'agit alors de comprendre les cycles naturels des saisons ainsi que les vies végétale et animale, de façon à accroître ses chances de survie et à améliorer les conditions d'existence. Tous les villages sont implantés en plaine, mais au pied des montagnes, au bord des lacs ou des fleuves, afin qu'aux céréales et aux ongulés, propres à l'ensemble de leur zone, s'ajoutent l'eau et les poissons, et les gibiers forestiers.

Tous ces éléments durent constituer la base d'où allait émerger la culture agricole - "synonyme" de Néolithique - même si le stade pré-agricole persista longtemps sans qu'aucune forme d'agriculture véritable ne se développât.

Il est aussi probable que, dans certaines zones d'activité pré-agricoles, on se soit efforcé d'intervenir dans les cycles de vie des végétaux. A cet égard, et en raison de son ancienneté, le cas de groupes semi-sédentaires de la région d'Assouan (Haute-Egypte) est intéressant : entre 16000 et 15000 avant J-C, ils recueillaient systématiquement des graminées, ce qui, semble-t-il, répondait à une volonté de domestication par le biais de la sélection des plantes (en conservant les graines des plantes qui présentaient les meilleurs caractères).

L'évolution foudroyante de l'agriculture

Les première activités réellement agricoles voient le jour autour du VIIème millénaire avant J-C dans al région dite du Croissant fertile: Palestine, Syrie, Zagros et Sud-Est de l'Anatolie. Cette région est également la zone de plus grande diffusion des graminées sauvages, parmi lesquelles Triticum dicoccoides (souche de différents types de froment) et Horleum spontaneum (ancêtre de l'orge), dont le rôle fut sans doute déterminant dans la réussite des premières pratiques agricoles.

 Dès lors, l'agriculture connait une diffusion et un développement extraordinaires : deux ou trois millénaires passent, et elle est présent de l'Inde aux plaines des grands fleuves d'Europe orientale, ainsi que le long des côtes de l'Afrique et du Sud de l'Europe.

Les techniques agricoles font des progrès remarquables : pendant la même période, des espèces domestiques nouvelles, dues à la sélection et à l'hybridation, apparaissent, qui correspondent  mieux aux exigences de l'agriculture. L'épeautre, le blé tendre, l'orge présentent des graines particulièrement grosses, renfermées dans un grand nombre d'épis qui se détachent plus difficilement. Ces caractéristiques sont très avantageuses pour l'agriculteur, car il peut obtenir de meilleurs rendements : avec le grain semé, on court moins vite le risque que les graines ne se dispersent ou que de nouvelles espèces ne se répondent n'importe où.

La domestication des espèces animales

La sédentarisation transforme aussi le monde animal. Des témoignages attestent qu'au Proche-Orient, dès le IXème millénaire avant J-C, des animaux sont domestiqués : les ovins d'abord (chèvre et mouton, fin du IXème millénaire), puis les porcs (VIIème millénaire), les bovins (VIème millénaire) et les ânes (Vème millénaire). La domestication du cheval, elle, n'intervient que plus tard, vers la moitié du IIIème millénaire avant J-C, en Russie méridionale. Dans les villages néolithiques de quelque importance, ce sont les animaux de ferme qui semblent fournir la plus grande partie de l'alimentation carnée, le reste étant dû à la faune sauvage : chevreuil, cerf, sanglier, bœuf, quelques bisons, castor, lapin, lièvre.

Grâce à la sédentarisation, l'homme put établir de nouveaux rapports avec la nature. Il apprit à comprendre la vie et la reproduction des plantes et des animaux; ces connaissances allaient donner une tout autre valeur aux cycles des saisons, au soleil, à la lumière, à l'eau et à la chaleur. L'homme est désormais un peu plus maître de l'Univers, et sa conscience du mystère de la vie et de la mort s'affine : le monde surnaturel commence à l'envahir.

Source : éditions Delagrave, encyclopédie La traversée du temps - La vie des hommes , tome A travers la préhistoire, pages 28-29

La colère du Général, ou La diatribe du grand Charles.

La scène se passe au paradis :
  Sur un petit nuage, Yvonne tricote, assise sur un pliant.
  Elle voit arriver le général, titubant, la mine défaite, prêt à défaillir.
 Après quelques pas, il s’effondre à ses côtés dans un fauteuil.

Yvonne :
«  Depuis que de Saint Pierre vous eûtes permission
De retourner sur Terre ausculter la Nation,
Sur ce petit pliant j’attends votre venue...
Mais je lis dans vos yeux une déconvenue !
Parlez-moi sans tarder de celle qui toujours
Fut jadis avec moi l’objet de vos amours... »

Le général :
 « Vous voulez dire France à qui j’ai voué ma vie,
  Ne cachons point son nom ! Je vous sais gré, ma mie
( Malgré les embarras, les peines, les tracas
Qu’elle a pu vous donner et dont je fais grand cas ! )
  Pendant aussi longtemps de l’avoir tolérée. »

Yvonne :
 «  Eh bien ? »

Le général :
« Eh bien Madame, elle est défigurée ! »

Yvonne :
«  Charles, je compatis, c’est une peine extrême
  De voir les traits meurtris d’une femme qu’on aime
  Elle a vieilli sans doute... »

Le général :
« Oh, ce n’est pas cela !
  Il m’en faudrait bien plus pour être en cet état.
  Je ne m’attendais pas à la revoir pucelle !...
  Mais on peut décliner… sans cesser d’être belle !
  Si le corps en hiver n’est plus à son printemps
  L’âme de l’être aimé sait résister au temps ! »

Yvonne :
«  C’est donc son âme ? »

Le général :
« Hélas ! Si je n’étais au ciel
  Près de vous, à l’abri des chocs existentiels
  Ce que j’ai vu m’aurait donné le coup de grâce ! »

Yvonne :
 « Mais qu’avez-vous donc vu ? Vos silences me glacent ! »

Le général :
«  France, mère des Arts, des Armes et des Lois...
  Ô Dieu, l’étrange peine ! Et quel affreux émoi !
  Quelle désillusion, quelle désespérance,
  De revoir sa maîtresse en telle déshérence ! »

Yvonne :
« Mais encore, précisez… je reste sur ma faim !
  Vous me turlupinez ! Qu’avez-vous vu enfin ? »

Le général :
« J’ai vu, j’ai vu, Oh ciel ! J’ai vu... Comment vous dire...
  Comment bien s’exprimer quand on a vu le pire ?
  J’ai vu le Titanic s’abîmer dans les flots
  Et son grand timonier repeindre les hublots !
  J’ai vu un président, la cravate en goguette,
  L’air niais, le regard flou et la mine défaite,
  Un casque sur le chef, juché sur un scooter !
( On avait dû lui dire : il faut sortir couvert ! )
  Vous voyez le tableau ! Oh, madame, j’ai honte
  De certifier pour vrai tout ce que je raconte !
  C’est la chienlit, vous dis-je et pas qu’en les faubourgs !
  Comme ce fût le cas quand nous jouissions du jour
  Mais dans le Saint des Saints, au cœur de l’État même
  Où tout devrait baigner dans un accord extrême.
  J’ai vu des gouvernants qui ne gouvernent rien…
  Et un peuple hébété les traiter de vauriens !
  J’ai vu des ministrons se tirer dans les pattes
  Plus divisés entre eux que ne sont les Carpates !
  J’ai vu, comme jadis, tous ces « politichiens »
  Se disputer leur os, hargneux comme des chiens.
  J’ai vu dans la maison où j’ai régné dix ans
  Un orchestre amateur gratter ses instruments
  Dans la cacophonie ! Et dans ce grand bazar
  Le moindre palotin se prendre pour César :
  L’un fraîchement nommé, jouant les petits saints,
  S’exonérer d’impôts et trouver ça très bien !
  L’autre, obscur conseiller, quérir à son de trompe
  Un larbin stipendié pour lui cirer les pompes !
  Geste surréaliste au temps qui fut le mien !
  Mais j’allais oublier, et là, tenez-vous bien !
  Pour couronner le tout, j’ai vu, ( serrez les cuisses ! )
  Le gardien du budget planquer son fric en Suisse ! »

Yvonne :
  « N’êtes-vous point sévère avec ces jeunes gens
  Tout fiers d’avoir acquis un certain entregent ?
  Ces nouveaux Rastignac jadis vous faisaient rire
  Et ne vous mettaient pas dans une telle ire !
  Nous connûmes souvent et du temps de nos rois
  Nombre de grands coquins qui s’exemptaient des lois
  Et même pour certains sombraient dans la débauche ! »

Le général :
« Mais aucun de ceux-là ne se disait de gauche !
  Alors que ces pignoufs, sinistres polissons,
  Se pavanent le jour en donnant des leçons !
  Je me suis renseigné sur l’histoire récente
  Pour comprendre un peu mieux ces façons indécentes,
  Et qu’ai-je appris Grand Dieu ?... Mille calamités
  Sur un gouvernement qui semble tout rater !
  Depuis plus de deux ans, on s’agite, on spécule !
  Ce qu’on avance un jour, ensuite on le recule,
  Dans un rythme effréné qui donne le tournis…
  Ça n’est plus du tango, c’est danse de Saint Guy !
  Le peuple abasourdi par ces folles pratiques
  Ne voit pour l’avenir que funestes musiques !
  Il s’agite à son tour, ployant sous les impôts,
  Résiste à tout diktat, discute à tout propos,
  Tire à hue et à dia et renverse la table ! »
  
Yvonne :
« Un peuple ingouverné devient ingouvernable ! »

Le général :
« Je confirme et j’illustre, écoutez bien ceci,
  C’est un tableau d’en bas que je vous fais ici :
 A-t-on pris décision dans les formes légales
  Que l’on voit illico se former des cabales !
  L’un met un bonnet rouge et l’autre un bonnet vert
  En prétendant agir au nom de l’Univers !
  Quelques illuminés ou quelques fous furieux
  Hurlent en vomissant des slogans injurieux,
  Pillent les magasins, éructent, gesticulent,
  Cassent trois abribus !... Et le pouvoir recule !!! »
Yvonne :
«  Mais que fait la Police et que font les Gendarmes ? »

Le général :
« Le moins possible hélas ! Ils ont du vague à l’arme !
  Car si par aventure on coffre un malfaisant
  C’est la Garde des Sceaux qui porte les croissants !
  Les socialos naïfs rêvent dans les nuages,
  Se bercent d’illusions dans leurs lits d’enfants sages !
  Confrontés au réel, ancrés dans le déni,
  Ils sont tout étonnés quand ils tombent du nid !
  Les jeunes snobinards, que bobos on appelle,
  Vitupèrent la droite en faisant bien pis qu’elle !
  Les tribuns de la plèbe agitent leurs grelots :
  L’un veut saigner Neuilly pour nourrir le prolo,
  L’autre clame à grands cris qu’il faudrait tout secouer
  En virant les négros, les bicots, les niaquoués !
  Et les deux réunis proposent des programmes
  Qui traduisent à plat leur encéphalogramme. »

Yvonne :
«  Mais où sont les anciens ? Gaullistes et Cocos !
  Qui, eux, savaient pousser de grands cocoricos ! »

Le général :
« Leur QG moscovite ayant pété les câbles,
  Les Cocos d’autrefois sont quasi introuvables ! »

Yvonne :
« Bonne nouvelle, au gué ! Tout espoir n’est pas mort !
  Souvenez-vous du temps où ils étaient si forts !
  Plus de Rouges enfin, en travers de la route !
  Mais la race est teigneuse... il en reste, sans doute ? »

Le général :
« Oui, vous avez raison, ce sont de grands pervers...
  Les derniers survivants se font repeindre en vert !
  Quant à nos vieux amis gaullistes de baptême,
  On fleurit leur logis, avec des chrysanthèmes...
  C’est leurs petits-neveux qui piaillent à présent,
  Et se bouffent le nez pour occuper leur temps !
  L’un d’eux, le plus remuant, habile en artifices
  Se débat aujourd’hui dans les Cours de Justice.
  Je crains pour mon malheur, avoir œuvré en vain,
  Mon costume est trop grand pour habiller ces nains ! »  
Yvonne :
« Oubliez tout ceci, laissons la politique
  Qui vous fait enrager et tourner en bourrique.
  Parlons d’autres sujets plus gais et plus légers,
  Des lieux que j’ai connus... Paris a-t-il changé ? »

Le général : (redevenant plus calme)
« Heureusement, pas trop. On reconnaît la ville,
  J’ai pu me promener jusqu’à St Louis en l’île.
  Pompidou, un peu snob, pour marquer son séjour,
  Fit une usine à gaz au quartier de Beaubourg.
  Giscard n’a rien cassé… c’est déjà quelque chose !
  Mitterrand l’a suivi tenant au poing sa rose !
  Mais lui, plus mégalo, se croyant pharaon
  S’est plu à imiter le roi Toutankhamon.
  Il sema pyramide aux parterres du Louvre,
  C’est l’Égypte à présent qu’en ces lieux on découvre !
  Chirac, plus primitif, a voulu, quai Branly,
  Honorer les Dogons, les Peuls, les Chamboulis
  À leur art, dit premier, il a su rendre hommage,
  Le monument s’efface au milieu des feuillages...
  Je n’ai pas retrouvé les halles de Baltard
  À leur place un chantier avait pris du retard.
  Et quant à l’Élysée où vous fûtes naguère,
  Ce n’est plus un palais… c’est une garçonnière !
  J’ai même cru comprendre, en lisant leurs canards,
  Que peu s’en est fallu qu’il fût un lupanar ! »

Yvonne :
«  Un lupanar ! Grands Dieux, comment est-ce possible ?
  Vous me faites plonger dans un monde indicible,
  Je ne puis y songer sans trembler de dégoût,
  Notre chambre à coucher annexe au « one twotwo ! »

Le général : (qui s’échauffera progressivement)
« Oui, les mœurs d’aujourd’hui connaissent quelque audace,
  La contrainte est bannie et la honte fugace !
  Ce qu’on cachait jadis, on l’étale à présent,
  L’inverti manifeste, et la lesbienne autant !
  On divorce partout : mariage... anachronique !
  Sauf pour certains homos qui, eux, le revendiquent !
  La déviance est très mode et ne fait plus horreur,
  On l’exhibe à tout vent, mieux que Légion d’Honneur :
  Le travelo s’affiche, et le camé ne cesse
  De réclamer sa dose au frais de la princesse !
  Le moindre hurluberlu fait son intéressant,
  Quitte à montrer son cul au regard des passants !...
  À quand le zoophile, à quand le coprophage ? »

Yvonne :
 « Du calme, mon ami, modérez cet orage ! »
   
Le général :
« Mais, mon cœur, laissez-moi m’expliquer plus avant,
  Et vous aurez la clé de cet emportement.
  Si vous aviez pu voir, même de votre rive,
  Ce qu’il m’est advenu juste avant que j’arrive,
  Vous auriez, c’est bien sûr, eut le souffle coupé !
  Je reprends mon discours, où je l’avais laissé :
  Ayant à satiété subi les psychodrames
  Des gauchos, des fachos et de tous ceux qui brament,
  Avant de repartir, j’ai voulu, bon époux,
  Me rendre chez Chaumet vous choisir un bijou
  Sur la place Vendôme. Au pied de la colonne,
  Que vis-je alors, Madame ? En cent, je vous le donne !
  Le sommet, m’a-t-on dit, de l’art contemporain :
  Un enculoir géant en guise de sapin !
  Il m’a fallu trouver le salut dans la fuite
  Pour ne pas m’exposer au viol d’un sodomite !
  Afin qu’il me remonte aussitôt chez les miens,
  J’ai convoqué presto mon bon ange gardien !
  Et c’est ainsi tremblant, et d’horreur et de rage,
  Que vous me revoyez en ces nobles parages. »
Yvonne :
« Calmez-vous ! Les Français autrefois ont fait pis !
  Et même en votre temps, vous fûtes déconfit
  Par leur acrimonie et par leur inconstance,
  N’ont-ils pas, bien des fois, frôlé la décadence ?
  Je me souviens d’un jour où, par eux excédé,
  Vous les aviez traités, je crois, de bovidés ? »

Le général :
« C’est possible, en effet, dans un accès de doute
  Où leur grande inertie entravait trop ma route !
  Mais, Madame, aujourd’hui, ils ont fait bien plus fort !
  Les Français sont des veaux, gouvernés par des porcs ! »

Yvonne :
« Mais vous n’y pouvez rien ! Laissez à Dieu le père
  Le soin de réprimer tous ces coléoptères !
  C’est ainsi et c’est tout ! Le Français, français né,
  Sera toujours paillard et indiscipliné,
  Toujours libidineux, frondeur si nécessaire,
  Arrogant, belliqueux et même téméraire,
  Et cela en dépit de centaines de lois,
  Car s’il n’est plus gaulliste… il demeure gaulois ! »

Le général : (se levant, plus détendu)
« Oui, vous avez raison, j’ai tort, je m’obnubile
 Et ne fais rien de mieux que m’échauffer la bile,
  Laissons aux successeurs ce monde convulsif...
  Et allons chez Malraux, prendre l’apéritif ! »

Ils sortent...