L'intitulé "Juste mon opinion" s'applique à la politique, la philosophie, la religion, l'esthétisme, l'humour ... Mais "ça m'intéresse" aurait tout à fait convenu comme titre pour ce blog étant donné les nombreux autres thèmes abordés et les articles encyclopédiques : sur l'histoire, les sciences, etc, sans oublier les sports.
La plupart des articles sont issus de recherches sur le net et de lectures personnelles. Sources indiquées en fin d'article.
Après Epicure - De l'éthique à la politique
Épicure vivait avec une communauté d'amis (ouverte aux hommes libres, aux femmes –y compris prostituées- et aux esclaves) dans le Jardin (son école philosophique créée en 306 avant Jésus-Christ) près d’Athènes, en Grèce.
Il enseignait les moyens de parvenir au plaisir par la suppression des douleurs et des angoisses. Santé du corps et sérénité de l’esprit. Sa méthode consistait à identifier les besoins naturels et nécessaires, et de tempérer ou rejeter les autres, sources de frustration et de violences.
Bien qu’Épicure recommande de « vivre caché » et de ne pas s’impliquer dans la vie politique, ses successeurs, les philosophes épicuriens de l'époque romaine, les philosophes du siècle des Lumières ou les penseurs contemporains se sont progressivement orientés vers un épicurisme politique : un bien-être étendu à la société.
Quelle pourrait être la société idéale, aujourd'hui ou demain, selon les préceptes du sage antique ?
Au sommaire de cette compilation : - Préambule. Nous sommes mus par les sentiments. - Qu'est-ce que la beauté ? Réponse de l'éthologie. Et des dizaines d'exemples illustrés regroupés en quatre catégories : - Belles - Belles et sportives - Belles de la BD - Beaux gosses. Au format "livre papier glacé" sur : Lulu.com
Juste mon opinion 2014
Articles et commentaires du blog "Juste mon opinion" pour l'année 2014 ; au format livre papier glacé.
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Juste mon opinion 2013
Articles et commentaires du blog "Juste mon opinion" pour l'année 2013 ; au format livre papier glacé.
Source: Lulu.com
Juste mon opinion - 2012 - Second Semestre
Articles et commentaires du blog "Juste mon opinion" pour le second semestre de l'année 2012 ; au format livre papier glacé.
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Juste mon opinion - 2012 - Premier semestre
Articles et commentaires du blog "Juste mon opinion" pour le second semestre de l'année 2012 ; au format livre papier glacé.
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Juste mon opinion - Année 2011
Articles et commentaires du blog "Juste mon opinion" pour l'année 2011 au format livre papier glacé.
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Juste mon opinion - Année 2010
Articles et commentaires du blog "Juste mon opinion" pour l'année 2010 au format livre papier glacé.
Source: Lulu.com
Juste mon opinion - Année 2009
Articles et commentaires du blog "Juste mon opinion" pour l'année 2009 au format livre papier glacé.
Source: Lulu.com
Juste mon opinion - Année 2008
Articles et commentaires du blog "Juste mon opinion" pour l'année 2008 au format livre papier glacé.
Source: Lulu.com
Juste mon opinion - Année 2007
Articles et commentaires du blog "Juste mon opinion" pour l'année 2007 au format livre papier glacé.
Source: Lulu.com
Le lundi 6 juin 2022, lors de la conférence du Conseil gouvernemental de l'Etat de Savoie (ex-3S), Chloé Frammery, enseignante de mathématique genevoise, a été invitée à prendre la parole sur la situation actuelle.
2024, 2030 et 2050 sont des paliers charnières dans l'agenda mondialiste
puisque tour à tour, ces 3 années sont présentées dans les colloques du
WEF, de l'OMS et de l'ONU comme des dates butoir dans des domaines
comme le déploiement de la 5G et de la 6G, un pouvoir étendu donné l'OMS, la santé digitale,
les 17 buts du développement durable et le Nouvel Ordre Mondial. Tout
est écrit sur les sites officiels de ces organisations internationales
mais les médias persistent à nous qualifier de "complotistes" et de
"désinformateurs".
A Genève on peut y trouver entre autres 4 organisations internationales qui bénéficiant d'uneexonération totale des impôts ainsi de l'immunité et de l'impunité totale en terme juridique qui sont :
- l'OMS
- GAVI Alliance du vaccin (Fondation de Bill et Mélinda Gates)
- Visa Mastercard
- Coca Cola
On peut aussi y trouver le WEF ( le forum économique mondial ), l'ONU, puis d'autres organisations comme l'OMC.
On doit s'interroger sur le fait qu'à la télévision on ne parle pas des
agendas prévus pour les années 2024, 2030, 2050 de ces organisations ...
Ecoutez ce que Chloé dévoile dans la vidéo suivante :
Une dernière information : L'employeur de Chloé tente de la
licencier, évidemment pour son militantisme, mais elle reste
irréprochable pour ses cours de mathématique .... Quelle excuse vont-ils
inventer pour la priver de ses revenues ?
Merci à Chloé pour ce travail d'INFORMATION !
Ici à la fin de cet article vous y trouverez les liens des sources cités dans son discours !
• Sarkozy, 16 janvier 2009, "On ira ensemble vers ce Nouvel
Ordre Mondial, et personne, je dis bien personne, ne pourra s'y opposer" https://m.youtube.com/watch?v=g4xPXf4Zt1w
Une enquête menée auprès de 300.000 personnes non vaccinées contre le Covid‑19
a révélé que celles-ci n’avaient pas représenté une charge
supplémentaire pour les systèmes de santé – en réalité, ces personnes
ont connu des taux très faibles d’hospitalisation et de maladie grave.
Il y a eu très peu d’études sur la façon dont les personnes qui ont
choisi de se fier à leur immunité et aux produits naturels réagissent
face au Covid‑19, par rapport à celles qui ont accepté les vaccins
génétiques contre le Covid‑19.
Les rares études qui ont été réalisées combinent le plus souvent des
personnes vaccinées avec des non vaccinées, comme le montrent les données britanniques du professeur Norman Fenton et de son groupe, à l’université de Londres Queen Mary University of London.
C’est différent pour la première publication de l’analyse des données d’enquête du projet international Control Group – également connu sous le nom de Vax Control Group.
Ce projet, mené par des citoyens, a été lancé par une coopérative d’Eastbourne (Royaume‑Uni), la Control Group Cooperative, et compte plus de 300.000 souscripteurs.
Rob Verkerk, Ph.D., du groupe de défense Alliance for Natural Health,
a dirigé une équipe comprenant le Dr Naseeba Kathrada (médecin
généraliste d’Afrique du Sud, du groupe Caring Healthcare Workers
Coalition), Christof Plothe D.O. (praticien en médecine intégrative et
ostéopathique en Allemagne) et le Dr Kat Lindley (médecin de famille aux
États‑Unis), qui a rassemblé, analysé et interprété les données des cinq premiers mois d’enquête auprès des participants du « groupe témoin ».
‑ Les participants du « groupe de contrôle » non vaccinés ne sont pas
responsables d’une charge disproportionnée pour les systèmes de santé –
en réalité, ce fut tout le contraire, ils ont connu des taux
d’hospitalisation très faibles, et la maladie grave du Covid‑19 est
rare ;
‑ Ils sont plus susceptibles de se soigner eux‑mêmes, en utilisant des
produits naturels comme la vitamine D, la vitamine C, le zinc et la
quercétine ;
‑ Beaucoup ont utilisé l’ivermectine et l’hydroxychloroquine ;
‑ Les femmes ont souffert d’anomalies menstruelles et hémorragiques bien
qu’elles n’aient pas été vaccinées, probablement en raison de
l’exposition aux protéines de pointe et de l’excrétion ;
‑ Leur santé mentale a été considérablement affectée, peut‑être aggravée
par le fait qu’ils ont été stigmatisés par la société dominante
« vaccinée » ;
‑ Ils ont été victimes d’une forte discrimination en raison de leur
décision d’exercer leur droit au consentement éclairé et de refuser de
recevoir des « vaccins génétiques ».
Voici un communiqué de presse :
Une enquête internationale révèle que de ne pas avoir reçu de vaccin entraîne une diminution des hospitalisations
Une enquête internationale menée auprès d’un « groupe témoin »
conscient de sa santé, qui comprend plus de 300.000 personnes ayant
choisi d’éviter la vaccination contre le Covid‑19, montre que les
participants constituent une charge minime pour les systèmes de santé,
car ils se fient fortement à l’immunité naturelle, à l’autogestion de la
santé et à l’utilisation de compléments alimentaires naturels pour
prévenir, voire traiter, le Covid‑19.
Pourtant, ce groupe est confronté à une discrimination infondée, à
des pertes d’emploi et à des problèmes de santé mentale intensifiés par
sa marginalisation dans la société dominante.
L’enquête sur les participants du « groupe témoin » comprend un
sous‑groupe de plus de 305.000 participants de plus de 175 pays, qui ont
rejoint le projet citoyen et choisi de ne pas recevoir les vaccins contre le Covid‑19.
Les résultats, qui viennent d’être ajoutés au serveur d’études prépubliées ResearchGate,
montrent qu’au cours des cinq mois de l’enquête (de septembre 2021 à
février 2022 inclusivement), les participants ont souffert d’un faible
taux de maladie grave liée au Covid‑19, ont rarement été hospitalisés et
ont largement utilisé des produits de santé naturels pour la prévention
et le traitement du Covid‑19 léger à modéré.
Les données de ces cinq premiers mois de l’enquête du groupe témoin
ont été analysées et interprétées par une équipe internationale
indépendante dirigée par Robert Verkerk Ph.D.,
un scientifique multidisciplinaire et le fondateur, directeur exécutif
et scientifique de l’Alliance for Natural Health International, une
organisation à but non lucratif.
Parmi les co‑auteurs figurent trois cliniciens, le
Dr Naseeba Kathrada d’Afrique du Sud, Christof Plothe D.O. d’Allemagne
et le Dr Katarina Lindley des États‑Unis.
Les auteurs se sont réunis pour évaluer les données de l’enquête,
grâce à leur collaboration des derniers mois avec le Conseil mondial de
la santé, une coalition mondiale à but non lucratif d’organisations
axées sur la santé et de groupes issus de la société civile.
Les résultats de l’enquête sont basés sur une sous‑cohorte d’environ
18.500 participants du groupe de contrôle qui ont rempli des
questionnaires sur une base mensuelle, au cours des cinq premiers mois
de l’enquête.
Avec les nombreuses données recueillies, l’enquête a permis de
déterminer les raisons pour lesquelles les participants évitaient les
vaccins. La méfiance à l’égard des gouvernements et des sociétés
pharmaceutiques, ainsi que les inquiétudes quant aux effets indésirables
de vaccins insuffisamment testés figurent en tête de liste.
Les participants ont fait état d’importants problèmes de santé
mentale, qui ont pu être aggravés par la stigmatisation et la
discrimination dont ceux qui évitent les vaccins contre le Covid‑19 sont
victimes.
Il a également été constaté que les femmes, bien que non vaccinées
contre le Covid‑19, souffraient d’anomalies menstruelles et
hémorragiques pouvant être associées à l’exposition virale, à
l’excrétion, à l’exposition à la protéine de pointe ou à des changements
de comportement liés à la pandémie. Ceux qui n’ont jamais porté de
masque ont rapporté les niveaux les plus bas de la maladie.
Étant donné que les participants sont autosélectionnés et qu’ils se
sont auto‑déclarés, les résultats de l’enquête doivent être interprétés
avec prudence, lorsqu’on les compare à des statistiques nationales ou à
des études basées sur des populations sélectionnées au hasard.
Le projet Control Group, basé au Royaume‑Uni, a été créé à la
mi‑2021, sous la forme d’une coopérative dirigée par des citoyens qui
vise à évaluer les résultats sanitaires à long terme parmi les personnes
non vaccinées contre le Covid‑19, et à mettre ses membres en relation
avec des réseaux de soutien nationaux et des groupes communautaires en
ligne.
Nous diffusons ici un superbe texte historique qui remet les
pendules à l’heure sur les trahisons perpétuelles de la gauchiasse
étatico-marchande, gardienne du système marchand comme son pendant de
“droite”, envers des combattants et insurgés anarchistes, ce, de la
révolution espagnole à bien après la seconde guerre mondiale. La
trahison des marxistes autoritaires d’état s’est perpétuée au-delà de la
révolution espagnole et les partis communistes français et espagnols
ont liquidé bon nombre d’anarchistes des maquis à la fin de la guerre… Nous profitons de cette occasion pour rendre hommage à Alex,
alors très jeune participant des réseaux de passeurs pyrénéens entre
1939 et 1945, qui nous a quitté il y a peu et qui fut résistant dans
l’âme toute sa vie. Oui, honneur aux braves ! ~ Résistance 71 ~
Les anarchistes espagnols et la résistance française
« Les Espagnols sont plus de 500 000 à fuir Franco entre le mois d’août 1938 et le 12 février 1939.
Parmi eux, beaucoup de miliciens aguerris, la tête pleine de compagnons
tombés au front, d’amies violées, de parents massacrés ; des
combattants défaits qui ne survivent que par leur haine du fascisme,
sous la neige, dans des prés entourés de barbelés où sévissent la
dysenterie et la famine, appelés déjà « camps de concentration »,
symbolisant à eux seuls l’hospitalité française, fidèle à l’attitude
criminelle des démocraties occidentales vis-à-vis du peuple espagnol
durant la guerre civile.
Ces militants ont eu du poids dans la Résistance, un poids que
l’on cache souvent. Pourtant, la célèbre 2e division blindée (DB) du
général Leclerc est en partie composée d’Espagnols ; dans tous les
maquis, ils sont les premiers résistants. Parmi eux, les
anarcho-syndicalistes – courant majoritaire durant la guerre civile –
sont encore présents dans la lutte en France. Il n’est pas simple de
suivre leur trajectoire.
La victoire de Franco, c’est d’abord leur défaite militaire et
politique. Durant toute la résistance (et même après), l’empreinte de
cette défaite influe sur les décisions prises et celles qui ne le sont
pas… Ce courant est aussi celui qui a le plus souffert et qui souffre
encore, car il est isolé. Dans les camps, les militants du PCE noyautent les instances, avec l’aide du PCF, et discriminent les anarchistes.
Par ailleurs, le gouvernement français les hait plus que tout,
et certains de leurs représentants les plus illustres, comme Juan
Peiró, sont livrés à Franco par Daladier et fusillés. Le courant
anarcho-syndicaliste doit se réorganiser, il a du mal ; il doit
faire face à une situation nouvelle… Comme toujours, dans les
organisations libertaires, le vide organique est remplacé par la
spontanéité des militants qui finissent par réorganiser le mouvement.
Cela pose aussi des problèmes à qui veut en faire une rétrospective : la
complexité due à la multitude des expériences parfois contradictoires.
Deux périodes distinctes apparaissent : la période de réorganisation,
où il faut faire la distinction entre le mouvement qui s’organise et
l’action concrète des militants dans la lutte, et la période des huit
derniers mois avant la Libération, où se pose le problème d’adhérer ou
non à la Unión Nacional Española (UNE), une organisation tenue par les
militants du Parti communiste espagnol (PCE) et du Parti socialiste
unifié de Catalogne (PSUC), qui se veut hégémonique par- mi les
résistants espagnols.
Un mouvement qui s’organise tant bien que mal
Dès le 25 février 1939, le mouvement tente de se réorganiser.
Le comité national de la CNT et les comités péninsulaires de la FAI et
de la FIJL [1] s’unissent dans une seule et même organisation : le
Mouvement Libertaire en Exil (MLE). Dans le conseil général du
MLE figurent des noms déjà célèbres et qui ont de l’importance durant
toute la période, tels que Germinal de Souza, Mariano Rodriguez Vázquez,
Gresco Isgleas, Germinal Esgleas (compagnon de Federica Montseny),
Pedro Herrera, Juan Gallego Crespo et Juan Manuel Molina (Juanel) qui
est responsable des liaisons avec les camps de concentration. Par
la suite et durant la guerre, le MLE s’organise, s’étend, par le biais
de plusieurs commissions, en zone libre et en zone occupée qui
représentent des groupes de militants affiliés dans des villes ou des
lieux géographiques.
Ainsi, une des commissions les plus actives dans la
reconstruction du mouvement libertaire est celle du barrage de l’Aigle
où, nous le verrons, le maquis est tenu par la CNT espagnole. Il
faut souligner que les mêmes militants sont partie prenante de la
Résistance et de la réorganisation du mouvement, ce qui est peu adéquat à
l’action clandestine. Ainsi, actions armées et structures organiques se
chevauchent parfois, ce qui a des conséquences fâcheuses lors des
arrestations. D’autant que le gouvernement de Vichy a fait de la
neutralisation du MLE une priorité. Ainsi, dès fin 1941, la répression
s’abat sur le MLE.
C’est le premier mouvement de résistance espagnol qui subit un tel
coup (les autres subissent le même sort par la suite). Les principaux
responsables du MLE, c’est-à-dire les militants les plus aguerris qui ne
sont pas encore emprisonnés ou morts, sont arrêtés. On reconnaît les
noms de Germinal Esgleas (secrétaire du MLE), Federica Montseny,
Germinal de Souza (secrétaire de la FAI), Francisco Isgleas Pierman,
Valerien Mas Casas, Pedro Herra Camarero (membre du comité péninsulaire
de la FAI et délégué au conseil général de SIA [2], ainsi que des
membres des « amis de Londres » (des anarchistes qui ont préféré agir
directement avec les Anglais), tels que Manuel Gonzalez Marin « Marin
Manuel », Eduardo Val Basco et Francisco Ponzán Vidal (dont nous
reparlerons).
Les premiers sont déportés en Afrique, afin de prévenir les
tentatives d’évasion et empêcher tout contact avec le MLE. Celui-ci met
du temps à se réorganiser après un tel coup. Ce n’est que le 6 juin 1943
qu’a lieu un plénum [3] du MLE où, pour la première fois, on aborde le
thème de l’action conjointe avec la Résistance française. Mais ce plénum
n’apporte pas de solution. Il faut ouvrir ici une parenthèse pour expliquer les problèmes qui se posent alors dans l’organisation. Le
mouvement libertaire voit apparaître, dans ce plénum, deux tendances
distinctes qui vont s’affronter durant une dizaine d’années, allant
jusqu’à la scission. Il s’agit, d’une part, de la tendance «
collaborationniste » ou « politique » et, d’autre part, de la tendance «
maximaliste » ou « apolitique » (c’est-à-dire anti-politique).
Les premiers affirment que les
conditions historiques de la guerre d’Espagne sont toujours d’actualité
et que, par conséquent, la CNT doit prendre part au gouvernement
républicain en exil, dans le cadre d’une stratégie frontiste de reprise
de l’Espagne ; les seconds considèrent qu’il faut revenir aux positions
disruptives de la CNT et baser le renversement de Franco sur un combat
insurrectionnel du peuple espagnol. Cette deuxième tendance souligne
qu’il faut analyser les leçons de la défaite.
Ces deux tendances sont très marquées, et le MLE se retrouvera par la
suite avec deux comités à sa tête : celui de Juanel (du nom d’un des
leaders du courant collaborationniste) et celui de Béziers (composé par
les « apolitiques ». L’erreur trop répandue est de calquer sur ces deux
tendances les positions pour ou contre l’action dans la Résistance
française. On croit souvent que les « collaborationnistes »
appelaient à rentrer dans la Résistance, alors que les « apolitiques »
refusaient de prendre part à une guerre bourgeoise entre des gens qui
avaient laissé massacrer le peuple espagnol.
Or la réalité est bien différente. Le
sous-comité national (comité de la zone occupée), qui regroupe les deux
tendances pour cette partie du territoire français, se prononce contre
l’entrée dans la Résistance dans des proportions qui ne recoupent pas le
poids respectif des deux tendances en présence. Il y aurait beaucoup de
recherches à faire pour retracer une ligne exacte de ce qui s’est passé
au sein du MLE vis-à-vis de la Résistance, indépendamment des autres
problèmes que se posait le mouvement. Par contre, au plénum de
Marseille, en décembre 1943, le MLE conseille « à tous les militants de la CNT et du MLE de rejoindre la Résistance française plutôt que de se laisser emmener en Allemagne » [4].
Le MLE venait d’entériner une situation de fait, puisque bon nombre
de militants avaient déjà rejoint la Résistance française. Mais nous le
verrons tout à l’heure, la réorganisation tardive du MLE, qui l’amène à
ratifier des situations de fait au lieu d’agir directement sur le cours
des choses, le met dans une situation difficile aux derniers mois de la
guerre lorsque l’UNE aura des prétentions hégémoniques.
La présence des anarchistes
Dans les maquis, dans les réseaux, à Londres, dans la 2e DB du
général Leclerc, les anarchistes espagnols ont joué un rôle important
dans la libération de la France et de l’Allemagne. Ils l’ont fait par
conviction antifasciste, mais aussi dans l’espoir que de Gaulle
tiendrait sa promesse : ouvrir les frontières et chasser Franco.
Les grands hommes ont le geste noble : les Espagnols morts pour la
France ont reçu des médailles, leurs noms sont gravés sur les monuments
aux morts. Comme une insulte, chaque 8 mai, cynique, une gerbe tricolore
vient honorer leur sacrifice. En 1945, de Gaulle a envoyé un émissaire
pour normaliser les relations avec le Caudillo. En 1975, Franco est mort
dans son lit, toujours au pouvoir, 30 ans après…
Parmi les nombreux militants anonymes, certains ont joué un
rôle important dans la guerre d’Espagne, d’autre resteront à jamais
inscrits dans les pages de la Résistance. Ainsi, Antonio Ortiz s’engage
dans les corps francs d’Afrique ; blessé il est hospitalisé,
avant de repartir dans les « commandos » d’Afrique du général Leclerc,
puis dans le premier bataillon de choc comme instructeur du premier
commando lourd. Il débarque à Saint-Tropez, participe à la bataille de
Belfort et fait la campagne d’Allemagne où il est grièvement blessé.
Ortiz n’est pas un inconnu de l’histoire de l’Espagne ; le 24 juillet
1936, juste après la colonne Durruti, il avait pris la tête de la
colonne de la CNT-FAI qui a porté son nom. C’était la deuxième colonne
levée contre Franco. Ces deux colonnes réalisèrent ce que personne
d’autre ne fit : elles reprirent durablement du terrain aux factieux sur
le front d’Aragon. Ramón Vila Capdevila avait lui aussi montré
son courage durant la guerre civile. Il s’enfuit du camp d’Argelès et
devient, en 1940, un des tous premiers résistants de la région. Il est
plus connu sous le surnom de « commandant Raymond ». Spécialiste en
explosifs, son aide est précieuse pour le déraillement des trains ; il
commande deux cents résistants espagnols. Ce sont eux qui anéantissent
la garnison qui avait massacré les habitants d’Oradour. Lui et ses
compagnons rejoignent ensuite le bataillon « Libertad ». Ramón Vila Capdevila est mort en 1963, dans une rixe avec des
franquistes, alors qu’il était un des meilleurs passeurs d’hommes de la
CNT et que, depuis 1945, il faisait partie des groupes d’action qui
n’avaient cessé de harceler le régime franquiste.
Enfin, avant de parler des résistants anarchistes espagnols de façon
plus générale, il nous faut encore évoquer le parcours d’une figure
exemplaire, qui fut la pierre angulaire du plus grand réseau de passeurs
de la Résistance, le réseau Pat O’Leary. Il s’agit de Francisco Ponzán Vidal, plus connu sous le nom de François Vidal.
Militant de la CNT, il avait été responsable du syndicat dans une
comarcal d’Aragon [5] durant la guerre civile, puis il avait fait partie
du groupe « Libertador » de la CNT, spécialisé dans la recherche
d’informations militaires et dans les actions de sabotage derrière les
lignes franquistes. Ce groupe fut, par la suite, intégré aux services
secrets de la République espagnole.
À partir de mai 1939, Vidal organise un réseau de passeurs
d’hommes dans les Pyrénées pour faire sortir d’Espagne les militants en
danger. Dès le début de la guerre, ce groupe de « cénétistes » se met au
service de la Résistance et travaille activement avec l’Intelligence
service et le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) de de
Gaulle, mais aussi avec le réseau Sabot et le groupe Combat. Ce réseau
permet l’évasion de 1500 personnes, dont plus de 700 aviateurs alliés
(6), et le passage de nombreux documents (sans compter tout ce qui sert
la CNT et la lutte anti-franquiste). Le réseau couvre une zone
qui va de Bruxelles à Lisbonne. Fait prisonnier en 1944 par la police
française, Francisco Ponzán Vidal est livré aux Allemands et exécuté le
17 août 1944 par les nazis qui gardent la prison où il est enfermé, à
Toulouse.
D’une manière générale, les anarcho-syndicalistes ont
participé à pratiquement tous les réseaux de passeurs des Pyrénées (on
en décompte une vingtaine). On les voit aussi dans les maquis.
Voici la liste de ceux où leur présence fut suffisamment significative
pour laisser des traces : les maquis de Dordogne, de la Montagne noire,
de Querigut (dans l’Aude) ; les maquis de l’Aveyron, d’Ariège, du Pic
Violent, de Savoie, les maquis du Lot, de Loches, de Belves, de l’Isère,
de la Gouzette (Saint-Girons), de Privas ; les maquis du Cantal et de
Corrèze, de Maleterne, de Bagnères, des Landes, du Rouergue, des
Glières, du Limousin, le maquis Bidon et les maquis du Vercors, et
n’oublions pas le maquis du Cofra (à moitié cénétiste) et du Barrage de
l’Aigle, où les anarchistes sont hégémoniques.
Nous connaissons la présence d’anarchistes dans d’autres maquis, mais
il s’agit souvent d’individus essaimés de-ci de-là, sans lien entre
eux. Notons aussi leur présence dans le réseau Robul Alfred et leur
présence massive dans le Bataillon de la mort. Certains se retrouvent
avec des responsabilités, comme La Rey, membre de la CNT et responsable
de la Résistance à Montluçon, ou Emilio Castro Ballesta qui, avec sa
compagne, le commandant Pariset et l’épouse de Tavet, dirigent, à
l’arrestation de ce dernier, le maquis du Limousin. Dans le Gers, la
moitié des résistants de l’UNE sont confédéraux ; et ce n’est pas un cas
isolé. Faute d’organisation nationale de résistance, les anarchistes
apparaissent peu, bien qu’ils soient très présents. Citons tout de même
le maquis du barrage de l’Aigle, dirigé par José Germán González,
militant de la CNT, qui est un haut lieu de la reconstruction de la CNT
en exil et un des maquis les plus actifs de la Résistance. Ce maquis est
pratiquement à 100 % confédéral, tout comme le maquis de
Bort-les-Orgues.
D’une manière générale, les maquis du Massif central,
sont, en forte proportion, composés d’anarchistes espagnols, tout comme
ceux issus des chantiers de barrages sur la Dordogne, des barrages de
Marèges et de Chastang. Bon nombre de ces maquisards se retrouveront
dans le bataillon « Libertad », sous la responsabilité de l’anarchiste
Santos. Ce bataillon atteint par la suite la pointe de Grave et libère le Lot et Cahors. Enfin,
la présence anarchiste est particulièrement remarquable dans la 2e DB,
qui compte bon nombre d’anarcho-syndicalistes tant et si bien qu’ils
sont hégémoniques dans la 9e compagnie du 3e RMT, la « Nueve »,
pratiquement uniquement composée d’Espagnols, à l’exception du capitaine
Dronne qui la commande. C’est elle qui entre la première
dans Paris. Les premiers blindés portent des noms espagnols. Les
militants de la CNT-FAI sont bel et bien présents, la « Nueve » installe
un premier canon, nommé El Abuelo, dans l’hôtel de ville de Paris,
ainsi que le premier drapeau… ironie du sort.
Cette présence est complètement occultée par bon nombre d’historiens, tel Lapierre et Collins dans Paris brûle-t-il ? (édition R. Laffont 1964), Adrien Dansette dans Histoire de la libération de Paris (édition Fayard, 1946) où Henri Michel dans La libération de Paris (édition Comps, 1980). Même
le capitaine Dronne semble frappé d’amnésie dans son livre La
libération de Paris, alors que, dans son journal de marche, il évoquait
abondamment les combattants issus de la CNT-FAI (7). Les six
derniers mois de la guerre sont ceux d’un courage effacé par un manque
d’organisation nationale en réseau de résistance, qui condamne les
anarchistes à l’oubli, pour certains à la mort.
L’UNE, l’hégémonie dans le sang
Le mouvement libertaire est empêtré dans ses problèmes internes qui
tournent autour de la question de savoir s’il faut participer ou non au
gouvernement de la République espagnole en exil. La défaite contre
Franco est encore dans tous les esprits et la question gouvernementale,
qu’il aurait fallu trancher en juillet 1936, les anarchistes se la
posent toujours, au point de négliger des aspects importants. Le plus
dramatique est certainement cette absence totale d’organisation des
anarcho-syndicalistes espagnols en tant que corps dans la Résistance.
Rien pour faire valoir leurs droits, aucune structure pour assurer l’arrivée d’armes, de ravitaillement : les
anarcho-syndicalistes se sont fondus dans la Résistance comme nul
autre, sans se soucier un seul instant de leurs intérêts propres. D’autres sont plus réalistes. Les communistes dirigent la UNE qui se veut hégémonique et se présente comme « l’unique mouvement de résistance espagnole ». Sur
un plan historiographique, cette situation a permis aux historiens de
passer allègrement sur la complexité des courants d’idées qui animaient
les résistants espagnols, en les décrivant comme de simples
anti-franquistes, voire carrément des communistes.
Cette conséquence n’est que la moins dramatique, car les volontés
hégémoniques de l’UNE ne s’arrêtent pas là. Les militants anarchistes
n’ont pas rejoint unanimement la UNE. Certains y sont rentrés à
contre-cœur, d’autres dans l’idée de contrecarrer l’influence des
communistes, tels les militants de la Agrupación Cenetista en la Unión
Nacional (ACUN). Si certains, quoique méfiants, sont tentés par la
reconquête de l’Espagne proposée par la UNE, beaucoup d’anarchistes y
adhèrent sous la menace et par peur des représailles. Les groupes de
militants les plus avertis ont préféré intégrer les Forces françaises de
l’intérieur (FFI), notamment dans le bataillon « Libertad ». Il faut
souligner ici le travail essentiel fait dans ce sens par José Germán
González, commandant du maquis du barrage de l’Aigle, qui organisa, à
travers les groupes de travailleurs étrangers (GTE), l’entrée des
cénétistes directement dans la Résistance française. C’est que les
réticences envers la UNE étaient grandes. Comme le disait Pierre Bertaux
très cyniquement : « Le Parti communiste n’a pas de rancune, il n’a que des tactiques. »
La phrase convient à merveille au Parti communiste espagnol. On
trouve dans la UNE des communistes, certes, mais aussi des
anti-franquistes très tardifs, comme certains requetés, ces monarchistes
absolutistes qui ont toujours brillé par leur conservatisme, et aussi
les membres de la CEDA de Gil Robles. La CEDA est la droite espagnole
qui était au pouvoir durant le bienio negro, ces années de toutes les répressions anti-anarchistes, d’avant 1936, quand le mot d’ordre était « pas de blessés, tirez au ventre
». Les anarcho-syndicalistes espagnols ont tous en tête les actes de
répression d’avant la guerre, au point que la révolte paysanne de Casas
Viejas transpire sur leurs chars. Et surtout la UNE est
tenue par les communistes, ceux qui ont tué Berneri, Nin et tant
d’autres. La UNE, c’est le gouvernement de Negrín, c’est la telefónica (8)…
La suite des événements va prouver que les inquiétudes des anarchistes n’étaient pas vaines.La UNE se sert d’appuis pour éliminer ses adversaires de toujours.
Le 20 septembre 1944, Santos, qui dirige le bataillon « Libertad »,
reçoit l’ordre du colonel Ravanel de transférer 350 de ses hommes à la
UNE. En même temps, l’ordre est donné de ne plus ravitailler le
bataillon. En cas de refus, celui-ci devait être désarmé par la UNE. Il
préfère alors se dissoudre. Mais la UNE n’en reste pas là, elle fait
pression, elle menace et elle tue ceux qui ne veulent pas se joindre à
elle (anarchistes en particulier, mais pas seulement, on connaît des cas
de socialistes qui subirent le même sort). Ángel Aransaez, secrétaire
du comité régional CNT de l’Aveyron, dénombre pour son département 56
exécutions sommaires. On en compte 13 dans l’Aude (crimes que des
ex-guérilleros de la UNE avoueront en octobre 1953).
Certains meurtres sont relatés dans Le Républicain du Midi d’août et novembre 1944. Tous sont commis sur des résistants socialistes et anarchistes en conflit avec la UNE.
Á Lavelanet, Francisco Alberich et Mercedes Miralles sont retrouvés
morts après avoir été appréhendés par des guérilleros de la UNE. Á Manse
dans l’Ariège, Belmonte, anarchiste responsable d’une exploitation
forestière où se cachent des réfractaires, est abattu avec son compagnon
Molina pour avoir refusé que la UNE vienne contrôler leur organisation.
On peut aussi s’interroger sur toute la série d’exécutions sommaires
d’anarchistes commises par des inconnus dans le Lot, dont celle de
l’agent de liaison de tous les maquis du Lot : José Mana dit « Martins
». Á Saint- Girons, Royo et un de ses compagnons de la CNT, qui étaient
en conflit avec la UNE, échappent miraculeusement à l’incendie et le
mitraillage de la maison de Royo. Sa compagne, ses deux enfants et trois
de ses amis n’ont pas eu la même chance… En août 1945, Antonio Téllez,
militant de la FIJL, lieutenant de la 9e brigade des FFI de l’Aveyron,
avertit Ángel Aransaez que la UNE a prévu d’envoyer un commando à
Decazeville, contre le comité régional de la CNT. Le capitaine espagnol
Bariso, traducteur du commandant français du 412e GTE, est enlevé.
Aransaez va voir le responsable de la Résistance, Degoy dit Valzergues,
qui lui déclare « Pas d’objection pour les traîtres » Ce qui montre une fois de plus la collusion de certaines instances de la Résistance avec la UNE.
Aransaez et les principaux responsables de la CNT sont arrêtés
par les francs-tireurs et partisans, mais sont libérés sous la pression
des résistants libertaires qui les menacent d’insurrection armée
(Aransaez était dans les FFI au barrage de l’Aigle). Toute une série de
cas similaires a été répertoriée. On peut consulter à ce sujet Les dossiers noirs d’une certaine résistance (Perpignan, éd. du CES, 1984), ainsi que le livre de Marie-Claude Rafaneau Boj, Odyssée pour la liberté. Les camps de prisonniers espagnols
(Paris, Denoël, 1993), dans lesquels sont relatés les cas les plus
flagrants ; mais ces ouvrages ne tiennent pas compte de tous les
charniers inconnus et de toutes les disparitions.
Il est un fait historique qui prouve la gravité et l’importance de
ces méthodes expéditives, il s’agit du rassemblement de l’essentiel du
camp républicain espagnol contre la UNE. Cette union se fait au sein de
la Alianza Democrática Española (ADE), avec la participation de la
Gauche républicaine, de l’Union républicaine, du Parti républicain
fédéral démocratique, du Parti socialiste ouvrier espagnol, de la Gauche
républicaine de Catalogne, du mouvement libertaire et des centrales
syndicales UGT et CNT. L’ADE dénonce les agissements de la UNE au
gouvernement provisoire de la République française, en mentionnant, dans
un communiqué officiel en 1944, toute une série d’exécutions sommaires,
détentions abusives, pressions en tous genres perpétrées par la UNE.
Fin 1944, la famille Soler est brûlée vive dans sa ferme. Le fils en
réchappe et parvient à contacter la CNT.
Un plénum national est organisé et un ultimatum des plus menaçants est adressé au PCE : « À
partir de cette communication, la CNT n’est plus disposée à tolérer ni
une brutalité, ni un attentat de plus. Elle rend directement responsable
la direction du PCE, en la personne de ses dirigeants, de ce qui
pourrait arriver. » La vague d’attentats s’arrête… Après ce bref
aperçu, qui ne prétend pas couvrir l’ensemble de la réalité, on peut se
faire une idée de la complexité de la période, une complexité accentuée
par la situation d’un mouvement libertaire qui se cherche, qui n’est pas
remis de sa défaite. Le mouvement est en pleine reconstruction, avec
tout ce que cela implique de conflits, il n’a pas l’efficacité
nécessaire au niveau national, ne serait-ce que pour protéger ses
militants. Dans le même temps, les militants qui le composent sont des
combattants aguerris, qui ont des réflexes de lutte, d’organisation
clandestine au niveau local et qui sont très précieux pour la
Résistance.
Si bien que l’on se retrouve devant un paradoxe : le mouvement
libertaire est en plein dans la Résistance, mais ses préoccupations
semblent ailleurs, dans un passé récent qu’il cherche à comprendre. Cela lui coûte cher… mais il n’a pas fini de souffrir.
Pire que la lutte, il y a l’exil, un exil de quarante ans,
d’une vie. Qu’ils étaient dignes ces Espagnols que l’on rencontrait
parfois dans la rue (que l’on rencontre encore quand on a de la chance).
Souvent raillés, souvent pauvres, ils n’ont pas haï les Français, ils
n’ont pas confondu la trahison de ceux qui dirigent à la bête ignorance
du petit qui subit. Ils ne lui ont même pas reproché son ignorance. On a
laissé Franco les massacrer, bourgeoisement, poliment, sans trop de
vagues. On leur a promis l’Espagne pour qu’ils apprennent aux Français à
se battre. On a envoyé des émissaires auprès de Franco. Et
quand ces résistants anarchistes espagnols qui se sont battus pour la
France – les Sabaté, les Facerías, les Ramón Capdevila –, plutôt que de
se venger sur ceux qui les ont toujours trahis, sont repartis combattre
Franco, seuls avec ceux d’Espagne qui maîtrisaient encore leur peur. Les gouvernements français de la IVe et de la Ve Républiques, les
ministres de l’Intérieur de ces gouvernements de gauche comme de droite,
« résistants » comme Mitterand, ces gouvernements ont collaboré avec la
police franquiste et permis qu’ils soient abattus comme des chiens.
Honneur aux braves ! »
Complément bibliographique
– J. Borras, Políticas de los exiliados españoles, 1944-1945, Paris, Ruedo Ibérico, 1976.
– A. Téllez Solá, Sabaté, Toulouse, Repère-Siléna, 1990.
– Les anarchistes espagnols dans la tourmente (1939-1945), Bulletin du Centre international de recherche sur l’anarchisme, Marseille, 1er trimestre 1989.
– F. Montseny, Seis años de mi vida (1939-1945), Barcelone, Ed. Galba, 1978.
– D. Wingeate Pike, Jours de gloire, jours de honte : le parti communiste d’Espagne en France. Paris, SEDES, 1984.
NOTES
[1] Confédération nationale du travail (CNT), qui constitue
l’organisation syndicale, la Fédération anarchiste ibérique (FAI) et la
Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL).
[2] Solidarité internationale antifasciste (SIA) est une organisation
de soutien à la lutte antifranquiste, qui est proche de la CNT
espagnole. Après la guerre, des personnalités comme Jean Rostand, Louis
Lecoin et Albert Camus adhèrent à SIA.
[3] Dans les organisations libertaires espagnoles, le plénum réunit
les délégués mandatés par leurs régions respectives et les organes
représentatifs de l’organisation (tel le comité national) dont le mandat
et le travail sont alors vérifiés. Le plénum gère administrativement
l’organisation, donne des directives et peut prendre des décisions
ponctuelles.
[4] Déclaration du plénum de Marseille du MLE (décembre 1943).
[5] Une comarcal est un regroupement de fédérations locales de
la CNT espagnole, que l’on pourrait comparer, par la taille, à une
union cantonale.
[6] Sur le réseau Pat O’Leary, voir Henri Michel, La guerre de l’ombre, Paris, Grasset, 1970.
[7] Ce journal de marche est reproduit par Antonio Villanova dans son livre Los Olvidados, Paris, Ruedo Ibérico, 1969, pp. 371-450.
[8] Camillo Berneri, anarchiste italien et Andres Nin,
leader du Partido obrero de unificacíon marxista (POUM), furent
assassinés à la suite des événements du central téléphonique de
Barcelone, en mai 1937, lorsque les communistes lancèrent une offensive
contre le POUM et la CNT-FAI.
Ses livres les plus connus, la Chronique des Indiens Guayaki27 et La Société contre l'État28, offrent deux approches différentes de ce terrain sud-américain : le premier, proprement ethnographique, décrit en détail la vie de « chasseursnomades » des Aché ; le second, plus anthropologique, réunit des études théoriques consacrées à la dimension politique des sociétés autochtones en questionnant l'origine de l’État.
Revenu du terrain sud-américain, Clastres observe en ethnologue et en anthropologue celui où il est né : la société occidentale. D'une part, il critique certains travers de sa société, comme le rapport au langage, la conception de la guerre et la pratique de l'ethnocide. D'autre part, il avance une thèse sur les « sociétés primitives »29,n 3 (des sociétés indivisées où est institué un pouvoir politique non coercitif) dont le corollaire s'applique aux sociétés occidentales : des sociétés divisées en « dirigeants/citoyens »34 où est institué un pouvoir politique coercitif exercé par l'« État ».
Dans ses travaux, Pierre Clastres distingue « un plan théorique »35 qui trace un axe de recherches et « un plan pratique »35 qui esquisse un éventail d'actions36 : « Le premier, écrit-il, s'articule autour d'une question historique et sociologique : quelle est l'origine de la domination ? Le second renvoie à une question politique : que devons-nous faire pour abolir la domination35 ? »
Par la suite, en compagnie d'Alfred Adler, de Michel Cartry et de Lucien Sebag41, Clastres change de cursus42 et suit des cours d'ethnologie et d'anthropologie de 1958 à 196343 ; Alfred Métraux est son professeur39 et il assiste aux cours de Claude Lévi-Strauss au Collège de France44. Se remémorant l’année 1956, Adler déclare : « On découvre Tristes Tropiques. Je me souviens de Pierre Clastres, fou de Tristes Tropiques, qui l'a lu quatre ou cinq fois »45. Lorsque ces quatre étudiants doivent partir sur le terrain afin de compléter leur formation d'ethnologues, Adler et Cartry choisissent l'Afrique, Sebag et Clastres choisissent l’Amérique du Sud39. Adler se rappelle : « On ne trouve les vrais primitifs qu’en Amérique latine, disait-on pour plaisanter46. »
En 1965, Clastres obtient le titre de docteur en ethnologie avec une thèse de 3e cycle intitulée « La vie sociale d'une tribu nomade : les Indiens Guayaki du Paraguay »38. Réalisée sous la direction de Claude Lévi-Strauss48, sa thèse est issue de son travail de terrain auprès des Guayaki durant l'année 196349,50, et donne lieu à la publication de plusieurs articles sur la société guayaki51,52,53,54. Ce travail est publié2 dans l'ouvrage paru en 1972 : Chronique des Indiens Guayaki.Ce que savent les Achés, chasseurs nomades du Paraguay27.
De 1961 à 1975, Clastres est chercheur au C.N.R.S., rattaché au Laboratoire d’anthropologie sociale créé et dirigé55 par Claude Lévi-Strauss38. À partir de 1971-1972, il est chargé de cours à la Ve section de l'École pratique des hautes études (É.P.H.É.)38 où, notamment, il s'occupe de former les étudiants à l'anthropologie politique56. Philippe Descola
se remémore ces cours : « je garde de lui le souvenir d'un
interlocuteur plutôt abrupt, peu enclin à discuter ses idées avec les
étudiants frondeurs que nous étions à l'époque57. »
À compter du , Clastres est élu directeur d'études de la chaire « Religions et sociétés de l'Amérique du Sud » à l'É.P.H.É.38 ; il y tient un séminaire de qualité mais qui attire peu de monde, d'après Miguel Abensour58 et Marcel Gauchet59. Enfin, au Brésil, il enseigne à l'Université de São Paulo : du mois de mars au mois de et du mois d'avril au mois de 60.
Travail de terrain
Pierre Clastres est un américaniste61, c'est-à-dire que ses recherches et son travail de terrain se font en Amérique, précisément l'Amérique du Sud. Peu intéressé par l'empireInca et par les sociétés dont l'organisation politique se rapproche d'une forme étatique62, il s'intéresse plutôt aux sociétés d'Amazonie, aux peuples de la forêt et des terres basses (ce qui le rattache à une airegéographique et à un champ d'études nommés « américanisme tropical »)63. Voici les missions qu'il effectue64,n 4 :
En 1965 toujours au Paraguay, après une tentative infructueuse de rencontrer des « groupes guayaki du Nord encore inconnus »66, il séjourne auprès des Indiens Guarani Chiripa66 « grâce à León Cadogan »67 avec lequel il entretient une profonde amitié (et dont il préface le Diccionario Guayaki-Español68) ;
Fin 1965 et début 1966 au Brésil, il visite les Javae du Haut Xingu puis il effectue un « premier court séjour chez les Guarani du littoral de São Paulo »66 ;
À l'été 1966, de retour au Paraguay, il séjourne brièvement chez des Mbya-Guarani69 ;
Par deux fois, en 1966 (juin à octobre69) et en 1968 (juin à septembre69), il visite les Indiens Chulupi qui vivent dans le Chaco au Paraguay67 ;
Enfin, en 1974, il rencontre des Indiens Guarani au Brésil69, « les descendants des rescapés d'une des dernières migrationsreligieuses remontant au début du XXe siècle et provenant du Paraguay67. »
À ce travail de terrain il faut ajouter la fréquentation continue des textes de nombreux chroniqueursn 5, dans ceux-ci Clastres trouve des informations qui l'aident à comprendre les sociétés qu'il étudie65,7,76. Et c'est dans certains de ces textes qu'il découvre pour la première fois des peuples qu'il rencontra par la suite77 : les Guarani et les Guayaki.
Parcours intellectuel
Dans sa jeunesse, Pierre Clastres milite à l’Union des étudiants communistes (UEC) au côté de Lucien Sebag et Michel Cartry78. Dans un article consacré à Cartry, Alfred Adler
évoque le tempérament d'alors de Clastres : « un bagarreur qui avait le
goût de l’aventure (mais il ignorait encore laquelle serait la sienne)
et était encore tout fier de son ascendance paysanne plongeant ses racines au cœur des Pyrénéesariégeoise79. »
Lors du séjour de Marshall Sahlins au Laboratoire d’anthropologie sociale (1967-1969n 6),
Clastres déjeune avec lui couramment : ils discutent des « dernières
données scientifiques et [de] la question de savoir si la société [est]
mûre pour la révolution81. » Selon Bento Prado Junior lors de Mai 68 Clastres, accompagné de Sahlins81, est « occupé à construire des barricades sur les boulevards de Paris82. »
C'est dans la revueL'Homme fondée83 par Claude Lévi-Strauss que Clastres publie la plupart de ses articles. À la suite de polémiques autour du structuralisme84 et, surtout, après l'envoi d'une lettre véhémente à un collègue sur du papier à en-tête du Laboratoire d'anthropologie sociale85,86, Claude Lévi-Strauss congédie Clastres du Laboratoire en 197487,88. En conséquence, Clastres cesse de collaborer à L'Homme et il publie le reste de son œuvre dans différentes revues qui accueillent des articles sur des sujets principalement politiques et philosophiques, dont Interrogations et Textures89.
Pierre Clastres décède lors d'un accident de voiture le 27 juillet 197737,104. Robert Maggiori suppute : « On ne sait pas ce qui s'est passé sur cette route tortueuse de Lozère, du côté de Gabriac. [...]. Sans doute a-t-il perdu le contrôle de sa direction, et versé la voiture au flanc de la montagne12. »
Une œuvre inachevée
De son vivant, Clastres a été l'auteur d'une thèse non publiée, d'une trentaine d'articles et de trois livres ; mort accidentellement, il laisse derrière lui une œuvre inachevée 105,106,107 :
des textes non regroupés en volume et quelques textes inédits, des
matériaux non publiés tels que des notes de travail, des journaux de terrain, un plan d'ouvrage, etc.73. (Voir en fin d'article « Annexe : publications ».)
Recherches et travaux
Dans cette partie, les recherches et les travaux de Pierre Clastres sont présentés en l'étatn 8.
Pierre Clastres aborde les sociétés auprès desquelles il séjourne selon différents angles : il cherche à saisir l'organisation sociale
de chaque société, il étudie une ou plusieurs singularités qui
retiennent son attention, il tente de repérer des régularités
sociologiques.
Sur son premier terrain chez les Guayaki, parmi les différentes dimensions de l'organisation sociale, l'économie de cette société l'interroge : les Guayaki sont-ils des chasseurs-cueilleurs
depuis toujours ou le sont-ils (re-)devenus par nécessité ou par
accident (Clastres pense qu'ils ont perdu leurs connaissances et leurs
pratiques agricoles)108. Chez les Chulupi, c'est la place du guerrier dans une société où la guerre est au cœur de la dynamique sociale et politique qu'il analyse (risque de division, place des femmes…)109. Chez les Yanomami, ce sont les liens entre les différents groupes qui l'intéressent110.
Sinon, sur ses différents terrains Clastres observe des singularitésn 9, comme l'anthropophagie.
Remarquant différentes pratiques et conceptions de celle-ci, il propose
d'opérer une distinction : d'une part l'« endocannibalisme » pratiqué
par les Guayaki, les Yanomami et les Yanoama, où les morts de la
communauté sont consommés afin d'empêcher les âmes des défunts de nuire aux vivants111 ; d'autre part l'« exocannibalisme » pratiqué par les Tupis-Guaranis et les Karibs, où les guerriersennemis capturés sont exécutés et mangés rituellement (après avoir vécu parmi leurs ravisseurs) afin que leurs forces augmentent celles de leurs gourmets112.
Enfin Clastres cherche à repérer des traits sociologiques qui,
appréhendés avec du recul, lui permettraient de formuler des thèses plus
générales113 ; par exemple : sur le mode de production dans les « sociétés primitives ». S'appuyant sur son travail de terrain, ainsi que sur les travaux de Marshall Sahlins et les données de Jacques Lizot, Clastres rejoint leurs conclusions quand ceux-ci soutiennent que les sociétés des peuples premiers sont des sociétés d'abondance114 et de loisirs115,116. Plus encore, d'après Clastres, les « sociétés primitives » seraient des sociétés qui refusent l'économie117, c'est-à-dire : des sociétés dont l'activité économique n'est pas organisée comme une économie de marché118.
Pour Clastres le terrain ne consiste pas seulement à étudier des
faits, c'est-à-dire des actions ainsi que des réalités matérielles et
physiques ; ces faits, il faut les rapporter à des réalités symboliques
aux effets bien réels, à savoir des mythes et des paroles.
Retranscrire des mythes, approcher des paroles
Clastres effectue des recherches sur les mythologies des peuples auprès desquels il séjourne (constitution de corpus, traduction et interprétation). Aussi, il s'intéresse de près à l'usage de la parole dans ces sociétés, notamment aux effets qu'une parole peut avoir lorsqu'elle est prononcée.
Pour analyser les corpus de mythes qu'il recueille, Clastres recourt à la méthode d'interprétation inventée par Claude Lévi-Strauss : l'analyse structurale7.
Toutefois, Clastres estime que cette méthode structuraliste ne permet
pas d'explorer toute la richesse et la profondeur des mythes, tout
particulièrement leur dimension politique8. Par ailleurs, comme dans son article « De quoi rient les Indiens ? »119, il considère que cette méthode manque la dimension humoristique de certains mythes et leurs effets cathartiques120,121. Aussi, il s'intéresse aux réflexions des peuples premiers sur leurs propres mythes et mythologies : Clastres écoute les chamansGuarani qui, lorsqu'ils récitent leurs mythes, accompagnent ces récitations de réflexions sur ceux-ci122,123.
Outre la mythologie, Clastres étudie l'usage qu'il est fait de la
parole dans ces sociétés car, selon les occasions, telle parole peut
entraîner certains effets. Par exemple, les karai (les prophètes) Tupi-Guarani récitent les mythes de leur société mais, parfois, ils entraînent la population dans des migrations vers la « Terre sans Mal »124 : ainsi leur parole peut être soit simple répétition et reconduction des traditions de la société, soit bouleversement complet de ladite société120. L'autre exemple est celui des chefs : comme les karai,
ils parlent au nom de leur société ; cependant selon Clastres leur
usage de la parole est sans effet : tout chef a le devoir de parler
parce qu'il doit des paroles à sa société (sa prise de parole est un dû
parce qu'il doit sa position de chef à sa société)125,126.
Pour le dire autrement, sa parole est sans effet(s) car il dit ce que
chacun sait déjà, les lois, et car personne ne lui obéirait s'il
songeait à donner des ordres, et non à rappeler les lois127.
Pour recueillir des mythes et des paroles, collecter des données et des artéfacts, Clastres questionne les personnes des sociétés qu'il étudie. Ce faisant, il se pose des questions sur ses méthodes et ses pratiques : il prend alors du recul sur son travail d'ethnologue, ainsi que sur sa discipline.
Réflexivité et critiques envers les présupposés de l'ethnologie et l'anthropologie
Le positivisme, Clastres le voit dans l'évolutionnisme, une théorie qui ne questionne pas ses présupposés129. Selon cette théorie, toute société évolue d'un point initial jusqu'à atteindre un stade plus élevé. Les peuples premiers seraient alors identiques aux premières sociétés humaines et les sociétés occidentales seraient l'aboutissement de l'évolution de toute société130.
Or, il n'en va pas ainsi : à l'instar des sociétés occidentales les
sociétés des peuples premiers ont une origine, une histoire et elles
poursuivent, chacune, leur propre trajectoire77.
L'ethnocentrisme, Clastres le repère dans la difficulté à vouloir (re)connaître les peuples premiers dans leur pleine et entière positivité131.
L'ethnocentrisme occidental visé par Clastres se distingue non
seulement par le fait de caractériser négativement toutes les sociétés
des peuples premiers selon des critères occidentaux (sans État, sans économie, sans histoire, sans écriture, etc.)132,133, mais surtout par la certitude d'être fondé scientifiquement, d'être objectif et rationnel134.
Par « raison
occidentale », Clastres entend l'impossibilité pour la civilisation
occidentale de tolérer l'existence d'autres sociétés qui, dès lors, sont
renvoyées dans le domaine de la déraison135.
D'après lui, la civilisation occidentale ne dialogue pas avec les
sociétés autres : soit elle les acculture, soit elle les anéantit136.
Néanmoins Clastres avance que l'ethnologie, en renouvelant son langage,
pourrait permettre de dialoguer avec les peuples premiers137.
Enfin, plus dramatiquement, Clastres s'inquiète de la disparition
prochaine de son objet d'étude : les « sociétés primitives ». À
l'instar de Claude Lévi-Strauss, il est persuadé que toutes les sociétés de peuples premiers sont condamnées à périr138,139.
Clastres anthropologue : découvrir d'autres sociétés, penser le politique
Le chef, le pouvoir politique, la non-coercition
Un
article sur la chefferie indienne lance les réflexions de Pierre
Clastres autour du pouvoir politique ; outre l'affirmation que les chefs dans les « sociétés primitives » sont sans pouvoir, il soutient que les « sociétés sans État » (ou « primitives »/acéphales) sont bien des sociétés politiques.
Dans cet article, « Échange et pouvoir »140, Clastres affirme que toutes les chefferiesindiennes sont instituées de sorte que le pouvoir du chef ne soit pas coercitif141, ceci fait que les « sociétés primitives » ont longtemps paru sans politique. Pour synthétiser l'argumentation de Clastres, toute société (« primitive » ou « à État ») édifie un circuit d'échanges de biens matériels et symboliques (dons et contre-dons), qui inclut aussi l'échange des femmes ; l'édification de ce circuit détermine pour chaque société, fondamentalement, l'institution politique du monde social (ou l'organisation sociale de la société) ; or, d'après Clastres, dans toutes les chefferies indiennes le chef est placé en dehors du circuit des échanges142,n 10. Il soutient que cette manière d'instituer la place du chef est une manière singulière et originale d'instituer le politique144 :
placé en dehors de la société et ne participant pas aux échanges
sociaux, le chef incarne le pouvoir politique mais il ne l'exerce pas143,n 11. En réalité, depuis cette place le chef dit et rappelle les lois de la société aux membres de la communauté
qui, contrôlant ce dire et ce rappel (et ainsi : contrôlant leur chef),
approuvent par là les lois de leur société édictées par les ancêtres146,147,148.
De fait, pour Clastres, c'est la société en son entièreté qui exerce le
pouvoir en reconduisant perpétuellement les lois instituées lors de son
édification149,150 ; de plus, il voit dans cette manière d'instituer le pouvoir politique l'institution de l'égalité : tous les membres de la communauté (y compris le chef) sont soumis aux mêmes lois, celles de leur société151,142,n 12.
Pour Clastres, cette institution de la chefferie indienne montre qu'à l'instar des sociétés occidentales (et de toutes les autres sociétés de par le monde3) les « sociétés primitives » (ou « sans État ») sont politiques152,153 ; plus encore : ces sociétés ont institué le politique de façon à préserver l'égalité entre les membres de la communauté154,155.
De cette découverte découlent plusieurs conséquences : tout d'abord,
toute société humaine est politique, ce qui veut dire qu'il n'existe pas
de société sans pouvoir politique156,157 ; ensuite, cela signifie que le pouvoir politique n'est pas par essence (par nature) coercitif, il existe un pouvoir politique non coercitif158 ;
enfin, ceci implique que la façon dont une société institue le
politique entraîne la détermination de cette société (indivisée ou
divisée, égalitaire ou inégalitaire)159,160,n 13.
Ces découvertes de l'universalité
du pouvoir politique et de l'existence d'un pouvoir politique
non-coercitif invitent Clastres à reconsidérer tout autrement ce pouvoir
politique coercitif exercé par l'État.
Les origines de l’État et de l'inégalité
À
la différence des « sociétés primitives » toutes les autres sociétés
(quelle que soit leur organisation sociale) sont des « sociétés à État »
d'après Clastres, c'est-à-dire des sociétés où sont institués un
pouvoir politique coercitif et la relation de commandement-obéissance.
Dans La Société contre l'État28 (et d'autres textesn 14), Clastres explore les conséquences de sa découverte quant à la nature de la chefferie indienne : l'État n'est pas l'unique modalité du pouvoir politique153 ; il n'en est qu'un des modes d'institution : celui du pouvoir politique coercitif163. Clastres veut briser le discours positiviste et remettre l'État à sa juste place : il ne se situe pas à la fin d'un processus d'évolution sociale qui manifesterait un progrès dans le développement du pouvoir politique153,164.
En réalité, l'État instaure l'inégalité : il institue dans le même
mouvement le pouvoir politique coercitif et la division sociale (entre
ceux qui commandent et ceux qui obéissent)165,n 15.
Cherchant à comprendre comment un pouvoir politique coercitif a
pu être institué, comment l'État a pu surgir, Clastres envisage
plusieurs possibilités. L'une d'entre elles pourrait être la démographie :
plus une société compte de membres et plus la densité de population
augmente, plus un pouvoir politique coercitif pourrait survenir166,167. Autre possibilité : les prophètes, qui usèrent de leur parole afin de contre-carrer la venue de la division sociale voulue par les chefs, auraient fini par travestir cette parole en pouvoir politique coercitif168,169. Une autre possibilité serait l'inversion de la dette :
un ou plusieurs chefs auraient réussi à inverser le sens de la dette
qu'ils devaient à leurs égaux ; c'est-à-dire que tandis qu'un chef dans
la « société primitive » est en dette à l'égard de sa société, dans la
« société à État » ceux qui obéissent doivent payer leur dette à leur
chef (ou leurs dirigeants)170,171. Enfin, dernière possibilité, à la lecture du Discours de la servitude volontaire d'Étienne de La Boétie, Clastres envisage le « malencontre »172,173 : à savoir le passage inexplicable et accidentel du pouvoir politique non coercitif au pouvoir politique coercitif174 ; un passage de la liberté à la servitude,
qui instille le désir de servir et dénature l'être humain qui n'a plus
souvenir de la liberté et, par suite, qui ne cherche plus à la
reconquérir175,n 16.
Sans trouver de réponse définitive quant à l'origine de l'État177,178,n 17,
Clastres continue de chercher ailleurs les prodromes du pouvoir
politique coercitif dans les « sociétés primitives » : la guerre et le
statut des guerriers.
La guerre, les guerriers, le multiple
Avant que la mort n'interrompe ses recherches180, Clastres s'est intéressé au phénomène de la guerre et à la vie des guerriers dans les « sociétés primitives ».
Dans l'article « Archéologie de la violence »181 Clastres estime que la guerre
est universelle, elle est présente dans toutes les sociétés ;
cependant, dans les « sociétés primitives » la guerre diffère de celle
pratiquée par les « sociétés à État »182,n 18.
D'abord, dans les « sociétés primitives » chaque unité sociopolitique
(chaque communauté politique) conçoit toutes les autres unités
sociopolitiques comme hostile et étrangère : identifier une communauté ennemie permet ainsi de s'affirmer en tant que communauté politique singulière184,185. Ensuite, pratiquer la guerre contre d'autres communautés procède d'une visée politique essentielle186 :
les « sociétés primitives » pratiquent la guerre pour multiplier les
unités sociopolitiques et, de la sorte, éviter l'unification de
différentes communautés politiques sous un pouvoir politique coercitif
unique (l'État186)187,n 19.
Après avoir observé la guerre de façon globale, Clastres s'intéresse au statut des guerriers dans l'article « Malheur du guerrier sauvage »191. En premier lieu, il note que dans toutes les « sociétés primitives » l'homme est par définition un guerrier, c'est-à-dire que son destin (sa nature) est d'être un guerrier192 ;
il n'a pas d'autre choix : la guerre est perpétuellement pratiquée par
chaque unité sociopolitique contre les communautés ennemies193. En second lieu Clastres soutient que les guerriers ne peuvent pas imposer leur désir
de guerre et, par là, constituer un organe séparé de pouvoir : en
échange de leur activité guerrière la « société primitive » leur accorde
la gloire et la reconnaissance192, jamais le pouvoir184 (il donne l'exemple de ces chefs qui partent seuls à la guerre, en quête d'une gloire éternelle obtenue dans la mort194,195).
Néanmoins, Clastres voit dans la formation d'un groupe de guerriers
l'apparition d'un organe qui, par sa constitution même, recèle la
possibilité d'instituer un pouvoir politique coercitif196,197.
À la toute fin de l'article « Malheur du guerrier sauvage » publié à titre posthume, la rédaction de la revue Libre communique l'ébauche d'un plan d'ouvrage198 noté par Clastres : « Nature du pouvoir des chefs de guerre ; La guerre de conquête dans les sociétés primitives comme amorce possible d'un changement de la structure politique (le cas des Tupi) ; Le rôle des femmes relativement à la guerre ; La guerre "d'État" (les Incas)199. »
Vie d'une œuvre inachevée
L'œuvre de Pierre Clastres se confond parfois avec son maître-ouvrageLa Société contre l'État, de ce fait des renvois vers la partie « Réceptions et critiques » de cet article Wikipedia sont proposés en note.
Réceptions et critiques
La communauté anthropologique
Dans
la communauté anthropologique, les travaux de Pierre Clastres sont
diversement reçus. Pour résumer : tandis que sa remise en cause de
l'État comme objet central de l'anthropologie politique est souvent
saluée, ses méthodes d'analyse des sociétés des peuples premiers sont
mises en doute et, par suite, ses démonstrationsn 21.
Maurice Godelier
répondit aux attaques de Clastres. En 1977 il lui reproche d'opposer
deux abstractions métaphysiques (l'« État »/la « Société ») et, « à
l'aide de quelques faits détournés de leur sens et avec un mépris total
pour tous les faits qui les contredisent »200,
de faire croire « à un public peu informé mais légitimement intéressé,
que les primitifs en leur sagesse auraient mieux compris la leçon et
passé leur temps à "conjurer la naissance de l'État"200. »
En 1984 Godelier réitère ses critiques : l'État n'est pas né du
« hasard de la conjugaison fatale du désir pervers de certains
d'asservir et d'être servis qui rencontrait le désir des autres, plus
nombreux, d'être asservis et de servir, il faut voir ailleurs que dans
des images d'une prolifération cancéreuse de rapports sado-masochistes, dans cette socio-analyse bon marché, les raisons de la formation des classes et de l'État201. »
En 1979 paraît un ouvrage collectif dont plusieurs contributions ciblent directement Clastres : Le sauvage à la mode202. Jean-Loup Amselle accuse Clastres d'avoir fait de la « société primitive » une « essence »203. Marc Augé voit dans les travaux de Clastres une sorte de « néo-évolutionnisme »204 et se demande comment les « sociétés primitives » pourraient-elles pressentir le pouvoir coercitif de l'État. Enfin, Jean Bazin
critique la définition du pouvoir politique faite par Clastres : cette
définition manque certains faits de domination (division des tâches,
pouvoir de l'homme sur la femme, etc.)205.
Dans un article paru en 1989, « Une Nouvelle anthropologie politique ? »206, Emmanuel Terray
propose une lecture critique de l'œuvre de Clastres. Le point nodal de
sa critique rejoint celui de Godelier et d'Amselle : Clastres appuie son
argumentation sur des concepts qui érigent en « essence » des réalités
(sociologiques, historiques, géographiques, culturelles…) beaucoup plus
variées207 ; il s'adonne ainsi à un « véritable platonisme sociologique »207, procède à des généralisations abusives208 et tient des propos binaires et manichéens209. Aussi, Terray note que Clastres ne peut rendre compte de l'origine de l'État par défaut méthodologique210 et que la thèse de l'universalité de la guerre est inexacte211,n 22.
Lors d'un colloque consacré à « l'anti-autoritarisme en ethnologie »212, Christian Delacampagne
et Christian Coulon sont revenus sur les travaux de Clastres. D'abord,
tous deux reconnaissent que les opinions libertaires de Clastres
ressortent fortement dans ses travaux91,213.
Pour autant, Delacampagne et Coulon insistent sur le fait que Clastres
est le premier anthropologue à questionner et critiquer la place occupée
par l'État dans les réflexions ethnologiques et, plus largement,
philosophiques et politiques214,215.
D'autre part Coulon, tout en relevant certains angles morts, estime que
la ligne directrice de l'œuvre clastrienne est de redonner aux sociétés
non occidentales le « statut de sociétés à part entière »213.
Le monde universitaire
Les recherches et les travaux de Clastres intéressent des universitaires provenant d'autres disciplines (notamment les sciences politiques), et ceux-ci discutent et critiquent ses thèsesn 23.
Pierre Birnbaum débattit avec Clastres dans un article216 qui reçut une réponse217.
Parmi les critiques que Birnbaum adresse à Clastres, il note que ce
dernier emploie « les concepts de pouvoir, d'autorité et de force sans
préciser leurs relations et en se servant parfois d'un terme pour un
autre218. »
Il estime que « Clastres valorise les sociétés qui maintiennent un
contrôle absolu sur leurs membres pour l'unique raison qu'elles auraient
su éviter ainsi l'apparition de l'État219. »
Birnbaum pointe alors une contradiction : « Voilà, en effet, une
étrange "démocratie" dans laquelle les hommes sont protégés de l'État
mais ne participent en rien à l'élaboration de leurs propres lois. Le
refus de l'État, c'est donc aussi la soumission complète,
l'impossibilité de toute remise en question de l'ordre établi, la fin de
toute innovation sociale par laquelle se révèle la liberté des hommes220. »
François Châtelet discute les critiques de Birnbaum et Jean-William Lapierre221 car, d'après lui, elles manquent leur cible222.
Selon Châtelet Clastres « montre que contrairement aux lieux communs
évolutionnistes, linéaires ou dialectiques, progressistes ou
"regressistes", la "primitivité" n'est ni un commencement, ni une
origine, ni un degré zéro, qu'elle a à être pensée pour ce qu'elle est
(et non ce qu'elle a à devenir), et que l'État n'est pas la forme
normale de la société en route vers la plénitude, qu'il n'est pas
nécessaire et qu'il n'est qu'un état (avec une minuscule) parmi d'autres
possibles…223 »
Aussi est-ce pourquoi : « S'il arrive que cette expérience fournisse
quelque leçon, qu'elle nous éclaire sur ce que nous sommes, c'est
toujours par surcroît224. »
Claire Michard et Claudine Ribery attirent l'attention sur le
fait que Clastres fait partie de ces auteurs qui reconduisent des
« représentations idéologiques » sexistes225, alors que son travail est reconnu « comme étant à visée objective »226. Dans leur étude227 du texte « L'arc et le panier »51 (repris dans la Chronique des Indiens Guayaki),
Michard et Ribery remarque que le « groupe des femmes n'est […] pas
posé de manière autonome, ainsi que l'est le groupe des hommes228. »
Dans son texte, Clastres pose le groupe des hommes comme terme
opératoire de la comparaison entre les femmes et les hommes guayaki ;
ceci implique que « le groupe des femmes est posé comme deux fois
subordonné au groupe des hommes »228 : comme groupe des femmes et comme épouse. Pour Michard et Ribery, ce biais méthodologie entraîne le sophisme suivant : tandis que « les hommes sont ce qu'ils font et se font être229 », « les femmes sont ce qu'elles sont et ce sont les autres qu'elles-mêmes qui les font (mères, épouses) »229.
La place publique
Enfin, les thèses de Clastres sont aussi examinées et débattues en dehors de l'université et au-delà du cercle des spécialistes98, c'est-à-dire dans l'espace public.
En 1990, la Revue du MAUSS publia deux numéros consacrés à la démocratie230,231. Dans la présentation de ces dossiers, Alain Caillé remarque que les débats autour de la démocratie tendent à limiter son existence soit à l'« archétype » de la démocratie athénienne, soit à la modernitéeuropéenne232.
Pourtant, rappelant que « Clastres voyait dans la marque sauvage des
corps le souci d'affirmer l'égalité devant la loi commune et d'interdire
l'appropriation individuelle du pouvoir de contraindre et de produire
la loi »233,
Caillé estime que ces recherches pourraient mettre au jour une
« ''naturalité'' » et une « universalité » de la démocratie et, par
suite, cela permettrait de « faire fond sur l'idéal démocratique »232.
Dans Les théories du pouvoir, Jacqueline Russ propose une histoire et une analyse de la notion de pouvoir.
Lorsqu'elle aborde la conception du pouvoir proposée par Clastres, elle
signale ceci : « Les sociétés humaines qui se sont passées d'État n'en
ont pas moins développé une coercition ou une contrainte diffuse234. » Russ soutient contre Clastres que tout « chef, même éphémère, possède une autorité et une puissance limitées »235 ;
de la sorte : « au sein de ces sociétés sans État, les notions de
d'autorité et de coercition apparaissent. S'il existe des sociétés
étrangères à l'institution d'un pouvoir politique fonctionnant au-dessus
de la société, elles n'ignorent pas nécessairement une domination
politique diluée ou éclatée235. »
Dans un article où Samuel Moyn étudie l'apport de Clastres à la
pensée politique française, il soutient que la « haine exagérée et
monomaniaque »19 que Clastres voue à l'État est due à son assimilation de l'institution « État » au totalitarisme236.
Autrement, Moyn aperçoit une conséquence inattendue (et involontaire)
dans l'insistance de Clastres à vouloir séparer l'« État » de la
« Société » : son œuvre « joua un rôle important dans l'essor de la
théorie contemporaine de l'importance de la société civile237. »
Précisément : Clastres a contribué à faire naître la croyance que la
démocratie est d'abord l'affaire de société civile et, par suite, il a
passé sous silence « le rôle nécessaire de l'État dans le développement
et la promotion d'une société civile libre et dynamique237. »
Pour finir ce bref tour d'horizon, la contribution de Clastres aux mouvements anarchiste et libertaire est toujours discutée. Édouard Jourdain
compte Clastres au nombre des anarchistes car il « affichait clairement
ses positions politiques antiautoritaires » et « ne cessa[i]t de
pointer les mutations de l'appareil coercitif d'État tout en mettant en
garde contre ses dangers »238. De son côté, Philippe Pelletier
rappelle que Clastres « n'est pas le premier à avoir expulsé l'État de
sa centralité dans l'anthropologie ou la philosophie politique239 » : Élisée Reclus et Pierre Kropotkine y avaient déjà pensé239. De leur côté, Marcel Gauchet et Anne Kupiec avancent que Clastres ne souhaitait pas contribuer à l'anarchisme59,240.
Kupiec ajoute : « ce à quoi invite P. Clastres, et qui n'apparaît guère
dans la pensée de l'anarchisme, c'est à penser le pouvoir politique
comme universel ''immanent au social'' en considérant que ''le pouvoir
politique comme coercition n'est pas le modèle du pouvoir vrai, mais simplement un cas particulier''241. »
Influence
Les comparses philosophes
L'influence
des travaux de Pierre Clastres est d'abord perceptible dans les œuvres
des philosophes qu'il a côtoyés durant des années242 : d'un côté Gilles Deleuze et Félix Guattarin 24, de l'autre ses comparses de la revue Libre : Claude Lefort, Marcel Gauchet et Miguel Abensourn 25.
Plusieurs fois Marcel Gauchet reconnut l'importance de Clastres pour son travail, comme lors d'un entretien avec Sylvain Piron245 ou dans l'introduction à un recueil de textes246 :
« Le coup de génie de Clastres a été de substituer le point de vue
dynamique de l'opposition au point de vue naïf de la privation. Ces
sociétés ne sont pas dépourvues d'État ; elles sont agencées contres le
surgissement de l'État247. » Dans son opus magnum,
Gauchet reformule à sa façon la thèse de Clastres : c'est « du point de
vue de la politique contenue dans la religion primitive que prend tout
son sens la notion introduite par Pierre Clastres de société contre l'État.
Entendons derrière l'expression : une société où la soustraction
religieuse du principe instaurateur prévient et désarme la séparation
d'une autorité légitimante et coercitive. Étant d'autre part entendu
qu'elle porte en elle au titre de virtualité structurale pareille
scission politique — et que cette virtualité est à la source de la
réflexivité impersonnelle à l'œuvre dans le choix religieux qui la
désamorce et la recouvre248. »
Claude Lefort reconnut l'influence de Clastres lors du colloque de 1982 consacré à l'anthropologue249,
il écrit : « Aussi bien Clastres m'apparut-il, […], comme cet
anthropologue que j'appelais de mes vœux, qui, à partir d'une
connaissance intime des sociétés sauvages […], renversait les évidences
de l'évolutionnisme et décelait les insuffisances du structuralisme3. » Et il ajoute plus loin : « les analyses de Clastres m'incitèrent à approfondir ma réflexion sur le politique250. » Bien qu'ils partagent nombre d'« affinités »251 Lefort discute certaines thèses de Clastres, notamment celles avancées dans le texte sur Étienne de La Boétie :
« me semblent injustifiables ces quatre propositions : celle que les
régimes des sociétés étatiques se distinguent par le seul degré dans
l'oppression exercée ou l'intensité de la servitude ; celle que les
effets du malencontre ''ne cessent de s'amplifier'' ; celle que la
nature de l'État se résume à l'exercice de la coercition ; enfin celle
que la vie sociale, là où existe l'État, est tout entière sous son
emprise172. »
Des ethnologues sud-américains
Clastres n'a pas fait école252 et n'a pas eu de disciples253,254, néanmoins une génération d'ethnologues sud-américains252 trouve dans ses travaux des intuitions et des pistes à poursuivre ou à rectifier, d'autres à abandonnern 26.
Eduardo Viveiros de Castro rédigea une introduction à la traduction anglaise du recueil Recherches d'anthropologie politique256. Dans celle-ci, outre différentes critiques257,
Viveiros de Castro affirme qu'une dimension de l'œuvre de Clastres
reste prisonnière du passé : « sa conception assez exclusiviste du socius.
La société primitive est un projet constitutivement humain ; la
politique de Clastres est une politique strictement intraspécifique258. »
Cependant, il juge que sa dimension philosophique reste pertinente :
« cette œuvre consiste, avant tout, à une intervention dans le champ de
l'anthropologie sociale amérindienne, intervention qui est venue
féconder la philosophie occidentale avec l'apport de la pensée des
sauvages, ouvrant la possibilité d'un authentique devenir-Indien du
concept259. »n 27
Dans leur « Préface » à la traduction brésilienne de La Société contre l'État260,
Tânia Stolze Lima et Marcio Goldman pointent les limites de
l'argumentation de Clastres quant à la pratique de l'exogamie locale
comme « règle mécanique associée à une règle mécanique de résidence »261.
Néanmoins, ils estiment que Clastres a vu juste sur un autre point :
« Affirmer que les sociétés indigènes de l'Amérique du Sud tropicale
sont des sociétés contre l'État n'est pas pécher par romantisme,
volontarisme, métaphysique ou idéalismes philosophiques. Bien au
contraire, c'est peut-être construire une anthropologie politique spécifique262. »
L'anthropologie anarchiste
L'« anthropologie anarchiste » est « une branche de l’anthropologie politique qui s’intéresse spécifiquement aux sociétés sans État »263,264. Clastres est considéré comme l'un des plus fameux représentants de cette branche au côté de David Graeber265 et James C. Scott266.
Dans son livre Pour une anthropologie anarchiste, David Graeber reconnaît en Clastres « l'un des rares anthropologues ouvertement anarchistes de mémoire récente »267. Avec David Wengrow, ils discutent des limites de sa thèse du chef sans pouvoir dans Au commencement était…268. Toutefois, il voit en Clastres « un romantique naïf »269 et se demande comment la pratique du « viol collectif » dans les sociétés amazoniennes a pu lui échapper269.
Dans son livre Zomia ou l'Art de ne pas être gouverné, James C. Scott
estime avoir une dette envers Clastres : son « interprétation
audacieuse des peuples autochtones cherchant à fuir l'État et à empêcher
son action dans l'Amérique du Sud postérieure à la conquête dans La Société contre l'État a pris, à la lumière des éléments rassemblés par la suite, une allure divinatoire270. » Ainsi, il le gratifie271 d'avoir montré que divers peuples autochtones mettent en œuvre des stratégies pour échapper à l'État272.
Dans son livre Anarchisme et anthropologie, Alberto Giovanni Biuso entend donner un nouvel élan à l'anarchisme. Bien qu'il discerne des limites anthropocentriques dans les thèses de Clastres273, il estime que sa contribution ethnologique est fondamentale : « en particulier pour son explication claire de la Différence.
La différence entre le pouvoir et l'État, entre la guerre et la
domination, entre les sociétés indivisées et les sociétés construites
sur l'Un274. »
Enfin, dans son livre L'Ordre contre l'Harmonie, Charles Macdonald récuse avoir été influencé par Clastres275.
Pour autant, il identifie dans les recherches de Clastres sur les
communautés de la forêt tropicale une tentative pour « donner un
statut » à des communautés qu'il nomme « anarcho-grégaires »276.
Postérité
Clastres en colloques
L'œuvre de Pierre Clastres est parfois discutée à l'occasion de colloques portant sur l'anthropologie ou la politiquen 28. Depuis sa disparition, trois colloques furent spécifiquement consacrés à ses travaux en France.
Miguel Abensour, proche de Clastres et « principal promoteur »278 de ses idées, organisa deux colloques consacrés à son œuvre. En il initia deux journées d'études279 intitulées « À partir de l'œuvre de Pierre Clastres : anthropologie et politique »280,n 29, dont les interventions furent publiées en 1987 dans le livre L'Esprit des lois sauvages. Pierre Clastres ou une nouvelle anthropologie politique249. En , avec Anne Kupiec, Abensour anima un colloque intitulé « Pierre Clastres et Nous. La révolution copernicienne et la question de l'État »281 ; certaines interventions de ce colloque furent réunies en 2011 dans un cahier Pierre Clastres282,n 30,
auquel furent inclues ces traductions : la « Préface » de Bento Prado
Junior à l'édition brésilienne du recueil de textes de Clastres Arqueologia da violência283, la « Préface » de Tânia Stoize Lima & Marcio Goldman à A Sociedade contra o Estado260 et l'« Introduction » de Paul Auster à la Chronicle of the Guayaki Indians284.
Le 25 et le à l'IMEC285,286,
Pierre-Alexandre Delorme et Clément Poutot organisèrent un colloque
consacré à Clastres : « Pierre Clastres. D’une ethnologie de terrain à
une anthropologie du pouvoir »287. Certaines interventions de ce colloque furent réunies dans l'ouvrage Clastres. Une politique de l'anthropologie288,n 31.
Usages de Clastres
Nombre d'auteurs mobilisent les travaux de Clastres dans des recherches qui dépassent non seulement le cadre des disciplines ethnologique et anthropologique (la philosophie289, la politique290 ou le droit291), mais aussi le cadre de réflexion de Clastres lui-mêmen 32.
Jean-Claude Monod fait appel aux travaux de Clastres dans son livre sur le charisme
du chef démocratique pour la raison suivante : « Cette image des
''chefs sans pouvoir'' peut-elle intéresser une pensée politique de la démocratie292 ? » Pour Monod il n'y a rien « qui puisse être directement transposé, aucune leçon politique directe pour "nos" sociétés »293
dans cette institution de le chefferie. Cependant, il retient un point
qui permettrait de concevoir autrement les rapports entre les citoyens et leur chef d'État : « On trouve en effet, dans cette organisation politique amazonienne, un rappel constant aux chefs de ce fait fondamental : le pouvoir vrai se trouve non en eux, mais dans la société. Une fois bien conscients de cette condition, oui, ils peuvent parler294. »
Arash Joudaki consacre à un ouvrage à Jacques Rancière dans lequel il compare sa pensée politique à celles de Marcel Gauchet, Claude Lefort
et Clastres. Confrontant Rancière à Clastres, Joudaki estime que les
analyses de ce dernier aboutissent à un constat décevant : « les Indiens
refusent d'obéir parce que l'intention sociale a d'avance décidé qu'ils
ne doivent pas obéir295. »
En revanche, dans ses travaux, Rancière met au jour l'action consciente
des sujets politiques : « Ces sujets mettent en pratique leur capacité
d'énonciation à formuler les termes d'une question concernant les choses
communes. Dans ce sens, la démocratie en tant que pouvoir du peuple
signifie le pouvoir propre à ceux qui n'ont pas plus de titre à
gouverner qu'à être gouvernés. Ce pouvoir est à la base de n'importe
quel forme de pouvoir et de gouvernement296. »
Christian Ferrié entend apporter « un éclairage psychanalytique des processus sociologiques et des mouvements politiques »297 repérés par Clastres. Ferrié avance que « le désir d'égalité comme pulsion même de la vie politique [serait] à l'origine du mouvement originaire du politique298. » Plus même, il soutient que cette pulsion d'égalité « serait, de tout temps et en tout lieu (politique), le ressort inconscient
de tous les mouvements politiques qui s'engagent pour l'égalité ou,
plus exactement, pour l'égalisation des conditions sociopolitiques
d'existence au sein des sociétés divisées299. » Enfin, d'après Ferrié, voici la vraie nature de toute communauté politique : « Anti-patriarcale et an-archique en sa tendance originaire, la communauté politique des êtres humains serait, par essence, régie par la loi primitive de l'égalité qui s'efforce de réprimer le désir d'inégalité en contrôlant tout particulièrement les chefs (de guerre)300. »
Clastres à distance (brève histoire d'une réception critique)
Les
réceptions et les critiques des recherches et des travaux de Clastres
sont variées (voir ci-avant). Nonobstant, au fil du temps deux tendances
s'amplifient distinctement : ses études ethnographiques sont
délaissées, ses thèses politiques sont mobilisées301,252,302.
La Chronique des Indiens Guayaki fut le premier ouvrage publié de Clastres, et son premier succès critique (voir le dossier constitué pour la réédition303). Toutefois, à distance, Clifford Geertz juge cet ouvrage méthodologiquement daté304 et le cadre conceptuel de Clastres romantique305. Alban Bensa reproche à Clastres d'hypostasier les pensées et les paroles ainsi que les faits et gestes des Guayaki306
et, par là, d'étudier une abstraction (faisant des Guayaki une
communauté qui n'est plus maître de son destin, mais seulement la
représentante d'un passé révolu)307. De même, les études ethnographiques réunies dans La Société contre l'État ont été rangées par les ethnologues « dans le cabinet des curiosités anthropologiques »308,309.
Ainsi, pour Olivier Allard, si les expériences de Clastres « lui
fournissent des exemples pour étayer son argumentation, […], elles
relèvent finalement plus de l’activité d’un explorateur ou d’un voyageur
éclairé que de celle d’un ethnologue professionnel310. »
Et il ajoute : « à la question de départ "Faut-il encore lire Clastres
aujourd’hui ?", je répondrai que, pour un ethnologue, ce n’est
finalement pas nécessaire »311,n 33.
A contrario, les thèses politiques avancées par Clastres
continuent d'être actualisées. Durant les années 1970-80, ces thèses
intéressaient des auteurs aussi différents que Michel Foucault312, Jean-William Lapierre221, Fernand Deligny313, Jean-François Lyotard314, Joseph Pestieau315, José Gil316 ou François Masnata317. Depuis les années 2000, ces thèses reviennent en grâce dans les « milieux politiques radicaux »318 et chez des philosophes comme Jean-Claude Monod, Arash Joudaki et Christian Ferrié dont les travaux portent sur la politique (voir ci-dessus « Usages de Clastres »)n 34. Pour finir, certains anthropologues considèrent que les réflexions de Clastres sur la politique sont encore stimulantes. Marc Abélès
rappelle ceci : « Ce qui est intéressant chez P. Clastres, c'est qu'il
restitue assez finement l'aspect négatif dans les pratiques politiques »22. Quant à Eduardo Viveiros de Castro,
il déclare : « Ce serait un exercice puéril que d'envisager l'œuvre de
Clastres, ou n'importe quelle autre étude anthropologique, comme un
manuel de science politique à l'usage de la société contemporaine319. »
Pour autant, précise-t-il dans un autre texte :
« Société-contre-l'État, en somme, est un concept qui désigne un régime
d'intensité ou un fonctionnement virtuel omniprésent, dont il revient à
l'anthropologie de déterminer empiriquement ses conditions variables
d'extensivisation et d'actualisation320. »
Annexe : publications
Dans cette annexe, les ouvrages de Pierre Clastres parus de son vivant et les publications posthumes sont très brièvement présentés. (Dans la boîte déroulante ci-dessous sont listées les publications de Clastres : articles, textes, entretiens, ouvragesn 35.)
Chronique des Indiens Guayaki27, sous-titré Ce que savent les Achés, chasseurs nomades du Paraguay, est un ouvrage consacré aux Indiens Guayaki. Un mot du titre, « Chronique », renvoie322 aux chroniqueurs qui décrivirent la vie et les mœurs des Indiens du Nouveau Monde
et dont Clastres lu les récits ; d'ailleurs certains d'entre eux, comme
le Père Pedro Lozano, décrivirent ces insaisissables « Guachagui »323.
Dans cet ouvrage, Clastres raconte le quotidien des Guayaki324 : la naissance et la mort, le manger et le coucher, la vie amoureuse et la vengeance325 ainsi que, inéluctable selon lui, la disparition de cette société326. Aussi, il décrit l'initiation des jeunes garçons et des jeunes filles327, ainsi que le cannibalisme pratiqué par l'un des deux groupes Guayaki auprès desquels il séjourna328.
Enfin, il porte un regard ironique sur son statut d'ethnologue,
notamment sur les difficultés qu'il rencontre pour obtenir des
informations auprès des Achés324.
Accueilli favorablement lors de sa parution324,329,330 mais aussi contesté331,332, l'ouvrage fut réévalué333 lors de sa publication en anglais en 1998 : une écriture dépassée304, une méthodologie approximative334 et, surtout, des faits (viols, domination masculine, etc.) traités par trop allusivement335.
La Société contre l'État28, sous-titré Recherches d'anthropologie politique, est l'ouvrage le plus connu de Clastres336. C'est un recueil à visée théorique337, voire philosophique338, qui regroupe des articles parus dans différentes revues entre 1962 et 1973339 ; seul le dernier chapitre (qui donne son titre au livre) est un texte inédit340.
Le titre du livre annonce la thèse défendue et étayée par les différents articles transformés en chapitres349 : il existe des « sociétés contre l'État »350. Par cette expression Clastres veut dire que, contrairement aux « sociétés à État » qui instituent un pouvoir politique coercitif, il existe des sociétés qui instituent un pouvoir politique non coercitif : les « sociétés primitives » ; c'est-à-dire des sociétés qui créent intentionnellement351 des institutions politiques qui instaurent et préservent la liberté et l'égalité des membres de la communauté.
Ce livre fut accueilli tant favorablement que défavorablement : certains y virent l'éclosion d'une nouvelle anthropologie politique352,353,354, d'autres y virent les pires travers de l'ethnologie occidentale355,356. Rétrospectivement : les données ethnographiques de Clastres sont contestées357, ces intuitions sont saluées358, le livre demeure un classique des bibliographies d'anthropologie politique339,23.
1974, les belles paroles des Guarani
Le Grand Parler359, sous-titré Mythes et chants sacrés des Indiens Guarani, est une anthologie de mythes et de paroles des Indiens Guaranin 36.
Elle est constituée de textes choisis et traduits, présentés et
commentés par Clastres : des textes qui proviennent de paroles
recueillies soit par Curt Nimuendajú, soit par León Cadogan, soit par Clastres lui-même360.
Dans cet ouvrage, Clastres réunit différents types de textes : les
principaux mythes que racontent les Guaranis (« Le temps de
l'éternité ») ; les « Belles Paroles » qui retracent les moments
principaux de la cosmogénèse guarani (« Le lieu du malheur ») ; enfin
des textes qui, d'après lui, relèvent du niveau métaphysique de la
pensée guarani (« Les derniers de ceux qui furent les premiers
adornés »)361.
En 1977, Philippe Adrien mit en scène certains textes du Grand Parler362. Outre sa traduction du guarani,
l'exégèse que Clastres fit de ces textes fut critiquée dans deux
directions : soit il vit de la subtilité où il n'y en avait pas360, soit il manqua la véritable philosophie politique des karai363.
Publications posthumes
1980, un recueil de textes éparpillés
Recherches d’anthropologie politique364 est un recueil posthumen 37
qui compile des écrits de Clastres publiés entre 1969 et 1978 : des
rubriques de dictionnaire, divers articles, une recension, une préface
et une réponse (lors de la parution en 1980, seuls sont inédits les
textes regroupés au chapitre 5 sous le titre « Mythes et rites des
Indiens d'Amérique du Sud »)365.
Ce recueil se compose de textes de Clastres illustrant ses différents
axes de recherches et ses différentes approches du terrain, ainsi que
l'évolution de son travail au fil du temps (et ce jusqu'à son décès
accidentel)365 :
tout d'abord, son souci des peuples premiers (chapitres 1, 3 et 4) et
la tentative de les étudier depuis leurs propres perspectives (chapitres
2 et 5) ; puis, sa recherche d'une approche plus juste et plus
pertinente des peuples premiers (chapitres 8 et 10) ; ensuite, son
interrogation du pouvoir politique et son questionnement de l'État
(chapitres 6, 7 et 9) ; pour finir, ses dernières explorations
théoriques (chapitres 11 et 12)373.
Pris ensemble, les différents textes du recueil témoignent du retour de la question politique dans la discipline ethnologique374 ; quand ses recherches sur les sociétés indivisées sont appréciées375,376, son appropriation polémique des recherches de Marshall Sahlins est regrettée377,378.
1992, des documents sur les Chulupi
Mythologie des Indiens Chulupi379 est un ouvrage qui fut préparé et édité par Hélène Clastres et Michel Cartry à partir de notes, de textes, de traductions et de matériaux laissés par Clastres.
Dans cet ouvrage posthume le lecteur trouve l'état des recherches ethnographiques de Clastres sur les Indiens Chulupi : principalement, le corpus de soixante-treize mythes des Indiens Chulupi qui constitue le morceau de choix du volumen 38 ;
une brève introduction sur la situation des Chulupi (ou Ashluslay) et
quelques « Documents ethnographiques » qui décrivent leur société
(« Organisation spatiale », « Mariage », « Chefferie », « Jeu de
balle »…), ainsi que des « Récits de guerre » ; enfin, un texte en
hommage à Alfred Métraux.
Publié tardivement, la mise à disposition (pour les lecteurs francophones) de ce corpus de mythes Chulupi fut saluée380 même si, au regard des critères contemporains, l'approche méthodologique de Clastres soit désormais discutable381.
Deux rééditions et une compilation
Publiés
de son vivant dans deux revues distinctes, un entretien et un article
de Clastres furent édités sous forme d’ouvrage : l'article « Archéologie
de la violence »181 est publié en 1997 au format livre de poche (et régulièrement réédité depuis) sous le même titre Archéologie de la violence. La guerre dans les sociétés primitives382 ; en 2012, l'entretien donnée à la revue L'Anti-mythes en 383 fut publié au format livre384, il est précédé d’une brève mise en contexte signée par Miguel Abensour.
Sinon, dans le cahier Pierre Clastres publié en 2011282, Abensour et Anne Kupiec compilèrent certains textes, articles et entretiens de Clastres devenus difficilement accessiblesn 39.
Œuvres
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Articles et entretiens
Ci-dessous
figure une sélection d'articles et d'entretiens de Pierre Clastres
(principalement ceux non regroupés en volume). Lorsque cela est
possible, des liens vers les textes actuellement accessibles en ligne
(2022) sont proposés dans les boîtes déroulantes en annexe : « Publications de son vivant » et « Publications posthumes ». Autrement, ses articles sont pour la plupart disponibles dans la bibliothèque « Persée »321.
P. Clastres, « Compte rendu de mission chez les Indiens Guayaki », L'Homme, no 2, tome 4, , p. 122-125 (lire en ligne [archive])
P. Clastres, « Ethnologie des Indiens Guayaki : La vie sociale de la tribu », L'Homme, no 4, tome 7, 1967a, p. 5-24 (lire en ligne [archive])
P. Clastres, « Mission au Paraguay et au Brésil », L'Homme, no 4, tome 7, 1967b, p. 101-108 (lire en ligne [archive])
P. Clastres, « Ethnographie des Indiens Guayaki (Paraguay - Brésil) », Journal de la Société des Américanistes, vol. 57, , p. 8-61 (lire en ligne [archive])
P. Clastres, « Les Indiens », La Quinzaine littéraire, no 55, du 1er au 31 août, , p. 24-25n 40
P. Clastres, « Le temps des assassins », Les Temps modernes, no 283, mars, , p. 1314-1317n 41
(en) P. Clastres, « The Guayaki », dans M. G. Bicchieri (ed.), Hunters and Gatherers Today : A Socioeconomic Study of Eleven Such Cultures in the Twentieth Century, New York, Holt, Rinehart and Winston, Inc., , p. 138-174
Gilles Anquetil, « Questions d'ethnologie : Entretien avec Pierre Clastres », Les Nouvelles Littéraires, no 2 378 (du 23 au 29 avril), , p. 6
L'Anti-mythes, « Entretien avec Pierre Clastres (14 décembre 1974) », L'Anti-mythes, no 9, , p. 1-26 (lire en ligne [archive] [PDF])
Marshall Sahlins, Âge de pierre, âge d'abondance : L'économie des sociétés primitives, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », (1re éd. 1976), « Préface » de Pierre Clastres
Ouvrages
P. Clastres, Chronique des Indiens Guayaki : Ce que savent les Aché, chasseurs nomades du Paraguay, Paris, Pocket, coll. « Terre Humaine Poche », (1re éd. 1972)n 44
P. Clastres, La Société contre l'État : Recherches d’anthropologie politique, Paris, Minuit, coll. « Reprise », 2011a (1re éd. 1974)
P. Clastres, Le Grand Parler : Mythes et chants sacrés des Indiens Guarani, Paris, Seuil, 2011b (1re éd. 1974)
P. Clastres, Entretien avec l'Anti-mythes, 1974, Paris, Sens & Tonka, 2012a (1re publication de l'entretien 1975)