mercredi 31 octobre 2018

A world of languages


Passer de la route au trail

René Pourtier - Trail des Templiers - Stimium Sport Nutri Protection
Rene Pourtier - Stimium

René Pourtier

René Pourtier est responsable projets et innovation chez OCEASOFT. Féru de sport en général et de running en particulier, il est tombé dans la marmite du trail il y a quelques années. A son tableau de chasse, on recense notamment le Trail du Ventoux, l’Endurance Trail des Templiers et les 120km de l’Ultra Draille.
En octobre 2018, il s’attaquera à sa première Diagonale des Fous.
Pour Stimium, il raconte comment il est passé de la course sur route au trail…

You will never feel happy until you “trail”*

La crise de la quarantaine, mythe ou réalité ? Vous avez 2 heures avant la relève des copies !
A l’approche inexorable du chiffre 40, l’aiguille de mon horloge biologique a tic-taqué avec insistance pour une reprise de la course à pied, sport favori que j’avais mis en pause depuis une dizaine d’années au gré d’un changement professionnel. Si quelques parenthèses dans la natation, le badminton et même un essai au triathlon m’avaient permis de rester actif, je n’avais rien couru de significatif dans la décennie.
Cédant à la pression quarantenaire, je me suis effectivement remis à la course sur route. Mais à faire les choses, autant les faire bien : pour la quarantaine bien sonnée, à raison d’un kilomètre par année, on atteint la distance mythique du marathon alors quoi de mieux qu’un « grand » marathon pour objectif ? Le prestigieux Marathon de Paris, en avril, fera l’affaire mais afin que la réalité rejoigne le mythe, il faudra s’entraîner sérieusement.
Me voilà donc à rechausser les running et arpenter le bitume, m’astreindre à un entraînement spécifique trouvé sur Internet et à bouffer des kilomètres de goudron (sans nicotine).
La préparation d’un marathon requiert de placer des sorties longues (une trentaine de kilomètres). Cependant courir longtemps sur route est contraignant : il faut trouver les bonnes voies, les pistes adéquates ou les trottoirs empruntables qui permettront la séance longue et idéalement sans repasser aux mêmes endroits. Parce que tourner en boucle est moralement pénible, syndrome de la souris dans sa roue…

Un trail en guise de préparation marathon

Plus tard durant ma préparation, je partage ces considérations avec un pote sportif du boulot, pote qui a quelques trails à son compteur. J’ai vaguement entendu parler de ces courses hors-route, en nature sans réellement m’y être intéressé.
Il me suggère alors de tester un trail en guise de séance longue : cela permettra de courir plus longtemps (parce que moins vite à cause du profil et du terrain moins propices à la vitesse) tout en épargnant la lassitude (parce que la Nature est un terrain de jeu infini) ? En d’autres termes, une sortie au format trail vaudrait largement une séance longue sur route.
René Pourtier - Trail des Templiers - Stimium Sport Nutri Protection
Moi : « Oui mais je risque de me blesser, une entorse ou une chute, à quelques semaines du marathon de Paris, ce n’est pas raisonnable (Note De l’Auteur : en 6 ans de trails, pas une seule blessure de ce type). Courir sur les chemins oui mais sur des sols improbables peuplés de racines ou de cailloux piégeux, non merci. »
Lui : « Il faut être plus vigilant que sur route en effet mais le corps et les pieds en particulier sont bien faits et ta foulée s’adaptera au terrain sans problème (NDA : je venais d’apprendre le mot « proprioception »).
Moi : « Oui mais il faut un équipement spécial, des chaussures adaptées, un CamelBak s’il n’y a pas assez de ravitaillement… »
Lui « C’est clair, tu dois investir dans quelques bricoles pour te lancer sur un petit trail.»
Moi : « Oui mais quand cela monte trop, que le terrain est trop technique, je vais peut-être devoir marcher : sacrilège, on ne marche jamais en course sur route, c’est impensable !!! »
Lui : « Au contraire, cela arrive tout le temps en trail, on n’a pas le choix et il n’y a aucune honte à ça, je t’assure. Marcher permet de mieux profiter du paysage, récupérer avant les prochaines difficultés, se restaurer tranquillement ou faire le point sur son état physique. Et marcher vite en montée vaut bien des sprints… »
Moi : « Oui mais comment je connais mon rythme au kilomètre si la pente et le terrain varient constamment ? Comment je prévois mon plan de course ? »
Lui : « Oublie tes repères sur route : la gestion du trail est totalement différente. Chaque kilomètre est différent du précédent : ça tourne, ça monte un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, parfois, ça grimpe et il faut mettre les mains ou s’aider d’une corde, et ça descend comme ça monte, il y a des petits et des gros cailloux à franchir, la piste peut être large puis étroite, dégagée en plein air comme fermée en sous-bois épais, sur du rocher ou du sable, de la terre meuble ou de l’herbe, avec parfois des rivières à traverser et toujours en s’orientant selon le balisage. Dans ces conditions, il est impossible d’avoir un rythme de métronome comme sur asphalte. Cela se gère différemment et c’est ce qui fait aussi le sel du trail… »

« Le trail pour les nuls » – ou l’apprentissage du débutant

A court d’arguments, je dois dire que l’expérience me tente. Le trail est une discipline en plein essor et curieux de « nature », je me sens une âme de chamois des garrigues.
Rendez-vous est pris pour un premier trail de 26 kms à Pignan, à presque 2 mois du marathon de Paris. Au moins si je me blesse aurai-je encore un peu de temps pour récupérer. En outre, la distance de 26 kms est idéale pour ma préparation. Et je connais le secteur, qui ne me paraît pas trop exigeant avec environ 600m de D+. Non, le D+ n’est pas un groupe sanguin mais le dénivelé positif, nouveau terme à rajouter à mon lexique du « Trail pour les Nuls ». Parce qu’en trail, en sus de la distance, ce dénivelé positif est l’autre paramètre majeur : avec le recul, c’est même le principal facteur à considérer dans ce type d’activité, et c’est souvent le nombre que l’on met fièrement en avant pour l’avoir vaincu mais ça, je ne le sais pas encore.
Pour ce tout premier trail, je ne me prépare pas particulièrement et le considère simplement comme une sortie longue dans mon plan d’entraînement. Je vais quand même m’équiper de chaussures adéquates dans un magasin de sports où, comme je n’y connais rien, j’achète celles qui sont en promo (je ne trahirai ni la marque ni le modèle mais ce n’était pas un bon choix) ainsi qu’un CamelBak et là, ouch, je réalise que l’un avec l’autre représentent un budget non négligeable. Le trail devenant une activité à la mode, c’est évidemment un marché attractif pour de nombreuses marques… Pour le reste, je conserve ma tenue de coureur sur route et emporterai avec moi des barres et gels énergétiques que je compte prendre sur marathon également.
A l’approche de la date fatidique, un léger stress m’habite. Quand arrive le jour du trail de Pignan, j’en oublie presque la météo toute particulière avec un -10°C matinal à ne pas mettre un esquimau dehors, température exceptionnellement basse par ici. Et je me suis habillé un peu trop léger pour ces conditions, ça promet.

Marcher : c’est normal !

La meute de trailers s’élance au top départ et en quelques centaines de mètres, nous délaissons la route pour les chemins puis les monotraces dans la garrigue sibérienne : le trail commence réellement à ce stade. La morsure du froid se fait douloureuse, j’ai les mains engourdies et les cuisses qui piquent. Il va falloir une bonne vingtaine de minutes avant que la chaudière du corps ne s’active sous la répétition des efforts.
Trail Illustration - Stimium Sport Nutri-Protection
J’ai même envie d’accélérer pour me réchauffer plus vite mais la sagesse me l’interdit, la course démarre à peine. La nature est comme pétrifiée et la végétation d’une blancheur onirique. Malgré tout, je me sens plus vivant que jamais. Nous courrons donc sur les sentes, ça va assez vite et je regarde bien mes pieds pour éviter les éventuels obstacles. Finalement, ce n’est pas si compliqué que ça. Et puis survient la première vraie bosse, sévère, celle qui vous fait lever les yeux. Le groupe de coureurs auquel je me suis joint se met alors en file indienne et commence à marcher ! Horreur, le choix ne m’est pas laissé, impossible de doubler en monotrace alors je marche également. En fait, je réalise que c’est juste normal et même indispensable dans les fortes montées, sous peine d’explosion imminente. Pire encore, quand la pente se fait plus forte, je prie pour que le coureur devant moi se mette à marcher, afin de me donner le précieux alibi de cesser de courir à mon tour et de me caler au chaud dans sa foulée. Bref, cette première bonne grosse côte aura scellé cet apprentissage.
Le CamelBak fait des floc-floc dans mon dos et ballotte légèrement. Sans être d’une grosse gêne, ce n’est quand même pas super confortable : tout en trottant, je resserre et ajuste mieux ses sangles. Va falloir s’habituer à trimbaler cet attirail comme la tortue porte sa carapace. Quant au bruit de l’eau dans sa poche, on me donnera plus tard l’astuce pour l’éviter (NDA : on retourne la poche remplie d’eau et donc une fois à l‘envers, on aspire complètement l’air par le flexible. Quand il n’y a plus d’air, on remet la poche d’eau à l’endroit et le tour est joué).
Tout compte fait, le parcours est agréable, alternant bosses et relances, larges pistes et sentes étroites, lignes droites et virages serrés. Pas très technique, le terrain réclame finalement peu d’attention et mes craintes de chute s’estompent au fil des kilomètres. Du coup, je profite pleinement du plaisir à trotter dans le vert, sous-bois de pins ou couloirs végétaux de chênes qui m’obligent à écarter des bras les branches de temps à autre trop chaleureuses. Les paysages traversés ébouriffent mon âme de citadin indifférent et pressé.
Même la recherche constante du balisage, marquage au sol ou ruban accroché aux arbres contribue au fun de cette petite aventure : par où va-t-on nous faire passer ensuite, qu’y a-t-il derrière cette bosse ou ce virage, comment va-t-on rejoindre l’autre versant… ?

Le trail est au running ce que le VTT est au vélo de route

Je viens de comprendre que le trail est à la course à pied ce que le VTT est au vélo de route : plus ludique et plus varié dans les ambiances, sollicitant d’avantage l’attention, bref plus complet !
Premier ravitaillement et – mauvaise – surprise : à -10°C, l’eau a gelé en surface des gobelets sur la table, impossible de la boire sans risquer un gros problème au bide. Qu’à cela ne tienne, j’ai mon CamelBak… si ce n’est que l’eau dans le flexible a également gelé et empêche d’aspirer celle encore liquide de la poche. Pas d’eau, ça commence à craindre. La majorité des traileurs sont dans mon cas et un vent de panique souffle dans le peloton.- Stimium Sport Nutri-Protection
Au second ravitaillement, les bénévoles avertis remplissent les verres à la demande, ne laissant pas le temps au froid de les transformer en banquise. Je peux enfin boire et ça va de suite mieux.
Cela ne gâche en rien la délectation de courir dans la symphonie naturelle qui bat son plein : succession de rus, traversée d’un canyon, prairies herbeuses et bois denses…
Physiquement, je me sens bien, rempli d’un sentiment de bout du monde au milieu de décors sauvages. Mes jambes et mes genoux apprécient le terrain plus souple que le bitume et les changements de rythme qu’il impose offrent des phases de récupération. Moralement, je déguste chaque foulée sans me soucier du chrono ni me lasser une seconde des kilomètres qui défilent. J’ai totalement occulté qu’il a fait -10°C une bonne partie de la course et que par manque d’hydratation, j’ai même eu des débuts de crampes assassines au mollet sur le final. Bref, c’est le pied mais quoi de plus normal dans ce sport !

Le trail, un exhausteur du plaisir de courir

Après 26 kilomètres, je regagne enfin la civilisation, foule à nouveau la route, traverse des zones habitées et franchis la ligne d’arrivée dans le village de Pignan.
Rene Pourtier - StimiumAlors c’est ça le trail, waow, un exhausteur du plaisir de courir, avec la nature comme catalyseur.
Une euphorie un peu puérile m’anime : vite, vite, recommencer. Pour être sûr qu’il ne s’agit pas de l’enthousiasme de la première fois et confirmer que la magie opère bien, il me faut recourir un trail dans les plus brefs délais. Rien de plus facile, en cherchant sur Internet, je découvre qu’il y a une foultitude de trails au calendrier, quasiment chaque week-end et pour tous les goûts, de format court, moyen ou long, dans un périmètre géographique relativement limité. Alors je choisis un autre trail local de profil similaire à celui de Pignan, court et au dénivelé modeste, car je ne veux pas brûler d’étape : ce sera celui de Bouzigues à peine plus d’un mois après.
Le marathon de Paris est toujours mon objectif numéro un mais mon entraînement prend une tournure plus sympa et moins monotone grâce au trail.
Au travers de lectures, je commence à me pencher sur les spécificités du trail, comme l’alimentation, l’équipement ou l’entraînement : là aussi, il y a pléthore d’articles à éplucher pour mieux appréhender cette discipline.
Mais je ne changerai rien pour le trail de Bouzigues, il est encore trop tôt.
Et quelques semaines après, me revoilà au départ d’un trail, un peu plus confiant, un peu plus excité par ce que je vais vivre.
A l’instar du trail de Pignan, celui de Bouzigues est idéal pour goûter au trail en douceur, assez roulant, sans difficulté exceptionnelle tout en donnant un aperçu de la campagne voisine : vues panoramiques sur l’étang de Thau et la côte méditerranéenne mais aussi sur l’arrière-pays, passages dans des pierriers d’où surgissent des capitelles restaurées, course en bord d’étang sur le final, etc… Des traileurs s’arrêtent parfois pour immortaliser leur présence dans ces décors par un selfie ou leur GoPro embarquée.

Trail : l’importance des bénévoles

Je découvre à l’occasion l’importance des bénévoles. Placés dans des endroits improbables à attendre des heures notre passage, dans le vent, le froid ou la canicule, les bénévoles sont là pour nous orienter et nous ravitailler, toujours serviables, de bonne humeur et prompts aux encouragements. Combien de fois leur gentillesse m’a reboosté le moral. Attention cependant à leur sens des distances : quand un bénévole annonce « Allez, plus que 500 mètres avant le prochain ravitaillement ! », il faut généralement y appliquer un facteur multiplicatif allant de 2 à beaucoup plus. Blague à part, sans les bénévoles, les trails n’existeraient pas, on ne les remerciera jamais assez. Je n’ai jamais rencontré une chaleur équivalente en course sur route. Et à propos des ravitaillements, il faut savoir que le trail réussit l’alchimie de transformer le Tuc, ce biscuit apéritif insipide vaguement salé en mets raffiné élevé au rang de caviar. Si, si, quand le traileur ne supporte plus l’absorption de sucre, source d’énergie privilégiée en course, il se jette sur les Tuc omniprésents à tout bon ravitaillement et les déguste avec délectation comme un ours sur le miel, n’en perdant pas une miette et se léchant les doigts ensuite. Ça aussi, c’est la magie du trail.
Image générique trail - Stimium Sport Nutri-ProtectionEt que dire de la solidarité entre traileurs. A la vue d’un coureur en difficulté au bord du chemin, nombreux vont s’arrêter pour demander à l’infortuné « Tu as suffisamment à boire et à manger ? Tu as besoin de quelque chose, une barre ? » ou avoir un petit mot d’encouragement. De même, lorsqu’un gars (moi par exemple) est au sol en train de se tordre de douleur à cause de crampes, il y en aura toujours un pour proposer de l’aide « Donne-moi ta jambe, je vais l’étirer et faire passer ta crampe ».
Autre source d’attrait : les trails ont souvent le privilège de traverser des zones protégées (Natura 2000 par exemple) ou privées donc inaccessibles en temps normal (autorisation temporaire donnée par les propriétaires) ou carrément « ouvertes », c’est-à-dire débroussaillées par les organisateurs afin de permettre le passage du trail le jour J.
Enfin, j’ai connu plus tard, lors de trails longs notamment, la qualité des échanges entre traileurs, où l’on peut passer des heures à courir ou marcher ensemble, compagnons de galère et de souffrance, en discutant de nos expériences respectives, en se motivant mutuellement.
Autant de sources d’émotions et de plaisirs que je n’avais jamais éprouvés en course sur route.
Pour revenir au trail de Bouzigues, même si j’ai pu arpenter ces endroits lors de randonnées précédentes, c’est un plaisir renouvelé que de galoper dans ces coins encore épargnés de l’altération du monde, humant l’odeur de la végétation et de la terre, éprouvant l’espace d’un instant un sentiment puissant de liberté. Chaque foulée se nourrit de cette exaltation, de la beauté du cadre et de la communion avec la Nature. Même quand les muscles se tétanisent, que le sang cogne aux tempes, que le souffle se fait plus court, ou que la sueur pique les yeux, je continue d’éprouver de la joie, joie de repousser les capacités de mon corps et mon esprit, joie de me confronter aux éléments et de me surpasser. Mais cela n’empêche pas de me sentir également rempli d’humilité, au pied d’une grande montée, au fin fond d’un vallon ou loin de tout, paumé dans les sous-bois.
Avec une météo plus clémente qu’à Pignan et une assurance en hausse, je termine ainsi le trail de Bouzigues sereinement, validant totalement mes impressions initiales, le chrono important peu tant le plaisir a été au rendez-vous.

De la route au trail : le coup de foudre !

Voilà pour le récit de mon passage de la route au trail. Vous l’aurez compris : entre coup de foudre et révélation, je suis tombé littéralement amoureux du trail en 2 coups de cuillères à pot. Sacrée crise de la quarantaine !
Au sortir de ces deux premières expériences, il m’apparaît désormais comme une évidence que le marathon de Paris devait tourner la page de mon expérience sur bitume avant d’en ouvrir une nouvelle sur la course en sentier, comme on dit au Québec. Il y a tant de trails à découvrir à portée de chaussures, de paysages à sillonner, de forêts à traverser, de montagnes à braver, de souvenirs et d’images à rapporter, de moments de partage et de rencontres à vivre, de limites à repousser… qu’importe la destination pourvu qu’on ait l’ivresse de courir !

*Vous ne vous sentirez jamais heureux jusqu’à ce que vous vous mettiez au « trail »

Source : https://www.stimium.com/temoignages/passer-de-la-route-au-trail/

mardi 30 octobre 2018

L'empire d'essence

Deux ou trois trucs, parce que merde !
Les océans crèvent, le climat change et pas en bien, les espèces animales disparaissent, on éradique les forêts, les glaces des pôles fondent, l’air respirable sera bientôt payant, on stérilise les terres, les nappes phréatiques sont empoisonnées, les enturbannés vendent des femmes sur les marchés au prix du kilo de manioc, les nantis accumulent les richesses pendant que le reste de la population s’appauvrit, on supprime les aides aux malades, on flingue tous les garde-fous sociaux, on précarise les salariés et on gave les actionnaires, on lobotomise à grande échelle des millions de téléspectateurs, l’extrême droite relève le groin partout sur le globe, on massacre du civil à la tonne, on vend des armes à ceux qui entretiennent le terrorisme… C’est à dire qu’en gros, on est hyper mal barrés que ce soit socialement, politiquement, écologiquement et économiquement et qu’en bref, c’est plié, on va laisser un champ de ruines invivables à nos mômes.
Il suffit d’avoir quelques neurones encore en état de marche pour le comprendre et le conceptualiser. Pourtant, le seul truc, je dis bien le seul, pour lequel se mobilisent les gens aujourd’hui ce n’est pas le sabotage de la Sécu, ce n’est pas non plus les milliers de morts par noyade en Méditerranée (certains, ça a même tendance à les amuser), ni la montée du fascisme en Italie, au Brésil, en Autriche, en Hongrie, en Pologne, en Grèce et j’en passe, pas plus que le réchauffement global ni les élections de psychopathes à la tête de pays soi-disant civilisés. Non…
Le seul truc disais-je, c’est l’augmentation du gazole et de l’essence… A la surface d’une planète à l’agonie prononcée (et c’est loin d’être fini) et au futur plus que compromis à très brève échéance par, entre autres choses, nos rejets dans l’atmosphère de saloperies issues des industries pétrolières. Et donc de nos bagnoles.
Partout, à travers notre beau pays fleurant bon le SP95, le fuel et le gazole, se lèvent les nouveaux gardiens de la liberté sponsorisés par Total, galvanisés par Esso et entrainés par Avia. Les combattants du pot d’échappement, les soldats du carburateur, les révoltés du Bounty vendu dans les stations service, nouveaux bastions de la Résistance.
Perso, ce jour-là et pour répondre aux potes qui m’ont demandé de partager les vidéos ridicules des Che Guevara du moteur à explosion, appelant à une révolte citoyenne alors qu’ils se disaient otages des cheminots, il n’y a pas si longtemps, je me servirai le moins possible de ma voiture, je ne mettrai certainement pas de gilet fluo sur mon tableau de bord et me désolidariserai de cette farce tragique. Pour tout vous dire, je me contre cogne puissance mille de ce pseudo scandale dans un environnement où les bagnoles participent de notre extinction annoncée. S’il en est parmi nous qui pensent encore qu’on va pouvoir cramer des énergies fossiles ad vitam aeternam sans en payer le prix, je pense pouvoir leur dire que quelque chose leur a dramatiquement échappé.
Je peux aussi leur dire qu’en tant que Robin des bois en bois justement, ils peuvent continuer à gueuler contre les migrants, hurler contre les homos, insulter les chômeurs, cracher sur les « assistés », dégueuler sur les féministes, se torcher avec les Droits de l’Homme, voter pour des fachos tout en organisant des manifs ubuesques en faveur de ce qui est en train de nous tuer, ce sera sans moi. Définitivement et à jamais. Je me branle de cette augmentation du gazole comme du dernier album de Michel Sardou.
Cette manif du 17 novembre, c’est un peu comme si des cancéreux du poumon au stade terminal descendaient dans la rue pour protester contre la dernière augmentation du tabac.
Il n’y a plus qu’à organiser une journée au profit du RoundUp et du Glyphosate et je crois qu’on aura enfin atteint le stade ultime de la connerie collective.
D’ailleurs, dans cet ordre d’idée et avant cet incroyable moment de rebellitude citoyenne, il y aura eu le BlackFriday, pendant lequel des armées de zombies se battront, se foutront sur la gueule, seront prêts à tuer, pour des trucs dont ils ont déjà les versions précédentes à la maison.
Rideau…
 

LA VÉRITÉ L'EMPORTE SUR LA CALOMNIE : le CSA donne raison à l’UPR face à France 5 qui l’avait assimilée à l’extrême-droite et demande au service public de cesser cette présentation erronée.

Cette confirmation tant attendue est à faire circuler d'urgence et à répercuter sur la notice outrageante de Wikipedia !



Lire notre communiqué de presse ici : https://www.upr.fr/actualite/la-verite-lemporte-sur-la-calomnie-le-csa-donne-raison-a-lupr-face-a-france-5-qui-lavait-assimilee-a-lextreme-droite-et-demande-au-service-public-de-cesser-cette-present/?fbclid=IwAR0END8Ng_KCUkL8ZfWNfmQ-qF5vq-jbgj2Clj05eyI3fK-vZhpJL9Pe8HI

À la suite de la diffusion le 25 juin 2018 par France 5 dans l’émission « C à vous » d’une séquence assimilant l’Union populaire républicaine (UPR) à l’extrême-droite, plusieurs dizaines de nos militants ont écrit au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour manifester leur indignation et demander un rappel à l’ordre de la chaine publique par l’autorité de surveillance et de contrôle de l’audiovisuel.
Après plusieurs semaines de délai, et après avoir visionné la séquence litigieuse dans sa séance du 24 octobre 2018, le CSA a donné raison à l’UPR.
Le CSA a exposé les éléments suivants dans son courriel de réponse :
« Aux termes de l’article 35 de son cahier des charges, France Télévisions « fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. Elle vérifie le bien-fondé et les sources de l’information ».
Le Conseil a procédé au visionnage de l’émission et a considéré qu’en l’espèce, la société avait méconnu cette obligation en présentant l’Union populaire républicaine parmi un certain nombre de mouvements ou de personnes connus comme appartenant à l’extrême-droite.
Par conséquent, il a demandé aux responsables de la chaîne de veiller à l’avenir à ce qu’il soit rendu compte de manière plus appropriée à l’antenne du positionnement des formations politiques. »
Le CSA a donc non seulement donné entièrement raison à notre mouvement politique mais également donné instruction à la chaine incriminée de présenter l’UPR d’une façon conforme à son positionnement politique, totalement étranger à l’extrême-droite.
Il s’agit d’une victoire pour l’UPR qui conforte la jurisprudence constante du ministère de l’Intérieur qui a toujours classé notre mouvement en « divers » aux élections, c’est-à-dire au-dessus du clivage droite-gauche.

lundi 29 octobre 2018

dimanche 28 octobre 2018

La Grande Interview (sur RT France) : Michel Onfray

Le philosophe et essayiste Michel Onfray est l'invité de Magali Forestier dans "La Grande Interview", l'occasion pour lui répondre à la polémique qui a fait suite à la publication de sa dernière « Lettre à Manu ».


Source : https://www.youtube.com/watch?v=WiyGG_PfGGg&feature=youtu.be&fbclid=IwAR0qMh4Q2KGjsjU0hyyXdmsDOFNuVIFCqegVWhCS7k-hagY5MbAPX9v2R58

jeudi 25 octobre 2018

Le pro-Frexit François Asselineau mitonne sa «revanche» aux européennes

par Ivanne Trippenbach pour L'Opinion

25 Octobre 2018


Le chef de l’UPR et ancien candidat à la présidentielle de 2017 sera tête de liste en mai. Il défend la sortie de la France de l’UE, créneau délaissé par Marine Le Pen

Samedi, l’UPR tiendra son université d’automne près de Tours, où environ 1 000 personnes sont attendues, dont l’essayiste Emmanuel Todd et l’« économiste atterré » David Cayla. Un débat sur le thème « La France va-t-elle disparaître ? » sera animé par Aurélien Enthoven, Youtuber militant de l’UPR et fils de Carla Bruni. François Asselineau conclura la journée par un discours lançant sa campagne pour les européennes.

On se souvient de lui citant par cœur les articles des traités européens, sur le plateau du débat des 11 candidats à la présidentielle, en avril 2017. « Les gens me reconnaissent dans la rue grâce à ça. Les européennes, c’est notre élection par excellence ! », lance aujourd’hui François Asselineau. Le chef de l’Union populaire républicaine (UPR) est enfoncé dans le canapé de son bureau, au nouveau QG de son parti, dans le 11e arrondissement de Paris. L’ex-candidat (0,92 % des voix en 2017) le promet : « Ce sera notre revanche sur la présidentielle ! »

Pour la première fois, aux européennes de mai, le chef de l’UPR sera peut-être le seul à défendre le « Frexit ». En 2017, une ambiguïté planait encore sur le projet de Marine Le Pen, qui envisageait un référendum sur l’appartenance à l’UE et un retour à une monnaie nationale. Depuis, Asselineau partage le créneau du divorce institutionnel de l’Europe avec Florian Philippot, ex-bras droit de Marine Le Pen et fondateur des Patriotes, qui affirme pouvoir présenter sa propre liste… mais multiplie les appels du pied envers l’autre leader souverainiste.

La réponse de François Asselineau fuse, et elle n’est pas tendre. [...]

Source : https://www.lopinion.fr/edition/politique/pro-frexit-francois-asselineau-mitonne-revanche-aux-europeennes-166573?fbclid=IwAR3anbeAt-3SkUc0Al9rnWTZP4hQ4mzlcsIqxMT85cYSqbFZ2A4dsWlGW04

mardi 23 octobre 2018

L'invention du capitalisme : comment des paysans autosuffisants ont été changés en esclaves salariés pour l'industrie (par Yasha Levine)

« …il faut être idiot pour ne pas comprendre que les classes populaires doivent être maintenues dans la pauvreté, sans quoi elles ne seront jamais laborieuses. »
— Arthur Young (1771)
La doctrine économique de notre culture stipule que le capitalisme est synonyme de liberté individuelle et de sociétés libres, n’est-ce pas ? Eh bien, si vous vous êtes déjà dit que cette logique était une belle connerie, je vous recommande la lecture d’un livre intitulé The Invention of Capitalism (L’invention du capitalisme, non traduit), écrit par un historien de l’économie du nom de Michael Perelman, contraint de s’exiler à Chico State, une université perdue dans la Californie rurale, pour son manque de sympathie envers l’économie de marché. Perelman a utilisé son temps d’exil d’une des meilleures manières possibles, explorant et fouillant les travaux et la correspondance d’Adam Smith et de ses contemporains afin d’écrire une histoire de la création du capitalisme allant au-delà du conte de fées superficiel qu’est La Richesse des nations ; il nous propose ainsi de lire les premiers capitalistes, économistes, philosophes, prêtres et politiciens dans leurs propres mots. Et ce n’est pas beau à voir.
L’étude de l’histoire expose clairement le fait qu’Adam Smith et ses amis partisans du laisser-faire étaient en fait une bande de crypto-étatistes, qui avaient besoin de politiques gouvernementales brutales pour contraindre la paysannerie anglaise à devenir une main d’œuvre capitaliste docile prête à accepter l’esclavage salarial.
Francis Hutcheson, duquel Adam Smith apprit toute la vertu de la liberté naturelle, écrit : « c’est un des grands desseins des lois civiles que de renforcer les lois de la nature par des sanctions politiques… La populace doit être éduquée et guidée par les lois vers les meilleures méthodes dans la gestion de ses affaires et dans l’exercice de l’art mécanique. »
Eh oui, au contraire de ce qui est souvent suggéré, la transition vers une société capitaliste ne s’est pas faite naturellement ou sans douleur. Les paysans anglais, voyez-vous, n’avaient aucune envie d’abandonner leurs communautés rurales et leurs terres afin de travailler pour des salaires plus que précaires dans d’atroces et dangereuses usines, installées par une nouvelle et riche classe de propriétaires terriens capitalistes. Et pour de bonnes raisons. Selon les estimations fournies par Adam Smith lui-même, avec un salaire ouvrier dans l’Écosse d’alors, un paysan d’usine devait trimer plus de trois jours durant pour pouvoir se payer une paire de chaussures produites commercialement. Autrement, il pouvait fabriquer ses propres chaussures traditionnelles en utilisant son propre cuir, en quelques heures, et passer le reste du temps à s’enivrer à la bière. Quel cruel dilemme.
Seulement, pour faire marcher le capitalisme, les capitalistes avaient besoin d’une main d’œuvre peu chère et abondante. Que faire alors ? Appeler la Garde Nationale !
Face à une paysannerie qui ne voulait pas être réduite en esclavage, philosophes, économistes, politiciens, moralistes et hommes d’affaires commencèrent à plébisciter l’action gouvernementale. Avec le temps, ils mirent en place une série de lois et de mesures calibrées pour forcer les paysans à se soumettre en détruisant leurs moyens d’autosuffisance traditionnels.
« Les actes brutaux associés au processus de dépossession de la capacité d’une majorité de la population à être autosuffisante apparaissent bien éloignés de la réputation de laisser-faire de l’économie politique classique, écrit Perelman. En réalité, la dépossession de la majorité des petits producteurs et la construction du laisser-faire sont étroitement liés, à tel point que Marx, ou du moins ses traducteurs, donnèrent un nom à cette expropriation des masses : « l’accumulation primitive ». »
Perelman souligne les nombreuses politiques qui forcèrent les paysans hors de leurs terres — de la mise en place des Game Laws (lois sur la chasse) empêchant les paysans de chasser, à la destruction de la productivité paysanne par la division des communs en parcelles plus petites — mais les parties les plus intéressantes du livre sont incontestablement celles où le lecteur découvre les complaintes et autres gémissements des collègues proto-capitalistes d’Adam Smith se lamentant de ce que les paysans sont trop indépendants et à leurs affaires pour pouvoir être efficacement exploités, et essayant de trouver un moyen de les forcer à accepter une vie d’esclavage salarial.
Ce pamphlet de l’époque illustre bien l’attitude générale des capitalistes envers les paysans autosuffisants et prospères :
« Posséder une vache ou deux, un porc et quelques oies exalte naturellement le paysan… À flâner après son bétail, il devient indolent. Des quarts, des moitiés, voire des journées entières de travail sont imperceptiblement perdues. La journée de travail devient repoussante ; et l’aversion augmente avec la complaisance. Enfin, la vente d’un veau ou d’un porc à moitié nourri donne les moyens d’ajouter l’intempérance à l’oisiveté. »
Tandis qu’un autre pamphlétaire écrivait :
« Je ne peux pas concevoir de plus grande malédiction pour un groupe de personnes que d’être jeté sur un terrain où la production des moyens de subsistance et de la nourriture serait principalement spontanée, et où le climat ne requerrait ou n’admettrait que peu de vêtements ou de couvertures. »
John Bellers, « philanthrope » quaker et penseur économique, considérait les paysans indépendants comme une menace l’empêchant de contraindre les pauvres dans des usines-prisons où ils vivraient, travailleraient et produiraient un profit de 45% à destination des aristocrates propriétaires :
« Nos Forêts et grands Communs (poussent les Pauvres qui y habitent à devenir presque des Indiens) et sont une menace à l’Industrie, ainsi que des Berceaux d’Oisiveté et d’Insolence. »
Daniel Defoe, écrivain et commerçant, notait quant à lui que dans les Highlands écossais, « on était extrêmement bien fourni en provisions […] gibier à foison, en toute saison, jeune ou vieux, qu’ils tuent de leurs pistolets quand ils en trouvent ».
Pour Thomas Pennant, un botaniste, l’autosuffisance gâchait une population paysanne sinon parfaitement correcte :
« Les mœurs des indigènes des Highlands peuvent être résumées en quelques mots : indolence maximale, sauf lorsqu’ils sont stimulés par la guerre ou par quelque amusement. »
Si avoir un estomac bien rempli et une terre productive constituait le problème, alors la solution pour bien dresser ces faignants était évidente : virons-les de leurs terres et affamons-les !
Arthur Young, auteur populaire et penseur économique respecté par John Stuart Mill, écrivait en 1771 qu’il « faut être idiot pour ne pas comprendre que les classes populaires doivent être maintenues dans la pauvreté, sans quoi elles ne seront jamais laborieuses ». Sir William Temple, politicien et patron de Jonathan Swift, était d’accord et suggérait qu’il fallait taxer la nourriture, autant que possible, afin de sauver les classes populaires d’une vie « de paresse et de débauche ».
Temple défendait également le travail des enfants à l’usine, dès quatre ans, arguant « qu’ainsi, nous espérons que la nouvelle génération sera si bien habituée à l’emploi permanent qu’il lui sera, à terme, agréable et divertissant. » Pour d’autres, quatre ans, ce n’était pas assez. Selon Perelman, « John Locke, souvent vu comme un philosophe de la liberté, défendait le travail dès l’âge de trois ans ». Le travail des enfants excitait également Defoe, qui se réjouissait de ce que « des enfants de quatre ou cinq ans […] pouvaient chacun gagner leur propre pain ». Mais trêve de digression.
Même David Hume, le grand humaniste, vantait la pauvreté et la faim comme des expériences positives pour les classes populaires, et blâmait même la « pauvreté » de la France sur son climat favorable et ses sols fertiles :
« Les années de pénurie, à condition qu’elle ne soit pas extrême, on observe toujours que les pauvres travaillent plus, et vivent réellement mieux. »
Le révérend Joseph Townsend croyait que restreindre l’accès à la nourriture était la voie à suivre :
« Contraindre [directement] et juridiquement [au travail] […] est reçu avec trop de protestations, de violences et de bruit, […] tandis que la faim est non seulement un moyen de pression paisible, silencieux et incessant, mais en tant que meilleure motivation naturelle au travail, elle appelle les plus puissants efforts […]. La faim dompterait les plus rebelles des animaux, elle inculquerait décence et civilité, obéissance et assujettissement aux plus brutaux, aux plus obstinés et aux plus pervers. »
Patrick Colquhoun, un marchand qui monta la première « police de prévention » privée d’Angleterre pour empêcher les travailleurs des docks d’arrondir leurs maigres salaires avec de la marchandise volée, fournit ce qui est peut-être l’explication la plus lucide sur la manière dont la faim et la pauvreté sont corrélés à la productivité et la création de richesse :
« La pauvreté est l’état et la condition sociale de l’individu qui n’a pas de force de travail en réserve ou, en d’autres termes, pas de biens ou de moyens de subsistance autres que ceux procurés par l’exercice constant du travail dans les différentes occupations de la vie. La pauvreté est donc l’ingrédient le plus nécessaire et indispensable de la société, sans lequel les nations et les communautés ne pourraient exister dans l’état de civilisation. C’est le destin de l’homme. C’est la source de la richesse, car sans pauvreté, il ne pourrait y avoir de travail ; et il ne pourrait donc y avoir de biens, de raffinements, de conforts, et de bénéfices pour les riches. »
La formule de Colquhoun est si juste qu’elle mérite d’être répétée. Car ce qui était vrai à l’époque l’est encore aujourd’hui :
« La pauvreté est donc l’ingrédient le plus nécessaire et indispensable de la société […], c’est la source de la richesse, car sans pauvreté, il n’y aurait pas de travail ; et il ne pourrait donc y avoir de biens, de raffinements, de conforts, et de bénéfices pour les riches. »
Yasha Levine

Source : http://partage-le.com/2018/10/linvention-du-capitalisme-comment-des-paysans-autosuffisants-ont-ete-changes-en-esclaves-salaries-pour-lindustrie-par-yasha-levine/

Article original (en anglais) : http://exiledonline.com/recovered-economic-history-everyone-but-an-idiot-knows-that-the-lower-classes-must-be-kept-poor-or-they-will-never-be-industrious/#more-29048
Traduction : Alice Tréga
Édition : Nicolas Casaux

lundi 22 octobre 2018

Qui a peur du Grand Mélenchon ?


Je devrais plutôt écrire « Qui fait tout pour qu'on ait peur du grand Mélenchon ? » Avant d'entrer dans le vif du sujet faisons ensemble un petit tour d'horizon très exhaustif des infos bien pourries qui passent largement sous silence en ce moment. La Médiacratie étant trop occupée à nous bassiner avec Mélenchon... Voyons ces infos qui valent leur pesant d'huile de palme et de magouilles!

Je balance en vrac et sans ordre précis juste pour planter le décor et que nous puissions ensemble avoir un scanne plus ou moins large de ce qui se trame dans l'arrière boutique de l’État..

Commençons par la nomination de Castaner, alias « Rantanplan », au poste convoité par lui-même et depuis un bail : celui de Ministre de l'Intérieur ! (Non perquisitionnable) . Avant d'en arriver là, Christophe Castaner quitte le foyer familial à l’âge de 18 ans, à cette époque, il rate son BAC mais ne rate jamais une bonne partie de poker dans des tripots pas forcément très bien fréquentés, engrange un max de pognon plus ou moins propre et se lie notamment d’amitié avec un certain Christian Oraison, alias « Le Grand Blond » , un vrai délinquant parrain du grand banditisme marseillais. Celui qui, des aveux même de Rantanplan, a été son "grand frère", son "protecteur" et qui sera retrouvé mort en 2008, troué de plusieurs balles de gros calibre en dehors des périodes de chasse. Mais ça, ça ne fait peur à personne !... Castaner perd son protecteur et grand frère et monte à Paris grenouiller en politique avec Porcinet (Hollande) avant de se retrouver d'abord secrétaire d'état de LREM puis ce lundi bombarder Ministre de l'Intérieur... Holà quelle ascension ! Son premier jour devant les Sénateurs sera pour le moins musclé et c'est sous les hués qu'il finira son discours, mais personne ne le sait car le Mélenchon bashing bât son plein.

Enfin, pour couronner le tout il nomme l'ancien collaborateur du repris de justice Claude Guéant, un certain Stéphane Bouillon, au poste de directeur de Cabinet de la place Beauvau, ce sémillant haut fonctionnaire qui fût condamné plusieurs fois par la justice devient donc le nouveau bras droit de Castaner au ministère de l'Intérieur, le grand mitrailleur de queue de Rantanplan, mais ça ne fait peur à personne ça! Par contre Mélenchon qui s’énerve ouhlààà mais quelle horreur! Deux mafioso au ministère de l'Intérieur, non ça, ça va, ils ont des belles cravates et des beaux costards, ils parlent doucement avec un petit sourire, donc tout va bien! Personne n'a rien vu puisque pas un seul média ne reprend cette info..Y a Mélenchon à dézinguer d'abord !

Venons en au nouveau Ministre de l'agriculture : Un aficionados de la chasse amoureux de l'art cynégétique et troueur de Bambi invétéré. Didier Guillaume est aussi un opposant farouche à la réintroduction du loup, mais également l'un des premiers à avoir voté contre l'interdiction du Glyphosate ! Et ardant défenseur des producteurs d'huile de palme ! Ben voyons! Comment expliquer qu'il devient ministre de l'agriculture celui là, à moins que j'apprenne dans quelques jours qu'il a des actions chez Danone??? Mais ça ne fait peur à personne, c'est normal, on en parle pas à la TV ni à la radio, on est trop occupé à bouffer du Mélenchon ! Un Ministre de l’agriculture qui baigne dans les Lobbys ça ne fait pas peur, par contre un Jean-Luc Melenchon qui hurle! Mon Dieu mais quel scandale!

Penicaud, j'allais l'oublier celle là, le clone de Pierre Richard dans le film “la chèvre” mais mal peignée ! Ancienne DRH du groupe Danone dans lequel elle a engrangé 1.212.721 euros net de rémunération et gratifications en 2012, puis 1.144.924 en 2013 et 2.388.877 en 2014. Sur lesquelles s'ajoute, tenez vous bien ! Tenez-vous mieux ! Une plus-value boursière de plus d’un million et demi d’Euros réalisée en vendant des stock-options en 2013 à la suite d’un plan social chez Danone. Elle a profité d’une "flambée boursière suite à l’annonce de la suppression de 900 emplois" ( Je rappelle pour la bonne forme qu'elle était la DRH de Danone au moment de ce plan social et que le délit d'initié est normalement punit par la loi...Normalement ..) La voilà quand même nommée Ministre du Travail !! On croit rêver ! Mais ça ne fait peur à personne...Non c'est normal ! Par contre Mélenchon qui étrille les tympans d’un enkakifié à kevlar et arme de poing collé à son huis, enfer et damnation ! Quelle catastrophe!!!

Attendez c'est pas tout ! Comme la chèvre a gardé des copines chez Danone, devinez qui vient d'être bombardé Ministre de l'Ecologie en doublon avec François de Rugy (celui qui fait voter la loi sur le glyphosate à 1h30 du matin quand l'hémicycle est vide et qu'il est quasiment seul au perchoir donc certain de faire passer son petit vote en douce)? Hein devinez un peu !! Ben c'est Emmanuelle Wargon ! Vous ne savez pas qui c'est ??... Ben oui on est trop pris par la colère de Mélenchon pour s'en soucier ! Je vais vous le dire : C'est l'ancienne directrice de communication de chez DANONE !! Eh oui encore ! Madame pro-huile de palme directrice de communication du 4 ème plus grand pollueur de la planète (Danone) juste derrière Coca-Cola, Pepsi et Nestlé! Le fleuron Français des lobbys plastique nommée Ministre de l'écologie ! Pincez moi je rêve ! Tout le monde a oublié qu'il y a deux mois à peine Nicolas Hulot dénonçait la pression insupportable des Lobbyistes au sein du gouvernement et plus particulièrement au ministère de l'écologie d'où il partira en claquant la porte pour bien signifier que si on veut sauver la planète ce n’est pas avec ces capitalistes là qu’il faudra compter ! Mais ça, ça ne fait peur à personne.. C'est normal ! Mais Mélenchon qui couine dans une cage d’escaliers parce qu’il veut entrer dans son QG de campagne! Pfiouuu quelle sinécure!!! Vous ne vous rendez pas compte c’est l’apocalypse!

Bon passons à Buzyn... La Sinistre de la Santé ! La grande défenderesse des laboratoires pharmaceutiques ! La tondeuse ! Qui rase tellement profondément qu'elle attaque la peau des hôpitaux, des soignants, et des patients ! Elle remet en cause tout le système de santé et de la Sécu pour complaire à ses potes des labos , je vous passe les détails, puisque tout le monde finira par en subir les conséquences ! Mais surtout elle dorlote son petit mari, la bougresse ! En faisant “fi” (oups) des promesses qu'elle avait pourtant prises quelques mois avant en criant haut et fort qu'elle se déporterait de tout dossier concernant l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), dirigée par son chéri, Yves Lévy ! Non seulement elle le crie mais en plus elle signe en mai dernier un décret avec Édouard Philippe qui stipule qu'elle n'a pas le droit en tant que ministre de la Santé d'interférer dans les affaires de l'Inserm (je schématise).. Ben vous savez quoi ! Non vous ne savez pas.. Je vais vous le dire : Yves Levy le mari d'Agnez Buzyn, directeur de l'Inserm, vient d'être nommé à la tête du Haut Conseil de la Santé Public et conseiller de Macron pour les questions de santé publique! Ce même Haut Conseil en charge des risques de santé liés à l'environnement... (Glyphosate quand tu nous tiens) ! Mais pas de conflits d'intérêts dans tout ça.. Non, personne n'a peur, c'est normal ! Ce qui est totalement anormal c’est Mélenchon qui essaye d’enfoncer sa propre porte! Alors ça c’est un putain de scandale national!!

Par contre, Bayer et Mosantos peuvent roupiller sur leurs « 6 » grandes oreilles et les bébés sans bras peuvent crever dans le silence le plus absolu ! En effet, la Buzyn vient de décider de sucrer les fonds publics attribués à l'association lanceuse d'alerte qui a mis le doigt sur cette histoire de bébés mal formés et qui tente de démontrer le lien entre ces malformations et les pesticides ! En plus, la présidente de cette association vient d'être licenciée hier !... Bref tout va bien, c’est pas effrayant du tout ! En tout cas ça semble l'être beaucoup moins que Mélenchon qui beugle contre un procureur véreux ! La Santé qu'est ce qu'on en a à battre ?! Les soignants de l'hôpital Pinel qui sont en grève depuis plus de cent jours, on s'en tamponne, les enfants maltraités de l'hôpital de Moussaron on s'en fiche comme de l'an quarante ! Les personnes handicapées à qui l’on sucre les allocs et qu’on martyrise avec la loi Elan, ça c’est pas scandaleux du tout.. Mais non! Pour le moment le plus important c'est de salir les opposants surtout ceux qui s’opposent aux magouilles Buzinesques en les faisant passer pour des irresponsables incapables de tenir leurs nerfs!...

Tiens le procureur de Paris ?... On en cause ? C'était il y a à peine un mois. La presse se faisait l'écho d'une information des plus surprenante: Emmanuel Macron avait personnellement évincé trois candidats à la succession de François Molins au poste de procureur de Paris. Il avait récusé et recalé trois candidats issus de la procédure habituelle de nomination. "L'Elysée prend la main sur les procureurs" titrait Le Monde. "Macron veut poser son parquet"titrait Libé. "Macron veut choisir lui-même ses procureurs", titrait Mediapart. Au grand jour, le bon roitelet Macron faisait ainsi voler en éclats l'increvable fiction française de "l'indépendance de la Justice" dont on nous rabâche les écoutilles depuis trois jours! Et il envoyait par la même occasion un signal très clair : le procureur qui suivra les "affaires sensibles", à commencer par les instructions sur son chérubin Benalla, aura réussi son examen de passage auprès du monarque et sera encensé nouveau Procureur de Paris... Celui là même que Mélenchon va bousculer, frapper, insulter, molester, maraver, assommer, décapsuler, atomiser et je ne sais quel autre superlatif utilisé par les merdias pour décrire une scène où, évidemment rien de tout cela n'est visible ! Bref, ce tir groupé d'articles date des 25, 26, 27 septembre. Trois semaines à peine. Il faut se souvenir de cet épisode pour apprécier à leur juste valeur les questions saugrenues aujourd’hui posées par les éditos offusqués devant les spectaculaires images de la confrontation physique entre « l'ignoble » Jean-Luc Mélenchon et les « gentils » policiers qui font leur travail et qui lui interdisent de pénétrer dans le local de la France insoumise, en cours de perquisition (ce qui évidemment est illégal) . Confrontation physique qui s'est achevée par l'interruption prématurée de la perquisition, apparemment sans procès-verbal listant les pièces saisies ou mises sous séquestre, ce qui entraînera logiquement la nullité de cette curieuse procédure. Mais on n'en parle pas, ce qui compte c'est que Mélenchon s'énerve ! La police politique on s'en bat l’œil ça n'existe que dans la tronche des complotistes et des mélenchonistes, tout comme la justice au service de l'état qui est une lubie ! L'enquête bâclée et sans PV de perquisition on s'en balance ! Le plus important c'est Mélenchon et sa “personne sacrée”... Je me demande si y a pas de quoi finir par sortir de ses gonds et vous, non toujours pas ! ?.... Attendez, c'est pas fini !

Le procureur de Paris en question, c'est celui qui a mené avec tellement de brio la mirobolante perquisition chez Benalla ! Le successeur nommé par Macron quelques jours après l'éviction de Molins. Vous ne vous souvenez certainement pas que cette perquisition avait eu lieu il y a plus d'un mois et qu'elle fût un véritable fiasco et pour cause, je vous raconte : Benalla est présent, escorté par la police (la vraie cette fois) et le proc de Paris fraîchement nommé. Tout ce petit monde se retrouve devant la porte de chez Benalla un soir à 20h (pourquoi aussi tard, on se le demande?)! C’est alors qu’Alexandre d’un air bienheureux prétend avoir oublié ses clefs.. Comme c'est ballot ! Mais en fait c'est pire que ça, Benalla s'est trompé de trousseau et à la place de ses clefs il a en mains les clefs de la villa Normande des Macron (MDR) ! Le procureur n'a pas pensé à venir avec un serrurier (bizarre) et les flics qui l'accompagnent n'ont pas de bélier pour défoncer la porte de Benalla. (très bizarre).. je le rappelle, Benalla est accusé entre-autre de détention d'armes illégales sans autorisation, d'usurpation du titre et de la fonction de policier, et d'agression sur au moins deux touristes... le sommet de l'iceberg de toute manière ! Le but de cette perquisition étant d'ouvrir le coffre-fort de Benalla dans lequel se trouverait ses armes et selon des sources judiciaires, des documents pouvant mettre en cause l'intégrité de l’État ??! … Bon qu'à cela ne tienne, il est 21h, l'heure légale ou la perquisition n'est plus permise, on reviendra demain dit le Procureur de Paris qui rebrousse chemin pour se pointer le lendemain à 9 h du matin (pourquoi si tard et pas à 7h comme chez Jean-Luc Melenchon)!!! Naturellement, l'appartement de Benalla a été soigneusement nettoyé durant la nuit et son coffre-fort a disparu !... Mais tout ça c'est normal, personne ne trouve rien à redire à cette bande d'incapables fort complaisants avec le protégé de sa Majesté et ce dernier n'aura à souffrir d'aucune sanction ... Le plus important pour les médias étant de ne surtout pas trop ébruiter le pathos et de se concentrer sur autre chose ! Le « autre chose » aujourd'hui étant que ce même procureur dépose plainte contre Mélenchon pour tentative d'intimidation et obstruction ! Mouhaha ça ne lui est pas venu à l’idée de déposer plainte contre Benalla pour obstruction à ce nouveau Procureur? ... Ben non!

Bon alors maintenant que les journaleux ont bien bavé sur la colère Mélenchonienne qu'est ce qu'ils vont encore essayer de pondre ? Ah oui ! L'AFFAIRE ! Bon je survole parce que sinon j'en ai pour des heures !... En gros, Les comptes de campagne de Mélenchon sont dans le collimateur de la justice tout comme le sont ceux de Macron, dois-je le rappeler ? Sauf que pour Macron pas de perquisition malgré l'enquête préliminaire en cours... On attend ! Pendant ce temps, l'ex président de la commission des comptes de campagne qui a pourtant bien validé les comptes de Mélenchon et trouvé des irrégularités dans ceux de Macron, se voit augmenté de 4500 à 10 000€ par mois (Promotion macronienne)! Depuis, il a changé de version et prétend que finalement, non, les comptes de campagne de Mélenchon ne sont pas bons, ah bon? (bizarre) Ensuite, un autre membre de la commission dont j'ai bouffé le nom (à particule) refuse de paraître à la télé face à un député France Insoumise comme contradicteur.. (Bizarre)!

Alors pour conclure, parce que je ne vais pas y passer la nuit, au milieu de ce joyeux bordel digne d’un film à sketchs et dont j'abrège l’énoncé volontairement afin d’éviter la lassitude: la seule chose qui motive les médias c'est la colère de Mélenchon ! Ben oui.. J'imagine bien le voir sortir de ce traquenard politico-judiciaire totalement blanchi ! Si c’est le cas, Barbier va en bouffer son écharpe rouge et Aphati va en perdre son accent... Mais en attendant, à quand les perquisitions chez Macron ? À quand les perquisitions au siège des LREM ? À quand les perquisitions chez Castaner ?... Ben non ça n'est pas à l'ordre du jour ! Et c'est ça qui met les nerfs à vif ! Et qu'on aime ou pas Mélenchon, il est tout de même curieux de constater que dans ce pays, la justice soit si prompte a mobiliser 100 policiers en armes et gilets par-balle pour quelques factures, mais qu’on ne puisse pas en trouver pour aller fouiller chez les Macron et Castaner pour la même chose et qu’il soit impossible de perquisitionner proprement chez Benalla pour y dégoter autre-chose que de la paperasse et des photos de vacances ! C’est un peu difficile à expliquer, vous ne trouvez pas?... Enfin, ce n’est pas comme si la FI planquait des armes dans son QG de campagne non ? J'ai plus le temps de parler des chiffres des campagnes présidentielles, mais là aussi y a de quoi dire, surtout quand on entend les journaleux répéter en boucle les mêmes inepties.

Enfin Macron a donc trouvé une combine imparable pour siphonner les informations de ses opposants politiques, c'est simple mais il fallait y penser ! Plutôt que de faire comme son copain Erdogan et de les emprisonner, il suffit de s'appuyer sur la dénonciation plus que douteuse d’une exaltée nationaliste , d'envoyer sur ordre un procureur qu'on vient de nommer soi-même et de s'assurer que pendant la perquisition on puisse récupérer l'ensemble des données, adresses, agendas, noms des militants etc... sans faire signer de PV de perquisition! Et hop le tour est joué ! Mais tout ça c'est juste une vue de l'esprit. Le plus important est que les médias continuent de nous laver la tronche avec les mêmes images sorties du contexte, les mêmes interviews choisies et quand une image gêne ben on ne la montre surtout pas !

Et surtout, surtout! Pendant ce temps là....On ne nous parle pas du casse du siècle et des 55 milliards de fraude fiscale commis au parlement européen ! On ne parle pas du prix du gaz qui va encore grimper de 5 % après une hausse de 7 % en juillet dernier et de 16% en tout depuis 10 mois! On ne nous parle pas de ENGIE qui transfert 27 milliards d’Euros au Luxembourg pour éviter le Fisc! On ne nous parle pas de monsieur Valls qui va se prendre une dérouille à la Mairie de Barcelone comme l'annonce le dernier sondage sur les municipales espagnoles, on ne nous parle pas des 100 milliards de l'évasion fiscale (pourtant y a de quoi occuper les flics pendant des décennies) ! On ne nous parle pas du gamin que Macron serrait tendrement dans ses bras à St Martin, alors qu’il adressait un splendide doigt d'honneur, et qui prend 6 ans de prison pour braquage et 8 mois de plus pour trafic de drogue, c’est stupéfiant! On ne nous parle pas des enquêtes sur les comptes de campagne de Macron, sur Monsieur Ferrant, sur Madame Penicaud, On ne nous parle pas de la ministre des transports visée par des accusations de conflits d’intérêt, on ne nous parle plus du tout de Benalla !! Terminé le parquet de Paris a enterré l'Affaire ! On ne parle pas de la taxe d'habitation qui devait être supprimée mais qui d'un coup augmente, On ne parle pas des mouroirs que sont devenus les Ehpad, on ne nous parle pas des chiffres de la sécurité routière ou la mortalité vient d'augmenter de presque 19 % depuis la limitation à 80km/h, on ne nous parle pas des augmentations des carburants qui grimpent en flèche pour bientôt atteindre 2€/L , on ne nous parle pas des retraités qui manifestent et qu’on matraque, on ne nous parle pas de la malbouffe, des animaux qui souffrent dans des élevages intensifs, on ne nous parle pas du réchauffement climatique et des conséquences désastreuses déjà constatées, inondations, phénomènes météo anormale, oiseaux qui meurent en grand nombre de famine, hérissons qui disparaissent à vue d’œil, et de l'effondrement de la biomasse à l'échelle mondiale. Non tout ça on n’en parle pas ! Ce n’est pas intéressant ! Le mieux c'est Mélenchon qui tonne contre la politique des pourris susnommés !

On ne parle pas non plus de ce qui va bien, des gens heureux (il y en a), des gens qui trouvent des idées lumineuses pour notre avenir, on ne parle pas des gens qui s’aiment, des ouvriers qui aiment leur travail, des mères et des pères qui aiment leurs enfants, des gens qui ont des belles passions, des artistes inconnus rempli de talent, on ne parle pas du bonheur, des choses simples et belles qui font que la vie vaut le coup d’être vécue et qu’on se batte pour elle!.. Non tout ça ne sert à rien, par contre avoir peur du grand Mélenchon et se dire qu’il serait fou de confier le bouton du nucléaire à un mec qui pique une rage, c’est vital !Pour eux, pas pour nous! Parce que le plus drôle dans tout ça c’est qu’on a confié le bouton à un gamin arrogant et dédaigneux entouré de mafieux, corrompus, lobbyistes, opportunistes et de barbouzes à sa solde... Mais qui ne s’énervent jamais .. !Elle est bien bonne non?

Tenez je suis pas chien je vous file la liste des vidéos et articles importants à ne pas rater ! Bonne soirée devant BFM pour ceux qui n'auront pas encore compris que s'informer en regardant la télé c'est aussi utile que de faire une thalasso à Fukushima.

https://www.laprovence.com/actu/en-direct/5202675/sondage-manuel-valls-serait-le-plus-mal-place-des-candidats-a-la-mairie-de-barcelone.html?fbclid=IwAR1c65VN5n5ge5HGty90B7cX3vE9QXewUWF4KeWLTPRCxoa3c7Qjb3o623A

https://blogs.mediapart.fr/alberteins/blog/041018/sondage-melenchon-en-tete-macron-degringole?utm_source=facebook&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-66&fbclid=IwAR11BoOrboVuC99lpd8Mg6KJdHMoSj3xYOWEJVJiCPSoAYxsW8lsQFS1xTw

https://www.facebook.com/RTFrance/videos/1150087018492336/UzpfSTEwMDAxNzQxNzY4MjQxMDpWSzo1Njc0MDMyODM2OTMyMjQ/

https://www.marianne.net/politique/collaborateur-de-gueant-condamne-en-justice-le-pedigree-sulfureux-du-directeur-de-cabinet?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR0j0UhENiNQHHzDbHqWU9t3XrxNTh4pPDNfQ75kBI3lqfwNJQoKRm7ndI8#Echobox=1539784674

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/le-casse-du-siecle-l-enorme-fraude-fiscale-a-55-milliards-d-euros-des-cumex-devoilee-par-le-monde-794456.html?fbclid=IwAR3P0FoSZ58rnBD2cy0xUGXYCWQotCFwYBbLxYiJpoERE6vbdUGvGUq-js0

https://www.facebook.com/soutienCeline/videos/172361730334496/UzpfSTEwMDAwODQzNjk2NTkyNzoxOTYyNDQyNTQ0MDQ2OTU5/?id=100008436965927

https://www.lejdd.fr/politique/quand-emmanuel-macron-simmice-dans-la-procedure-de-nomination-du-procureur-de-paris-3764849?fbclid=IwAR24t4EbBkYH6FWesES6dKqwbzokUgzXDwhwOMak7F3Ni044w6RXwJBmwnc

https://www.lejdd.fr/politique/quand-emmanuel-macron-simmice-dans-la-procedure-de-nomination-du-procureur-de-paris-3764849?fbclid=IwAR24t4EbBkYH6FWesES6dKqwbzokUgzXDwhwOMak7F3Ni044w6RXwJBmwnc

https://www.huffingtonpost.fr/2018/10/10/la-ministre-des-transports-elisabeth-borne-visee-par-des-accusations-de-conflit-dinterets_a_23557089/?ncid=other_facebook_eucluwzme5k&utm_campaign=share_facebook&fbclid=IwAR03-YKWRppfmeQIOulW35CiVZd6ZMLWYEVkb1xoDuFa8BI3bl4P4FWyq0E

http://www.lalibre.be/economie/libre-entreprise/engie-a-transfere-27-milliards-d-euros-au-luxembourg-pour-reduire-sa-facture-fiscale-5804fd7bcd70cd5761cbca88?fbclid=IwAR0QLY8BmG-sdtM_a7PvgXp5jAhfjcQBDT-Jg3-Nm9jFrH6wigYFO2UWo2s#.W8pBuNMMLoQ.facebook

mardi 16 octobre 2018

La démocratie des interstices - David Graeber - Notes de lecture

David Graeber (né le ) est un anthropologue et militant anarchiste américain, théoricien de la pensée libertaire nord-américaine et figure de proue du mouvement Occupy Wall Street.
Évincé de l'université Yale en 2007, David Graeber, « l’un des intellectuels les plus influents du monde anglo-saxon selon le New York Times », est aujourd'hui professeur à la London School of Economics

Biographie

Les parents de Graeber, d'origine juive, étaient des intellectuels de la classe ouvrière autodidacte à New York. Ruth Rubinstein, sa mère, travaillait dans le secteur de l'habillement et jouait le rôle principal dans la revue de comédie musicale des années 1930, Pins & Needles, organisée par le Syndicat international des travailleuses du vêtement. Kenneth Graeber, son père, qui était affilié à la Ligue des jeunes communistes au collège, participa à la révolution espagnole à Barcelone et combattit dans la guerre civile espagnole. Il a ensuite travaillé sur des imprimantes offset.

Graeber a grandi à New York, dans un immeuble d'appartements coopératif décrit par le magazine Business Week comme "imprégné de politique radicale". Graeber est un anarchiste depuis l'âge de 16 ans, selon une interview qu'il a donnée à The Village Voice en 2005.
Il a un passé d'activiste social et politique, notamment du fait de sa participation à la protestation contre le Forum économique mondial à New York (2002). Il était membre du syndicat IWW.

Il fut chargé de cours d'anthropologie à l'Université Yale jusqu'à ce que l'université ne renouvelle pas son contrat en juin 2007, ce qui fit controverse à cause du soupçon de motivation politique à cette éviction. Il se fit indemniser une « année sabbatique » durant laquelle il donna un cours d'introduction à l'anthropologie culturelle et un autre intitulé Direct Action and Radical Social Theory. Puis, il occupa un poste de maître de conférences reader au sein du département d'anthropologie de l'Université de Londres de l'automne 2007 à l'été 2013. Il est actuellement professeur à la London School of Economics.

Il est l'auteur de Fragments of an Anarchist Anthropology (en français : Pour une anthropologie anarchiste) et Towards an Anthropological Theory of Value: The False Coin of Our Own Dreams).
Il a composé de vastes œuvres anthropologiques à Madagascar, et écrit sa thèse de doctorat (The Disastrous Ordeal of 1987: Memory and Violence in Rural Madagascar) sur ce pays.
En 2011, il publie une vaste monographie intitulée Debt: the First Five Thousand Years (Melville House ; publié en français sous le titre Dette : 5000 ans d'histoire, aux éditions Les liens qui libèrent en 2013). Dans cet ouvrage où il s'inspire notamment des thèses de Alfred Mitchell-Innes, il soutient la thèse que le système du troc n'a jamais été utilisé comme moyen d'échange principal durant 5000 ans d'histoire.
Fin 2011, il est l'une des figures de proue du mouvement Occupy Wall Street.
En août 2013, il publie l'article On the Phenomenon of Bullshit Jobs qui dénonce la bureaucratisation de l'économie et la multiplication des emplois inutiles.
En décembre 2014 il se rend entre autres avec Janet Biehl au Rojava (Kurdistan de Syrie) afin de se documenter sur l'expérience en cours d'auto-gouvernement. Ce voyage donne lieu à des visites d’écoles, de conseils communaux, d’assemblées de femmes, de coopératives nées de la “révolution du Rojava”.
En 2015, il publie Bureaucratie (The Utopia of Rules: On Technology, Stupidity, and the Secret Joys of Bureaucracy) où il soutient que les entreprises privées sont toutes aussi, voire davantage, bureaucratiques que le service public et que la bureaucratie est un fléau du capitalisme moderne. Pour lui, « Il faut mille fois plus de paperasse pour entretenir une économie de marché libre que la monarchie de Louis XIV. ».

Ouvrages en français
Morceaux choisis de La démocratie des interstices (ou La Démocratie Aux Marges)
Que reste-t-il de l'idéal démocratique ?

Revue du MAUSS

pages 41 à 89


p.44 [La démocratie], cet idéal s’est toujours basé sur un rêve impossible, le rêve d’un mariage entre les procédures et pratiques démocratiques d’une part, et les mécanismes coercitifs de l’État d’autre part. Ce qui en a résulté, ce ne sont pas des « démocraties », quelque sens que l’on donne à ce terme, mais des républiques ne recelant en général que peu d’éléments démocratiques.

p.46 n’est-il pas également possible d’établir une tout autre liste [que celle de Samuel Huntington] , par exemple en affirmant que la « culture occidentale » repose sur la science, l’industrie, la rationalité bureaucratique, le nationalisme, les théories raciales et sur une tendance irrépressible à l’expansion géographique, et d’en conclure que cette culture aurait culminé avec le IIIe Reich ?

p.48 Le terme de « civilisation » peut en effet être utilisé en deux sens tout à fait différents. Il peut tout d’abord désigner un type de société dans laquelle la vie sociale se concentre principalement dans des villes – comme le fait par exemple, un archéologue pour caractériser la vallée de l’Indus. Ou alors, ce terme peut signifier raffinement, finesse, créativité culturelle. La notion de « culture » présente elle aussi cette double signification. Elle peut être utilisée dans son sens anthropologique pour désigner certaines structures sensibles, certains codes symboliques que les membres d’une culture donnée intériorisent au cours de leur processus de socialisation et qui informent tous les aspects de leur vie quotidienne : la façon dont ils parlent, mangent, se marient, jouent de la musique, etc. Pour utiliser la terminologie de Bourdieu, on peut rapporter cet aspect de la culture à la notion d’habitus. En un autre sens, le terme peut être utilisé pour désigner ce que l’on appelle la « haute culture », soit les oeuvres les meilleures et les plus profondes produites par une élite artistique, littéraire ou philosophique.

p.50 Ainsi certains peuvent s’engager dans une célébration de l’Occident comme berceau de la liberté, alors que d’autres le dénoncent comme la source de l’impérialisme et de sa violence.

p.51 la notion même d’Occident est fondée sur un brouillage systématique de la distinction entre traditions textuelles et pratiques ordinaires. [...] une conception totalement idéalisée du comportement que les Occidentaux devraient adopter selon les textes philosophiques et scientifiques [Une telle position n’est pas sans cohérence intellectuelle. On pourrait la nommer « la théorie de la civilisation par les Grands Livres ».]

p.52 si la démocratie s’identifie à l’autogouvernement des communautés humaines, l’individu occidental est quant à lui défini comme un agent délié de tout lien communautaire.

p.52-53 Rousseau tendait à considérer la « délibération » davantage comme une mise en balance d’intérêts plutôt que comme un processus par lequel les sujets eux-mêmes se constituent, voire se forment [Manin, 1994]

p.53 l’Eurasie, durant la plus grande partie de son histoire, a été divisée en trois centres principaux : un système oriental, centré sur la Chine ; au Sud, un système centré sur ce qui est devenu l’Inde ; et une civilisation occidentale centrée quant à elle sur ce que nous appelons aujourd’hui le « Moyen-Orient » et s’étendant parfois au-delà, vers la Méditerranée.

p.53-54 L’Islam ressemble sous tellement d’aspects à ce qui sera plus tard appelé la « tradition occidentale » – même effort intellectuel mené pour articuler les Écritures judéo-chrétiennes et les catégories propres à la philosophie grecque, même accent mis dans la littérature sur l’amour courtois, même rationalisme scientifique et même juridisme, même monothéisme puritain et même impulsion missionnaire, même capitalisme mercantile en plein expansion, mêmes vagues périodiques de fascination pour le « mysticisme oriental », etc. – que seuls les préjugés historiques les plus tenaces ont pu aveugler les historiens européens et les empêcher de voir qu’il s’agissait bien là de la tradition occidentale, de comprendre que l’islamisation fut et continue d’être une forme d’occidentalisation et que c’est seulement à partir du moment où ils ont de plus en plus ressemblé à l’Islam que ceux qui vivaient dans les royaumes barbares du Moyen Âge européen en sont venus à ressembler à ce que nous appelons aujourd’hui l’« Occident ».

p.54 La constitution de ce système monde de l’Atlantique Nord s’opéra à travers d’inimaginables catastrophes : la destruction de civilisations entières, l’esclavage de masse, la mort d’au moins une centaine de millions d’êtres humains. Il produisit également ses propres formes de cosmopolitisme, par un mélange permanent des traditions africaines, amérindiennes et européennes.

p.54-55 Des communautés égalitaires ont existé à travers toute l’histoire humaine – et nombre d’entre elles étaient bien plus égalitaires que celle d’Athènes au Ve siècle av. J.-C. – et elles avaient toutes développé une forme ou une autre de procédure de décision pour régler leurs affaires collectives. Souvent ces procédures consistaient à rassembler tout le monde pour des discussions dans lesquelles tous les membres de la communauté – du moins en théorie – avaient voix au chapitre. Néanmoins, ces procédures ne sont jamais considérées comme ayant pu être à proprement parler « démocratiques ». La principale raison pour laquelle cet argument semble intuitivement justifié est que dans ces assemblées, on ne passait jamais au vote. Presque toujours, on visait plutôt le consensus.

p.55 les communautés humaines ont toujours préféré s’imposer la tâche bien plus difficile d’aboutir à des décisions unanimes. [...] La prise de décision consensuelle est typique des sociétés au sein desquelles on ne voit aucun moyen de contraindre une minorité à accepter une décision majoritaire, soit parce qu’il n’existe pas d’État disposant du monopole de la coercition, soit parce qu’il ne manifeste aucun intérêt ni aucune propension à intervenir dans les prises de décision locales. S’il n’y a aucun moyen de forcer ceux qui considèrent une décision majoritaire comme désastreuse à s’y plier, alors la dernière chose à faire, c’est d’organiser un vote.

p.55-56 le consensus ne ressemble en rien au fait de voter. Au contraire, nous avons affaire à une procédure de compromis et de synthèse qui a pour but de produire des décisions auxquelles personne ne trouvera d’objection suffisante pour refuser d’y consentir. Ce qui signifie qu’ici, les deux niveaux que nous avons l’habitude de distinguer – celui de la prise de la décision et celui de sa mise en oeuvre – sont de fait confondus. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit être d’accord. La plupart des formes de consensus incluent toute une variété de formes graduées de désaccord. L’enjeu est de s’assurer que personne ne s’en aille avec le sentiment que ses opinions ont été totalement ignorées, et par conséquent que même ceux qui pensent que le groupe a abouti à une mauvaise décision seront encouragés à donner leur acquiescement même passif.

p.56 La démocratie majoritaire ne peut donc émerger que lorsque deux facteurs sont conjointement à l’œuvre : 1) le sentiment que les gens doivent avoir un pouvoir égal dans la prise de décision au sein du groupe, et 2) un appareil de coercition capable d’assurer l’application de ces décisions. Dans la plus grande partie de l’histoire humaine, ces deux conditions n’ont été qu’exceptionnellement réunies au même moment. Là où existent des sociétés égalitaires, imposer une coercition systématique est jugé habituellement de façon négative. Parallèlement, là où un appareil de coercition existait pour de bon, il ne venait guère à l’esprit de ses agents qu’ils mettaient en œuvre une quelconque volonté populaire. Nul ne saurait contester l’évidence que la Grèce antique a été l’une des sociétés les plus compétitives que l’histoire humaine ait connues. Elle avait en effet tendance à faire de toute chose un objet de rivalité publique, de l’athlétisme à la philosophie ou à l’art dramatique, etc. Il n’est donc guère surprenant que la prise de décision politique ait connu elle aussi un sort semblable. Plus crucial encore est le fait que les décisions étaient prises par le peuple en armes. Aristote, dans sa Politique, remarquait que la constitution des cités-États grecques dépendait essentiellement de l’arme principale de leur armée : si c’était la cavalerie, alors il s’agirait d’une aristocratie en raison de l’importance du coût des chevaux ; si c’était l’infanterie hoplite, puissamment armée, il s’agirait d’une oligarchie, car n’importe qui ne peut assurer le coût de l’entraînement et des armures ; si, enfin, l’arme principale était la marine ou une infanterie légère, alors on pourrait s’attendre à une démocratie, car tout le monde sait ramer ou se servir d’une fronde. En d’autres termes, si un homme est armé, on a tout intérêt à prendre en compte son opinion.

p.56-57 lorsque Machiavel tenta de faire revivre la notion de république démocratique à l’aube de l’ère « moderne », il en revient immédiatement à la notion de peuple en armes.

p.57 le terme de « démocratie » lui-même, qui semble avoir été forgé par ses détracteurs élitistes comme une sorte d’insulte.« Démocratie » signifie littéralement la « force », voire la « violence » du peuple. Kratos, et non archos. Les élites qui ont forgé ce terme l’ont toujours considéré comme désignant quelque chose de proche de l’émeute populaire ou du règne de la populace.

Une question qui mériterait des recherches historiques est celle de savoir dans quelle mesure un tel phénomène fut effectivement encouragé par l’État. Je ne me réfère évidemment pas ici aux émeutes au sens littéral, mais à ce que j’appellerai les « miroirs des horreurs », c’est-à-dire ces institutions développées et soutenues par les élites en vue de renforcer le sentiment que toute forme de prise de décision par le peuple serait vouée à la violence, au chaos et l’arbitraire congénital de la populace. Je soupçonne d’ailleurs que de telles institutions sont le lot commun des régimes autoritaires.

les procédures propres à l’agora athénienne avaient pour but de maximiser la dignité du démos et la sagesse de ses délibérations – en dépit de formes de coercition cachées qui pouvaient parfois aboutir à des décisions terrifiantes et sanguinaires –, le cirque romain en était le parfait contraire. Il ressemblait bien davantage à des lynchages périodiques et sponsorisés par l’État.

p.58 Ce n’est que lorsque le terme de démocratie put être presque totalement transformé de manière à incorporer le principe de la représentation* qu’il a été réhabilité aux yeux des théoriciens politiques de bonne naissance et a pris le sens qu’il a aujourd’hui.

(*) Un terme qui lui aussi a une histoire très curieuse. Comme aimait à le rappeler Cornelius Castoriadis, ce terme désignait à l’origine les représentants du peuple devant le roi – les ambassadeurs en fait – et non ceux qui exerçaient eux-mêmes un quelconque pouvoir.

p.58 Dans presque tous les cas, les pères fondateurs de ce que l’on considère aujourd’hui comme les premières Constitutions démocratiques en Angleterre, en France et aux États-Unis, refusaient catégoriquement que l’on considère qu’ils s’efforçaient d’introduire la « démocratie » dans leurs pays.

p.59 « les fondateurs des systèmes électoraux modernes aux États-Unis et en France étaient ouvertement opposés à la démocratie. Cette hostilité à la démocratie peut en partie être expliquée par leur vaste connaissance des textes littéraires, philosophiques et historiques de l’Antiquité grécoromaine. Au regard de l’histoire politique, il était courant chez ceux-ci de se considérer comme les héritiers directs de la civilisation classique et de penser qu’au cours de l’histoire, d’Athènes et Rome jusqu’à Boston et Paris, les mêmes forces politiques se sont confrontées dans des luttes sans fin. Les fondateurs se rangeaient du côté des forces républicaines contre les forces aristocratiques et démocratiques. Et la république romaine constituait, tant pour les Américains que pour les Français, le modèle politique, alors que la démocratie athénienne était au contraire un contre-modèle méprisé » [Dupuis-Deri, 2004, p. 120].

p.59 L’idéal de la république romaine était inscrit dans le système de gouvernement américain ; les fondateurs s’étaient en effet efforcés d’imiter la « Constitution mixte » de Rome, en équilibrant éléments monarchiques, aristocratiques et démocratiques. John Adams, par exemple, affirmait dans sa Defense of the Constitution (1797) qu’aucune société parfaitement égalitaire ne saurait exister ; que toute société humaine doit avoir un chef suprême, une aristocratie (basée sur la richesse ou fondée sur la vertu, comme « aristocratie naturelle ») et un public. Et pour lui, la Constitution romaine était la plus parfaite dans sa capacité à équilibrer les pouvoirs de chacun. La Constitution américaine était censée reproduire cet équilibre en mettant en place une présidence puissante, un sénat représentant les plus riches et une chambre des représentants chargée elle de représenter le peuple – les pouvoirs de celui-ci étaient en fait limité au contrôle populaire de l’affectation des impôts. Cet idéal républicain est au coeur de toutes les Constitutions « démocratiques » et, aujourd’hui encore, de nombreux conservateurs aiment à rappeler que l’« Amérique n’est pas une démocratie, mais une république ».

p.59-60 comme John Markoff [1999, p. 661] l’a souligné, « ceux qui se nommaient eux-mêmes démocrates à la fin du XVIIIe siècle se montraient très méfiants à l’égard des parlements, ouvertement hostiles aux partis politiques et critiques envers le secret du vote ; ils ne manifestaient aucun intérêt pour le droit de vote des femmes, parfois même ils s’y opposaient, et faisaient preuve d’une certaine indulgence face à l’esclavage ». Tout cela n’est, une fois de plus, guère surprenant de la part de ceux qui voulaient renouer avec la démocratie athénienne.

p.60 À partir des années 1820, celle-ci commença à ne plus être représentée sous la forme d’un cauchemar manifestant la violence propre à la psychologie des foules, mais comme l’incarnation d’un noble idéal de la participation publique [Saxonhouse, 1993]. Néanmoins, cela ne signifie pas que tout le monde, à ce moment-là, souscrivait au style de démocratie directe propre à Athènes, même au niveau local (c’est en fait bien pour cela que la réhabilitation d’Athènes fut possible). La plupart des hommes politiques ne faisaient en définitive que substituer un terme à un autre, « démocratie » au lieu de « république », sans en changer la signification.

p.63 Après la grande révolte de 1857 en Inde, l’Angleterre commença à employer la même stratégie dans ses propres colonies, soutenant consciencieusement « les grands propriétaires terriens et les petits roitelets au sein de l’Empire indien » . Tout cela était conforté, d’un point de vue intellectuel, par le développement au même moment des théories orientalistes qui affirmaient qu’en Asie, de tels régimes autoritaires étaient inévitables et les mouvements démocratiques non naturels ou inexistants11. « En résumé, la thèse de Huntington selon laquelle la civilisation occidentale aurait elle seule porté l’héritage du libéralisme, du constitutionnalisme, des droits de l’homme, de l’égalité, de la liberté, du respect du droit, de la démocratie, du libre marché et d’autres idéaux séduisants – tous ces nobles idéaux dont on dit qu’ils n’ont imprégné que de façon superficielle les autres civilisations – sonne faux aux oreilles de tous les familiers de l’histoire de l’Orient à l’âge des États-nations. Dans cette longue liste d’idéaux, il est difficile d’en trouver un seul qui n’ait pas été renié en tout ou partie par les autorités dirigeantes occidentales de l’époque dans leurs relations soit avec les peuples qu’elles soumettaient à la domination coloniale, soit avec les gouvernements sur lesquels elles tentaient d’établir leur suzeraineté. Et à l’inverse, il est tout aussi difficile d’en trouver un seul qui n’ait pas été défendu par les mouvements de libération nationale dans leur lutte contre les autorités occidentales. En défendant ces idéaux, les peuples non occidentaux mêlaient néanmoins ceux-ci avec ceux qui provenaient de leur propres civilisations dans des domaines où ils n’avaient que peu à apprendre de l’Occident » .

p.65 [C'est] cet enthousiasme populaire pour les idées de liberté et de souveraineté populaire qui a contraint les hommes politiques à adopter ce terme.

p.65 Dans les années quatre-vingt, deux historiens hétérodoxes américains [Johansen, 1982 ; Grinde, Johansen, 1990] ont rédigé des ouvrages dans lesquels ils suggéraient que certains éléments de la Constitution américaine – en particulier sa structure fédérale – avaient été inspirés en partie par la Ligue des six nations iroquoises et, plus généralement, que ce que nous considérons aujourd’hui comme l’esprit démocratique américain était redevable de l’exemple des Amérindiens. Certaines des preuves accumulées par Johansen étaient très convaincantes. L’idée de former une fédération des colonies fut de fait suggérée durant les négociations du traité de Lancaster en 1744 par Canasatego, un ambassadeur Onondaga, épuisé d’avoir à négocier avec autant de colonies distinctes. On trouve d’ailleurs toujours l’image qu’il employait pour représenter la force de l’union, un faisceau de treize flèches, sur le sceau de l’Union des États unis.

p.66 les valeurs d’égalité et de liberté individuelle si prégnantes dans les sociétés des régions forestières de l’Est ont constitué une source d’inspiration encore plus importante pour les notions d’égalité et de liberté défendues par les révolutionnaires américains dans leur lutte contre la Couronne britannique. Lorsque les patriotes de Boston déclenchèrent leur révolution en se déguisant en Indiens Mohawks et en jetant des ballots de thé anglais par-dessus bord, ils exprimaient très clairement ce qui leur servait comme modèle de la liberté individuelle.

p.66 les hommes politiques des colonies, lorsqu’ils discutaient des origines de leurs idéaux, se référaient inlassablement aux exemples antiques, bibliques ou européens : le Livre des Juges, la Ligue achéenne, la Confédération helvétique, les Provinces unies des Pays-Bas.

p.67 la Ligue – fonctionnant au consensus et accordant une place importante aux femmes – n’aurait raisonnablement pas pu inspirer un système américain qui, lui, avait recours au système majoritaire et n’accordait le droit de vote qu’aux hommes

les fondateurs s’identifiaient effectivement à la tradition classique, et c’est justement pour cette raison qu’ils étaient hostiles à la démocratie. Ils identifiaient la démocratie à l’égalité, à une liberté sans entraves, et dans la mesure où ils avaient une quelconque connaissance des coutumes indiennes, c’est précisément pour cette raison qu’ils les réprouvaient.

les Indiens ressemblaient aux anciens Germains en raison du fait que « le principe démocratique était en particulier si affirmé que la souveraineté effective résidait dans le corps du peuple »

p.68 Madison, et même Jefferson, avaient tendance à décrire les Indiens à la manière de John Locke, comme des exemples uniques de sociétés où la liberté n’est soumise ou limitée par aucun pouvoir étatique ou aucune forme systématique de coercition – une situation rendue possible du fait que les sociétés indiennes ne connaissaient aucune division significative de la propriété.

les rédacteurs des Constitutions furent pour la plupart des propriétaires fonciers, mais surtout, bien peu d’entre eux avaient eu l’occasion de se retrouver à discuter avec un groupe d’égaux – du moins jusqu’à ce qu’ils en viennent à siéger dans les parlements des colonies.

« Où et quand la démocratie fut-elle inventée ? » :

« Que le pouvoir politique puisse dériver du consentement des gouvernés plutôt que d’être octroyé par une autorité supérieure, pourrait bien avoir été une expérience des équipages de pirates à l’origine du monde atlantique moderne. Ces équipages non seulement élisaient leurs capitaines, mais étaient tout à fait familiers des mécanismes de contre-pouvoir (sous la forme des quartiers-maîtres et des conseils de navire) et des relations contractuelles entre les individus et les groupes (sous la forme d’articles consignés par écrit, spécifiant la part de butin accordée à chacun et le montant des indemnités en cas d’accident de travail) » [Markoff, 1999, p. 673, note 62].

p.69  l’organisation typique au xviiie siècle du bateau de pirates telle qu’elle a été reconstruite par des historiens comme Marcus Rediker [2004, p. 60-82] semble avoir été remarquablement démocratique. Les capitaines n’étaient pas seulement élus, ils opéraient habituellement comme les chefs de guerre amérindiens : un pouvoir absolu leur était confié pendant les poursuites ou les combats, mais sinon, ils étaient traités comme de simple hommes d’équipage. Même quand, sur certains bateaux, les capitaines se voyaient accorder des pouvoirs plus importants, l’accent était mis sur le droit de l’équipage à les démettre à tout moment – pour lâcheté, cruauté ou pour toute autre raison. Dans tous les cas, le pouvoir ultime reposait sur l’assemblée générale, qui tranchait souvent même sur les questions les plus mineures, et cela toujours, semble-t-il, par un vote majoritaire à main levée.

La composition des équipages était souvent extraordinairement hétérogène. « L’équipage du Black Sam Bellamy de 1717 était un “mélange hétéroclite de tous les pays”, composé d’Anglais, de Français, de Hollandais, d’Espagnols, de Suédois, d’Amérindiens, d’Afro-Américains et d’une vingtaine d’Africains qui avaient été libérés d’un bateau d’esclaves » [Rediker, 2004, p. 53]. En d’autres termes, nous avons affaire ici à un ensemble de personnes dont il est probable qu’elles avaient toutes une connaissance de première main d’une vaste palette de procédures de démocratie directe – depuis les things14 suédois aux assemblées de village africaines et aux conseils amérindiens, à partir desquels la Ligue des six nations s’est développée – et qui se trouvaient d’un seul coup devant la nécessité d’improviser une forme d’autogouvernement face à l’absence complète de tout État. Et de fait, il n’y avait guère de lieu plus propice au développement de nouvelles institutions démocratiques dans le monde atlantique à ce moment…

p.70 quel point était vivace et constante cette peur des dirigeants des communautés coloniales et des unités militaires que leurs subordonnés n’adoptent cette égalité et cette liberté individuelle propres aux Indiens.[...]

p.70-71 Cela était avant tout vrai des communautés constituées souvent d’esclaves en fuite et de domestiques qui « devenaient Indiens » en l’absence de contrôle des gouvernements coloniaux [Sakolsky, Koehnline, 1993], ou d’enclaves formées par ce que Linebaugh et Rediker [1991] ont appelé le « prolétariat atlantique » – cet ensemble bigarré d’anciens esclaves, de marins, de prostituées, de renégats, d’antinomiens et de rebelles –, qui se développait dans les villes portuaires du monde de l’Atlantique Nord avant l’émergence du racisme moderne et dont provient une part importante de l’impulsion démocratique de la révolution – américaine notamment.

p.71 Les colons qui débarquaient en Amérique se trouvaient en effet dans une situation tout à fait singulière : ayant fui la hiérarchie et le conformisme européens, ils se trouvaient face à des populations indigènes bien plus attachées aux principes d’égalité et d’individualisme qu’ils n’auraient pu l’imaginer ; et tout en contribuant massivement à leur extermination, ils n’en adoptèrent pas moins bon nombre de leurs coutumes, habitudes et attitudes.

Nous avons ainsi une succession graduée d’espaces ouverts à l’improvisation démocratique, des communautés puritaines de la Nouvelle-Angleterre, avec leur conseils municipaux, aux communautés des frontières, jusqu’aux Iroquois eux-mêmes.

p.72 les pratiques démocratiques, qu’on les définisse comme des procédures de décision égalitaires ou comme un mode de gouvernement par la discussion publique, tendent à émerger dans des situations où des communautés règlent leurs propres affaires hors de la portée de l’État. L’absence du pouvoir d’État signifie l’absence de tout mécanisme systématique de coercition pour mettre en application les décisions. Ce qui tend à aboutir soit à une certaine forme de processus consensuel, soit, dans le cas de formations essentiellement militaires telles que les hoplites grecs ou les bateaux de pirates, à un système de vote majoritaire. Les innovations démocratiques – et l’apparition de ce qui pourrait être appelé les valeurs démocratiques – ont tendance à émerger de ce que j’ai nommé « les zones d’improvisation culturelle », des espaces en général placés hors du contrôle des États et dans lesquels des personnes nourries de traditions et d’expériences différentes sont obligées d’imaginer des moyens pour régler leur vie commune. Les communautés des frontières à Madagascar ou dans l’Islande médiévale, les bateaux de pirates, les communautés de commerçants de l’océan Indien, les confédérations amérindiennes durant l’âge d’or de l’expansion européenne en constituent quelques exemples. Tout cela a bien peu à voir avec les grandes traditions littéraires et philosophiques considérées comme les piliers des grandes civilisations. De fait, à de rares exceptions près, ces traditions sont ouvertement hostiles aux procédures démocratiques et à ceux qui y ont recours16. Les élites gouvernantes ont, du même coup, eu tendance à ignorer ces formes ou à essayer de les éradiquer.

[...] création de systèmes représentatifs, sur le modèle de la république romaine. Enfin, sous la pression populaire, ces systèmes représentatifs furent plus tard renommés « démocraties », dont le modèle originel aurait été le modèle athénien.

p.73 Les historiens, qui s’appuient presque exclusivement sur des textes et s’enorgueillissent de n’employer que des dispositifs de preuve irréfutables, en concluent souvent – comme ils l’ont fait avec la théorie de l’influence iroquoise – qu’il est de leur responsabilité professionnelle de travailler comme si les nouvelles idées émergeaient de l’intérieur des traditions textuelles.

William Pietz [1985, 1987, 1988] décrit la vie des enclaves côtières où Vénitiens, Hollandais, Portugais et toutes sortes de marchands et d’aventuriers européens cohabitaient avec des marchands et des aventuriers africains, où des dizaines de langues différentes étaient parlées et où se mêlaient islam, catholicisme, protestantisme et religions ancestrales. Le commerce, dans ces enclaves, était régulé par ce que les Européens appelaient des « fétiches ».

p.73-74 les relations sociales se créent lorsqu’un groupe d’hommes s’entend pour instituer un pouvoir souverain habilité à recourir à la violence si les droits de propriété et les obligations contractuelles ne sont pas respectés.

p.74 La Chine et l’État-nation européen. –

Au début de la période moderne, les élites européennes conçurent progressivement un certain idéal de gouvernement, régissant une population homogène, parlant une même langue, soumise à un système juridique et administratif uniforme, ce système devant, éventuellement, être pris en charge par une élite méritocratique dont la formation devait principalement reposer sur l’étude de la littérature classique dans la langue vernaculaire du pays en question. Ce qui est étrange, c’est que l’on ne trouve aucun précédent à ce modèle d’État dans l’histoire européenne, alors qu’il correspond presque trait pour trait au système que les Européens croyaient avoir inspiré (et qu’ils ont dans une large mesure effectivement inspiré) à la Chine impériale17. Y a-t-il une quelconque preuve qui permettrait de soutenir une « théorie de l’influence chinoise » ? Dans ce cas, il y en a au moins une, même si elle peut paraître assez ténue. Le prestige du gouvernement chinois étant évidemment bien plus grand, auprès des philosophes européens, que celui des marchands africains, de telles influences ne pouvaient pas être totalement ignorées. De la fameuse remarque de Leibniz – selon laquelle ce sont les Chinois qui devraient envoyer leurs missionnaires en Europe et non l’inverse – aux œuvres de Montesquieu ou de Voltaire, on voit se succéder les philosophies politiques exaltant les institutions chinoises – en même temps d’ailleurs qu’une fascination populaire pour l’art, les jardins, le style vestimentaire et la philosophie morale des Chinois se fait jour –, et cela au moment même où l’absolutisme prend forme en Europe. Tout cela ne prendra fin qu’au XIXe siècle, lorsque la Chine sera victime de l’expansion impériale de l’Europe.

p.75 les puissances atlantiques se trouvaient au centre de vastes empires internationaux et d’un brassage permanent de savoirs et d’influences réciproques.

Ce n’est aussi qu’au milieu du xixe siècle – juste au moment où les puissances européennes commençaient à récupérer la notion de démocratie au sein de leur propre tradition – que l’Angleterre entreprit de mener une politique systématique de répression de tous les mouvements populaires qui, outre-mer, pouvaient présenter des potentialités démocratiques.

Comme Steve Muhlenberger et Phil Payne [1993 ; Baechler, 1985] l’ont montré, si on la définit simplement comme une modalité de la prise de décision à l’issue d’une discussion publique, la démocratie constitue un phénomène très courant.

Les historiens grecs qui écrivaient sur l’Inde, par exemple, reconnaissaient que nombre de communautés pouvaient légitimement être qualifiées de démocratiques.

p.75-76 Entre 1911 et 1918, de nombreux historiens indiens (K. P. Jayaswal D. R. Bhandarkar, R. C. Majumdar18) se plongèrent dans l’examen de certaines de ces sources, non seulement les récits grecs des campagnes d’Alexandre mais aussi des documents en pali datant des débuts du bouddhisme, le vocabulaire hindi ancien ainsi que des oeuvres de théorie politique. Ils découvrirent ainsi des dizaines de cas comparables à l’Athènes du ve siècle sur le sol de l’Asie du Sud : des villes et des confédérations politiques dans lesquelles tous les hommes, formellement qualifiés de guerriers – soit le plus souvent une très large proportion de la population masculine adulte –, disposaient du pouvoir de prendre d’importantes décisions collectivement, à travers une délibération publique au sein d’assemblées communautaires.

[...] qu’il s’agisse du gouvernement des monastères bouddhistes ou de celui des communautés de métier. Ces auteurs étaient donc en mesure d’affirmer que la tradition indienne, ou même hindoue, avait toujours été intrinsèquement démocratique. Et c’était là un argument puissant pour tous ceux qui luttaient pour l’indépendance.

p.76 le bouddhisme leur était favorable, tout particulièrement en la personne de Bouddha lui-même. La tradition brahmanique leur est, elle, systématiquement hostile. Certains des tout premiers tracts politiques en Inde contiennent des conseils adressés aux rois sur la manière d’endiguer le développement des institutions démocratiques, voire de les supprimer.

p.76-77 Ce qui importe, c’est que dans tous les cas, nous avons affaire à une élite politique – effective ou en puissance – qui s’identifie à une tradition de démocratie pour légitimer des formes essentiellement républicaines de gouvernement.

p.77 la cristallisation de pratiques démocratiques très anciennes dans la formation d’un système global au sein duquel les idéaux allaient et venaient dans toutes les directions, et l’adoption progressive – le plus souvent à contrecœur – de certaines d’entre elles par les élites.

L’argument général, dégagé par l’archéologue K. C. Chang, est le suivant : la civilisation de la Chine ancienne était fondée sur une idéologie complètement différente de celle de l’Égypte ou de la Mésopotamie. Il s’agissait essentiellement d’un prolongement de la cosmologie des premières sociétés de chasseurs, où le monarque remplaçait le shaman dans sa relation personnelle et exclusive avec les pouvoirs divins. Il en résulta une autorité absolue de celui-ci. Chang [2000, p. 7]

Le type d’État qui a émergé au troisième millénaire au Moyen-Orient incarne, par contraste, une sorte de rupture avec un autre modèle, davantage pluraliste, qui prit naissance lorsque les dieux et leurs prêtres en vinrent à être considérés comme indépendants de l’État.

p.77-78 C. C. Lamberg-Karlovsky [2000] affirme que la clé se trouverait dans la première apparition des notions de liberté et d’égalité dans la Mésopotamie ancienne, dans les doctrines monarchiques qui établissaient qu’un contrat social liait les autorités dirigeantes des cités-États et leurs sujets. C’est en ces termes que devrait être définie cette « rupture », et la plupart des contributeurs de cet ouvrage s’accordent à considérer qu’elle « ouvrait la voie à la démocratie occidentale » [Larsen, 2000, p. 122].

p.78 d’une conception occidentale de l’organisation sociale dans laquelle la souveraineté devait reposer non pas sur l’autorité du chef mais sur celle du conseil des anciens et l’assemblées des hommes en armes » [p. 59]. Gordon Willey [2000, p. 29], pour sa part, considère que le mouvement démocratique résulte du libre marché, dont il pense qu’il était plus développé en Mésopotamie qu’en Chine – et largement absent dans les royaumes mayas au sein desquels les autorités gouvernaient selon les principes du droit divin – et qu’« il n’y a aucune preuve d’un quelconque contre-pouvoir au sein de la chefferie ou de l’État * ».

(*) Il est tentant de suggérer que tout cela nous laisse le choix entre deux théories alternatives des origines de ce que Huntington nomme la « civilisation occidentale » : néolibérale ou crypto-fasciste. Mais ce serait injuste. Ces auteurs s’intéressent à un espace très large qui, plus tard, inclura l’Islam comme partie constitutive de ce bloc « occidental » dans lequel ils trouvent l’origine des idées occidentales de liberté (en fait, il est difficile de faire autrement dans la mesure où l’on ne sait presque rien de ce qui s’est passé en Europe à cette époque). La contribution vraisemblablement la plus marquante est celle de Gregory Possehl sur la civilisation harappéenne, la première civilisation urbaine de l’Inde, qui, au regard de ce que l’on peut en savoir aujourd’hui, semble n’avoir connu ni royauté ni État centralisé d’aucune sorte. La question est alors de savoir ce que cela nous dit sur l’existence de « démocraties » ou de « républiques » dans l’Inde ancienne. Serait-il possible, par exemple, que l’histoire des deux premiers millénaires de l’Asie du Sud soit celle de l’érosion progressive de formes politiques égalitaires ?

p.78 les « peuples celtes et germains primitifs » se réunissaient en assemblées

p.79 la civilisation maya classique est caractérisée par son absence de toute forme de « contre-pouvoir » (Willey décrit même les sanguinaires Aztèques comme moins autoritaires, en raison des formes de marché plus avancées qu’ils avaient développées), aucun de ces auteurs ne semble se demander à quoi ressembleraient la Rome antique ou l’Angleterre médiévale si elles étaient étudiées exclusivement à partir de bâtiments en ruines et de textes officiels gravés dans la pierre par le pouvoir… Si mon argument est juste, alors on peut dire que ce que font en fait ces auteurs, c’est de chercher les origines de la démocratie précisément là où ils ont le moins de chance de les trouver : dans les proclamations officielles d’États qui ont largement mis fin aux formes locales d’autogouvernement et de délibération collective, et dans les traditions littéraires et philosophiques qui leur en ont fourni la justification

p.79-80 la vague actuelle des mouvements altermondialistes luttant pour une justice mondiale a été en grande partie initiée par l’AZLN, l’Armée zapatiste de libération nationale, un groupe principalement composé de rebelles des Chiapas de langue maya, pour la plupart des campesinos qui ont formé de nouvelles communautés dans la forêt du Lacandon. Leur insurrection en 1994 a été explicitement menée au nom de la démocratie, terme par lequel ils désignaient quelque chose qui ressemblait bien plus au style athénien de la démocratie directe qu’aux formes républicaines de gouvernement qui se sont depuis approprié le mot. Les zapatistes ont développé un système très élaboré d’assemblées communautaires opérant par voie de consensus, complétées par des comités de femmes et de jeunes – afin de contrebalancer la domination traditionnelle des adultes mâles – et des conseils formés de délégués révocables. Ils affirment que ce système repose sur une radicalisation de la façon dont les communautés mayas se sont gouvernées pendant des millénaires. Nous savons que la plupart des communautés mayas des montagnes se sont gouvernées au moyen de certaines formes de système consensuel.

p.80 La crise de l’État

[...] les zapatistes n’ont rien de si insolite. Ils parlent tous une grande variété de langues mayas – tzeltal, tojalobal, ch’ol, tzotzil, mam –, proviennent de communautés qu’on a laissées traditionnellement se gouverner de façon autonome (notamment pour qu’elles puissent constituer des réserves de main-d’oeuvre indigène pour les ranchs et les plantations éloignées) et ont formé de nouvelles communautés, en grande partie multiethniques, sur de nouvelles terres dans le Lacandon [Collier, 1999 ; Ross, 2000 ; Rus, Hernandez, Mattiace, 2003]. En d’autres termes, ces communautés constituent un exemple classique de ce que j’ai appelé « des zones d’improvisation démocratique », soit des espaces composés d’un amalgame bigarré de peuples dont la plupart d’entre eux ont fait historiquement l’expérience de méthodes d’autogouvernement démocratique, et placés hors du contrôle immédiat de l’État.

p.81 d’un réseau international (People’s Global Action), basé sur les principes d’autonomie, d’horizontalité et de démocratie directe et composé de groupes aussi disparates que le mouvement des sans-terre brésilien (MST), l’association des paysans de l’État du Karnataka (Karnataka State Farmer’s Association, un groupe socialiste d’action directe indien se réclamant de Ghandi), le syndicat des postiers canadiens (the Canadian Postal Workers’Union) et de tout un ensemble de collectifs anarchistes d’Europe et du continent américain, ainsi que d’organisations indigènes du monde entier.

les principes du zapatisme – le rejet de l’avant-garde, la priorité accordée à la mise en oeuvre d’alternatives viables au sein de sa propre communauté comme moyen de subvertir la logique du capital mondial – ont eu une énorme influence sur des militants de mouvements sociaux qui ne connaissaient que très vaguement les zapatistes et n’avaient sûrement jamais entendu parler du PGA.

« Les zapatistes ont employé le terme de démocratie, mais dans un sens différent de celui du gouvernement mexicain. La démocratie pour les zapatistes n’est pas conceptualisée dans les termes de la philosophie politique européenne, mais dans ceux du mode d’organisation social maya, basé sur la réciprocité, les valeurs communautaires (et non individualistes), la valorisation de la sagesse plutôt que de l’épistémologie, etc. [...] les conceptions libérales de la démocratie et celles, indigènes, de la réciprocité et de l’organisation de la communauté en vue du bien commun peuvent entrer en dialogue » [Mignolo, 2002, p. 180].

p.82 affirmer que « les zapatistes n’ont pas d’autre choix que d’employer ce terme » de démocratie est tout simplement erroné. Ils ont à l’évidence le choix. D’autres groupes d’origine indigène en ont fait de fort différents. Le mouvement Aymara en Bolivie, pour choisir un exemple parmi d’autres, a, lui, choisi de rejeter totalement le mot « démocratie » au motif qu’au regard de l’expérience de son peuple, ce mot a été uniquement employé pour désigner des systèmes qui lui ont été imposés par la violence22. Ses membres considèrent donc leurs propres traditions de prise de décision égalitaire comme étrangères à la démocratie.

p.82-83 le « terme que l’hégémonie politique leur impose » est, dans ce cas, lui-même le fruit d’un compromis en tension. S’il ne l’était pas, nous ne pourrions disposer d’un terme grec forgé à l’origine pour décrire une forme d’autogouvernement communautaire et appliqué par la suite à des républiques basées sur le système représentatif.

p.83 Durant les deux derniers siècles, les démocrates ont tenté de greffer les idéaux du gouvernement direct du peuple sur l’appareil coercitif de l’État. Au final, ce projet s’est révélé tout simplement impossible. Les États, en raison de leur nature même, ne peuvent pas être véritablement démocratisés. Ils ne sont rien d’autre que des moyens de réguler la violence. Les fédéralistes américains étaient très réalistes quand ils affirmaient que la démocratie ne convient pas à une société fondée sur des inégalités de richesse, dans la mesure où un appareil de coercition est nécessaire pour protéger les richesses et pour tenir en respect cette « populace » à laquelle la démocratie prétend donner le pouvoir.

Athènes fut un cas unique à cet égard, parce qu’elle représenta en fait un moment de transition. Il y avait certainement des inégalités de richesse et même, vraisemblablement, une classe dirigeante, mais il n’y avait pas d’appareil de coercition institutionnalisé. C’est la raison pour laquelle les historiens ne s’accordent pas sur la question de savoir s’il s’agissait véritablement d’un État.

C’est précisément lorsque l’on prend en considération la question du monopole de la force par l’État moderne que les prétentions de la démocratie se révèlent être un fatras de contradictions.

p.84 Ce n’est pas un hasard si les États-Unis, un pays qui s’enorgueillit toujours de son esprit démocratique, ont pu prétendre diriger le monde en mythifiant, voire en déifiant leur police.

Francis Dupuis-Deri [2002] a forgé le terme d’« agoraphobie politique » pour désigner cette suspicion à l’égard des formes de prise de décision et de délibération publique qui traversent la tradition occidentale, notamment dans les oeuvres de Constant, Sieyès ou Madison, ainsi que dans celles de Platon ou d’Aristote.

Ce n’est en effet que lorsqu’il devient absolument clair que les discussions et les réunions publiques ne sont plus elles-mêmes les médiums de la prise de décision politique, mais, au mieux, des moyens de la soumettre à la critique, de l’influencer ou de faire des suggestions aux décideurs politiques, qu’elles peuvent être considérées comme sacro-saintes. Ce qui est plus grave, c’est que cette agoraphobie n’est pas seulement partagée par les hommes politiques et les journalistes professionnels, mais aussi, et dans une large mesure, par le public lui-même.

Le phénomène du « miroir des horreurs », par lequel les élites gouvernantes encouragent des formes de participation populaire propres à rappeler sans cesse au public combien il est incapable de gouverner, semble dans de nombreux États modernes avoir atteint un état de perfection sans précédent.

p.84-85 Walter Benjamin [1978] la résume avec élégance en soulignant que tout ordre juridique qui revendique le monopole du recours à la violence doit être fondé sur un pouvoir autre que lui-même, ce qui veut dire qu’il doit inévitablement être fondé sur des actes illégaux au regard du système juridique antérieur. La légitimité d’un système juridique repose donc nécessairement sur des actes de violence criminelle. Selon le droit sous la juridiction duquel ils étaient encore placés, les révolutionnaires américains et français furent bien après tout coupables de haute trahison.

p.85 Autant la solution de droite – selon laquelle seuls des leaders inspirés incarnant la volonté du peuple, qu’il s’agisse de pères fondateurs ou de Führer, peuvent instituer ou mettre un terme aux ordres constitutionnels – que la solution de gauche – selon laquelle ces ordres ne gagnent leur légitimité qu’en vertu de révolutions populaires le plus souvent violentes – conduisent à des contradictions pratiques sans fin. De fait, comme le sociologue Michael Mann le suggère à mots couverts [1999], bon nombre des massacres du xxe siècle dérivent de l’une ou l’autre des versions de cette contradiction. L’exigence simultanée de créer un appareil de coercition uniforme sur toute l’étendue de la planète et de maintenir la prétention de cet appareil à recevoir sa légitimité du « peuple » a conduit à un besoin constant de définir qui est précisément supposé être ce « peuple » : « Dans tous les tribunaux allemands des quatre-vingt dernières années – de la République de Weimar, du régime nazi, de la RDA à la République fédérale –, les juges ont toujours eu recours à la même formule : “In Namen des Volkes”, “au nom du peuple”. Les tribunaux américains préfèrent la formule : “L’affaire du peuple contre X” » [Mann, 1999, p. 19]. En d’autres termes, le « peuple » doit être invoqué en tant qu’autorité propre à autoriser le recours à la violence, en dépit du fait que toute proposition de démocratisation de ces dispositifs coercitifs a toutes les chances d’être considérée avec horreur par les personnes concernées. Mann suggère que les tentatives mises en oeuvre pour dépasser cette contradiction, pour recourir aux appareils coercitifs afin d’identifier et de constituer un « peuple » dont les responsables de ces appareils se vantent qu’il soit à l’origine de leur autorité, ont été responsables d’au moins soixante millions de morts au cours du seul xxe siècle. C’est dans un tel contexte que j’aimerais suggérer que la solution anarchiste – selon laquelle il n’y a pas de véritable solution à ce paradoxe – est loin d’être déraisonnable. L’État démocratique a toujours constitué une contradiction.

p.85-86 Le processus de globalisation a simplement mis en lumière quels en étaient les soubassements les plus douteux en suscitant le besoin de structures de prise de décision à une échelle planétaire, là où justement toute tentative de maintenir les prétentions de la souveraineté populaire – et ne parlons pas de la participation – serait à l’évidence absurde. La solution néolibérale consiste naturellement à affirmer que le marché constitue la seule forme de délibération publique véritablement nécessaire, et à réduire peu ou prou le rôle de l’État à sa fonction coercitive. Dans un tel contexte, la réponse zapatiste – abandonner l’idée que la révolution suppose la prise de contrôle de l’appareil de coercition de l’État et lui substituer le projet d’une refondation de la démocratie par l’auto-organisation de communautés autonomes – ne manque pas de pertinence. C’est la raison pour laquelle une obscure insurrection dans le sud du Mexique a pu provoquer un tel émoi, tout d’abord dans les cercles radicaux. La démocratie semble ainsi retourner aux lieux de sa naissance : les espaces interstitiels. La question de savoir si elle peut aujourd’hui s’étendre au monde entier sous cette forme relève désormais d’une décision qui n’est pas celle des chercheurs, mais repose au bout du compte sur notre capacité d’action en tant que citoyens (au plan local et au plan global).