jeudi 29 octobre 2009

Débat sur l'identité nationale

La moindre des choses quand on est responsable de l'identité nationale, c'est d'en posséder une définition, ou, à défaut, d'en rédiger/faire rédiger une nouvelle qui fasse le consensus.
Si besoin était, cette proposition de débat promise par Eric Besson arrive donc un peu tard. Mieux vaut tard que jamais pourra-t-on rétorquer.
Alors, pourquoi pas.
J'attends avec impatience le résultat de ce débat.
L'opposition droit du sang / droit du sol me semble un bon départ.

Mais d'ores et déjà, certains ironisent :

Etre français aujourd’hui
Jean-Pierre Gauffre - Hier, 07:50
On attend avec impatience le débat sur l’identité nationale promis par Eric Besson...
Croyez-moi ou pas, mais le débat sur l’identité nationale, c’est pas simple… Qu’est-ce que c’est qu’être français aujourd’hui ? Vous parlez d’une question… On va essayer d’y répondre… Raisonner à partir du lieu de naissance serait évidemment pratique, sauf que ça ne veut strictement rien dire… Giscard d’Estaing est né en Allemagne, Ségolène Royal est née au Sénégal et Claude François en Egypte… Certes, Barack Obama est né aux îles Hawaï, mais on s’en fout pour notre démonstration, puisqu’il n’est pas français et ne sera donc pas concerné par le débat d’Eric Besson…
Raisonnons maintenant à partir du lieu de résidence… On pourrait se dire, être français, c’est résider en France, adopter son mode de vie, ses coutumes… Peut-être… Alors prenons un exemple au hasard… Le dernier lieu de résidence connu de la grippe A en France, le Paris Saint-Germain… Y a du Camerounais, du Turc, du Béninois, du Brésilien et du malade… Donc là encore, vous voyez bien qu’habiter en France ne suffit pas pour être considéré comme français… D’autant que, histoire de compliquer les choses, dès qu’ils gagnent un peu d’argent, beaucoup de Français vont s’installer en Suisse ou à Monaco… On a du mal à s’y retrouver…Peut-être la langue française, à ce moment-là, comme une sorte de dénominateur commun… Ca reste à démontrer… Quand on regarde le bêtisier de l’Ile de la Tentation ou de Secret Story, dont, paraît-il, tous les candidats sont Français, on ne comprend pas toujours ce qu’ils disent… On a l’impression qu’ils parlent une autre langue… Ils auront du mal avec le débat d’Eric Besson…
La culture, alors… Ce qu’on lit, ce qu’on écoute, ce qu’on mange... Peut-être, mais moi qui pense être français, bien que ma mère soit née en Espagne, ce qui est louche en soi, eh bien figurez-vous que j’adore la littérature américaine, la musique africaine et le canard laqué… Pas très français, tout ça… Je ne suis pas certain d’être très à l’aise pendant le débat d’Eric Besson…
Je ne voudrais pas non plus qu’on s’appuie sur des critères de caractère ou de comportement, forcément subjectifs… Le Français, c’est celui qui râle le plus fort quand il est en vacances à l’étranger… Ou alors, être Français, c’est avoir du mal à se qualifier pour la Coupe du Monde de foot, à partir du moment où c’est pas nous qui l’organisons… Ou bien, être Français, c’est lancer des polémiques imbéciles pour pas grand chose et être tourné en ridicule par la presse du monde entier… Remarquez, on ne serait pas très loin de la vérité… Mais évidemment, vous n’êtes pas obligés de me croire…
http://www.france-info.com/chroniques-il-etait-une-mauvaise-foi-2009-10-27-etre-francais-aujourd-hui-361298-81-305.html

mardi 13 octobre 2009

Le bon ton de Laurent Fabius

Plutôt que de s'insurger avec violence, comme tant d'autres personnalités dans les polémiques innombrables qui secouent l'actualité, Laurent Fabius a choisi le (bon) ton de l'humour.

Le député socialiste de Seine-Maritime Laurent Fabius a ironisé lundi sur l'arrivée annoncée du fils du chef de l'Etat, Jean Sarkozy, à la tête de l'Etablissement public de la Défense (EPAD).

"De qui a-t-on besoin" pour diriger le quartier d'affaires francilien, s'est interrogé sur France-Inter Laurent Fabius. "On a besoin de quelqu'un qui soit un très bon juriste. Or M. Sarkozy est en deuxième année de droit, c'est déjà un élément très, très fort".

"On a besoin de quelqu'un qui connaisse bien les affaires, c'est (...) un grand quartier d'affaires, je pense qu'il peut y avoir quelques prédispositions", a-t-il lâché.

"Je n'oublie pas non plus que la semaine dernière, M. (Martin) Hirsch a présenté un plan pour la promotion des jeunes et je suis sûr que c'est dans ce cadre que sa nomination est faite", a poursuivi Laurent Fabius.

"Je trouve que la critique est assez injuste", a-t-il renchéri, avant de s'inquiéter de l'avenir des autres enfants de Nicolas Sarkozy: "que vont-ils faire?". AP

http://tempsreel.nouvelobs.com/depeches/societe/20091012.FAP7725/laurent_fabius_ironise_sur_larrivee_possible_de_jean_sa.html

samedi 10 octobre 2009

Prix Nobel "d'encouragement" à Barack Obama, pour l'aider à accomplir ses tâches

Nobel : la presse américaine dénonce un prix "prématuré"

LEMONDE.FR 09.10.09 19h44 •

"Au réveil, je suis allé sur le site du New York Times, écrit Richard Kim, du site de gauche progressiste The Nation, et j'ai cru que j'étais en fait sur le site The Onion [un site satirique, ndlr]", à propos de l'attribution, vendredi 9 octobre, du prix Nobel de la paix à Barack Obama. "Je ferais mieux de refermer les yeux et de me réveiller dans la réalité", poursuit-il.

Pourtant, ce n'est pas un rêve. Barack Obama a bien été désigné par le comité Nobel, et "quiconque pense que ce prix est sans précédent, n'avait pas bien fait attention auparavant", défend Robert Naiman, de Common Dreams. Le site de gauche est un des rares à défendre ce prix récompensant les promesses et les efforts du président américain. Pour lui, c'est de la même manière que Desmond Tutu avait reçu, en 1984, le prix avant que l'apartheid ne soit totalement éradiqué d'Afrique du Sud. Ce prix l'avait justement aidé à accomplir cette tâche. "C'est ce que le comité Nobel essaie de faire pour Obama", conclut Robert Naiman.

Mais la voix de Common Dreams semble bien seule dans le concert de commentaires étonnés. Massimo Calabresi de l'hebdomadaire Time y voit une "accolade prématurée, d'ordinaire réservée à ceux qui ont atteint des résultats considérables et tangibles dans la poursuite de la paix". "Ces résultats considérables", l'ensemble de la presse américaine souligne que M. Obama ne les a pas encore accomplis. Pour Andrew Leonard, du site Internet Salon, "Barack Obama tente de construire un système de soins, de réparer la machine économique, de prévenir le réchauffement climatique sans oublier de sortir les troupes d'Irak et de trouver une solution au conflit afghan. S'il réussit tout cela, il méritera un prix. Mais certainement pas encore". Un chroniqueur de Slate, John Dickerson, note ironiquement qu'après avoir perdu les Jeux olympiques, vendredi 2 octobre, et avoir remporté le Nobel, vendredi 9, Barack Obama "devrait garder un créneau libre dans son agenda vendredi prochain, car apparemment tout peut arriver".

LES CONSERVATEUR TRÈS CRITIQUES

Les éditorialistes conservateurs vont plus loin dans leur critique de ce prix. Mark Halperin, qui tient le blog politique du Time, The Page, explique : "Les personnes critiques envers Barack Obama l'accusent depuis longtemps de se contenter de discourir (…). Cette incroyable décision de lui attribuer le Nobel simplement sur sa rhétorique va rendre plus furieux ses détracteurs qu'elle ne va contenter ses supporteurs.

"En effet, Glen Greenwald, sur Salon, estime que le comité Nobel s'est "ridiculisé". Les éditorialistes du conservateur Weekly Standard s'en donnent à cœur joie, remerciant le Comité, qui leur épargne ainsi des difficultés pour trouver leurs blagues de la semaine. Plus sérieusement, l'un d'eux fait remarquer qu'au moment des nominations pour le Nobel Barack Obama n'était à la Maison Blanche que depuis onze jours. "En 2010, note Jennyfer Robin, de Commentarymagazine.com, le prix ira à Mahmoud Ahmadinejad pour avoir accepté de s'asseoir à la table des négociations.

"Mickey Kaus, de Slate, avait bien un conseil à donner à Barack Obama : "Qu'il ne l'accepte pas ! Qu'il refuse poliment. Qu'il dise être honoré, mais qu'il n'a pas encore eu le temps d'accomplir les tâches qu'il souhaite. Résultat : il obtient tout de même la gloire venant de la récompense et fait un pas vers la résolution de son problème narcissique." Mais Barack Obama a déjà annoncé qu'il irait en personne recevoir son prix à Oslo.

Antonin Sabot

http://www.lemonde.fr/international/article/2009/10/09/nobel-la-presse-americaine-denonce-un-prix-premature_1251956_3210.html#ens_id=1249605&xtor=RSS-3208

dimanche 4 octobre 2009

Comment Google contribue au rétrécissement du savoir

Comment Google contribue au rétrécissement du savoir
par Thierry Klein
Thierry Klein est président de Speechi, société de logiciels d’enseignement en ligne.

Soi disant, Internet représenterait une chance pour le savoir humain. Google référence aujourd’hui plusieurs trillions de pages. Son objectif est de numériser tous les livres au prétexte pompeux que « le plan de numérisation permettra de rendre à nouveau accessibles des ouvrages épuisés et introuvables ».

Mais, comme personne n’a la possibilité physique de lire toutes ces pages, tout ceci ne constitue que le savoir disponible potentiel. La quantité réelle de savoir disponible ne peut être quantifiée que de façon statistique. Le Web est intéressant si le temps moyen passé par un internaute sur des pages contenant du savoir est important. Le savoir disponible, c’est la quantité moyenne de savoir à laquelle un internaute accède réellement - et non pas potentiellement - au cours d’une session, d’une journée, d’une vie, multipliée par le nombre d’internautes. Or cette quantité de savoir réellement disponible, qui n’a d’ailleurs jamais été très élevée sur le Web, diminue structurellement de jour en jour, Google étant l’acteur majeur, bien que probablement involontaire, de ce rétrécissement.

Google crée du trafic, si possible sponsorisé, pas du savoir ;ses algorithmes ont pour objectif final de maximiser le revenu obtenu en cliquant sur les liens sponsorisés. Pour ceci, Google se doit d’être pertinent dans ses résultats (sinon vous utiliserez un autre moteur) et dans ses propositions publicitaires (sinon le revenu de Google diminue). Pour Google, la qualité des résultats est donc un moyen, non une fin. Ceci signifie d’ailleurs qu’un jour vont apparaître, chez Google ou ailleurs, des techniques donnant des résultats moins pertinents mais plus rémunérateurs, à travers une probabilité accrue de clic sur un lien sponsorisé.

Google vous incite, en moyenne, à aller vers les pages les plus intéressantes pour les annonceurs, qui sont sa source de revenu. Le mécanisme avec lequel il y parvient est presque invisible, mais toujours amélioré car Google, disposant d’un réservoir permanent et infini de statistiques, est capable presque instantanément de déterminer si tel ou tel changement d’algorithme conduit à plus ou moins de revenu. La conséquence en est que vous passez toujours de plus en plus de temps sur des pages générant du revenu pour Google.

Le moteur de recherche Google s’adresse avant tout au consommateur qui est en vous, pas à l’homme ou à la femme de savoir. Votre soif de savoir, si tant est qu’un tel terme ait un sens, c’est l’alibi qu’il vous sert, le leurre avec lequel il vous attire. Laissez passer quelques années et vous vous retrouverez tous à lire des blagues idiotes, échanger des messages insignifiants sur Facebook, acheter en ligne ou à taper le mot le plus recherché sur Internet, c’est-à-dire « sexe » : vous ferez comme tout le monde. Google ne vous rend probablement pas idiot, comme certains articles récents, fort intéressants par ailleurs, l’ont prétendu, il vous rend consommateur - et la consommation n’est absolument pas corrélée avec le savoir.

Sur le plan comportemental, la distinction entre savoir théoriquement disponible et savoir réellement disponible est immense. Prenez un étudiant ou un chercheur. En théorie, il lui suffit d’avoir accès à Internet pour avoir accès à toute la bibliographie dans son domaine. En réalité, s’il va sur Internet, il rentre dans une entreprise de distraction, au sens premier du terme, qui est celui de détournement. Au bout de quelques minutes, il a toutes les chances de se retrouver à faire autre chose que de la recherche (lire la Bourse, les résultats sportifs, tchater sur MSN…). Cette distraction permanente est à comparer à son comportement en bibliothèque, isolé, sans rien pouvoir faire d’autre, dans une cellule avec ses quelques livres - l’avantage de la bibliothèque physique sur Google : l’absence de distraction.

Que le savoir disponible réel sur Internet soit très faible pour des raisons qui tiennent au comportement, aucun doute là-dessus. Même les plus optimistes sont conscients qu’Internet est avant tout une source de distraction et de temps perdu - et toutes les entreprises qui ont étudié le comportement sur Internet de leurs employés le savent. Mais en outre, ce savoir disponible diminue non seulement au sens comportemental mais au sens quantitatif du terme. Voici pourquoi.

Une page qui contient de la publicité sur Internet est « probablement » peu intéressante - l’éditeur du site de ces pages n’a pas pour objectif d’augmenter votre connaissance, mais de vous faire cliquer sur un lien sponsorisé. Une page sans publicité a plus de chance d’être intéressante, au sens du savoir. Au moins, l’auteur a-t-il publié une information de façon désintéressée. La quantité de savoir disponible est corrélée au pourcentage du nombre de pages web qui ne sont pas financées par la publicité. Or Google, comme toutes les entreprises qui constituent ce qu’on appelle « le Web 2.0 » (Facebook, YouTube, Daily Motion…), oriente vos recherches pour que ce pourcentage diminue. Ces entreprises ont une stratégie en deux temps. D’abord, elles tentent de générer un maximum de trafic ; ensuite, elles essaient de rentabiliser ce trafic en introduisant des liens sponsorisés - ou toute autre forme de publicité - dans les pages du site. Essayez d’évaluer le pourcentage de pages sans publicité lorsque vous allez sur le Web. Ce pourcentage est réellement très, très faible.

Dans son dernier ouvrage, Une rencontre, Milan Kundera évoque la fin de l’illusion cinématographique. Né il y a cent ans, le cinéma qui promettait d’être le nouveau moyen d’expression culturel (sans même parler du cinéma en tant que nouvelle forme artistique) a aujourd’hui presque totalement disparu. Il est devenu un des principaux vecteurs de l’abêtissement général. Internet : le début d’une nouvelle illusion.

Paru dans Libération du 30 septembre 2009
http://www.ecrans.fr/Comment-Google-contribue-au,8269.html