vendredi 23 juin 2017

DURRUTI – LES ANARCHISTES ET LA REVOLUTION ESPAGNOLE DE 1936 A 1939

Ce n’est pas un hasard, si ce soir, j’expose un sujet qui me tient à cœur. Parce que ce n’est pas le hasard qui m’a vu naître en France.

Il m’a semblé en tant que fils de milicien espagnol mort en exil, que cette génération d’hommes et de femmes confondus ayant combattu pour la liberté et l’émancipation du prolétariat espagnol allait bientôt disparaître. Je leur rends hommage aujourd’hui, par solidarité et par devoir de mémoire ; j’essaierai de vous expliquer du mieux possible.

Emma GOLDMAN dans une lettre datée du 7 avril 1937, après deux séjours, revient avec les mots suivants :

« Nos compagnons espagnols possèdent ce qu’on ne trouve pas, à un tel degré dans aucun autre pays : le courage, l’énergie et une foi qui pourrait soulever les montagnes ».

Max NETTLAU, appelé par son camarade ROCKER « l’HERODOTE de l’anarchie » , écrivait au printemps 1937, peu avant les faits de Barcelone en mai 1937 :

« Dans un moment comme celui-ci, on lutte et ne bavarde pas. Si l’Espagne est vaincue, alors le fascisme aura vaincu sur toute la ligne, dans l’Europe entière et probablement aussi hors d’Europe. L’Etat totalitaire constitue aujourd’hui le plus grand danger, et tant qu’il ne sera pas vaincu, il ne faut plus penser à d’ultérieurs progrès sociaux. Le mouvement espagnol est, jusqu’ici le seul qui ait montré ce qu’il veut et ce qu’il peut, et il n’a absolument rien à attendre de l’étranger ».

- Rappel :

Depuis son origine, le socialisme signifie la libération des travailleurs de l’exploitation, autrement dit la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme. Les objectifs du communisme libertaire, ne se limitent pas au contrôle démocratique de la production par les producteurs, mais comprennent aussi l’abolition de toute forme de domination et de hiérarchie dans tous les aspects de la vie sociale et personnelle et cherchent à combattre les formes d’oppression que peuvent dissimuler nos pratiques et mentalités traditionnelles.

Des révolutions, des vraies, qui ont permis à la liberté, à l’égalité sociale et à l’autogestion de s’épanouir comme des roses, il n’y en a pas eu beaucoup dans l’histoire de l’humanité. La révolution espagnole de 1936 et son printemps libertaire est assurément de celles-ci. Et ce n’est pas un hasard si elle a été assassinée par le fascisme, les démocraties bourgeoises et le stalinisme et si elle a été tuée par l’histoire officielle comme le fût la Commune de Paris en 1871 dont elle s’inspira fortement mais en allant beaucoup plus loin. Ils ont osé le communisme libertaire, sans argent, sans Etat, ils ont osé pendre haut et court le capitalisme, la bourgeoisie et sa hiérarchie. Quelle leçon ! Cette tempête sociale est actuellement sans progénitures.

Des progénitures dans cette révolution espagnole, il y en eu beaucoup, tous anonymes, hommes, femmes que l’histoire n’a pas retenu et que le temps a effacé – d’autres particulièrement comme Buenaventura DURRUTI et ses compagnons, notamment ASCASO furent des dirigeants charismatiques de cette révolution, comme le furent en d’autres temps BABEUF en 1793 et EugèneVARLIN en 1871.

- Naissance de l’anarchisme en Catalogne :

L’anarchisme espagnol est né au sein du prolétariat catalan. Là s’est formé vers 1840 un mouvement libertaire dans l’industrie textile et il a trouvé tout d’abord son expression pratique dans PROUDHON et BAKOUNINE. De là sont sortis les premiers syndicats ouvriers qui furent frappés d’interdiction en 1854. Cette mesure provoqua la première grève générale qui mobilisa en catalogne plus de 40 000 ouvriers. Dans toute l’Espagne s’est dessiné à cette époque un large mouvement ouvrier de masse à tendance anti-étatique. Ce mouvement pratiquait l’action directe comme arme de combat et propageait le fédéralisme.

En 1868, ces organisations entrèrent en contact avec l’Association internationale des travailleurs fondée en 1864. FANELLI, l’ami de l’anarchiste russe BAKOUNINE, parcourut l’Espagne à cette époque, et c’est avec sa collaboration qu’ont été fondés à Madrid et à Barcelone les premiers groupes de l’Internationale en terre ibérique. Un autre centre important du mouvement se créa parmi les travailleurs agricoles de l’Andalousie.

En 1870, il y eu à Barcelone le premier Congrès ouvrier espagnol. Ainsi fut fondée la Fédération régionale de l’AIT appelée en Espagne « l’Internationale ». Cette Fédération forte d’abord de 30 000 ouvriers se déclara purement anarchiste. Le 19 juin 1870 Farga PELLICER ouvrit le Congrès de Barcelone par ces paroles :

« Le droit, le devoir, la nécessité sociale nous réunissent ici pour que nous arrivions à voir clair dans les problèmes de l’économie sociale. L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes disent les statuts de l’Internationale. Tous ceux qui vivent du monopole et de l’exploitation sont intéressés à maintenir éternellement notre esclavage. Il n’y a donc aujourd’hui pour cette humanité qu’une seule lutte qui ait une signification sociale véritable : c’est la lutte de la misère contre le capitalisme. Or l’État est le gardien et le protecteur des privilèges sociaux et l’église les bénit et les présente comme étant la volonté de dieu. La seule chose qui nous reste à faire ; c’est de trouver les moyens pour nous délivrer du joug de l’esclavage, du salariat, qui est la base de notre oppression. Il nous faut donc détruire la puissance du capital, de l’État et de l’église pour construire sur leurs ruines l’anarchie, la Fédération des groupes libres des travailleurs ».

Une résolution de ce Congrès fut particulièrement importante pour le développement ultérieur du mouvement ouvrier en Espagne. Elle traite du sujet « l’Internationale et la politique » :

« Tous les efforts des peuples pour conquérir le bien-être et qui se basent sur le maintien de l’État, non seulement, n’ont mené à aucun résultat, mais se sont brisés partout et toujours contre l’État. L’autorité et le privilège sont les piliers les plus solides de l’ordre social actuel basé sur l’injustice ; leur destruction et l’édification d’un nouvel ordre social d’égalité et de liberté sont nos tâches. Toute participation de la classe ouvrière à la politique d’État de la bourgeoisie équivaut dans tous les cas à une consolidation de l’ordre social existant, qui paralyse l’action révolutionnaire socialiste des travailleurs. Le congrès recommande donc à toutes les organisations de l’Internationale de renoncer à toute collaboration avec l’État ; Il les appelle à concentrer leur activité autour de l’organisation sociale. Cette organisation fédéraliste est la véritable expression des intérêts du travail et doit se faire en dehors de tout gouvernement ».

Dans cette résolution se dessine déjà clairement la ligne de développement qui est suivie aujourd’hui par la CNT et par la FAI. Jusqu’à la deuxième décennie du vingtième siècle, n’a existé à côté de la vieille Fédération Régionale Espagnole aucune autre organisation de masse sérieuse des ouvriers espagnols de la ville et des campagnes.

L’anarcho-syndicalisme espagnol a vécu jusqu’au début de 1936 presqu’exclusivement dans l’illégalité. Monarchie, dictature (PRIMO DE RIVERA) et démocratie bourgeoise ont employé toutes leurs forces à étouffer la tendance vers la révolution sociale en Espagne. Il est complètement faux de considérer le terrorisme comme le moyen de lutte propre à l’anarchisme. Dans des circonstances spéciales, l’anarchisme espagnol s’en est servi comme l’ont fait tous les mouvements politiques. Mais spécialement la CNT anarcho-syndicaliste souhaite précisément l’action directe organisée des masses comme base d’une société nouvelle. A Barcelone fut créé le journal « solidarité ouvrière » quotidien depuis 1916 et qui est resté jusqu’en juillet 1936, le seul quotidien ouvrier en Catalogne.

En 1909, éclata à Barcelone l’insurrection anarchiste contre la guerre du Maroc, connue sous le nom de « semaine tragique de Barcelone » . Les masses populaires proclamèrent la grève générale, descendirent armées dans la rue, empêchèrent l’embarquement des troupes et brûlèrent une soixantaine d’églises et cloîtres. Le mouvement fut écrasé. Notre F ∴ Francisco FERRER, le fondateur d’une grande organisation d’Ecoles Modernes, fut accusé d’être l’instigateur intellectuel de la révolte et exécuté avec d’autres anarchistes.

- Développement de la CNT à partir de 1911 : 

En 1911 fut fondée à Madrid, la CNT qui, basée sur les traditions fédéralistes communistes d’Espagne et sur les idées anarchistes, s’est donnée un programme anarcho-syndicaliste. Il est indépendant de toute politique. Il se sert de tous les moyens de lutte de l’action directe organisée et combat pour une transformation socialiste de la société, caractérisée par la main mise sur l’économie au service de l’homme – et la défense de la révolution par les ouvriers eux-mêmes. Il n’admet dans cette lutte aucune intervention de l’appareil politico-bureaucratique et de la classe exploiteuse. L’anarcho-syndicalisme est donc dirigé contre l’Etat et la propriété privée. Pendant la première guerre mondiale, la CNT a gardé son attitude internationaliste.

En 1919 eut lieu le 2 ème Congrès de la CNT, 714 000 ouvriers y étaient représentés, entre temps le patronat catalan organise des syndicats jaunes (appelés syndicats libres) pour combattre la CNT. En même temps il met sur pied une centrale de « pistoleros » (sorte d’escadron de la mort) à seule fin d’exterminer des opposants syndicalistes, environ 400 militants tombèrent sous les coups.

Même sous la dictature de PRIMO DE RIVERA de 1923 à 1930 avec la complicité de LARGO CABALLERO dirigeant du parti socialiste (PSOE) qui fut conseiller d’Etat à cette époque et plus tard premier ministre durant la guerre civile de septembre 1936 à mai 1937, les réactionnaires ne purent venir à bout de la CNT.

De 1931 à 1933 pendant l’époque démocratique, environ 800 ouvriers de la CNT furent assassinés par la police et jusqu’en mai 1936, il fut impossible à la CNT de réunir un nouveau Congrès. Celle- ci a rassemblé au cours de ces années, en moyenne 1 million d’ouvriers révolutionnaires. Dans la majorité des cas, les grèves des ouvriers de la CNT étaient couronnées de succès, moralement et matériellement. Un grand nombre d’entre elles furent déclenchées pour des raisons de solidarité. Là réside la grande différence entre le mouvement ouvrier anarcho-syndicaliste en Espagne et les mouvements de socialisme étatique en Europe centrale.

- Buenaventura DURRUTI :

En hommage à cet homme intègre et courageux et à tous ceux qui combattirent à ses côtés.

DURRUTI trouva la mort durant la défense de Madrid le 20 novembre 1936. Son itinéraire s’est confondu avec celui du mouvement anarcho-syndicaliste avant de s’achever tragiquement en pleine révolution sociale dans de troublantes circonstances.

DURRUTI fut tué sur la ligne de front à Madrid, mais on ne sait pas exactement par qui. Certains disent qu’il fut atteint par une balle ennemie ; d’autres qu’il le fut par ses propres troupes alors qu’il essayait de les empêchait de reculer. On a aussi envisagé l’assassinat politique, les communistes ont parfois avancé l’hypothèse d’un crime des anarchistes extrémistes car DURRUTI se rapprochait des positions politiques du parti. Rien, absolument rien ne leur permet d’affirmer cela. Certains anarchistes par contre accusent les communistes du crime : ils auraient voulu se débarrasser d’un rival trop populaire.

Quoi qu’il en soit, à peine mort, presque tout le monde va se disputer son cadavre avec un bel acharnement, les communistes mettront en avant une seule petite phrase de DURRUTI « nous renonçons à tout sauf à la victoire » pour justifier leur thèse d’un DURRUTI se rapprochant du parti (ce qui fut démenti par sa compagne). Les dirigeants anarchistes gouvernementalistes se réclameront de DURRUTI qui avait accepté la militarisation de sa colonne, ce qui, d’après eux, signifiait qu’il avait d’avance cautionné leur politique de compromissions. Quant aux anarchistes intransigeants, ils se réclameront avec plus de véhémence de DURRUTI, à cause de son extraordinaire passé de révolutionnaire, son action à Barcelone et en Aragon etc. Certains d’entre eux créèrent même au sein de la CNT un groupe qu’ils appelèrent « les amis de DURRUTI » . L’avantage avec un cadavre c’est qu’on peut lui faire à peu près dire ce qu’on veut.

Ce tracé ne vise pas à entretenir le culte d’un héros aussi admirable qu’ait pu se montrer DURRUTI, ni à flatter la nostalgie d’une occasion ratée, aussi sublime qu’ait pu paraître le projet libertaire dans l’Espagne en fête, lorsqu’il s’y esquissa la possibilité d’une société communautaire, sans argent et sans État.

Buenaventura y Domingo DURRUTI est né à Léon le 14 juillet 1896 dans une famille ouvrière. Son instituteur le juge « un élève dissipé » , mais aux sentiments nobles.

En 1903, son père est emprisonné pour avoir participé à une grève pour la journée de huit heures. Plus tard DURRUTI écrira à sa sœur Rosa :

« Dès mon plus jeune âge, la première chose que j’ai perçue autour de moi, c’est la souffrance, non seulement celle de notre famille, mais aussi celle de nos voisins, par intuition, j’étais un rebelle. Je crois que mon destin s’est décidé alors ».

En avril 1913, il est tourneur sur métaux de seconde classe et entre à l’Union des Métallurgistes. Il se manifeste révolutionnaire et s’oppose aux dirigeants syndicaux qui prêchent la modération. Il entraîne ses jeunes collègues dans des actions de soutien aux mineurs des Asturies.

En 1914, il est embauché à la compagnie des chemins de fer du Nord. DURRUTI participe à la grève générale et insurrectionnelle d’août 1917. La troupe est mobilisée et tire à la mitrailleuse sur les grévistes faisant des centaines de morts. DURRUTI appartient à un groupe de jeunes qui incendient locomotives et dépôts. Désavoués par le syndicat, ils sont licenciés à la fin de la grève.

En septembre 1917, DURRUTI se réfugie parmi les mineurs des Asturies, recherché, il gagne la France.

En 1919, il revient en Espagne et adhère à la CNT. Arrêté, il s’évade quelques semaines plus tard et regagne la France. A Paris, il travaille en usine et fréquente les anarchistes français.

De retour en Espagne en 1920, DURRUTI fonde avec quelques amis le groupe «les justiciers » afin de lutter contre les « pistoleros » , tueurs à la solde du patronat. Il participe à un attentat avorté contre le roi ALPHONSE XIII. La guerre sociale bat son plein. Les groupes libertaires s’organisent. Aux « justiciers » incombe la tâche de trouver des armes pour résister à la campagne de terreur de la bourgeoisie. Avec les 300 000 pesetas que leur rapporte leur premier braquage, ils s’achètent 100 pistolets.

En 1922, il rencontre celui qui sera son plus proche compagnon de lutte, Francisco ASCASO, tout juste sorti de prison. ASCASO, rationnel et calculateur, était aussi petit et nerveux que DURRUTI, passionné et généreux, était athlétique et calme. En août, « les justiciers » s’installent à Barcelone.

Après l’assassinat en mars 1923 du dirigeant de la CNT, Salvador SEGUI ; « les justiciers » décident l’élimination de plusieurs ennemis du prolétariat, notamment le 14 juin du cardinal SOLDEVILA archevêque de Saragosse et grand protecteur des tueurs à la solde du patronat.

Après le coup d’Etat de PRIMO DE RIVERA et la féroce répression anti-ouvrière qui s’ensuivit, DURRUTI retourne en exil en France.

En décembre 1924 DURRUTI et ASCASO sont envoyés par le syndicat en Amérique latine. On les retrouve à la Havane, au Mexique rejoints par Gregorio JOVER. Ils attaquent de nombreuses banques pour financer les publications ouvrières locales. Puis c’est le Pérou, le Chili, l’Argentine.

 En février 1926, traqués par toutes les polices du continent sud Américain, ils regagnent l’Europe.

En mai 1927 « les justiciers » sont à Paris pour assassiner ALPHONSE XIII. Informée, la police française arrête ASCASO et DURRUTI, qui sont condamnés à six mois de prison pour détention d’armes. Une campagne menée par Louis LECOIN aboutit à leur libération en juillet 1927. Ils rencontrent Nestor MAKHNO, Rudolf ROCKER et Emilienne MORIN compagne de DURRUTI jusqu’à sa mort (celle-ci dira plus tard, « nous ne nous sommes jamais mariés. Aller à la mairie, cela ne se fait pas chez les anarchistes » ).
La grande ambition de DURRUTI et ASCASO était de créer dans toutes les grandes villes du monde, des librairies libertaires. On devait y publier dans toutes les langues, les ouvrages les plus marquants de la pensée moderne.

ASCASO et DURRUTI vont entre la France, l’Allemagne et la Belgique et ne peuvent rentrer en Espagne qu’à l’avènement de la République en avril 1931.

Le 1er mai 1931, cent mille personnes défilent à Barcelone. Une fusillade oppose gardes civils et ouvriers, auxquels se joignent des soldats harangués par DURRUTI. Des grèves ne tardent pas à éclater dans tout le pays. Le gouvernement centre-gauche réagit par des emprisonnements et des assassinats. De nombreux militants sont exécutés aux portes de la préfecture, plus tard réunions et meetings se succèdent quotidiennement. DURRUTI et ASCASO, passés de l’action individuelle à l’agitation de masse, sont présentés dans la presse bourgeoise comme des fauteurs de violence, ce qui ne fait que renforcer leur popularité.

Les mineurs catalans se révoltent le 19 janvier 1932, ils proclament le communisme libertaire : abolition de la propriété privée et de l’argent pilier du capitalisme. Après cinq jours de combats et des centaines d’arrestations, les meneurs sont emprisonnés et la rafle s’étend à tout le pays. ASCASO et DURRUTI sont déportés aux Canaries jusqu’en septembre 1932. A leur retour, ils sont accueillis à Barcelone par une immense manifestation. En un an la CNT est passée de 800 000 à 1 200 000 adhérents. DURRUTI, OLIVER et ASCASO appartiennent au groupe « Nous autres » , qui s’oppose tant aux doctrinaires qu’aux réformistes et prépare activement l’insurrection.

Le 8 janvier 1933, un nouveau soulèvement en catalogne est écrasé. Dans le Levant et en Andalousie les insurgés proclament à leur tour le communisme libertaire. Partout, la répression est féroce, comme à Casas Viejas près de Cadix où des ouvriers sont arrosés d’essence et brûlés vifs. DURRUTI et ASCASO sont emprisonnés, puis libérés en septembre sous la pression des grèves et des manifestations.

En novembre 1933 la droite remporte les élections. La CNT déclenche le 8 décembre une nouvelle insurrection sous forme de grève générale offensive. Des assemblées populaires décrètent l’abolition de la propriété privée. Le 15 décembre, l’insurrection est vaincue. DURRUTI retourne en prison jusqu’en mai 1934.

Le 4 octobre 1934, la droite monarchiste entre au gouvernement. DURRUTI est arrêté. Le parti socialiste appelle à la grève générale. Des affrontements armés ont lieu dans les Asturies. Au début de l’année 1935, l’Espagne compte 30 000 prisonniers politiques. DURRUTI recouvre la liberté peu avant la victoire du Front Populaire en février 1936. Nombre de bourgeois ont fui abandonnant usines et propriétés foncières. Tandis que les militaires préparent ouvertement un coup d’État. Le 14 juillet 1936, la généralité de Catalogne refuse d’armer les ouvriers. Le 18 juillet on apprend que le coup d’Etat est prévu pour le lendemain matin. Les militaires se préparent au coup de force ; les curés attendent le signal. Deux camions de la CNT, ASCASO et DURRUTI sont à bord, sillonnent la ville. Les patrouilles ouvrières postées dans les rues comprennent que l’heure de la révolution est venue. Des barricades se forment.

Au matin du 19 juillet, après quatre jours de combat, le soulèvement militaire semble déjà vaincu. Abel PAZ dira plus tard : « Les politiciens redoutaient le fascisme, mais ils avaient encore plus peur du peuple en armes ». Des soldats de plusieurs casernes se rebellent contre leurs officiers. Des comités de soldats et d’ouvriers se constituent dominés par la CNT. Celle-ci laisse plus de 500 morts au combat. ASCASO meurt le lendemain du 20 juillet tué lors des derniers affrontements.

A treize heures le 20 juillet, Barcelone a vaincu les fascistes. Mais ces derniers se sont emparés de nombreuses villes comme Saragosse. Madrid est restée sous le contrôle du gouvernement. A Barcelone, fief de la colonisation, les ouvriers ont dès le premier jour pris en main les transports en commun, les usines. Du 22 au 25 juillet, Barcelone connaît un immense chaos, mais un chaos qui fonctionne.

COMPANYS, président de la généralité de Catalogne propose aux anarchistes maîtres du terrain, de partager le pouvoir avec le camp républicain. Les leaders de la CNT, face au danger fasciste se décident pour la collaboration. DURRUTI n’y consent que provisoirement, le temps de libérer Saragosse, le comité central des milices décide de former des colonnes de miliciens qui partiront pour l’Aragon. La première devant être dirigée par DURRUTI, plusieurs autres colonnes furent formées. En deux semaines de guerre, les munitions sont épuisées sur le front d’Aragon, alors que les franquistes disposent déjà de l’appui de l’aviation allemande et italienne. Le front se stabilise.

A l’arrière, politiciens réformistes et communistes, lesquels sont de plus en plus influents dans le camp républicain, sabotent l’approvisionnement en armes des colonnes de la CNT et du POUM (extrême gauche) et menacent le pouvoir des comités de quartier. Pendant ce temps les troupes de FRANCO s’approchent de Madrid.

Fin septembre DURRUTI, appelé à Barcelone pour y appuyer un projet d’achat d’armes à l’étranger, constate combien la CNT est affaiblie et divisée par sa politique de collaboration avec l’Etat. Les partis bourgeois et communistes tiennent les cordons de la bourse. DURRUTI imagine alors de faire le braquage du siècle ; s’emparer des réserves d’or de la banque d’Espagne, (Commune de Paris). Au moment d’agir, les dirigeants de la CNT n’osent se décider, craignant une guerre civile dans la guerre civile.

DURRUTI regagne l’Aragon où la colonne fait face à une offensive franquiste. La contre offensive qu’il dirige permet de gagner deux kilomètres et de calmer le front. Il apprend alors que le gouvernement de LARGO CABALLERO est revenu sur sa promesse de financer l’armement du front d’Aragon et qu’il décide la militarisation des milices anarchistes, rétablissant la hiérarchie et le code militaire. Plusieurs combattants de la première heure prennent congé de DURRUTI, refusant de se soumettre au diktat du gouvernement. Quant à l’or de la banque d’Espagne, il ne tardera pas à partir pour Moscou. La CNT tente d’harmoniser l’attitude des miliciens et les décisions gouvernementales, puis accepte de participer au gouvernement, alors que les conquêtes du 19 juillet sont les unes après les autres remises en causes sous la pression des communistes.

Le 4 novembre, quatre ministres de la CNT sont nommés parmi lesquels GARCIA OLIVER à la justice, lui qui toute sa vie a été un hors la loi. La révolution est dans l’impasse. Pendant ce temps les franquistes sont aux portes de la capitale. Le gouvernement fuit à Valence. Le prolétariat madrilène s’apprête à résister. La présence de DURRUTI à Madrid paraît à tous indispensable.

Après avoir libéré un territoire du Rio Cinca à L’Ebre, les libertaires dépourvus d’armement lourd doivent s’arrêter le 28 juillet à Saragosse. DURRUTI est le responsable délégué de cette colonne appelée « colonne de fer » , dirigée par un comité de guerre, assisté d’un conseil technico-militaire. Elle comprend un groupe de miliciens international (400 Français + Allemands, Italiens, Britanniques + Marocains et Américains) et des groupes de guérilleros chargés d’actions derrière les lignes ennemies. Chaque groupement élit un délégué révocable à tout moment. Cette responsabilité n’entraîne aucun privilège hiérarchique. Le comité de guerre d’Aragon est formé des délégués des colonnes présentent sur le front. La colonne est forte de 6 000 hommes pour 3 000 fusils et gravement démunie d’armement moderne, cependant elle établit une ligne défensive devant Saragosse. La colonne participera à plusieurs prises de villes.

Des collectivités agraires, stimulées par les combattants des colonnes ouvrières se forment dans les 400 villages de la zone du front. Les paysans de ces régions proclament la propriété collective de la terre et des outils. Les assemblées de village désignent des conseils responsables à tout moment devant elles. La discipline au sein de la colonne est librement consentie, les combattants ne se cantonnent pas aux tâches guerrières, aidant les paysans aux champs ou organisant enseignement et activités culturelles.

Début novembre 1936, la colonne quitte l’Aragon pour Madrid. Les troupes de FRANCO sont repoussées momentanément. La colonne y perdra les ¾ de ses effectifs, dont son responsable délégué, DURRUTI. 7 En avril 1937, la colonne sera transformée en une unité régulière de l’armée républicaine qui deviendra la 26 ème division.

Parallèlement, la collectivisation a fait un pas de géant en Catalogne, au Levant, en Andalousie. Des milliers de paysans ont établi le communisme libertaire sans limite, sans argent et sans inégalités d’un village à l’autre. En Catalogne, les travailleurs catalans ont profondément modifié l’économie en trois mois seulement. Le mot d’ordre de la CNT et de l’UGT est « Socialisation de la terre par et pour les travailleurs, socialisation et non étatisation ». C’est là le but final logique du mouvement ouvrier. Le conseil économique, composé des délégués des comités ouvriers publia le programme suivant : 

- Réglementation de la production en accord avec les besoins de la consommation. 
- Contrôle du commerce extérieur. 
- Collectivisation de la grande propriété terrienne, respect de la petite propriété. 
- Dévalorisation partielle de la propriété urbaine par la réduction des loyers et la diminution du revenu des propriétaires. 
- Collectivisation de la grande industrie, des services publics et des transports. 
- Réquisition et collectivisation de toutes les entreprises abandonnées par leurs propriétaires. 
 - Collectivisation des grandes entreprises distributives. 
- Contrôle ouvrier des banques jusqu’à la nationalisation complète du système bancaire. 
 - Contrôle ouvrier sur toutes les entreprises qui constituent l’artisanat et la petite industrie. 
- Résorption intégrale, dans l’agriculture et l’industrie de tous les chômeurs. 
- Création de nouvelles branches industrielles. 
- Électrification de la Catalogne etc. 
- Suppression de tous les impôts indirects. 
 - Plus tard, la création d’une réglementation générale devint nécessaire pour la collectivisation. Réglementation basée sur la généralisation des faits et données existant dans la pratique. 

- Caractère libertaire de la Révolution espagnole : 

Dans un meeting tenu en octobre 1936, le camarade valencien Juan LOPEZ nous dit :

« Nous avons à réaliser quelque chose qui devra servir d’exemple à toutes les révolutions et que seuls les travailleurs espagnols pourront montrer au monde. C’est de changer la société en évitant la dictature, qu’elle vienne d’un seul parti ou de tous les partis réunis formant le bloc des forces antifascistes. Le pouvoir central avec ses organes a fait place politiquement et économiquement à une Espagne fédéraliste. Au moment critique, il y a trois mois, il n’existait plus de gouvernement. Mais l’Espagne continua à vivre, ses villes, ses villages, ses régions vivaient et s’exprimaient sans avoir le moins du monde besoin des organes de L’État. Les représentants du vieux régime, camouflés dans toutes les organisations politiques et même dans le gouvernement, sont intéressés à présent à recoller les morceaux cassés, à recréer un nouvel État centraliste espagnol. Là réside le danger immédiat d’une dictature. Nous sommes en face d’une lutte entre la jeune force de vie et le régime mourant qui essaie de prolonger son agonie. Faute de pouvoir y parvenir par la persuasion et par l’entretien de l’illusion démocratique ce régime, tôt où tard, est obligé d’en appeler à la violence et même à la terreur. Notre tâche, au moment présent est de reconnaître les réalités de la révolution espagnole et de faire front contre le danger, par une organisation parfaitement souple, un rassemblement harmonieux de toutes les forces antifascistes. Il faut éviter la dictature parce que celle-ci ne peut qu’étouffer le caractère spécifique de la révolution. La présence de membres de la CNT et de la FAI (4) dans les organes du gouvernement n’est qu’un compromis transitoire imposé par les circonstances, un recul momentané dans la révolution. Car celle-ci n’a pas d’autre instrument que les masses organisées sur le terrain de la commune et de l’atelier ».

Sur le terrain en Aragon, l’argent ne circule pas. Il se trouve dans les comités et est uniquement utilisé dans les relations avec les régions où l’argent est en circulation comme auparavant. La rétribution du travail se fait par coupons. Tous les membres de la commune se trouvent dans les mêmes conditions et il n’y a aucun privilège. La distribution se fait par les coopératives, créées depuis la révolution. Tout membre de la collectivité prend d’après ses besoins et paye en coupons. Le commerce particulier n’existe plus.

Dans les villages où il y a à côté de la collectivité des petits paysans, la coopérative reçoit tous leurs produits, les leur paye en coupons et leur assure le nécessaire. L’échange entre les communes se fait directement de collectivité à collectivité ou par l’intermédiaire des fédérations inter locales, toujours en nature.

La propriété juridique n’existe plus, tout est à tous ; les moyens de travail, les habitations etc. Les petits paysans ont le droit de cultiver la terre qu’ils possédaient avant, mais sans exploiter le travail d’autrui. Dans les villages entièrement collectivisés, il était courant que les papiers administratifs alimentent un grand feu de joie sur la place, de sorte qu’il ne reste aucune trace écrite des anciens droits de propriété.

Pendant ce temps les troupes franquistes intensifient leurs attaques contre Madrid. Les armes font cruellement défaut dans le camp républicain. Aux miliciens qui l’accompagnent à Madrid DURRUTI adresse un bref discours :

 « J’ai confiance en la victoire, je regrette seulement de vous parler aujourd’hui dans une caserne. Un jour les casernes seront supprimées et nous vivrons dans un régime de liberté ».

L’arrivée de la colonne DURRUTI le 14 novembre 1936, stimule le moral des combattants madrilènes. Le combat est acharné et incertain sous les bombes des Junkers allemands. Dans la cité universitaire on se bat bâtiment par bâtiment, à la grenade, à l’arme blanche.

Le 18 novembre 1936, les 400 miliciens survivants qui combattent sans repos depuis le 15 novembre sont épuisés malgré la présence des brigades internationales. Deux proches compagnons de DURRUTI, YOLDI et MANZANA sont blessés.

Le 19 novembre au matin, l’assaut est donné contre l’hôpital universitaire occupé par les franquistes. Vers 14 heures DURRUTI est atteint d’une balle dans la région du cœur. Il meurt le lendemain 20 novembre 1936 à 6 heures du matin. On transporte son corps au siège de la CNT madrilène où des miliciens le veillent toute la nuit. Madrid est sauvée momentanément.

Les funérailles ont lieu le 23 novembre à Barcelone. Quel qu’ait été le tueur, la balle qui a tué Buenaventura DURRUTI est allée droit au cœur de la ville. Un habitant sur quatre marche derrière le cercueil, sans compter les masses qui bordent les rues.

Moins d’un mois plus tard, « La Pravda » publie ces lignes :

« En Catalogne, l’épuration des éléments trotskistes et anarcho-syndicalistes est commencée ; cette œuvre sera conduite avec la même énergie qu’elle l’a été en URSS » .

Les journées de mai 1937 viendront confirmer cette prévision. Staliniens et réformistes bourgeois y achèvent sans ménagement la révolution agonisante. L’utopie en acte a été dévorée par une guerre civile où s’affrontent deux rackets, deux soldatesques, deux conceptions de l’esclavage économique et de l’État. Voici ce qu’écrivit dans le journal « Le Libertaire » du 17 novembre 1938 Emilienne MORIN, la compagne de DURRUTI :

« Combien de fois, l’ai-je entendu dire : 

« Ce ne serait vraiment pas la peine de se déguiser soldat, si l’on devait se laisser à nouveau gouverner par les pseudo-républicains de 1931 ; nous consentons à faire de grandes concessions, mais n’oublions jamais qu’il nous faut mener de front la guerre et la révolution ». 

Il était convaincu que la bourgeoisie espagnole qui s’était ralliée à la cause républicaine ne perdrait aucune occasion, même en pleine guerre, de saper sans scrupules toutes les conquêtes du prolétariat ; Les évènements devaient lui donner raison ».

 Les dirigeants de la CNT et de la FAI n’ont jamais bénéficié de privilèges. Ils ont passé leur vie dans les usines, sur les chantiers, dans les mines et les champs et dans les prisons de droite comme de gauche. D’après eux, la révolution doit avoir l’homme comme point de départ, et comme instrument et comme but, autrement dit « améliorer l’homme et la société » . La culture est leur passion.

En 1939, un demi-million de réfugiés franchit la frontière française, s’ajoutant aux dizaines de milliers déjà présents sur le territoire français. Ils sont tout d’abord parqués dans des camps sur les plages des Pyrénées Orientales, mourant de faim, de froid et de maladie, puis dans des camps plus nombreux répartis dans tout le sud ouest de la France. Quelques milliers peuvent traverser l’océan vers le Mexique et l’Argentine ; ceux qui restent servent de main d’œuvre de remplacement après la mobilisation ou s’engagent dans l’armée française. Pendant l’occupation, une petite dizaine de milliers sont déportés à Mauthausen, près de 7 000 y mourront. Des centaines d’autres s’engagent dans la résistance et constituent les premiers maquis de France, apportant leur expérience guerrière à un combat qu’ils conçoivent comme le prolongement du leur. Ils espèrent que FRANCO va subir le sort d’HITLER et de MUSSOLINI. Ils seront déçus. Et l’Espagne sacrifiée par la non intervention commença à vivre, sous l’empire du fascisme, la nuit tragique de la répression.

La répression franquiste fut d’une cruauté à peine concevable. Les délits des temps nouveaux étaient la franc-maçonnerie, le communisme, le socialisme, l’anarchisme, la libre pensée et ils devaient être punis sans pitié. On évalue à peu près à 200 000 le nombre de fusillés par FRANCO après la fin de la guerre en février 1939. En 1944 dans les prisons franquistes il y avait près de 50 000 prisonniers politiques.

L’utopie anarchiste avait été éliminée impitoyablement par les communistes et leurs alliés socialistes. Cependant bon nombre de républicains espagnols s’engagèrent dans le Corps Franc d’Afrique qui fut affecté à la 2 ème DB de LECLERC. Ce sont les chars de cette 2 ème DB qui portaient le nom de batailles comme Teruel, Guadalajara, Guernica, Don Quichotte, sous les ordres du capitaine DRONNE qui entrèrent les premiers dans Paris la nuit du 23 au 24 août 1944.

Dans le cimetière civil de Montjuich à Barcelone se trouvent, au pied d’un grand cyprès, trois tombes.

La première à gauche celle du grand pédagogue fondateur de l’école moderne, Francisco FERRER, fusillé le 13 octobre 1909, la tombe du milieu est celle de DURRUTI et la troisième, celle de Francisco ASCASO mort à la prise d’une caserne rebelle le 20 juillet 1936. Ces trois tombes, recouvertes d’une pierre lisse sont dénuées de toute inscription par la grâce du Caudillo. On trouve régulièrement sur ces tombes des fleurs fraîches et d’autres artificielles, prouvant que des mains anonymes et discrètes les fleurissent encore aujourd’hui.

- Conclusion : 

Ce n’est jamais dans l’anarchie que les tyrans naissent. La plus grande somme de crimes se trouve toujours sous le manteau de l’autorité disait SADE.

Concernant le prolétariat actuel : 

En stimulant constamment des besoins artificiels, la consommation de masse et son outil de propagande, la publicité a non seulement berné l’individu par le mirage de la jouissance matérielle, mais dissout la conscience politique des catégories défavorisées tragiquement apprivoisées par le progrès technique, la généralisation du confort matériel, la colonisation de l’imaginaire et aussi par la démission des intellectuels. La parole étant confisquée par les théoriciens et les experts quand ceux-ci détournent l’opinion publique des luttes quotidiennes vers la mascarade électorale, alors il ne faut pas s’étonner que la « piétaille » se démobilise dans une sinistre servitude volontaire.

- Bibliographie :

La guerre d’Espagne et ses lendemains (Bartolomé BENNASSAR) 

L’œuvre constructive de la Révolution Espagnole 1936-1939 (Editions Le coquelicot) 

La guerre d’Espagne de la démocratie à la dictature (François GODICHEAU) 

Buenaventura Durruti 1896-1936 (Abel PAZ) 

Révolution et contre-révolution en Catalogne (Carlos SEMPRUN MAURA) 

Espagne 1936-1937 La guerre dévore la révolution (Henri PAECHTER) 

Los Solidarios (Cédric DUPONT) 

Le Monde libertaire – juin 2007 (journal) 

ANNEXE I 

Situation de l’Espagne à l’avènement de la République en février 1931 :

L’Espagne compte :
1 roi ALPHONSE XIII
24 millions d’habitants, la moitié de la population est illettrée.
8 millions de pauvres.
2 millions de paysans sans terre.
Des propriétés terriennes individuelles allant de 50 000 à 80 000 hectares.

Le salaire moyen est de 1 à 3 pésètes par jour (le Kg de pain vaut 1 pésète).
Le journalier paysan travaille du lever au coucher du soleil.

L’église compte :

20 000 moines.
31 000 prêtres.
60 000 religieuses.
5 000 couvents.

L’armée compte :

15 000 officiers.
800 généraux.
1 officier pour 6 soldats.
1 général pour 100 soldats.

ANNEXE II 

Voici le sinistre bilan des morts que donne JACKSON dans son livre :

100 000 morts sur les champs de bataille.
10 000 morts par les bombardements.
50 000 morts de sous-alimentation et de maladie durant la guerre civile.
20 000 morts par représailles politiques en zone républicaine.
200 000 morts pour les mêmes motifs en zone franquiste pendant la guerre.
20 000 prisonniers « rouges » exécutés ou mort en prison de maladie et mauvais traitements entre 1939 et 1943.
Même si d’autres commentateurs donnent des chiffres plus élevés (1 million de morts) tous sont néanmoins d’accord pour signaler que c’est la répression franquiste, pendant et après la guerre qui, de très loin, a causé le plus de morts.

Les positions de l’église de 1937 à 1938 :

Le terme de croisade fut employé à plusieurs reprises par l’archevêque de Valladolid :

« Les soldats nationalistes sont les croisés du Christ et de l’Espagne ». Et encore « Cette guerre est la plus sainte que l’on ait vue au cours des siècles ».

L’évêque de Tuy en Galice :

« Ce n’est pas une guerre civile, mais une croisade patriotique et religieuse ».

A Salamanque l’archevêque PLA Y DENIEL, qui avait mis l’immeuble de l’archevêché à la disposition de FRANCO publia le 30 septembre 1940 la pastorale « Les Deux Cités » où, après avoir dressé le catalogue des persécutions, il déclarait que l’église s’était logiquement prononcée « en faveur de la défense de la civilisation chrétienne et de ses fondements, religion, famille, patrie... contre les sans-Dieu ».

L’église reçu le salaire de son engagement en faveur de la cause nationaliste : l’Etat franquiste jeta les fondements d’un national catholicisme.

Le rôle de la presse :

La presse anglo-saxonne fit des efforts pour approcher la vérité du conflit. En général la presse française fit preuve de mauvaise foi. Les hebdomadaires « Grégoire » et « Candide » , les quotidiens « l’Echo de Paris » , « Le Jour » , « Le Figaro » , « Le Matin » , « L’Epoque » , « L’Action Française » , pour la presse parisienne ; « L’Eclair » , « Le Roussillon » , « L’Express du Midi » , pour le midi diffusèrent sans complexe les fausses nouvelles.

 ANNEXE III 

Campagne électorale le 16 novembre 1933 :

ASCASO :

« La révolution n’est pas un acte barbare, mais une nécessité pour les opprimés, si ceux-ci veulent retrouver leur dignité. Par la soumission et le réformisme, on maintient l’esclavage. Par la lutte tenace et persévérante, les esclaves peuvent rompre leurs chaînes et forger un monde nouveau. A toi, peuple ouvrier, de choisir ! Cette affaire est tienne et de toi, de toi seulement dépend ton sort ».

ANNEXE IV 

Discurs de Rafael Farga Pellicer, 
en l’acte inaugural 
del 
Congrés de constitució de la FRE de l’AIT. 
Barcelona, 19 de juny de 1870 

Compañeros, yo os saludo, delegados, en nombre de los obreros de Barcelona; yo os saludo a vosotros que venís aquí a afirmar la grande obra de la Asociación Internacional de los trabajadores de esta Asociación cuyo lema es: No más derechos sin deberes, no más deberes sin derechos, y que contiene en si la emancipación completa del proletariado, la extirpación completa de todas las injusticias que han reinado, que reinan aún sobre la faz de la tierra. Sí, os doy la bienvenida a vosotros que venís aquí a afirmar, repito, la grande obra de la Asociación Internacional, bajo cuya bandera se cobijan ya cerca de tres millones de obreros, esclavos blancos y esclavos negros. El derecho, el deber, la necesidad, es la que nos reúne aquí para discutir los problemas que se relacionan con la completa, radical e inmediata emancipación de las clases trabajadoras; los problemas que han de hacer el franqueamiento y redención completa del trabajo y de los trabajadores. La emancipación de los trabajadores ha de ser obra de los trabajadores mismos; esto dicen nuestros Estatutos generales, y tanto más debe suceder así, cuanto que ninguna corporación, ninguna clase ha hecho para la obrera trabajo alguno para que obtenga su emancipación. Todas las demás clases que viven del monopolio y de la explotación, procuran eternizar nuestra esclavitud; por esto ninguno de los Parlamentos burgueses, ninguno de los Parlamentos de los Estados de Europa y de todo el mundo, se ocupan de los trabajadores, ni de los elevados asuntos del trabajo. Hoy hemos de reunirnos para constituir aquí los medios de emanciparnos; he dicho antes que nos reúne aquí la necesidad, porque el mal social y nuestros sufrimientos son grandes; vemos al trabajo, esa gran virtud que todo el mundo encomia, pero que no todos practican, vemos al trabajo víctima de las desigualdades sociales, vemos que el trabajador se halla supeditado al que no produce con su sudor el alimento que le nutre, vémosle encadenado, humillado, esclavizado, por los parásitos de esta sociedad que todo lo poseen; al paso que nosotros, los productores, que regamos con el sudor de nuestra frente la tierra, somos los desheredados que ni hogar, ni un instrumento de trabajo, ni un palmo de terreno nos pertenece. El capital es el gran tirano que gobierna las sociedades presentes; el capital, con su privilegio del interés, dicta las leyes a su capricho. No hay otra cuestión verdaderamente de fondo en la humanidad, ciudadanos, que la de la tremenda lucha entre el capital y la pobreza, entre la miseria y la opulencia. La propiedad, con su privilegio de la renta, es otro de los medios de explotación con que cuenta la sociedad actual. El Estado es el guardador de estos privilegios, y gracias a ellos debe su existencia. La justicia de hoy se ocupa solamente en dirimir las disensiones que tienen los burgueses, nuestros explotadores, puesto que las cuestiones de que siempre se ocupan no son la emancipación del trabajo, ni de ningún asunto que se relacione con los trabajadores. Todas las cargas actuales de la sociedad pesan sobre nosotros. Luego, para cúmulo de todas estas injusticias, que sumariamente acabo de describir, está la Iglesia destinada para bendecir, divinizar la expoliación, la inicua explotación del fuerte contra el débil. Lo único que nos resta a nosotros, desheredados, víctimas del desorden social presente, es, cuando lo tenemos, el salario, fórmula práctica de nuestra esclavitud. La hora de la redención se acerca. Nosotros queremos ejercer nuestros derechos. Aquí nos congregamos para así declararlo al mundo todo; queremos la justicia, y, por tanto, queremos que cese el imperio del capital, de la Iglesia y del Estado, para Construir sobre sus ruinas el gobierno de todos, la anarquía, la libre federación de libres asociaciones de obreros. Muchos hombres ilustres se han ocupado desde hace algunos años en estudiar las cuestiones sociales; pero en sus estudios, a los cuales debemos estar agradecidos, puesto que han planteado el estudio de las cuestiones sociales, no han tratado más que del comunismo autoritario, del individualismo y del socialismo de la clase media. Los trabajadores unidos en la Asociación Internacional han puesto sobre el tapete las cuestiones sociales, viendo que la causa de la emancipación no avanzaba, pendiendo su estudio de los sabios adormideras. El socialismo de la Asociación Internacional es el único socialismo lógico que puede resolver todos los problemas sociales, único que puede curar los males sociales. Después del socialismo de la Internacional, ya ningún otro socialismo tiene razón de ser, ya ninguno tiene razón de existencia. Por esto vemos, ciudadanos, que gran número de hombres ilustres, que se han ocupado de las cuestiones sociales, se han hecho extraños al gran desarrollo de las ideas sociales de la Internacional: ayer tenidos por revolucionarios, han pasado al doctrinarismo, porque no han dado oídas al progreso; y cuando a éste no se le atiende, o se va contra él, se queda aplastado. Esos hombres, burgueses como son, han seguido la ley fatal que ha seguido su clase. La clase media, revolucionaria, ayer, es hoy conservadora. Sus días están contados. El progreso de la Internacional patente está desde la primera hasta la última línea de los Estatutos generales, desde el primero al último de los acuerdos tomados en los Congresos, y, sobre todo, ciudadanos, en los tomados en el Internacional de Bruselas y en el último de Basilea, donde se determinó casi por unanimidad que la tierra debía ser propiedad colectiva de todos los trabajadores y la abolición del derecho de herencia; donde se echaron los cimientos de la nueva organización social, en la cual podremos decir: El Estado somos nosotros. Voy a terminar, compañeros. Nosotros aquí venimos a consolidar la obra de la Internacional; venimos a proclamar altamente el derecho al trabajo, el derecho a la vida; todos nuestros derechos; venimos a decir que queremos ejercerlos, que los ejerceremos; venimos a decirle a esta sociedad inicua: Para que la justicia sea una verdad, queremos como única forma social, la organización económico- solidaria del trabajo; queremos la emancipación social por medio de la revolución social. He dicho.

Source : http://courriersdesdeuxguerres.1x.net/html/vernet/durruti2c_les_anarchistes_et_la_revolution_espagnole_de_1936_a_1939.pdf

39 commentaires:

Je a dit…

François Noël Babeuf, connu sous le nom de Gracchus Babeuf, né le 23 novembre 1760 à Saint-Quentin et mort guillotiné à Vendôme le 27 mai 1797 (8 prairial an V), est un révolutionnaire français.

Il forma la « Conjuration des Égaux » contre le Directoire et fut exécuté. Ses idées inspirent un courant de pensée, le « babouvisme », qui préfigure le communisme et l'anarchisme.

L'impossibilité d'agir légalement aboutit à la création de la « Conjuration des égaux », dirigée par lui-même, Darthé, Philippe Buonarroti, Sylvain Maréchal, Félix Lepeletier (frère de l’ancien député Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau), Antoine Antonelle. Le réseau des « Égaux » recouvre tous les arrondissements de Paris et de nombreuses villes de province. À sa tête, un Directoire secret, dirigé par Babeuf, coordonne la lutte.

Le but est de continuer la Révolution, d’appliquer la Constitution de l'an I (1793), et d’aboutir à la collectivisation des terres et des moyens de production, pour obtenir « la parfaite égalité » et « le bonheur commun ». Pour Babeuf et ses acolytes, l'Égalité est l'axe qui donne un sens à la Révolution. La démocratie est également un objectif majeur, par exemple dans le numéro 42 du Tribun du peuple, Babeuf écrit : « Les gouvernants ne font des révolutions que pour gouverner. Nous en voulons enfin une pour assurer à jamais le bonheur du peuple, par la vraie démocratie. » Bientôt des pamphlets circulent : ils annoncent l'abolition de la monnaie, le logement des pauvres chez les riches et les distributions gratuites de vivres.

Babeuf, à qui l'on reproche l’initiative du complot, et Darthé, qui s’est enfermé lors des débats dans le mutisme le plus total et à qui l’on reproche la rédaction de l’ordre d’exécution des Directeurs, sont condamnés à mort.

Je a dit…

Citations de Babeuf

- « Si le peuple est souverain, il doit exercer lui-même tout le plus qu'il peut de souveraineté » (Journal de la confédération, prison de la Conciergerie, Paris, 1790)

- « Plus de propriété individuelle des terres, la terre n'est à personne. Nous réclamons, nous voulons la jouissance communale des fruits de la terre : les fruits sont à tout le monde. » (Manifeste des Égaux, avec Sylvain Maréchal)

- « Les supplices de tous genres, l’écartèlement, la torture, la roue, les bûchers, le fouet, les gibets, les bourreaux multipliés partout, nous ont fait de si mauvaises mœurs ! Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce qu’ils ont semé. » (Lettre à sa femme, le 23 juillet 1789)

Je a dit…

Louis Eugène Varlin, né le 5 octobre 1839 à Claye (Seine-et-Marne) et mort le 28 mai 1871 à Paris, est un militant socialiste et libertaire, membre de la Commune de Paris et de la Première Internationale.

En 1864 est créée l'Association internationale des travailleurs, souvent connue sous l’appellation de « Première Internationale ». Varlin y adhère en 1865 et participe, avec son frère Louis et Nathalie Lemel, à la première grève des relieurs. Il est délégué en 1865 à la conférence de l'AIT à Londres, puis en 1866 au premier congrès de l'AIT à Genève, où il défend contre la majorité des autres délégués le droit au travail des femmes.

À la chute de l'Empire, Varlin fait partie, en septembre 1870, du comité central républicain des Vingt arrondissements de Paris et devient membre du comité central de la garde nationale au titre du 193e bataillon, dont il est le commandant. Il est révoqué de son commandement après l'insurrection du 31 octobre contre la politique menée par le gouvernement de la Défense nationale. Pendant l'hiver et le siège de Paris par les Prussiens, il s'occupe de l'alimentation des nécessiteux en fournissant les « marmites de Varlin » avec l'aide, notamment, de Nathalie Lemel et devient secrétaire du conseil de l'AIT pour la France. Le 8 février 1871, il est candidat, sans succès, comme socialiste révolutionnaire aux élections pour l'Assemblée nationale.

Lors du 18 mars 1871, Varlin participe à la prise de la place Vendôme. Le 24 mars, il participe à la rédaction du manifeste-programme des sections parisiennes de l'AIT. Il est élu triomphalement le 26 mars au conseil de la Commune par les VIe, XIIe et XVIIe arrondissements, et nommé à la commission des finances. Il assure la liaison entre la Commune et les sociétés ouvrières.

Le 28 mai, au dernier jour de la Semaine sanglante, terrible répression menée par l'armée des Versaillais, Eugène Varlin, reconnu par un prêtre rue Lafayette, est arrêté et amené à Montmartre où il est lynché, éborgné par la foule et, finalement, fusillé par les « lignards ».

Je a dit…

Citation de Varlin

« Tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d'un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines ».

Je a dit…

Pierre-Joseph Proudhon, né le 15 janvier 1809 à Besançon dans le Doubs et mort le 19 janvier 1865 à Paris, est un polémiste, journaliste, économiste, philosophe et sociologue français. Précurseur de l'anarchisme, il est le seul théoricien révolutionnaire du XIXe siècle à être issu du milieu ouvrier.

Autodidacte, penseur du socialisme libertaire non étatique, partisan du mutuellisme et du fédéralisme, il est le premier à se réclamer anarchiste en 1840, partisan de l’anarchie, entendue en son sens positif : « La liberté est anarchie, parce qu'elle n'admet pas le gouvernement de la volonté, mais seulement l'autorité de la loi, c'est-à-dire de la nécessité ».

Il est l'auteur de plus de soixante livres.

En 1840, dans son premier ouvrage majeur, « Qu'est-ce que la propriété ? ou Recherche sur le principe du Droit et du Gouvernement », il rend célèbre la formule « La propriété, c’est le vol ». Dans ce même ouvrage, il est le premier auteur à utiliser l'expression « socialisme scientifique » ; il écrit : « de même la souveraineté de la volonté cède devant la souveraineté de la raison, et finira par s'anéantir dans un socialisme scientifique ».

En 1846, il donne dans son « Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère », une explication de la société fondée sur l’existence de réalités contradictoires. Ainsi la propriété manifeste l’inégalité mais est l'objet même de la liberté, le machinisme accroît la productivité mais détruit l’artisanat et soumet le salarié. La liberté elle-même est à la fois indispensable mais cause de l'inégalité.

En 1848, dans « Solution du problème social », il élabore la théorie du crédit à taux zéro qui anticipe le fonctionnement des mutuelles d’aujourd'hui. Il imagine la création d’une banque d’échange ou « banque du peuple », dont le but est l’abolition de la monnaie, du salariat, la suppression de toute prise d’intérêt et de toute réalisation de profit dans le cadre des structures d’échange entre les individus.

En 1849, dans son livre « Les Confessions d’un révolutionnaire pour servir à l’histoire de la Révolution de Février », Proudhon écrit entre autres choses la phrase « L’anarchie c’est l’ordre sans le pouvoir ».

En 1858, anticlérical dans « De la justice dans la Révolution et dans l’Église », véritable somme contre l'Église de son temps, il prône l’abolition de toutes les formes de pensée et d’organisation ecclésiales au profit des formes égalitaires, anti-hiérarchiques.

En 1863, dans « Du Principe fédératif et de la nécessité de reconstituer le Parti de la Révolution » et en 1865 dans « De la Capacité politique des classes ouvrières », il est un des premiers théoriciens du fédéralisme, entendu non pas seulement comme libre association des communes mais comme point de jonction entre l’industrie et la campagne, l’ouvrier et le paysan.

En 1863, dans « Les Démocrates assermentés et les réfractaires », il pose les bases du refus de toute participation aux élections lorsqu’elles sont truquées, dévoyées par le pouvoir bonapartiste, détournées par le système capitaliste, manipulées par ceux qui font et défont les cartes électorales. Il ne condamne pas la démocratie ou le suffrage universel en eux-mêmes mais leur manipulation au profit des intérêts capitaliste et étatique.

Je a dit…

Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine (en russe : Михаил Александрович Бакунин, prononcé [mʲɪxɐˈil ˌbaˈkunʲin]), francisé en Michel Bakounine, né le 30 mai (18 mai) 1814 à Priamoukhino près de Torjok (gouvernement de Tver, Empire russe) et mort le 1er juillet 1876 à Berne (Suisse), est un révolutionnaire, théoricien de l'anarchisme et philosophe qui a particulièrement écrit sur le rôle de l'État. Il pose dans ses écrits les fondements du socialisme libertaire.

Je a dit…

Pensée philosophique et politique

Bakounine est beaucoup plus un homme d'action, un révolutionnaire « professionnel » qu’un homme de cabinet ou un philosophe. Ainsi a-t-il toujours donné la première place à la lutte et n'a jamais pris le temps d'écrire une œuvre. Ses textes ont toujours été conçus dans l'urgence, pour répondre aux nécessités politiques du moment. Ils sont écrits au fil de la pensée et partent dans des digressions qui prennent finalement plus de place que le propos initial. Bakounine n'a pratiquement jamais terminé un texte. Ceux qui ont été publiés ont souvent été remaniés (par James Guillaume notamment) et beaucoup d'inédits ont été perdus après son décès. La pensée politique et philosophique de Bakounine n'en garde pas moins une forte cohérence.

Le jeune Bakounine, tout comme Marx, a été très influencé par la philosophie hégelienne, notamment par sa dialectique.

Je a dit…

Une liberté partagée

L'idée centrale chez Bakounine est la liberté, le bien suprême que le révolutionnaire doit rechercher à tout prix. Pour lui, à la différence des penseurs des Lumières et de la Révolution française, la liberté n'est pas une affaire individuelle mais une question sociale. Ainsi, dans Dieu et l'État en 1882, il réfute Jean-Jacques Rousseau : le bon sauvage, qui aliène sa liberté à partir du moment où il vit en société, n'a jamais existé. Au contraire, c'est le fait social qui crée la liberté : « Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m'entourent, hommes et femmes, sont également libres. La liberté d'autrui, loin d'être une limite ou la négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens libre vraiment que par la liberté d'autres, de sorte que plus nombreux sont les hommes libres qui m'entourent et plus profonde et plus large est leur liberté, et plus étendue, plus profonde et plus large devient ma liberté. » La véritable liberté n'est pas possible sans l'égalité de fait (économique, politique et sociale). La liberté et l'égalité ne peuvent se trouver qu'en dehors de l'existence d'un Dieu extérieur au monde ou d'un État extérieur au peuple. L'État, le Capital et Dieu sont les obstacles à abattre.

Je a dit…

Opposition à l'État

L'hostilité de Bakounine (et bien sûr de l'ensemble des anarchistes) envers l'État est définitive. Contrairement au communisme de Marx ou de Lénine, il ne croit pas qu'il soit possible de se servir de l'État, ne serait-ce que temporairement, pour mener à bien la révolution et abolir les classes sociales et finalement l'État lui-même. L'État, y compris s'il s'agit d'un État ouvrier, y compris s'il s'agit du gouvernement des savants ou des « hommes de génie couronnés de vertu », comme il l'écrit au cours de sa polémique contre Mazzini, est un système de domination qui crée en permanence ses élites et ses privilèges. Le pouvoir étatique est forcément utilisé contre le prolétariat dans la mesure où celui-ci ne peut pas administrer tout entière l'infrastructure étatique et doit déléguer cette gestion à une bureaucratie. La formation d'une sorte de « bureaucratie rouge » lui semble donc inévitable pour éviter cette dérive.

Par extension, Bakounine s'oppose également au patriotisme, qu'il perçoit comme un soutien à l'étatisme, et donc à l’État.

Je a dit…

La violence révolutionnaire

Pour Bakounine, la révolution sociale a un caractère inévitablement violent, et dans sa phase initiale, essentiellement destructrice : il faut agir non ratiociner [terme vieilli signifiant "faire des raisonnements; user de sa raison; raisonner"], démolir non tenter de réformer, car ce qui s’impose tout d’abord c’est la « pandestruction » [destruction de tout] avant de parvenir au socialisme libertaire. Mais cette violence, Bakounine veut principalement la réserver aux positions et aux choses, c'est-à-dire l’ensemble des institutions étatiques (parlements, tribunaux, casernes, banques, prisons, etc.) ainsi que la propriété. Il considère que cela permet d’éviter le massacre des hommes et de devoir recourir à la terreur puisque, selon lui, la révolution qu’il préconise « pourra bien être sanglante et vindicative dans les premiers jours, pendant lesquels se fera la justice populaire. Mais elle ne gardera pas ce caractère longtemps et ne prendra jamais celui d’un terrorisme systématique et à froid. Elle fera la guerre aux positions et aux choses, bien plus qu’aux hommes, certaine que les choses et les positions privilégiées et antisociales qu’elles créent, beaucoup plus puissantes que les individus, constituent et le caractère et la force de ses ennemis. »

Pour Bakounine, il s’agit à tout prix d’éviter la « révolution sanguinaire fondée sur la construction d’un État révolutionnaire puissamment centralisé [qui] aurait pour résultat inévitable [...] la dictature militaire d’un maître nouveau ». Mais si la violence dans le processus révolutionnaire apparaît inévitable, elle n’en constitue pas le fondement, ni n'est souhaitable : « la révolution, c’est la guerre et qui dit guerre, dit destruction des hommes et des choses. Il sans doute fâcheux pour l’humanité qu’elle n’ait pas encore inventé un moyen plus pacifique de progrès, jusqu’à présent tout pas nouveau dans l’histoire n’a été réellement accompli qu’après avoir reçu le baptême du sang. »

Je a dit…

Athéisme radical

L'athéisme de Bakounine trouve lui aussi sa base dans la recherche de la liberté pour l'humanité : « Dieu est, donc l'homme est esclave. L'homme est libre, donc il n'y a point de Dieu. Je défie qui que ce soit de sortir de ce cercle, et maintenant, choisissons. ». Elle repose sur une conception matérialiste du monde. Selon lui, l'Homme fait partie d'un univers gouverné par des lois naturelles. Les sociétés et les idées humaines - dont l'idée de dieu - dépendent donc des conditions matérielles d'existence de l'Homme. Selon Bakounine il ne peut donc exister un monde métaphysique séparé du monde matériel : la religion, sa morale, son paradis et son Dieu « l'être universel, éternel, immuable, créé par la double action de l'imagination religieuse et de la faculté abstractive de l'homme » sont de pures spéculations dont l'origine se trouve dans la dépendance et la peur de phénomènes naturels inexpliqués. L'idée de dieu est une manifestation des capacités d'abstraction de l'Homme, mais elle n'en demeure pas moins une abdication de la raison et un moyen utilisé par les dominants pour exploiter les dominés.

Je a dit…

Collectivisme

Un autre aspect important de la pensée de Bakounine concerne l'action révolutionnaire. À la différence de certains marxistes, comme Lénine et ses successeurs (léninisme), qui préconisent l'intervention d'une avant-garde (le Parti, par exemple) pour guider la masse populaire sur le chemin de la révolution, l'organisation bakouninienne, même si elle est secrète, se donne uniquement le droit de soutenir la révolte, de l'encourager, en favorisant l'auto-organisation à la base. Cette conception n'est pas très différente de celle défendue plus tard par les anarcho-syndicalistes au sein d'organisations de masse. Si les marxistes attribuent au prolétariat le rôle de seule classe révolutionnaire, lui opposant une paysannerie par essence réactionnaire, Bakounine estime au contraire que seule l'union entre les mondes rural et industriel est riche de potentialités révolutionnaires, la révolte anti-étatique de la paysannerie trouvant sa complémentarité dans l'esprit de discipline des ouvriers. Bakounine refuse également l'avènement d'un État socialiste temporaire en vue de la réalisation d'une société communiste intégrale, sans classes ni État.

En 1873, dans Étatisme et anarchie, il résume sa position : « Je déteste le communisme, parce qu'il est la négation de la liberté et que je ne puis concevoir rien d'humain sans liberté. Je ne suis point communiste parce que le communisme concentre et fait absorber toutes les puissances de la société dans l'État, parce qu'il aboutit nécessairement à la centralisation de la propriété entre les mains de l'État, tandis que moi je veux l'abolition de l'État... Je veux l'organisation de la société et de la propriété collective ou sociale de bas en haut par la voie de la libre association, et non de haut en bas, par le moyen de quelque autorité que ce soit. Voilà dans quel sens je suis collectiviste et pas du tout communiste. »

Je a dit…

L'amour libre

Pour Bakounine dans Dieu et l'État (1882) : « Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres ». Ainsi, il s'élève contre le patriarcat et la façon qu'a la loi de « soumettre les femmes à la domination absolue de l'homme ». Il défend l'idée selon laquelle « les hommes et les femmes partagent des droits égaux » afin que les femmes puissent « devenir indépendantes et être libres de déterminer leur propre vie ». Bakounine prévoit « une liberté sexuelle totale pour les femmes » et la fin de la « famille juridique autoritaire ».

Voir aussi à : https://fr.wikipedia.org/wiki/Libert%C3%A9_sexuelle_et_anarchisme

Je a dit…

Franc-maçonnerie

Élevé par un père franc-maçon marqué par le libéralisme (ce terme étant à prendre au sens de l'époque), Bakounine aurait été initié en 1845. Il aurait alors fréquenté des loges allemandes jusqu'en 1848 (la franc-maçonnerie est interdite en Russie depuis 1825). On sait qu'en 1865, il est membre du Grand Orient de la Maçonnerie Italienne.

Selon l'historien Max Nettlau, Bakounine est, au cours de son séjour en Italie, dans les années 1864-65, en relation avec des francs-maçons influents. Il pense alors que la franc-maçonnerie peut être réformée au service de la révolution sociale. C'est dans cet esprit qu'il rédige un « Catéchisme de la Franc-maçonnerie Moderne » qui commence par ces mots : « Pour devenir un corps vivant et utile, la Franc-maçonnerie doit reprendre sérieusement le service de l’Humanité ». Il donne, dans les loges italiennes, de nombreuses conférences où il expose ses idées.

Bakounine a pour projet la création d’une organisation qui jouerait pour la classe ouvrière, le rôle que la franc-maçonnerie a joué pour la Révolution bourgeoise. Il pense alors que la franc-maçonnerie « existante » peut être transformée à cette fin. En 1867, délégué de la Fraternité internationale au congrès de la Ligue de la paix et de la liberté, il défend un programme communiste anti-autoritaire mais est mis en minorité. En juillet 1868, il adhère à l'Association internationale des travailleurs (AIT). C'est après le second congrès de la Ligue de la paix, à Berne, en septembre 1868 qu'il abandonne définitivement l'idée d'entrisme dans une société « bourgeoise », le projet de rallier la bourgeoisie libérale, radicale et progressiste au socialisme révolutionnaire libertaire.

Le 23 février, réfugié en Suisse, il rédige une adresse « Aux compagnons de l'AIT » publiée dans le journal « Le Progrès » du Locle le 1er mars où tout à la fois, il remercie les loges de Genève, du Locle et de La Chaux-de-Fonds pour l'accueil qui lui est fait. Il poursuit par un historique sur une époque où il considère la franc-maçonnerie comme universelle et formidable, puis s'adonne à une virulente critique de son évolution. Accusant la révolution bourgeoise d'avoir anéanti son objet et l'estimant désormais asservie à l’État, conservatrice et réactionnaire.

Je a dit…

"L’État est le gardien et le protecteur des privilèges sociaux et l’église les bénit et les présente comme étant la volonté de dieu." nous rapporte avec hostilité contre ces institutions, l'auteur de l'article "Durruti - Les anarchistes et la révolution espagnole de de 1936 à 1939", en citant le discours de Farga Pellicer lors du premier Congrès ouvrier espagnol du 19 juin 1870.

Cette analyse est confirmée (indirectement) par un blogueur québécois, spécialiste d'économie, qui semble pourtant politiquement opposé à l'anarchisme. C'est "Le Minarchiste" (en rappelant que "Le minarchisme est une idéologie politique dérivée du libéralisme qui préconise un État minimal, dont la légitimité est enserrée par des limites strictes.").

Dans l'esprit du Minarchiste, "Le rôle régalien de l’État est de protéger la propriété des citoyens." (cf. https://minarchiste.wordpress.com/2011/10/14/quelques-reflexions-sur-les-taxes-et-impots/).
Cela signifie que l'Etat, réduit à son strict minimum, mettrait tous ses moyens (le système de justice, le système carcéral, la sécurité civile, la police et la défense) dans la protection des propriétés des citoyens, sous-entendu des plus riches citoyens car plus on a de propriétés à défendre, plus l'Etat est à notre service.

Je a dit…

Lors du premier Congrès ouvrier espagnol de 1870 fut fondée la fédération régionale de l'AIT appelée en Espagne "l'Internationale". Le 19 juin 1870, Farga Pellicer ouvrit le Congrès de Barcelone par un discours où ce mouvement se réclamait purement anarchiste.

Il évoqua "l'anarchie", la Fédération des groupes libres des travailleurs".

Une résolution de ce Congrès vise à "conquérir le bien-être" [objet de l'épicurisme] et recommande fermement la structure en "organisation fédéraliste" [même chose que Jean Meslier].

Je a dit…

Les anarchistes espagnols étaient contre l’État, contre l'appareil politico-bureaucratique.

Si une administration est mise en place pour gérer ce qui relève des prérogatives de l’État, il faudra veiller à ce qu'elle soit la plus décentralisée possible afin de rapprocher ceux qui prennent les décisions et ceux qui les subissent.

Je a dit…

Il est très important d'insister sur le grande différence entre le mouvement ouvrier anarcho-syndicaliste en Espagne (opposé à l’État) et les mouvements de socialisme étatique en Europe centrale (qui s'appuient sur un État qui contrôle tout, sur un État total, totalitaire).

Je a dit…

Le projet libertaire dans l’Espagne de 1936-1939 esquissa la possibilité d’une société communautaire, sans argent émis par l’État ou les banques privées, et même sans État.

J'ai ajouté "argent émis par l’État ou les banques privées" et non "sans argent tout court" parce que le papier monnaie avait en réalité été remplacé par des coupons donnés aux travailleurs par les coopératives.

Il s'agissait bien d'une nouvelle monnaie qui s'adossait non sur une réserve d'or ou d'argent mais sur la valeur du travail horaire.

Je a dit…

C'est intéressant de lire que la grande ambition de Durruti et Ascaso (qui se sont surtout faits remarquer par leurs actions militaires) était de créer dans toutes les grandes villes du monde, des librairies libertaires. Leur projet incluait donc l'éducation, la libération des esprits.

Je a dit…

"Les paysans de ces régions proclament la propriété collective de la terre et des outils." -> Cette appropriation des outils de production par les travailleurs-producteurs est conforme au projet de société de Bernard Friot qui distingue propriété d'usage (les outils/les terres aux ouvriers/paysans) et propriété lucrative (les outils/les terres aux propriétaires capitalistes seigneurs/industriels).

"Les assemblées de village désignent des conseils responsables à tout moment devant elles." -> La fédération anarchiste trouve son socle exécutif et législatif au niveau communal, au niveau du village. C'est exactement le projet de société de Jean Meslier (philosophe du début du XVIIIème siècle).

"La discipline au sein de la colonne est librement consentie, les combattants ne se cantonnent pas aux tâches guerrières, aidant les paysans aux champs ou organisant enseignement et activités culturelles." -> Les militaires/miliciens/gardiens de la paix/gardes nationaux, selon le nom qu'on pourra leur donner, ne doivent pas être des militaires de carrière. La force armée, défensive contre les attaques extérieures doit être très largement composée de citoyens au sens démocratique du terme.
Voici l'exemple de la Confédération Helvétique :
"La particularité de l'armée suisse est son système de milice. Les soldats professionnels constituent seulement environ 5 % du personnel militaire. Le reste est formé par des citoyens conscrits âgés de 18 à 34 ans (dans certains cas jusqu'à 50 ans)."
Source : http://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2017/06/politique-et-administration-de-la.html

Je a dit…

Le principe général de la nouvelle organisation économique de l'Espagne anarchiste (dès 1936-37) est : « Socialisation de la terre par et pour les travailleurs, socialisation et non étatisation ».

C’est là le but final logique du mouvement ouvrier.

Le conseil économique, composé des délégués des comités ouvriers publia le programme suivant :

- Réglementation de la production en accord avec les besoins de la consommation.
- Contrôle du commerce extérieur.
- Collectivisation de la grande propriété terrienne, respect de la petite propriété.
- Dévalorisation partielle de la propriété urbaine par la réduction des loyers et la diminution du revenu des propriétaires.
- Collectivisation de la grande industrie, des services publics et des transports.
- Réquisition et collectivisation de toutes les entreprises abandonnées par leurs propriétaires.
- Collectivisation des grandes entreprises distributives.
- Contrôle ouvrier des banques jusqu’à la nationalisation complète du système bancaire.
- Contrôle ouvrier sur toutes les entreprises qui constituent l’artisanat et la petite industrie.
- Résorption intégrale, dans l’agriculture et l’industrie de tous les chômeurs.
- Création de nouvelles branches industrielles.
- Électrification de la Catalogne, etc.
- Suppression de tous les impôts indirects.

Plus tard, la création d’une réglementation générale devint nécessaire pour la collectivisation. Réglementation basée sur la généralisation des faits et données existant dans la pratique.

Je a dit…

Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, les anarchistes n'ont pas exproprié les propriétaires urbains/bourgeois possédant des appartement locatifs. Ils se sont contentés de :
"Dévalorisation partielle de la propriété urbaine par la réduction des loyers et la diminution du revenu des propriétaires."

Ils auraient pu s'ils avaient connu le discours de Bernard Friot qui oppose "propriété d'usage" et "propriété lucrative".

Si j'ai bien compris la pensée de Bernard Friot, qui est certes marxiste donc différents des anarchistes, les appartements auraient dû être pris aux "propriétaires lucratifs" pour être transmis aux occupants/locataires qui deviendraient ainsi des "propriétaires d'usage" (à moins que la propriété légale ne soit complètement étatique, donc interchangeable d'un occupant à l'autre, d'un ménage à l'autre, en fonction des besoins).

Je a dit…

"Contrôle ouvrier des banques jusqu’à la nationalisation complète du système bancaire."

Il existe deux types principaux de banque :
- les banques de dépôt
- et les banques d'affaires.

Les premières reçoivent l'épargne des particuliers et/ou entreprises et peuvent ensuite le prêter à d'autres particuliers et/ou entreprises en réalisant un bénéfice (des intérêts ... ce qui était jadis considéré comme de l'usure et interdit par la religion chrétienne mais permis par la religion juive).

Les secondes reçoivent l'épargne de grosses fortunes et spéculent en bourse pour dégager un maximum de profit.

Si les banques sont nationalisées à la façon marxiste, ou collectivisées à la façon anarchiste, elles deviennent des sortes de mutuelles. L'application d'un taux d'intérêt n'est plus du tout obligatoire ; ou alors simplement pour éponger les pertes éventuelles, sans chercher à faire de profit (une sorte d'assurance pour les prêts non remboursés).

Je a dit…

"Suppression de tous les impôts indirects."

Les anarchistes espagnols voulaient donc réformer la fiscalité. Cela indique qu'ils n'allaient pas renoncer à une certaine administration (fiscale) et à certaines prérogatives d'un pouvoir exécutif (plus ou moins décentralisé).

Ils n'auraient gardé que les impôts directs (sur les salaires et les bénéfices des entreprises), renonçant à la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) qui impacte les consommateurs et qui rapporte quasiment la moitié de ce que l’État français perçoit de nos jours (51% en 2015, 48% en 2016).

Je a dit…

La distinction entre les impôts directs et indirects est sans doute la plus importante parmi les différentes classifications envisageables, ne serait-ce que parce qu’elle a des incidences opérationnelles. Pourtant, c’est une des distinctions les plus complexes à caractériser.

On perçoit aisément que l’impôt sur le revenu est le modèle type de l’impôt direct, car il est établi et collecté sur la base d’un avis d’imposition adressé à chaque contribuable ; la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est le modèle de l’impôt indirect, qui n’est pas acquitté auprès du Trésor public directement par le contribuable qui en supporte le coût : le critère serait donc celui de l’existence d’un rôle d’imposition, qui serait le marqueur des impositions directes.

Malheureusement, si le critère est théoriquement bon, il ne correspond pas à la réalité : l’impôt sur les sociétés étant auto-liquidé par les entreprises au moment où elles s’en acquittent, on devrait conclure qu’il s’agit d’un impôt indirect ; pourtant il s’agit d’un impôt direct, qui, comme l’impôt sur le revenu, est payé directement par le contribuable redevable.

On considère qu’un impôt direct est un impôt pour lequel il y a identité entre l’assujetti (celui qui doit d’après les textes s’acquitter de l’impôt) et le redevable (celui qui est en dette par rapport au fisc et qui supporte le coût du paiement).

S’agissant de l’impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée (CSG) ou encore de l’impôt sur les sociétés, c’est le redevable (la personne bénéficiaire des revenus ou des bénéfices) qui est assujetti au paiement : ce sont donc des impôts directs.

S’agissant de la TVA ou des droits de mutation à titre onéreux (dus à raison de l’acquisition d’un immeuble par exemple), l’assujetti (le commerçant ou le notaire) n’est évidemment que le redevable légal, le redevable effectif qui supporte la charge de l’impôt étant une tierce personne (le client ou l’acquéreur de l’immeuble) : ce sont des impôts indirects.

C’est donc la notion d’incidence fiscale, permettant d’analyser sur qui, en dernière instance, pèse la charge d’un impôt qui permet de déterminer s’il est direct ou indirect.

Je a dit…

Définition d'un impôt direct

Un impôt est dit "direct" lorsqu'il est payé et supporté par la même personne, ce qui signifie que le contribuable et le redevable de l'impôt direct sont la même personne.

Notion de contribuable

Le "contribuable" est la personne qui supporte l'impôt de manière directe ou indirecte :

- Concernant l'impôt sur le revenu, le contribuable de l'impôt est la personne physique qui encaisse des revenus. Il est soumis à l'impôt sur le revenu car il perçoit des revenus, il est donc contribuable de cet impôt. Mais il est également redevable de l'impôt car il paie directement cet impôt au Trésor Public.
- En matière de taxe foncière, les personnes physiques propriétaires d'un logement sont contribuables au titre de cet impôt. Ils le supportent effectivement, car ils logent dans une habitation au 1er janvier.

Notion de redevable

Le "redevable" désigne la personne qui paye l'impôt au Trésor Public. Sont ainsi des "redevables" :

- au titre de la TVA : les consommateurs qui achètent des biens et des services à des professionnels sont des contribuables ; les redevables sont les professionnels car ce sont eux qui ont la charge de reverser et donc de payer la TVA au Trésor Public ;
- concernant la taxe d'habitation, le redevable de l'impôt est celui qui habite le logement au 1er janvier de l'année, il paye la taxe directement au Trésor Public.

Je a dit…

Exemples d'impôts directs :

Modernes

- Impôt sur le revenu des personnes physiques.
- Taxe d'habitation (et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la redevance audiovisuelle souvent rassemblées sur le même avis).
- Contribution sociale généralisée
- Impôt de solidarité sur la fortune
- Impôt sur les sociétés

Anciens

- Taille
- Capitation
- Contributions directes établies lors de la Révolution française

Je a dit…

Historique

Dès qu'est apparue une domination de classe, une fiscalité directe est venue ponctionner la population, pour l'entretien de l'appareil d’État et des castes religieuses. L'impôt par tête ("capitation") est à ce titre un des plus anciens.

Durant l'époque féodale, les impôts principaux étaient les impôts directs des seigneurs, comme la taille, la capitation ou la corvée. La royauté a ajouté plus tard des taxes indirectes, les aides, dont la gabelle.

L'impôt sur le revenu, qui s'est imposé avec la société capitaliste, est encore un impôt direct. Les anciens impôts indirects ont souvent été repoussés par la bourgeoisie (aides abolies lors de la Révolution française...) en tant qu'entrave au commerce.

Une forme nouvelle d'impôt indirect est en revanche apparue avec la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et s'est rapidement généralisée. Elle a l'avantage de ne pas apparaître directement pour la majorité de la population (impôt indolore), tout en étant supportée par cette dernière. C'est donc un impôt peu impopulaire, relativement à ce qu'il rapporte (environ 50% des recettes fiscales en France).

Source : http://www.wikirouge.net/Imp%C3%B4t_direct_et_imp%C3%B4t_indirect

Je a dit…

Taille (impôt)

En France, sous l'Ancien Régime, la taille est un impôt direct, très impopulaire dû au fait que les bourgeois des grandes villes, le clergé et la noblesse en sont affranchis. Cet impôt peut peser sur les individus (taille personnelle) ou sur la terre (taille réelle) suivant les régions1. Il devient annuel et permanent en 1439 vers la fin de la guerre de Cent Ans. L'État tente à plusieurs reprises au XVIIe siècle de réformer l'imposition pour limiter les exemptions et privilèges ce qui donnera lieu à la création de la capitation, du dixième et du vingtième qui viennent en sus de la taille et conduisent à une insatisfaction croissante de la population vis-à-vis du système fiscal français.

Je a dit…

Taille, impôt roturier.

La taille est un impôt direct annuel uniquement supporté par le Tiers État. À l'époque médiévale, la taille est prélevée arbitrairement par le seigneur sur les serfs de son domaine en contrepartie de sa protection. Plus tard, la taille désignera le prélèvement du roi sur ses sujets, pour la même protection militaire. Impôt exceptionnel à l'origine, la taille royale est transformée à la fin de la guerre de Cent Ans en taille perpétuelle, justifiée par la création d'une armée permanente.

Son montant est fixé chaque année par le Conseil du roi, qui en répartit la charge entre les différentes circonscriptions du royaume. Les sergents des tailles collectent auprès des taillables l'impôt dont ils ont fixé le montant. Dans les pays d'élection, le montant de la taille est fixée autoritairement par les fonctionnaires royaux; dans ces pays, achats d'offices et corruptions deviennent monnaie courante pour l'obtention d'une exemption. En revanche, dans les pays d'États (Bretagne, Artois, Hainaut, Bourgogne, Provence, Languedoc), la répartition est plus juste : l'assemblée des États provinciaux négocie le montant global avec l'intendant, vote et répartit la taille. Jusqu'en 1789, la taille reste la principale contribution directe. Objet de nombreux ressentiments, elle disparaît avec la révolution.

Dîme, impôt dû au clergé.

En France, elle est instaurée dès la période mérovingienne. Charlemagne généralise cet impôt sur les produits agricoles (récoltes, troupeaux), afin de pourvoir à l'entretien des paroisses et de leur clergé (780, 789, 801).

Les décimateurs prélèvent la dîme dès la récolte ou le produit réalisés: Les céréales sont imposées en général à la dixième gerbe et constituent, avec le vin, les grosses dîmes. Les fruits et légumes (dîmes menues ou vertes) peuvent bénéficier d'exemptions. Seuls les bois, prairies naturelles et étangs ne sont jamais décimables. Les taux d'imposition changent selon les périodes, les régions, les catégories sociales et les productions concernées.

Tous les propriétaires sont soumis à la dîme : les nobles, le roi et les religieux eux-mêmes, à l'exception de quelques ordres, comme les cisterciens. Le produit perçu par les décimateurs est théoriquement divisé en trois parties : un tiers pour l'entretien de l'église paroissiale, un autre pour le desservant de la paroisse, le dernier pour les pauvres. Rapidement, les évêques détournent à leur profit une large partie de la dîme. En réalité la portion réservée aux desservants se réduit à la portion congrue que leur reversent les gros décimateurs; alors que celle affectée au soulagement des pauvres disparaît. L’impôt sera définitivement aboli sous la convention.

Gabelle, impôt royal prélevé sur la vente du sel.

L'impôt sur le sel est associé au monopole royal décrété au XIVème siècle, sur la vente de ce produit. Le principe de base est simple: le sel ne peut être vendu, moyennant paiement d'une taxe, que dans les greniers royaux à sel. En 1680, Colbert associe la gestion d'autres impôts indirects royaux (aides, traites) à celle des gabelles et, surtout, codifie le règlement général des gabelles. Le poids de la gabelle est variable selon les provinces.

Je a dit…

Corvée (impôt)

La corvée est, au Moyen Âge, un impôt consistant en un travail obligatoire, effectué gratuitement sur le domaine du seigneur.

Généralement le territoire d'une seigneurie était divisé en deux parties :

la réserve: terres dont le seigneur garde la totalité de la production agricole
les tenures: terres que le seigneur accorde aux paysans et dont une partie de la production lui revient sous forme de taxes (en particulier le cens).

Le travail agricole dans la réserve est assuré par les paysans soumis à l'impôt de la corvée. Selon les seigneuries, un nombre variable de jours de travail sont dus au seigneur. Ces jours de travail obligatoire et gratuit sont répartis tout au long de l'année en fonction des travaux agricoles à accomplir : labours et semailles, entretien des fossés de drainage, fenaison, moisson, vendanges, charrois de bois pour le chauffage du château... Ces travaux sont prioritaires sur ceux que le paysan doit faire sur les terres de sa tenure.

La corvée seigneuriale ne disparaîtra qu'avec la Révolution française.

En France, à partir du XVIIe siècle, le roi exige une corvée royale destinée à l'amélioration du réseau routier. Elle était due par tous les roturiers des villages à proximité du tracé des routes royales (ancêtres des routes nationales). Cette corvée en journées de travail est remplacée, à partir de 1776, par une augmentation de la taille royale.

Je a dit…

Le chroniqueur, l'auteur de l'article sur Durruti, nous explique que "Le pouvoir central avec ses organes a fait place politiquement et économiquement à une Espagne fédéraliste" tandis que les franquistes/fascistes ont tenté (et réussi) de construire un "État centraliste espagnol [...] une dictature.".

Pour éviter qu'une dictature nouvelle se bâtisse, quelle que soit sa couleur politique, il faut limiter les pouvoirs de l’État central par une définition très précise de ses prérogatives et par des contre-pouvoir, des organes de contrôle populaire, démocratique.

Je a dit…

Voici trois paragraphes essentiels qui expliquent le fonctionnement économique, les échanges entre les différents agents économiques, de cette nouvelle société anarchiste.

" Sur le terrain en Aragon, l’argent ne circule pas. Il se trouve dans les comités et est uniquement utilisé dans les relations avec les régions où l’argent est en circulation comme auparavant. La rétribution du travail se fait par coupons. Tous les membres de la commune se trouvent dans les mêmes conditions et il n’y a aucun privilège. La distribution se fait par les coopératives, créées depuis la révolution. Tout membre de la collectivité prend d’après ses besoins et paye en coupons. Le commerce particulier n’existe plus."

-> L'auteur se trompe. La monnaie n'a pas disparu. Celle basée sur l'argent (le métal) ou sur l'or, oui, mais elle a été remplacée par une autre monnaie : les coupons basés sur le travail, la rétribution du travail.


"Dans les villages où il y a, à côté de la collectivité, des petits paysans, la coopérative reçoit tous leurs produits, les leur paye en coupons et leur assure le nécessaire. L’échange entre les communes se fait directement de collectivité à collectivité ou par l’intermédiaire des fédérations inter locales, toujours en nature."

-> Donc la propriété privée existe encore, à toute petite échelle. Et dès qu'un outil de production demande plusieurs personnes, la gestion et la propriété sont collectives.


"La propriété juridique n’existe plus, tout est à tous ; les moyens de travail, les habitations, etc. Les petits paysans ont le droit de cultiver la terre qu’ils possédaient avant, mais sans exploiter le travail d’autrui. Dans les villages entièrement collectivisés, il était courant que les papiers administratifs alimentent un grand feu de joie sur la place, de sorte qu’il ne reste aucune trace écrite des anciens droits de propriété."

-> C'est la relation employeur-employé qui est transformée. Désormais, il s'agit d'associés dans les collectivités, fermes collectives ou usines collectives.

Je a dit…

"L’utopie en acte a été dévorée par une guerre civile où s’affrontent deux rackets, deux soldatesques, deux conceptions de l’esclavage économique et de l’État."

-> Les anarchistes ont manqué d'une logistique militaire suffisante.

Attaqués par les fascistes du national-catholique Franco, les anarchistes ont aussi été trahis, poignardés dans le dos par leurs alliés républicains : staliniens et réformistes bourgeois.

Je a dit…

"La répression franquiste fut d’une cruauté à peine concevable. Les délits des temps nouveaux étaient la franc-maçonnerie, le communisme, le socialisme, l’anarchisme, la libre pensée."

Les républicains, qu'ils soient francs-maçons/socialistes/réformistes (République bourgeoise, bancaire, industrielle) ou communistes d’État (partisans de l'Union Soviétique) ou (et surtout) anarchistes, furent châtiés par les militaires portés par l’Église catholique. Ce fut une victoire de l'ancien régime : celui des aristocrates, des nobles issus du pouvoir militaire, des grands propriétaires terriens.

Je a dit…

Conclusion lucide sur le prolétariat actuel :

"En stimulant constamment des besoins artificiels, la consommation de masse et son outil de propagande, la publicité a non seulement berné l’individu par le mirage de la jouissance matérielle, mais dissout la conscience politique des catégories défavorisées tragiquement apprivoisées par le progrès technique, la généralisation du confort matériel, la colonisation de l’imaginaire et aussi par la démission des intellectuels. La parole étant confisquée par les théoriciens et les experts quand ceux-ci détournent l’opinion publique des luttes quotidiennes vers la mascarade électorale, alors il ne faut pas s’étonner que la « piétaille » se démobilise dans une sinistre servitude volontaire."

NB : « piétaille » : Ensemble des hommes de pied dans les armées du Moyen Âge. Familier. Troupes à pied, par opposition aux troupes montées ou motorisées. Ensemble de ceux qui occupent des fonctions subalternes, qui ont une situation très modeste.

Je a dit…

En annexe, l'auteur indique que "En général la presse française fit preuve de mauvaise foi." pour décrire ces événements des années 1936-1939 puis sur les crimes politique qui furent menés par la dictature franquiste jusqu'en 1975.

La presse française d'aujourd'hui ne vaut pas mieux.

Je a dit…

Dernière citation, du révolutionnaire anarchiste Ascaso, compagnon d'arme de Durruti : "Par la soumission et le réformisme, on maintient l’esclavage."

La soumission ne change rien. C'est une acceptation de "l'esclavage" ou plutôt du salariat, cette relation entre propriétaires (des terrains agricoles, des usines, des banques) et travailleurs.

Le réformisme prend beaucoup de temps. A titre d'exemple, pour sortir de l'ancien régime (féodal), il a fallu la mise au point de l'imprimerie de Gutenberg (1452) puis les révolutions britannique (1689, monarchie constitutionnelle) et française (1789, monarchie constitutionnelle puis république bourgeoise) avec des résistances des monarchistes et fascistes sous forme de dictatures militaires (jusqu'aux années 1870 en France mais jusqu'aux années 1970, en Espagne, avec Franco en l'occurrence). Soit au moins 400 ou 500 ans !