mardi 13 juin 2017

Éducation libertaire

L'éducation libertaire, perçue comme un outil de transformation sociale, a toujours été un axe majeur de la structuration du courant de pensée libertaire. Nombreux et nombreuses ont été les anarchistes qui ont œuvré, à leur façon, comme enseignant(e) dans les écoles, avec les travailleurs et dans leurs vies personnelles et dans la société.

L'école traditionnelle est considérée comme un instrument de reproduction des structures sociales de domination et d'exploitation et un appareil de résignation où le rôle social des élèves leur est assigné. Pour un pédagogue comme Sébastien Faure, « l’enfant n’appartient ni à Dieu, ni à l’État, ni à sa famille, mais à lui-même ».

Historique

L'orphelinat de Cempuis & Paul Robin

Paul Robin est le premier à mettre en œuvre cette "éducation intégrale" à l'orphelinat de Cempuis, qu'il dirige à partir 1880. Il accorde de l'importance non seulement aux aspects intellectuels, mais aussi à l'éducation morale et à l'éducation physique qui représente un tiers du temps d'activité; des randonnées sont aussi organisées, ainsi que des excursions et des séjours d'été au bord de la mer. On étudie aussi, à Cempuis, de nombreuses matières artistiques comme le chant, le dessin, la musique, le théâtre. L'éducation morale est basée sur le sens des responsabilités, le respect de chacun et la solidarité du groupe, comme dans une vie familiale, et met en pratique la coéducation des sexes, principe choquant à l'époque. Jusqu'à l'âge de 12 ans, les enfants sont libres de passer leur temps dans les différents ateliers, ou de fréquenter les classes, où l'enseignement accorde une grande place à la "leçon de choses". Après cet âge, ils doivent approfondir la pratique des ateliers, afin de pouvoir quitter l'orphelinat avec un métier. À une époque où en France est en train de se mettre en place l’éducation publique laïque, l’expérience de l’orphelinat de Cempuis est dans un premier temps soutenue administrativement, en particulier par Ferdinand Buisson. Mais elle subit des campagnes virulentes de la presse catholique qui considérait la mixité comme une dépravation totale ; Robin finit par être révoqué en 1894.

L'Escuela moderna & Francisco Ferrer

L'un des personnages les plus importants de l'éducation libertaire fut Francisco Ferrer, qui fonda l'Escuela moderna, à Barcelone, expérience qui dura de 1901 à 1906 mais, qui donna l'impulsion à tout un mouvement d'"écoles ferrer/modernes". Francisco Ferrer connaissait bien Paul Robin, et ce sont les mêmes principes qu’il met en œuvre en Espagne en 1901 lorsqu’il fonde la première Escuela moderna. Ferrer pose explicitement la question, toujours d’actualité, de savoir s’il faut se battre pour transformer le système éducatif « de l’intérieur » en démontrant ses erreurs et dysfonctionnements, ou s’il faut créer des écoles fondées sur les principes qu’il défend et qui pourront servir d’exemple. Sa réponse, celle du socialisme utopique, est la seconde. Au début, l’école est financée par un legs d’une mécène, et fonctionnera jusqu'en 1908. Une foule de collaborateurs/trices très reconnu(e)s, tel(le)s que le géographe libertaire Élisée Reclus, l'astronome Camille Flammarion, l'écrivain Anatole France, le philosophe Herbert Spencer, le biologiste Ernst Haeckel et les anarchistes Pierre Kropotkine et Léon Tolstoï, participèrent à l'Escuela Moderna de Ferrer.
L'exécution de Ferrer le 13 octobre 1909 après un procès bâclé où il est accusé d'avoir participé à des émeutes le transforme en symbole de l’éducation libertaire ; selon la légende il meurt en criant « Viva la Escuela Moderna ! ». Ses principes pédagogiques donnèrent naissance au Modern School Movement aux États-Unis, qui se propagea dans de nombreux endroits, dont la Modern school de New York. À Turin, en Italie, Pietro Ferrero et Maurizio Garino fondèrent le Centro di Studi Sociali della Barriera di Milano (Centre d'Études Sociales de la Barrière de Milan), qui devint par la suite une école moderne, accueillant, en général, de nombreux ouvriers et ouvrières et prolétaires parmi ses "étudiants".

La Ruche & Sébastien Faure

À la même époque, en France, Sébastien Faure s’inspire également de l’expérience de Cempuis. Quand il fonde la Ruche en 1904, il ne veut ni dépendre de l’État, ni fonctionner comme une école privée capitaliste. Il reprend les principes d’éducation intégrale, et fait de plus fonctionner l’école dans une coopérative pour qu’elle puisse s’autofinancer. Comme l'orphelinat de Cempuis, l’école comporte divers ateliers qui en font un réel centre d’apprentissage. Elle fonctionne jusqu’à la première guerre mondiale, mais ferme en raison de celle-ci en 1917, ne parvenant plus à subvenir à ses besoins.

Éducation libertaire après 1918

Les écoles libertaires de Hambourg, créées en 1919 dans la République de Weimar, remettent en cause l'idée même de finalité en éducation.
En 1921, A. S. Neill fonde l'école de Summerhill.
En Espagne, plus spécialement durant les années 1930, la tradition éducationnelle du mouvement anarchiste, se concrétise à travers la propagation des Ateneo libertario (Athénée libertaire), qui contribuèrent à la construction d'une culture ouvrière.

Éducation libertaire contemporaine

Après 1968

 Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ducation_libertaire

3 commentaires:

Je a dit…

L'expression « socialisme utopique » désigne l'ensemble des doctrines des premiers socialistes européens du début du XIXe siècle (qui ont précédé Marx et Engels) tels Robert Owen en Grande-Bretagne, Saint-Simon, Charles Fourier, Étienne Cabet et Philippe Buchez en France. Ce courant est influencé par l'humanisme. Parfois lié au christianisme social comme chez Philippe Buchez, il s'éloigne néanmoins radicalement du christianisme institutionnel chez Saint-Simon, qui construit un système athée. Le socialisme utopique s'inscrit à l'origine dans une perspective de progrès et de confiance dans l'homme et la technique. Il connaît son apogée avant 1870, avant d'être éclipsé, au sein du mouvement socialiste, par le succès du marxisme. La notion de socialisme utopique a été conçue par Friedrich Engels et reprise par les marxistes (qui l'opposent à la notion de socialisme scientifique) ; le qualificatif d'utopique, accolé au socialisme, est donc né d'une intention polémique avant d'être ensuite consacré par l'usage. Les doctrines qu'englobe le socialisme utopique ne sont, pour les adversaires de ces idées, pas plus utopiques que toute autre doctrine tendant vers la réalisation d'une société idéale n'ayant encore jamais existé (y compris les doctrines marxistes qui annoncent, à terme, l'avènement d'une société sans classes).

Le socialisme utopique se caractérise par la volonté de mettre en place des communautés idéales selon des modèles divers, certaines régies par des règlements très contraignants, d'autres plus libertaires ; certaines communistes, d'autre laissant une plus grande part à la propriété individuelle. Le socialisme utopique se caractérise surtout par sa méthode de transformation de la société qui, dans l'ensemble, ne repose pas sur une révolution politique, ni sur une action réformiste impulsée par l'État, mais sur la création, par l'initiative de citoyens, d'une contre-société socialiste au sein même du système capitaliste. C'est la multiplication des communautés socialistes qui doit progressivement remplacer la société capitaliste.

Des milliers d'expériences de création de communautés socialistes s'inscrivant dans la filiation du socialisme utopique peuvent être relevées à travers l'histoire. À l'image du familistère créé par Godin en 1854 à Guise, qui s'inspire directement du phalanstère de Charles Fourier, qui a compté jusqu'à 1 748 personnes en 1889, et qui a fonctionné durablement jusqu'en 1968, le socialisme dit « utopique » a donné lieu à la création de nombreux projets sociaux à échelle humaine, durables et réalistes. L'idée selon laquelle le socialisme dit « utopique » n'aurait réalisé que des expériences à des échelles limitées (des communautés de quelques centaines de personnes au plus) et sur des durées généralement limitées est un point de vue sur l'histoire du socialisme qui est très influencé par Marx.

Je a dit…

Francisco Ferrer, né le 10 janvier 1859 à Alella et mort le 13 octobre 1909 à Barcelone, en espagnol Francisco Ferrer Guardia, en catalan Francesc Ferrer i Guàrdia, est un libre-penseur, franc-maçon et pédagogue libertaire espagnol.

En 1901, il fonde l'École moderne, un projet éducatif rationaliste qui promeut la mixité, l’égalité sociale, la transmission d’un enseignement rationnel, l’autonomie et l’entraide. Elle fut la première d'un réseau qui en comptait plus d'une centaine en Espagne en 1907. Elle inspira les modern schools américaines et les nouveaux courants pédagogiques.

En 1909, à la suite des événements de la semaine tragique à Barcelone, il est accusé, notamment par le clergé catholique, d'en être l'un des instigateurs. Condamné à mort par un tribunal militaire à l'issue d'une parodie de procès, il est fusillé le 13 octobre. Son exécution provoque un important mouvement international de protestation.

Je a dit…

L'École moderne n'est pas gratuite car elle ne dispose d'aucune subvention publique ou privée. Pour être viable, elle doit donc s'auto-financer. En fixant un prix de pension uniforme, elle risque néanmoins d'aboutir à une sélection par l'argent et d'écarter les enfants issus des milieux les plus défavorisés, ce qui est évidemment contraire à sa vocation. La contribution financière des familles est proportionnelle à leurs ressources, même si cette somme peut avoir une valeur symbolique. De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins.

L'Escuela moderna est mixte, comme l'Orphelinat de Cempuis de Paul Robin ou La Ruche de Sébastien Faure. La mixité représente une innovation particulièrement audacieuse dans une Espagne très chrétienne. Francisco Ferrer doit vaincre bien des réticences à ce sujet, dans son propre entourage, mais il reste intraitable et finit par obtenir gain de cause.

L'Escuela moderna est aussi laïque mais son fondateur évite cependant d'utiliser cet adjectif pour ne pas entrer immédiatement en conflit avec les autorités ecclésiastiques toutes puissantes.

Une citation de Francisco Ferrer résume le projet :

« Notre enseignement n'accepte ni les dogmes ni les usages car ce sont là des formes qui emprisonnent la vitalité mentale (...) Nous ne répandons que des solutions qui ont été démontrées par des faits, des théories ratifiées par la raison, et des vérités confirmées par des preuves certaines. L'objet de notre enseignement est que le cerveau de l'individu doit être l'instrument de sa volonté. Nous voulons que les vérités de la science brillent de leur propre éclat et illuminent chaque intelligence, de sorte que, mises en pratique, elles puissent donner le bonheur à l'humanité, sans exclusion pour personne par privilège odieux. »