vendredi 26 octobre 2012

Quelques principes fondateurs du matérialisme philosophique

En raisonnant à partir de l'expérience, Epicure a posé quelques-uns des principes essentiels de la conception moderne de l'être. En particulier :

  • Le principe de la constitution atomique de la matière, conçue comme étant animée d'un perpétuel mouvement. C'est en invoquant l'expérience (celle par exemple de l'usure et de la décomposition progressive de toute chose) que les épicuriens justifient l'atomisme. Et l'on ne saurait faire grief à Épicure d'avoir été honoré trop tôt par les physiciens, qui ont appelé improprement atome (=particule insécable) un ensemble en fait très complexe de particules encore plus élémentaires (électrons, protons, ...) - un véritable "monde" (Poincaré) de taille microscopique. 
  • Le principe de la sélection naturelle des espèces vivantes. Ce principe sera développé surtout (vu les textes qui nous restent) chez Lucrèce : il paraît, somme toute, fort logique qu'en excluant toute intention providentielle dans l'étude de la vie , on oppose à l'émerveillement finaliste devant les œuvres de la nature, l'idée que seuls les plus aptes des animaux ont pu survivre, et que, par conséquent, ceux qui prolifèrent encore sur la Terre sont fatalement assez bien adaptés à leur milieu. L'expérience prouve d'ailleurs que notre monde est entaché de bien des défauts.
  • Le principe de la matérialité de l'âme. On éprouvera quelque surprise, habitués que nous sommes à dissocier l'esprit du corps, à se rappeler qu'un homme placé sous encéphalogramme émet un certain courant électrique (ondes alpha) quand il se relaxe en ne pensant à rien, mais qu'il émettra un courant d'un autre type (ondes bêta) s'il vient à effectuer quelque calcul mental; que les euphorisants ou tels produits à base de lithium peuvent modifier le comportement d'un individu, au point de permettre parfois à des malades mentaux de mener une vie presque normale; que telle avitaminose (la pellagre), causée par une carence en vitamine PP, provoque très précisément une folie accompagnée de l'idée fixe de ... suicide par noyade. Mille faits de ce genre confirment que le corps et l'esprit ne sont que deux aspects d'un même être naturel : l'âme grandit avec le corps; elle a ses maladies, soulignent les épicuriens; tout prouve qu'elle n'est pas sans le corps et qu'elle meurt avec lui. C'est donc encore dans l'expérience qu’Épicure a puisé cette ultime vérité, qui procure selon lui l'apaisement des craintes et promet de surcroît l'ataraxie du sage.
Source : Lettres, d’Épicure, collection Les intégrales de philo, édition Nathan, p.25-26

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