Le Premier ministre de l'Autorité palestinienne Salam Fayyad, en réponse à la
fusillade de Toulouse, a déclaré ce mercredi qu' "il était temps que ces
criminels arrêtent de revendiquer leurs actes terroristes au nom de la
Palestine". Les représentants de l'islam en France doivent-ils communiquer
davantage pour atténuer les peurs et limiter les amalgames ?
Atlantico :
A propos de la tuerie de Toulouse, le Premier ministre de l'Autorité
palestinienne Salam Fayyad a publié mercredi un communiqué indiquant : « il est
temps que ces criminels arrêtent de revendiquer leurs actes terroristes au nom
de la Palestine ». Pourquoi les musulmans que l’on pourrait qualifier de «
modérés » n’interviennent pas davantage dans l’espace public pour condamner
l’islam "radical" ?
Chems-Eddine Hafiz : Tout d’abord, j’approuve
totalement la réaction de Salam Fayyad. L’autorité palestinienne est celle qui
est la plus concernée par ce qu’il se passe au Moyen-Orient et a donc intérêt à
s’exprimer publiquement beaucoup plus souvent pour éviter les amalgames faits
aujourd’hui par des personnes qui ont des arrières-pensées, et qui n’essayent
pas de rapprocher les différentes communautés. Cette intervention des autorités
palestiniennes était donc pertinente, mesurée, extrêmement importante et
aujourd‘hui elle doit avoir l’écho qu’elle mérite pour que tout le monde puisse
l’entendre.
Par ailleurs, je réfute toute instrumentalisation du mot «
musulman ». Nous sommes des musulmans pas des « musulmans modérés ». Le musulman
est celui qui pratique une foi qui suit les textes sacrés du Coran. A ce
titre-là, lorsque quelqu’un effectue la moindre violence au nom de l’Islam, je
considère que ce n’est pas un musulman qui agit de la sorte : c’est un criminel,
un assassin, un terroriste.
En vérité, que ce soit l’Imam de base, le
recteur de la mosquée de Paris ou le Président du CFCM, les musulmans de France
s’expriment régulièrement sur ces questions et dénoncent systématiquement le
recours à la violence au nom de notre religion.
En revanche, est-ce que
les médias nous entendent ? Je ne sais pas...
Ce serait donc la seule
faute des médias ?
Ce que je dis c’est que nous nous exprimons
régulièrement sur ces questions. Nous avons dénoncé toutes sortes de violence.
Et à chaque fois qu’il y a eu des actes « islamophobes » et une forme de
stigmatisation des musulmans de France nous avons toujours demandé aux pouvoirs
publics de prendre les précautions d’usage.
Depuis la loi de 2004 jusqu’à
la dernière loi sur la burqa, nous nous sommes élevés contre le principe d'une
loi. Non pas parce que nous approuvons ce type d’accoutrement, mais parce que
cela ne concerne pas uniquement les musulmans. Comment est-ce possible qu’une
femme veuille aujourd’hui porter le voile intégral ? Il faut se poser la
question. Nous lisons tous le même Coran. Dans ma lecture du Coran, je ne vois
pas que c’est obligatoire. Nous avions proposé à la commission parlementaire
d’essayer de faire un travail pédagogique avec des imams auprès des femmes, leur
expliquer l’exégèse pour les permettre de ne pas continuer dans cette posture.
Au lieu de ça, on a fait une loi. Ca a radicalisé les positions et les
extrémistes sont en train de prendre le dessus.
Mais peut-on seulement
parler d'islam aujourd'hui sans être taxé "d'islamophobie" ? Encore récemment,
il a semblé difficile de débattre de la viande halal..
Je préfère parler
d’ "actes anti-musulmans" que d’ "islamophobie". C’est plus précis. Aujourd’hui
quand on étudie les statistiques pour l’année 2011, on constate une augmentation
importante des actes anti-musulmans alors que d’une façon générale le racisme,
l’antisémitisme et la xénophobie ont régressé en France.
Quand
Jean-François Copé demande que nous prions en français, je dis « non ». Par
contre, débattre sur l’islam oui. Ce que j’avais reproché à Jean-François Copé
c’est sa façon d’agir seul sans nous consulter. Quand on touche à l’arabe, la
langue sacrée de l’islam, il faut au moins nous consulter. Ce qui me dérange
c’est que vis-à-vis des autres religions il n’y a pas autant de remises en
cause, alors que pour l’islam on s’approprie le titre de théologien.
Mais la question de la compatibilité de l’islam avec la République peut
bien-sûr être posée. Et lorsque certains imams tiennent des propos racistes et
sortent de leur rôle, il faut les condamner.
Pour répondre à votre
question sur la viande halal : il s’agit effectivement d’un problème de société.
Sur le plan religieux, cette question n’a jamais été abordée en France. Il faut
en parler. C’est pour cela que nous avons mis en place une commission de
théologie la semaine dernière.
Ne craignez-vous pas les peurs que
pourraient susciter les actes qu'aurait commis Mohamed Merah ?
Je peux
comprendre les inquiétudes. Cette tragédie pose beaucoup de questions. Mais s’il
est reconnu coupable, Mohamed Merah a commis des crimes extrêmement graves :
nous ne reconnaissons pas du tout cette idéologie de haine qui est contraire à
l’esprit de l’islam. Il faut qu’une partie de la communauté nationale des
musulmans, même la plus fondamentaliste, travaille pour comprendre les
mécanismes qui font qu’un jeune homme ou une jeune femme opte pour des pratiques
extrêmes.
L'islam porte-t-elle en soi un esprit de conquête ?
Si
nous étions dans un esprit de conquête, nous n’en serions pas là aujourd’hui.
L’islam doit trouver sa juste place. Nous voulons être à la table de la
République, en « normalisant » l’islam. 99,99% des musulmans en France ne posent
aucun problème. Pour ce qui est des épiphénomènes qui ont du retentissement, il
faut effectivement les condamner et dire qu’ils n’ont rien à voir avec les
musulmans comme l’a fait Salam Fayyad.
Chems-Eddine
Hafiz
Chems-Eddine Hafiz est vice-président du Conseil français du culte
musulman.
Il est avocat et assiste les entreprises françaises et
internationales qui investissent dans les pays arabes et musulmans.
http://www.atlantico.fr/decryptage/fusillade-toulouse-mais-ou-sont-donc-musulmans-moderes-qui-sont-censes-condamner-type-action-315295.html
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
7 commentaires:
Le vice-président du Conseil français du culte musulman questionne "... est-ce que les médias nous entendent ? Je ne sais pas...".
Je répondrai que :
- d'une part ces médias (télévision surtout) focalisent sur des comportements criminels et barbares perpétrés par des Français d'origine maghrébine, ce qui est hautement anxiogène quand on sait que la minorité/communauté musulmane a dépassé le cap des 10% de la population française (65,4 millions de Français dont 7,5 millions de confession musulmane)
- mais d'autre part blâment au nom du "politiquement correct", de la dénonciation des "discriminations" toute proposition radicale pour ramener l'ordre social.
J'accuse les journalistes (de télévision et d'un certain nombre de journaux de gauche) d'hypocrisie puante !
"Si nous étions dans un esprit de conquête, nous n’en serions pas là aujourd’hui. "
Là, par contre, je trouve que Chems-Eddine Hafiz a un défaut de mémoire. Bien sûr que l'islam est conquérant. Son fondateur Mahomet (Mohamed selon une autre transcription) était un chef de guerre. Les Arabes ont conquis un grand nombre de territoires et converti au-delà de la péninsule arabique toute l'Afrique du nord, le Proche et Moyen-Orient, des peuples turcophones, d'Afrique subsaharienne et jusqu'en Indonésie (le pays musulman le plus peuplé, pays qui n'est pourtant pas arabe) en passant par l'Inde.
Si "99,99% des musulmans en France ne posent aucun problème" et qu'ils se considèrent comme une communauté homogène, soudée, désireuse de s'intégrer, il faut qu'ils "fassent le ménage" et dénoncent tous ceux (comme l'assassin Mohamed Merah) salissent l'image toute entière de plus de 7 millions de Français.
Dire son désaccord, c'est très bien, mais ne rien faire de concret (dénoncer directement aux forces de l'ordre quand on sait que des choses se préparent), c'est cautionner.
Cela prouve bien un défaut d'intégration : comme cela a été adroitement démontré pendant l'occupation, la délation fait partie des valeurs de la France ! :-(
Indépendamment de cela, je pense qu'un musulman qui irait dénoncer des actes délictueux qui se préparent devrait s'attendre clairement à n'être soutenu ni par sa communauté (qui le verrait comme un traître) ni par les pouvoirs publics, qui verrait immédiatement en lui un complice en puissance ("mais comment es-tu au courant ?") !
Pour faire le distinguo musulman modéré/musulman radical, faut réviser ses classiques :
Les Inconnus : "Quelle est la différence entre bon chasseur et un mauvais chasseur?"
... :-)
Au fait, quelqu'un pourrait m'expliquer la différence entre un néo-nazi modéré et un néo-nazi radical?... :-)
Tout ceci est fait pour nous diviser. Diviser pour mieux régner. J'accuse les dirigeants (politiques et économiques), via les médias de masse, d'attiser les tensions pour que les différentes composantes du peuple, des 99% de travailleurs qui n'ont que le travail pour gagner de la monnaie, ne tournent pas leurs yeux vers les vrais responsables : les grands propriétaires qui dirigent notre société capitaliste depuis plus de deux siècles.
Enregistrer un commentaire