samedi 6 octobre 2012

Le Parti pirate français

La branche française du Parti pirate a présenté plus de 100 candidats aux élections législatives 2012 souhaitant ainsi faire connaître ses idées au plus grand nombre. Mais le mode de scrutin l'a privé d'un succès comparable au Parti pirate allemand.

Retour en arrière de quelques mois : entretien avec son coprésident.

Le Figaro - Le Parti pirate est un mouvement encore peu connu du grand public. Comment est-il né et quel est son programme pour les législatives?
Maxime Rouquet est candidat dans la 10e circonscription des Yvelines.

Maxime Rouquet, coprésident du Parti pirate - Le Parti pirate est à la base un mouvement de citoyens qui s'est créé pour dénoncer le fait que l'on traite de pirates de simples citoyens qui partagent la culture. Nous considérons que partager est au contraire quelque chose de bénéfique qu'il faut encourager. Le partage n'est pas un crime.

Pour ces législatives, nous avons développé cinq axes: la légalisation du partage, la lutte contre le fichage abusif, l'indépendance de la justice, l'ouverture des données publiques et plusieurs propositions pour plus de transparence de la vie publique. Nous expliquons en détail tous ces thèmes avec des articles de fond sur le site du Parti pirate. Nous avons des idées qui vont bien au-delà de ce nom un peu provocateur.

Ce programme a été construit de manière participative. N'importe qui peut rejoindre le Parti pirate, participer à notre forum ou venir à des réunions, pour proposer des idées. Si celles-ci plaisent, elles seront discutées, puis soumises au vote des adhérents lors d'une assemblée générale. Elles sont adoptées à la majorité des trois quarts. Le programme n'est donc pas construit selon une approche idéologique que l'on appliquerait à chaque thème, mais au cas par cas après avoir débattu avec des citoyens et des professionnels du domaine concerné.

Le contrôle du parti est également entre les mains des adhérents. Il y a des élections chaque année et les adhérents peuvent révoquer à tout moment tout responsable qui ne se montrerait pas digne de son mandat. Nous publions régulièrement nos comptes, nous faisons voter notre programme en assemblée générale… Nous veillons à ce que la structure reste très démocratique et conserve sa fraîcheur.

Le Figaro : À quel électorat s'adresse le parti? Une image de geeks et de hackers vous colle à la peau, mais pouvez-vous plaire à une base plus large?

Maxime Rouquet : Le Parti pirate a un certain succès dans d'autres pays, et on espère en France, car il y a un changement de génération. Nous sommes passés d'une génération qui regardait la télévision, où les informations étaient un minimum contrôlées, à une génération Internet où les citoyens vont eux-mêmes chercher l'information, la vérifier et la remettre en question. Que ce soit un informaticien qui passe sa journée devant son ordinateur à corriger du code, une personne qui passe sa soirée sur des forums à échanger et débattre ou tout simplement un contributeur de Wikipedia, c'est toute la société qui est en train de devenir «geek». La technologie fait évoluer la société et fait donc changer les lois. C'est à cette nouvelle donne que répond le Parti pirate.

Le Figaro : Vous présentez plus de 100 candidats aux législatives, recrutés essentiellement par Internet. Quel est leur profil?

Maxime Rouquet : On a un peu de tout, même si nous avons eu très peu de propositions de candidatures de femmes. On a pas mal de personnes qui sont sensibilisées aux nouvelles technologies, mais nous avons aussi des pères et mères de famille, des retraités, des professeurs, des étudiants, des chômeurs… Comme nous sommes une formation récente, il n'y a pas de politicien d'expérience ou de clans.

Le Figaro : Vous êtes une formation jeune, et disposez donc de moins de moyens que d'autres partis. Comment financez-vous la campagne des législatives ?
 
 
 
Affiches de campagne du Parti pirate.

Nous faisons une campagne essentiellement par Internet. Beaucoup de nos candidats n'ont pas les moyens d'imprimer en masse des bulletins pour les bureaux de vote, le bulletin sera donc disponible sur Internet pour que le citoyen intéressé l'imprime lui-même. Nous avons également créé des grilles de forfaits en fonction des moyens de nos candidats. Une campagne complète coûte environ 4000€, ce qui n'est pas à la portée de tous nos candidats. Mais pour 300€, un candidat pourra imprimer quelques bulletins pour tous les bureaux de vote ; pour 200€ il pourra distribuer des tracts ; pour 800€ mettre un bulletin dans les professions de foi envoyées à chaque électeur…

Êtes-vous prêt à donner des consignes de vote ou à passer des alliances pour le second tour?

On a une position claire: il n'y aura jamais alliance ou soutien au détriment des idées du Parti pirate. Par contre, travailler avec une autre formation est tout à fait envisageable à partir du moment où ce mouvement ne défend pas de valeurs contraires aux nôtres. Le Parti pirate suédois a ainsi rejoint le groupe parlementaire Les Verts- Alliance libre européenne au Parlement européen. En France, c'est plus compliqué, les groupes parlementaires étant dominés par l'UMP ou le PS. Et comme nous refusons de sacrifier nos idées…

Pour ce qui est des soutiens, on pourra le faire pour des cas particuliers, mais nous ne voulons pas que le Parti pirate soit un tremplin pour être élu, ou qu'on lui colle une étiquette de droite ou de gauche. C'est une question très délicate sur laquelle nous sommes très prudents. Par contre, nous pourrons faire des appels à voter contre des candidats dont nous savons qu'ils défendent des idées contraires à nos valeurs.

Les récents succès du Parti pirate allemand vous donne-t-il des ailes?

On sait qu'on aura des scores symboliques dans quelques circonscriptions. Mais notre but n'est pas forcément d'être élus. C'est de porter des idées sur le devant de la scène et de faire découvrir la démarche du Parti pirate. Si plus de personnes nous rejoignent grâce à cela, on aura plus de moyens pour faire une vraie campagne pour des élections où le mode de scrutin nous sera plus favorable. Car si le Parti pirate allemand rencontre le succès, c'est grâce à la proportionnelle.
Par Chloé Woitier

2 commentaires:

Je a dit…

Intéressante initiative.

Je a dit…

Sur l'île de la Réunion, c'est Pierre Magnin qui a représenté le "Parti pirate" avant de fonder (vers 2014-2015), avec quelques camarades, une association devenue récemment parti politique : "Démorun".

Son but est de promouvoir le tirage au sort en politique avec le slogan/accroche au porte à porte : "Je viens voter pour vous".

Cette démarche s'inscrit dans une volonté de démocratie directe, comme dans la commune de Saillans où les décisions sont collégiales, en espérant qu'il y aura de nombreux autres exemples en France lors des élections municipales de 2020.

Objectif annoncé : au moins cinq cents communes afin de pouvoir présenter un candidat démocrate aux élections présidentielles de 2022.