Des engagements vagues, des déclarations de principes : Philippe Tesson passe au crible l'interview de François Hollande.
Tesson : "Un 14 Juillet pour ne rien dire"
Au moins le président de la République a-t-il été relativement bref hier dans son adresse aux Français. Pour ne rien dire en effet, il faut à certains beaucoup plus de temps. Donc bref, creux et calme. Tout le contraire de Sarkozy. À cet égard, les Français seront satisfaits. Ils l'ont cherché, ils l'ont. Ils avaient besoin d'apaisement, ils l'ont. Mais concrètement ? Qu'ont-ils compris de ce qui les attend ? Qu'ont-ils appris qu'ils ne savaient déjà ? Sur le fond : l'imprécision, la défausse, le flou. Dans la forme : aucune vraie énergie. Ton sur ton, plat, gris. Peut-être n'était-il pas préparé, peut-être était-ce trop tôt. Alors, il ne fallait pas rétablir le rite de l'interview du 14 Juillet. N'était-ce que pour contredire Sarkozy ? Est-ce à ce point obsessionnel ?
Résumons point par point. Sur le dossier Peugeot, une protestation matamore pour aboutir à une promesse de concertation. Mais vers quels objectifs ? La direction de l'entreprise s'est déjà engagée à ne pas opérer de licenciements secs et à conserver au site sa destination industrielle. Sur la compétitivité et les déficits, un catalogue d'intentions totalement oiseuses : "Il faudra trouver des solutions, il faudra trouver des ressources, nous allons trouver les moyens..." Ou bien : "Nous allons maîtriser les dépenses, nous allons faire des économies..." Mais lesquelles ? Comment ? Selon quel calendrier ? Rien d'affirmé sur la fiscalité. Des promesses gratuites d'immunité à l'adresse des classes moyennes. Mais qui doute un instant que celles-ci seront épargnées ? Et des engagements vagues aux fonctionnaires.
Les Français pris pour des enfants
À propos de l'Europe, une suffisance illusoire : "J'ai fait admettre un pacte de croissance. (...) J'ai permis une réorientation de l'Europe. J'ai... J'ai..." Mais pas un mot sur ce qui compte : la crise financière, l'avenir de l'Union. Un éloge simpliste de la stratégie du compromis, qui est le b.a.-ba de la politique. Sur tous sujets, c'est vraiment prendre les Français pour des enfants.
Le rapport vie privée-vie publique ? Ça devait être le clou de l'intervention. Enfin, il allait s'expliquer, faire le clair, livrer son âme (!) à propos de ses imbroglios sentimentaux qui paraissent passionner les Français. Ils en seront pour leurs frais. Il a escamoté le sujet, il a opposé le mépris à la curiosité populaire. On aurait apprécié que, pour le moins, il fît mine en quelques mots de s'excuser d'occuper un peu trop d'espace avec ses histoires intimes. Même pas. Voyons, on ne va pas s'abaisser au niveau de Sarkozy. Madame Royal et ses enfants apprécieront.
Seul relief qui émerge de cette morne plaine : l'information relative à la nomination de Lionel Jospin à la tête d'une commission de moralisation de la vie politique. L'initiative est excellente et le choix est bon. On est décidément plus à l'aise sur le terrain de la morale que sur celui de l'économie. C'est moins risqué.
L'analyse plutôt que l'action
En vérité, le propos le plus intéressant que l'on retiendra parmi ce tissu de banalités est étrangement niché dans la réponse du président à la question posée sur la crise du football français. Il dit ceci : "Je ne juge pas les résultats, mais l'attitude des joueurs." Il y a dans ces mots quelque chose de révélateur, si l'on veut bien s'amuser à extrapoler. Pourquoi donc ne juge-t-il pas les résultats ? Les résultats sont la fin, la sanction de toute entreprise humaine. Pourquoi s'intéresse-t-il si volontiers aux causes plutôt qu'aux effets, aux formes qu'au fond, aux comportements qu'à leurs conséquences ? Pourquoi est-il toujours davantage dans l'analyse que dans l'action, dans le jugement que dans la proposition, dans la morale que dans l'exécution ? Question subséquente : quel est son rapport réel au pouvoir ?
Écoutons de nouveau le discours d'hier. Le vocabulaire, d'abord : la référence à l'apaisement, au consensus, au compromis est constante. C'est bien, certes, mais peu stimulant dans un contexte de crise. Et d'ailleurs, il emploie peu le mot de crise. Jamais celui de rigueur, encore moins d'austérité. D'effort, en revanche, dont la connotation est plus douce. Est-ce que la brutalité du pouvoir l'effraierait ? Et à quelle mesure de pouvoir aspire-t-il réellement ? À l'entendre, c'est d'une mesure raisonnable : "Je ne veux pas décider tout seul. (...) Nous nous concerterons. (...) C'est au gouvernement de gouverner. (...) Je ne me mêlerai pas de la vie du Parti socialiste..." Où est passée l'autorité ? Quand le ton se fait ferme, on n'y croit pas vraiment...
Il se donne l'image d'un président modeste, alors que sa majorité a tous les pouvoirs. Est-ce une ruse, est-ce une volonté, est-ce dans sa nature ? Est-ce une attitude ? À la limite, peu importe. Nous, nous jugeons les résultats, comme au football.
Source :
http://www.lepoint.fr/politique/tesson-un-14-juillet-pour-ne-rien-dire-15-07-2012-1485713_20.php=
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1 commentaire:
Le journaliste du Point pose toute une série de questions :
"Pourquoi est-il toujours davantage dans l'analyse que dans l'action, dans le jugement que dans la proposition, dans la morale que dans l'exécution ? Question subséquente : quel est son rapport réel au pouvoir ? [...] Où est passée l'autorité ?"
Et il ajoute même : "Il se donne l'image d'un président modeste, alors que sa majorité a tous les pouvoirs. Est-ce une ruse, est-ce une volonté, est-ce dans sa nature ? Est-ce une attitude ?"
La réponse est désagréable pour les mal-informés.
François Hollande, tout président de la République Française qu'il était, même avec une majorité à l'Assemblée Nationale, n'avait qu'une façade de pouvoir. Depuis 1992 et le Traité de Maastricht, les principales décisions sont prises au-dessus du président de l'Etat-membre de l'Union Européenne qu'est devenue la France. C'est la Commission Européenne qui décide des Grandes Orientations de Politique Economique; et c'est la Banque Centrale Européenne qui décide de la politique monétaire. On peut même ajouter que, depuis Nicolas Sarkozy et sa décision de placer l'armée française dans le commandement intégré de l'OTAN, c'est Washington qui décide des guerres auxquelles la France participe.
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