vendredi 6 juillet 2012

La crise a interrompu la forte croissance des hauts revenus

En 2009, le niveau de vie médian a quasiment stagné (+ 0,4 %) pour s'établir à 19.080 euros par personne, indique l'Insee. La crise s'est singularisée en touchant davantage à la fois les plus modestes et les plus aisés par rapport au reste de la population.




En plein débat sur la participation des plus riches à l'assainissement des finances publiques, les données publiées ce matin par l'Insee sur « les revenus et patrimoine des ménages » ne manqueront pas d'intéresser le gouvernement. Amorcée au printemps 2008, la crise a fortement freiné la progression des niveaux de vie des Français. Le niveau de vie médian (partageant la population en deux parts égales) a augmenté « d'à peine » 0,4 % en 2009 en euros constants par unité de consommation (lire ci-contre) pour s'établir à 19.080 euros par an. Le niveau de vie moyen s'est, lui, stabilisé à 22.140 euros.

Année de forte récession, 2009 aura marqué une rupture : de 1996 à 2008, le niveau de vie médian progressait en moyenne de 1,4 % par an. Et au cours des quinze dernières années, seules deux phases de stagnation avaient été enregistrées (1997 et 2002-2004).

Inégalités creusées par le haut

Une autre rupture s'observe dans les dispersions des niveaux de vie. « L'année 2009 constitue une des rares années où le niveau de vie des personnes les plus aisées baisse », relève l'Insee. Les 10 % des personnes les plus aisées ont vu leur niveau de vie moyen se replier de 1,2 % par rapport à 2008. « Ce recul provient d'une baisse des revenus des activités des indépendants et des revenus du patrimoine », explique l'étude. L'évolution est notable pour les très hauts revenus : pour appartenir aux 1 % des Français les plus aisés, il fallait déclarer au moins 86.700 euros de revenus pour une personne seule, soit 1,8 % de moins qu'en 2008. Le repli est de 6,8 % pour appartenir aux 0,1 % les plus aisés (6.500 personnes environ déclarant au moins 223.100 euros).

Entre 2004 et 2007, les très hauts revenus avaient augmenté bien plus vite que ceux de l'ensemble de la population, creusant les inégalités « par le haut ». En 2008, première année de crise, ce mouvement avait ralenti mais s'était poursuivi. En 2009, il s'est donc inversé.

Reste que ce recul doit être largement relativisé. D'une part, car il n'efface pas la forte croissance des années précédentes. Porté par les très hauts revenus, le niveau de vie des 10 % les plus aisés reste celui qui a progressé le plus vite entre 1996 et 2009 (+2 % par an, contre +1,3 % pour les autres ). En outre, la crise de 2009 « touche plus fortement les plus modestes », souligne l'Insee. Le niveau de vie moyen des 10 % les moins aisés s'est replié de 2,1 % en 2009, les mesures exceptionnelles de soutien et la mise en place du RSA ne compensant que partiellement l'impact de la hausse du chômage.

Au final, les catégories intermédiaires ont, elles, plutôt été épargnées par la récession : contrairement aux deux extrémités de l'échelle, leur niveau de vie baisse moins, voire continue à progresser. Et, là encore, cela change de ce qui avait été observé depuis 1996 où les niveaux de vie des plus modestes et des plus aisés augmentaient plus rapidement, venant nourrir le sentiment de déclassement des classes moyennes.

FRÉDÉRIC SCHAEFFER

Le niveau de vie

Le niveau de vie correspond au revenu disponible du ménage (prestations sociales comprises) net d'impôts directs, rapporté au nombre d' « unités de consommation ». Afin de tenir compte de la composition du ménage et des économies d'échelle procurées par la vie en commun (logement, etc.), l'Insee compte le premier adulte du ménage pour une unité de consommation, les autres personnes de plus de 14 ans pour 0,5 et chaque enfant de moins de 14 ans pour 0,3. Un couple avec un adolescent et un jeune enfant totalise donc 2,3 unités de consommation.

Écrit par Frederic SCHAEFFER
Journaliste

http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202153756656-la-crise-a-interrompu-la-forte-croissance-des-hauts-revenus-340514.php

8 commentaires:

Je a dit…

Bizarre, bizarre ce dernier décile "les plus aisés". Il y aurait de l'évasion fiscale que je ne serais pas surpris !

Les articles 63 à 66 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne interdisant tout contrôle sur les mouvements de capitaux, il me semble relativement aisé pour des personnes très aisées de placer leurs revenus imposables au Luxembourg ou à Malte; sans parler des comptes off shore ...

Je a dit…

Les « hauts » revenus désignent les revenus des 10% des foyers ayant les revenus les plus élevés.

Les foyers composant ce décile supérieur sont cependant très loin de constituer une caste homogène, notamment du point de vue de la nature des revenus perçus par les uns et les autres.

Je a dit…

Qui sont les hauts revenus ? La meilleure façon de répondre à cette question consiste à examiner la nature des revenus composant les revenus élevés : dans quelle mesure les hauts revenus sont-ils composés d’importants loyers, intérêts et dividendes perçus par des détenteurs de patrimoine (les « revenus du capital »), de bénéfices élevés dégagés par des travailleurs non-salariés (les « revenus mixtes »), de hauts salaires obtenus par des travailleurs salariés (les « revenus du travail »)?

Je a dit…

L’on pouvait en première analyse distinguer les groupes suivants parmi les 10% des foyers déclarant les revenus les plus élevés (cf. introduction générale, tableau 0-1 et graphique 0-1):

(i) Les « classes moyennes » (fractile P90-95) et les « classes moyennes supérieures » (fractile P95-99), dont les revenus s’échelonnent en 1998 entre 22000 francs et 28000 francs par mois (fractile P90-95) et entre 28000 francs et 49000 francs par mois (fractile P95-99). Ces « classes moyennes » ont la caractéristique en 1998 de percevoir l’immense majorité de leurs revenus sous forme de revenus du travail, c’est-à-dire de salaires et de pensions de retraites (près de 90% pour le fractile P90-95, près de 80% pour le fractile P95-99), tout comme la « moyenne » de la population.

(ii) Les « classes supérieures » (fractiles P99-99,5, P99,5-99,9 et P99,9-99,99), dont les revenus s’échelonnent en 1998 entre 49000 et 64000 francs par mois (fractile P99-99,5), entre 64000 et 120000 francs par mois (fractile P99,5-99,9) et entre 120000 et 340000 francs par mois (plus de 4 millions de francs par an) (fractile P99,9-99,99). Les revenus du capital et surtout les revenus mixtes (bénéfices des professions non-salariées, et notamment des médecins, avocats, gros commerçants,…) prennent de plus en plus d’importance à mesure que l’on monte dans la hiérarchie de ces « classes supérieures ».

(iii) Les « 200 familles » (fractile P99,99-100), qui en 1998 déclarent toutes plus de 4 millions de francs de revenu annuel, et dont le revenu annuel moyen dépasse les 7 millions de francs. Les revenus du travail comme les revenus mixtes prennent une importance minoritaire pour ce groupe social, qui dispose en 1998 de plus de 60% de ses revenus sous forme de revenus du capital, dont plus de 90% sous forme de revenus des capitaux mobiliers (et encore ne s’agit-il que des revenus effectivement déclarés au titre de l’impôt progressif sur le revenu, ce qui exclut notamment les revenus soumis au prélèvement libératoire et les plus-values).

Je a dit…

En 2017, sous la présidence d'Emmanuel Macron, la réforme de l'Impôt de Solidarité sur la Fortune a exclu les revenus des capitaux mobiliers du calcul de l'ISF. Ces revenus des capitaux mobiliers représentaient 85% des revenus des personnes les plus aisées.

Je a dit…

En France, tout au long du XXème siècle, à de très rares exceptions près, les revenus mixtes évincent progressivement les revenus du travail à mesure que l’on monte dans la hiérarchie des hauts revenus, avant d’être eux-mêmes évincés par les revenus du capital lorsque l’on pénètre dans les strates supérieures du centile supérieur.

Il s’agit là d’une régularité essentielle, qui correspond d’ailleurs assez bien à la perception commune de ce qu’est une société « capitaliste » : une société capitaliste est une société où les détenteurs du capital, qu’ils prennent la forme d’ « entrepreneurs » (les travailleurs non-salariés qui perçoivent des revenus mixtes) ou de capitalistes « purs » (les détenteurs de patrimoine qui perçoivent des revenus du capital sans travailler), prennent progressivement le pas sur ceux qui ne possèdent que leur travail à mesure que l’on monte dans la hiérarchie des revenus, et en particulier où les revenus les plus élevés sont constitués pour une large part de revenus ne correspondant à aucun travail présent et ne faisant que rémunérer la propriété du capital accumulé dans le passé.

Je a dit…

Lorsque nous examinons les rares études dont nous disposons sur la composition des hauts revenus dans les pays étrangers, nous voyons que cette caractéristique correspond non seulement à la perception commune de ce qu’est une société capitaliste, mais qu’elle se retrouve effectivement dans toutes les économies capitalistes et à toutes les époques pour lesquelles des données sont disponibles.

Je a dit…

Comme les Etats occidentaux (dont les gouvernements sont tous corrompus par le système de l'élection), les Etats-Unis les premiers, ont décidé de racheter tous les "actifs pourris" (crise des subprimes de 2007-2008) aux banques privées afin de sauver ces dites banques (ce qui revient à mutualiser les pertes alors que les actionnaires conservent pour leur bénéfice strictement privé tous les gains), la crise n'a été que très provisoire pour les plus hauts revenus.

L'Etat-providence est venu sauver les plus riches mais continue d'imposer l'austérité à la population de travailleurs prolétaires (non-propriétaires) afin que ceux-ci puissent payer les intérêts de la dette que les Etats traîtres souscrivent auprès des banques privées (alors qu'ils devraient créer eux-mêmes la monnaie dont ils ont besoin pour leurs investissements).