Il faut, dans un premier temps, savoir que la consommation d'écrans journalière d'élèves de 12 ans d'âge moyen est : 3h15 de télévision et 1h de jeux vidéo. C'est une consommation considérable: 1500 h par an pour moins de 1000h de cours. Pour se faire une idée, un employé à 35h hebdomadaires passe 1650 h au travail par an.
De manière générale, la télévision devient quotidienne à l’âge de 1 an et l'audience augmente de 1h tous les trois ans. Au collège on voit une accélération avec une augmentation d’audience de 40 minutes entre la 6ème (10-11 ans) et la 5ème (11-12 ans).
16% des élèves sont à plus de 2h de jeux vidéo par jour, reconnues par le parlement français en 2007 comme le seuil de cyberdépendance. 16% présentent une relation addictive à la télévision au regard des critères du DSM IV. 27% sont en surpoids et 6% sont obèses.
Pour mieux comprendre le lien entre surconsommation d'écrans et santé, réussite, socialisation, commençons par la petite enfance:
A l’âge de 2-3 ans, les études montrent toutes que le temps passé seul devant la télévision est un temps perdu.
ref: TROSETH G.L. et al., « The medium can obscure the message: young children's understanding of vidéo » Child. Dev., n° 69, 1998, p. 950 et passim.
SCHMIDT K.L. et at, « Two-year-olds' object retrieval based on television: testing a perceptual account Media Psychol., n° 9, 2007, p. 389 et passim.
DELOACHE J.S et al, “Do babies learn from baby media? », Psychol. Sci., n° 21, 2010. p. 1570 et passim.
Or, ce temps est pris sur les échanges dans la famille. Pour 1 heure de télévision par jour à 3-4 ans, c'est 20% d'échanges en moins avec les parents et 30% avec les frères et soeurs.
ref: Time Well Spent ? Relating Television use to Children's Free-Time Activities; Elizabeth A. Vandewater; 2006.
Ce temps perdu devant un écran de télévision, très mauvais vecteur d'éveil est donc pris sur celui de la communication et cela non sans conséquence.
ref CHONCHAIYA W. et al., «Television viewing associates with delayed language development », Acta Pediatr., n° 97, 2008, pp. 977 et passim.
ZIMMERMAN F.J. et par, « Associations between media viewing and language development in children under age 2 years », J. Pediatr., n" 151, 2007, p. 364 et passim
Une étude récente mentionnée dans l'émission « La tête au carré » de France Inter, présentait un résultat selon lequel la quantité et la variété des mots échangés avec un enfant de cet âge est un excellent prédicteur de son QI à 9 ans.
L'écran vient aussi en substitution aux jeux récréatifs comme le dessin. Une étude allemande menée sur près de 2000 enfants de 5-6 ans montre très bien l'impact de la télévision au travers du test du bonhomme. Le dessin du bonhomme entre 4 et 9 ans est un élément moteur de la perception du corps humain et de l'entrée dans la représentation symbolique. Sujet intéressant et étudié depuis un siècle. Il se trouve aussi qu'il est un bon indicateur du QI. Autrement dit un retard dans l'évolution du dessin du bonhomme indique un fort risque de retard de QI.
Dessins réalisés par des enfants de 5-6 ans
a - moins de 60 minutes de télévision quotidiennes
b- plus de trois heures de télévision quotidiennes
c- enfants dont la mère a fumé plus de 20 cigarettes par jour pendant la grossesse
a - moins de 60 minutes de télévision quotidiennes
b- plus de trois heures de télévision quotidiennes
c- enfants dont la mère a fumé plus de 20 cigarettes par jour pendant la grossesse
ref WINTERSTEIN P. et al., « Medienkonsum und passivrauchen bei vorschulkindern », Kinder und Jugendarzt, n° 37, 2006, p. 205 et passim.
Il est aussi reconnu scientifiquement que la télévision détourne de la lecture un élève qui présente quelques difficultés dans son apprentissage. En 20 ans, le nombre d'élèves en grandes difficultés de compréhension écrite a été multiplié par 2.
ref: MACBetch T et al, « The Impact of Television: A Canadien Natural Experiment » 1973
INSEE L’évolution du nombre d’élèves en difficulté face à l’écrit depuis une dizaine d’années Jeanne-Marie Daussin, Saskia Keskpaik, Thierry Rocher 2009
Enfin une énorme étude américaine a conduit à suivre un groupe de 1000 personnes pendant 25 ans pour analyser l'impact de la télévision sur la réussite scolaire.
ref: JOHNSON J.G. et al., « Extensive television viewing and the development of attention and learning difficulties during adolescence » 2007
Et une autre étude, néo-zélandaise, au moins aussi importante, montre des conséquences sociétales.
ref: HANCOX R.J. et al, « Association of television viewing during childhood with poor educational achievement »2005
L'équipe du Professeur Johnson obtient aussi des résultats sans appel sur le lien entre surexposition (à la télévision) et troubles du comportement.
ref JOHNSON J.G. « télévison viewing and Agressive behavior during adolescence and adulthood » Science, Mars 2002
Le jeu vidéo n'entre pas dans l'analyse faite jusqu’ici. Et aucune étude à ma connaissance n'a été menée sur l'impact du jeu vidéo sur la santé ou la socialisation. On peut penser, et c'est le sentiment commun des joueurs que le jeu vidéo est un exutoire. Cependant, le jeu semble avoir un très fort impact sur la réussite scolaire par le biais de la démotivation. En effet, on constate dans une étude conduite sur 300 élèves que le jeu vidéo est lié à une profonde démotivation pour l'école et à une chute des résultats. Pas pour tous les joueurs bien évidemment. D'autre part les joueurs sont majoritairement des garçons et jouent en moyenne plus longtemps que les filles. Parallèlement à cela, on observe un creusement des résultats entre les garçons et les filles depuis l'an 2000 en France, mais aussi à l'échelon de L'OCDE (2 milliards d'humains) ceci 8 ans après la sortie de la super Nintendo, et l’arrivée massive des consoles dans les foyers. Isochronie me direz vous, et vous aurez raison. Mais un impact discriminant les sexes, à l'échelle mondiale, c'est-à-dire indépendant des systèmes éducatifs, des religions, des coutumes locales, laisse entendre que l'origine est dans les activités communes à cette classe d'âge.
ref L’évolution du nombre d’élèves en difficulté face à l’écrit depuis une dizaine d’années; Jeanne-Marie Daussin;2011
Etat de l'ecole 2012 MEN
Un rapport de l'OCDE parle d'une plus forte baisse de la motivation chez les garçons que chez les filles et d'un temps de lecture moindre.
Ces quelques éléments permettent de penser raisonnablement que des études s'imposent.
Enfin, en dernier point : l'association entre prise de poids et surconsommation d'écran. Elle s'articule sur trois axes :
- sous consommation énergétique pendant les heures d'écrans,
- modification du régime alimentaire vers le sucré salé gras par le biais du modèle alimentaire véhiculé par les séries et les films et surtout la publicité
- et enfin, augmentation du bol alimentaire. La télévision étant allumée dans 80 % des foyers des mes élèves pendant le repas, cela induit une surconsommation alimentaire liée à un sentiment de satiété différé.
ref :
DIETZ W.H. Jr. et al, « Do we fatten our children at the television set? Obesity and television viewing in children and adolescents » Pediatrics,
n°75, 1985 p 807 et passim.
GORTMAKER S.L. et al, « television viewing as a cause of increasing obesity among children in the united states, 1986-1990 »
LOWRY R et al, « television viewing and its associations with overweight sedentary lifestyle » 2002.
GANTZ W. et al , »Food for thought: television food advertising to children in the United States » The Kaiser Family Foundation, mars 2007.
SALMON J. et al« television viewing habits associated with obesity risk factors a survey of melbourne schoolchildren » 2006
BLASS E.M. et al. « On the road to obesity: television viewing increase intake of high-density foods » 2006
LADNHUIS E.C. et al« programming obesity and poor filtness: the long term impact of childhood television »2008
Source : DELIGNY Hugues
2 commentaires:
Dans le Science et Vie Junior n°279 que je viens de recevoir, l'article "100% Sciences Quotient intellectuel" affirme que "Vous [les adolescents] êtes plus intelligent que vos parents !".
C'est le résultat d'une longue étude de James Flynn, spécialiste en sciences politiques.
Page 38, Anne Lefèvre Balleydier, l'auteur de l'article, explique l'augmentation du QI grâce à l'amélioration des conditions de vie (nourriture, logement, santé ...), de scolarisation (des enfants et des parents), à la baisse de la natalité (moins d'enfants, on peut mieux s'en occuper).
"Mais si nous devenons plus intelligents, ce n'est pas seulement grâce à nos compétences scolaires" (p.39) ... et là, l'auteur de l'article dit "Merci les nouvelles technologies !" car elles aident à la manipulation des icones (utiles pour répondre aux tests "matrices de Raven"), et plus particulièrement aux "ordinateurs, aux tablettes tactiles et aux téléphones mobiles" tout en reconnaissant qu'il y a un tassement dans la progression du QI voire une diminution dans certains pays (Danemark, Norvège ...) depuis une dizaine d'années.
N'est-ce pas contradictoire ?
Effectivement l'effet "Flynn" basé sur l’évolution du QI est connu. Il décrit l'augmentation constante du QI des adultes au cours du XXème siècle. Cette augmentation s'arrête en 2000 et depuis, en particulier dans une énorme étude danoise, on voit une baisse progressive des résultats. L’extrême droite danoise accuse les immigrants tiers-mondistes d'en être la cause. Il faut bien comprendre que la télévision ne produit pas de détérioration mentale, comme les drogues, elle empêche un développement optimal du cerveau au cours de l'enfance et cela est directement lié au nombre d'heures par jour devant les écrans. Or, l'arrivée en France et en Europe d'une très forte consommation d'écrans est décalée de 15 ans par rapport aux USA. Aux USA, c'est entre les années 1970 et 1980 que les effets sur les adultes sont apparus, logiquement en Europe c'est entre les années 1995 et 2000. Ce qui correspond assez bien avec l’évolution de l'effet Flynn.
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