vendredi 25 août 2017

Haïti

Lors d'une récente émission de télévision (sur la chaîne mauricienne MBC ... car je dois dire que je ne regarde plus la télévision française devenue un outil de propagande à la solde des milliardaires), trois historiens et une archéologue ont expliqué aux téléspectateurs que le marronnage a toujours existé comme forme de résistance la plus poussée contre l'esclavage.


Malheureusement, tôt ou tard, les esclaves en fuite étaient repris et sévèrement châtiés. Même le légendaire Spartacus (principal chef des révoltés lors de la Troisième Guerre servile en Italie entre 73 et 71 av. J.-C) ne put jouir de la liberté que deux années. Pourtant, au plus fort de ses batailles, l'armée de Spartacus aurait compté près de 120 000 combattants.

 

De tous les exemples qui furent donnés par les historiens, le seul qui fut réellement pérenne est à porter au crédit des révoltés d'Haïti.


Histoire de la colonisation européenne

Découverte le 5 décembre 1492 par Christophe Colomb qui l'appela Hispaniola (Petite Espagne) et y laissa quelques hommes, l'île fut ainsi le siège du premier établissement européen permanent en Amérique. Les Espagnols étendirent leur domaine surtout dans la partie orientale où ils créèrent des plantations employant une main-d’œuvre noire : les indigènes caraïbes ayant été décimés par le travail forcé, puis pratiquement éliminés après un soulèvement, les colons avaient eu recours à la traite dès 1517.

Les Français, établis dans la petite île de la Tortue, proche de la côté nord, prirent pied sur la grande île au début du XVIIème siècle. Après une longue période pendant laquelle Français et Espagnols s'affrontèrent confusément, l'Espagne céda officiellement à la France, la partie occidentale de l'île par le traité de Ryswick (1697). Sous le nom de Saint-Domingue, la France allait faire de cette colonie, toujours grâce à la traite qui connut alors un développement considérable, la plus riche possession française des Indes occidentales, productrice de tabac, d'épices et surtout de sucre, denrées qui étaient expédiées vers Nantes. Environ 500.000 Noirs travaillaient sur les plantations.

Révoltes des esclaves africains

Cette prospérité n'était pas sans ombres. Une première révolte d'esclaves éclate en 1722. Plus tard, les échos de la lointaine révolution française sont à l'origine de l'insurrection générale qui éclate en 1791, sous la direction de Toussaint Louverture.


La conjuration des possédants (anciens ennemis européens) contre les marrons africains

Les planteurs blancs, hostiles à la libération des Noirs, sont aidés par des troupes anglaises venues de la Jamaïque et par des Espagnols de la partie orientale de l'île. Pour ramener la paix, la Convention (Première République française) abolit l'esclavage en 1794 mais la guerre civile continue. Toussaint Louverture contribue à expulser les Anglais, s'empare du territoire espagnol, promulgue une Constitution (1801), mais il est capturé en 1802 par les troupes envoyées de France (corps expéditionnaire du général Charles Victoire Emmanuel Leclerc).


Le rétablissement de l'esclavage entraîne la reprise immédiate de l'insurrection sous la conduite d'un lieutenant de Toussaint, Jean-Jacques Dessalines, qui, en quelques mois, chasse les Français et proclame l'indépendance le 1er janvier 1804.


Les nouveaux hommes libres afro-caribéens imitent leurs anciens maîtres et n'arrivent pas à rester unis

Jean-Jacques Dessalines prend le titre d'empereur de Haïti (ancien nom de l'île du temps des Indiens Caraïbes), nom qui remplacera désormais celui de Saint-Domingue pour désigner la partie occidentale de l'île.
Dès qu'il devient empereur, Jacques Ier fait massacrer les Français « qui espéraient le retour de l'ordre ancien en Haïti » et poursuit une politique de servage ou « caporalisme agraire » (pour reprendre l'expression de Michel-Rolph Trouillot) destinée à maintenir les profits de l'industrie sucrière par la force, sans esclavage proprement dit.
Son gouvernement ayant décidé d'entreprendre une réforme agraire au profit des anciens esclaves sans terre, il est assassiné le à Pont-Rouge, au nord de Port-au-Prince, par ses collaborateurs, Alexandre Pétion, Jean-Pierre Boyer, André Rigaud et Bruno Blanchet qui servaient d'intermédiaires entre tous sans oublier Henri Christophe qui se trouvait dans le nord.
Quelques années plus tard, en 1809, l'est de l'île se libérait de la tutelle espagnole et devenait la République Dominicaine. Réunie temporairement à Haïti en 1822, elle s'en séparait définitivement en 1843.

Haïti a connu depuis le début du XIXème siècle des difficultés presque continuelles : scission opposant le nord (où règne le "roi" Christophe ; 1806-1809) et le sud; réunification en 1818 par le métis Jean-Pierre Boyer, qui obtint en 1825 la reconnaissance de la République de Haïti par la France; puis, après l'exil de Boyer en 1843, succession de coups d’État, tandis qu'un conflit latent oppose Haïti à la République Dominicaine.


Une nouvelle puissance coloniale (les États-Unis d'Amérique) prend la place des Français et des Espagnols

La situation d'instabilité politique amena le gouvernement des États-Unis à intervenir en juillet 1914. Pendant 20 ans, des troupes américaines stationnent à Port-au-Prince et un contrôle étroit est exercé sur le gouvernement haïtien, contrôle progressivement levé à partir de 1932.
En 1935, une "Constitution démocratique" est enfin votée mais elle devait être révisée à plusieurs reprises et, après une nouvelle période d'instabilité, les présidents Paul Magloire (1950-1956), François Duvalier "Papa Doc" (1957-1971) et Jean-Claude Duvalier "Bébé Doc" (1971-1986) exercent un pouvoir dictatorial.

 

Ces trente dernières années

Près d'une vingtaine de chefs d’État d'Haïti ("Président du Conseil national de gouvernement", "Président-e de la République d'Haïti à titre provisoire", "par intérim", etc.) se succèdent depuis 1986. Jean-Bertrand Aristide (prêtre défroqué qui a été à plusieurs reprises président de la République d'Haïti : en 1991, de 1993 à 1994, puis de 1994 à 1996, et finalement de 2001 à 2004 avant son départ en exil le à la suite d'un coup d'État) et son ancien premier ministre
René Garcia Préval (Premier ministre en 1991 et président de la République de 1996 à 2001 et de 2006 à 2011). semblent les seuls à avoir apporté un peu de stabilité dans ce pays en proie à une misère grandissante. 


Quel projet de société ces hommes politiques, ces dirigeants d'un peuple haïtien à l'agonie, vont-ils donc enfin mettre en place pour honorer la mémoire des 500.000 marrons qui se sont battus contre les esclavagistes et qui ont réussi à battre Espagnols, Anglais et Français napoléoniens tous ligués contre eux !?


Source (entre autres) : encyclopédie Focus Bordas, Géographie, tome B, page 813, publié en 1979

4 commentaires:

Je a dit…

A partir du XVIIIe siècle, des voix s’élèvent pour dénoncer l’esclavage, notamment chez les philosophes. L’esclavage est aboli par étapes. En 1833, l’Angleterre supprime l’esclavage, suivie par la France en 1848 et par les Etats-Unis en 1865. A la fin du XIXe siècle, l’égalité juridique est la règle dans l’ensemble des pays d’Europe et d’Amérique du Nord. En France, la lutte contre l’esclavage est symbolisée par deux hommes : Toussaint Louverture, ancien esclave de l’île de Saint-Domingue et Victor Schoelcher, représentant de l’Etat français aux Antilles.

Source : http://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2015/04/les-concepts-organisateurs-de-la_52.html

Je a dit…

Chez les Taïnos, Ayiti signifierait selon les versions : « terre des hautes montagnes » ou « la montagne dans la mer », ou « âpre terre ».

Je a dit…

La Constitution de Toussaint Louverture, celle du 8 juillet 1801, autonomiste et autocratique est inspirée de la constitution de l’an VIII, notamment pour la prééminence de l’exécutif et du militaire. Cette constitution le nomme gouverneur à vie, et consacre le catholicisme comme religion d’État mais elle reconnaît aussi la liberté générale.

Je a dit…

On désigne par l'expression guerre servile, ou révolte servile, les révoltes d'esclaves (servus en latin) survenues à l'époque de la République romaine. De nombreuses révoltes d'esclaves ont jalonné l'histoire de la République romaine. Les trois plus importantes d'entre elles sont connues sous le nom de Première, de Deuxième et de Troisième guerre servile. Elles se déroulèrent dans les zones d'agriculture intensive où l'exploitation des latifundia employait un grand nombre d'esclaves, durement traités, en Sicile et en Campanie. Par extension, le terme « guerre servile » s'applique actuellement à toute révolte d'esclaves.