Rédacteur : Patrick ARTUS
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Le multiplicateur monétaire (de crédit)
est la théorie qui explique quel montant de crédit (de masse monétaire)
peut être distribué par les banques à partir de la base monétaire créée
par la Banque Centrale. Nous rappelons cette théorie et examinons dans
quelle mesure elle était vérifiée dans le passé, dans les économies plus
fermées financièrement. Dans le Monde contemporain, la mobilité
internationale des capitaux a beaucoup augmenté, ainsi que
l’intermédiation des flux de capitaux par les banques centrales. Nous
montrons comment ceci a fait apparaître une internationalisation des
bases monétaires.
De ce fait, le multiplicateur monétaire n’a plus de sens au niveau national ou régional, ce que montrent d’ailleurs biens les évolutions observées, mais seulement au niveau mondial.
La théorie habituelle (en économie fermée) du multiplicateur monétaire (de crédit) fonctionne comme suit:
– la Banque Centrale fait une
politique monétaire expansionniste, c’est-à-dire achète des titres (des
actifs) aux banques et accroît d’un montant identique les comptes de
réserves des banques ;
– les banques commerciales vont
alors utiliser ce supplément de réserves à la Banque Centrale pour
distribuer un supplément de crédit, qui prend initialement la forme d’un
supplément identique des dépôts;
– mais ce supplément de crédit se heurte à deux limites :
- les réserves obligatoires des banques s’accroissent avec le crédit et /ou le dépôt, ce qui consomme la hausse initiale des réserves des banques à la Banque Centrale ;
- une partie du supplément de dépôts lié à la hausse du crédit ne reste pas sous la forme de dépôts bancaires (dans le modèle usuel, une partie devient des billets) ; ceci consomme aussi une partie des réserves des banques.
– Au total, la hausse du crédit rendue
possible par une hausse initiale de la base monétaire (le
multiplicateur de crédit, ou le multiplicateur monétaire puisque
la hausse de la masse monétaire sous toutes ses formes est égale à
celle du crédit) est d’autant plus faible que le taux de réserves
obligatoires est élevé et qu’une partie importante des dépôts
initialement créés passe sous une autre forme.
Le multiplicateur monétaire (de crédit) dans le passé
« Dans le passé » signifie : avant que
l’augmentation des flux de capitaux internationaux ne perturbe la
théorie du multiplicateur.
De 1980 à 1995,
– le multiplicateur
monétaire a valu de 8 à 9 aux États-Unis, 9 environ dans la zone euro,
10 à 15 au Royaume-Uni, 10 à 12 au Japon
Pourquoi la globalisation financière perturbe le multiplicateur monétaire:
La raison de la perturbation du
multiplicateur monétaire (de crédit) par la globalisation est simple :
le fait que les flux internationaux de capitaux deviennent de grande
taille peut « transporter » la base monétaire d’un pays à l’autre.
L’ampleur des flux de capitaux (de
portefeuille et à court terme, s’accroît à partir du milieu des années
1990 aux Etats-Unis du début des années 1990 dans la zone euro et au
Royaume-Uni des années 2000 au Japon .
Pourquoi y-a-t-il « transport » de la base monétaire ?
Dans le passé un pays avec un excès (ex
ante) d’épargne, s’il y avait faible mobilité internationale des
capitaux, rééquilibrait son économie par une baisse des taux d’intérêt
et un supplément d’investissement.
Aujourd’hui, les pays avec un excès
d’épargne ex ante comme la Chine, les pays émergents d’Asie,
exportateurs de matières premières, (ce que montre la situation de leurs
balances courantes exportent ce supplément d’épargne très largement, au
travers des Banques Centrales.
Le fait que les banques centrales
intermédient largement le placement de l’excès d’épargne de ces pays,
par l’accumulation de réserves de change (d’actifs étrangers) explique
la création de base monétaire puisqu’elles créent de la monnaie Banque
Centrale pour financer l’achat d’actifs étrangers.
Il y a bien alors « transport » de la base monétaire :
– si les Banques Centrales des pays à
excédent d’épargne achètent des actifs liquides (il s’agit
essentiellement de dépôts bancaires), ce qui représente 30 % des
réserves de change, elles alimentent la liquidité bancaire dans les
grands pays de l’OCDE, comme le ferait directement une politique
monétaire expansionniste dans ces pays.
– si les banques centrales des pays à
excédent d’épargne achètent des titres (obligations graphique 12) dans
les grands pays de l’OCDE en créant leur propre monnaie, elles font ce
que feraient les banques centrales de ces pays (acheter des titres
contre création monétaire) pour réaliser une politique monétaire
expansionniste.
On peut représenter ce transport des bases monétaires comme suit :
Synthèse : la disparition de la notion de multiplicateur monétaire (de crédit) avec la globalisation financière
Dans des économies financièrement assez
fermées la notion de multiplicateur monétaire (de crédit) a un sens :
une base monétaire choisie par la Banque Centrale permet d’obtenir une
quantité de crédit et de masse monétaire déterminée par les
caractéristiques du pays : taux de réserves obligatoires, structure des
actifs monétaires.
Dans des économies financièrement
ouvertes ou, dans les pays à excédent d’épargne, le réinvestissement de
cet excédent est effectué par les Banques Centrales. La base monétaire
générée par l’accumulation de réserves de change dans les pays à
excédent d’épargne se déplace, on l’a vu, d’un pays à l’autre.
De ce fait, le multiplicateur monétaire
(de crédit) n’a plus de sens sur une base régionale ou nationale : du
crédit dans un pays peut être basé sur de la base monétaire créée dans
un autre pays.
Le multiplicateur de crédit augmente
fortement aux États-Unis depuis 2004 (contraction de la base monétaire
sans contraction du crédit, ), aussi au Royaume-Uni et au Japon depuis
2006 pour les mêmes raisons. Ceci ne se voit pas dans la zone euro pour
laquelle la base monétaire croît encore vite
A l’inverse, les pays qui exportent de la
liquidité connaissent une baisse du multiplicateur de crédit: Chine ,
Monde hors (Etats-Unis + Zone Euro + Royaume Uni + Japon)
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