Mais ... que signifient ces deux expressions ?
Faut-il comprendre que le “droit positif” s'opposerait à un "droit négatif"; le "droit naturel" serait-il "négatif" ?
Quand on doute, c'est toujours intéressant d'en revenir à l’étymologie.
L'adjectif "positif" vient du latin positum (posé en français). Au lieu de le traduire en “positif” (qui suggère que tout autre droit est “négatif”), on aurait dû le nommer “droit posé” voire, encore plus explicitement : ”droit imposé”. Tout s’éclaire quand on en revient au sens d’origine !
Une fois évincé le “droit [faussement appelé] positif”, reste à définir ce qu’est le “droit naturel”.
Le droit naturel (en latin jus naturale) est l'ensemble des normes théoriques prenant en considération la nature de l'homme et sa finalité dans le monde. Le droit naturel s'oppose au droit positif, et diffère du concept de loi naturelle [1]. En outre, le droit naturel se distingue des droits naturels : ces derniers se réfèrent à des droits subjectifs[2], tels que les droits de l'homme. On parle de droits naturels pour ceux-ci parce qu'on présume que ces droits seraient issus de la nature humaine[3], et qu'ils seraient donc inhérents à chacun, indépendamment de sa position sociale, de son ethnie, de sa nationalité, ou de toute autre considération.
Les premières formulations du concept de droit naturel viennent de l'école de Salamanque, et ont ensuite été reprises et reformulées par les théoriciens du contrat social [4] (Hobbes, Locke, Rousseau) à partir de la notion nouvelle pour l'époque d'état de nature. [5]
Les théoriciens et les défenseurs de la notion de droit naturel sont appelés « jusnaturalistes », et la doctrine correspondante « jusnaturalisme ».
Au sens large, le droit naturel désigne toute recherche objective de normes de droit en fonction des seules caractéristiques propres à l'être humain, indépendamment des conceptions du droit déjà en vigueur dans les sociétés humaines. Juridiquement le droit naturel est une « règle considérée comme conforme à la nature (de l'homme ou des choses) et à ce titre reconnue comme de droit idéal. » Le droit naturel s'oppose au positivisme juridique.
Le droit naturel étant supposé exister partout même s'il n'est pas effectivement appliqué et sanctionné, il n'est donc pas nécessairement un droit opposable ; étant fondé sur la nature humaine et non sur la réalité sociale dans laquelle vit chaque individu, le droit naturel est réputé universellement valable même dans les lieux et aux époques où il n'existe aucun moyen concret de le faire respecter.
L'expression « droit naturel » est susceptible d'acceptions légèrement différentes :
- recherche du juste par une analyse rationnelle et concrète des réalités sociales dans leur contexte mondial, orientée par la considération de la finalité de l'homme dans l'Univers ;
- principes immuables, découverts par la raison, permettant d'éprouver la valeur des règles de conduite admises par le droit objectif, qui dérivent du comportement « naturel » (instinctif) des êtres.
-----
Lexique[1] Les lois naturelles sont les « lois de la nature », soient telles que des démarches scientifiques (en particulier inspirées par le principe de causalité) s'efforcent de les révéler et décrire, notamment dans leur régularité et universalité, soient telles qu'elles s'imposent à tout homme qui ne pourrait s'y soustraire dans aucune de ses actions ou décisions, particulièrement dans l'ordre du politique. Il s'agit ainsi d'un concept de la philosophie politique bien que la notion de « loi de la nature » soit utilisé dans l'épistémologie des sciences classiques, remise en cause au XXe siècle.
[2] Le droit subjectif (souvent au pluriel : les droits subjectifs) désigne une prérogative juridique attribuée à une personne par le droit pour régir ses rapports en société, dont elle peut se prévaloir dans son propre intérêt. Ce droit peut être de différente nature : droit créance, droit à la liberté d'expression, droit de propriété, etc. Dans le langage courant, on affirme souvent qu'une personne a « des droits ». Les droits subjectifs sont une notion fondamentale dans les systèmes juridiques de droit civil.
Le terme « droit subjectif », datant du XIXe siècle, indique que le droit appartient à un sujet de droit (notamment les personnes physiques et les personnes morales, etc.). On l'oppose souvent au droit objectif, qui lui désigne l'ensemble des règles et principes qui régissent la vie des sociétés humaines. Ainsi, les droits subjectifs sont les prérogatives particulières (concrètes) dont une personne peut se prévaloir, soit sur une chose (droits réels), soit sur une personne (droits personnels, dits aussi « droit de créance ») déterminée. De ce fait, les droits subjectifs découlent du droit objectif : c'est le droit objectif qui confère aux sujets leurs droits subjectifs.
Le droit subjectif peut être entendu comme la relation juridique vue par le créancier.
On doit donc obéir au droit objectif, alors que l'on est titulaire d'un ou plusieurs droits subjectifs: « [...] si le droit objectif nous permet de faire quelque chose, nous avons le droit subjectif de le faire ».
Exemple : la vitesse est limitée à 90 km/h (en France) sur les routes nationales. C'est une règle générale, qui doit être suivie par tous. C'est une règle du droit objectif. Par contre, celui qui doit 100 € à quelqu'un ne les doit qu'à ce créancier, et est le seul à les lui devoir.
Le créancier est donc titulaire d'un droit subjectif à l'encontre de son débiteur. Seules ces deux personnes étant concernées (elles sont dites : « parties » à l'obligation), tandis que l'automobiliste obéit au droit objectif, en ce que tous les automobilistes sont concernés par la règle.
Dans les systèmes juridiques de droit civil, les droits subjectifs sont souvent divisés en deux catégories : les droits patrimoniaux et les droits extra-patrimoniaux.
[3] L'humanité est à la fois l'ensemble des individus appartenant à l'espèce humaine mais aussi les caractéristiques particulières qui définissent l'appartenance à cet ensemble.
L'humanité réunit aussi certains des traits de personnalité d'un individu qui, par exemple, amplifient les qualités ou les valeurs considérées comme essentielles à l'humain, telles que la bonté, la générosité.
Le concept d'humanité est aussi à rapprocher de la notion de nature humaine qui souligne l'idée que les êtres humains ont en commun certaines caractéristiques essentielles, une nature limitée et des comportements spécifiques. Ce qui les différencie des autres espèces animales.
La question qui se pose est donc double. D'une part, on doit s'interroger sur le « propre de l'Homme » : quelles sont les particularités de la physiologie et du comportement humain que l'on ne retrouve pas dans le reste du règne animal ? Et d'autre part, cette notion pose la question de l'unité de l'Homme : dans quelle mesure ces spécificités sont-elles véritablement partagées par tous les membres de l'espèce humaine, hommes et femmes, avec notamment le problème posé par l'ethnocentrisme qui essentialise des caractéristiques (par exemple la couleur de la peau) ou des comportements propres à tel ou tel groupe humain ou à telle tradition culturelle et qui, par conséquent, refuse le statut d'humain à des individus d'une autre ethnie.
Ces questions ont d'abord été abordées sous les angles de la philosophie et de la religion. Une illustration de ces débats fut la controverse de Valladolid (en 1550) qui posa la question du statut des Amérindiens. Par la suite, et notamment à partir du XVIIIe siècle, ces questions seront reprises dans une perspective scientifique croisant les approches de la zoologie, de l'éthologie, de l'anthropologie, de la génétique et de la paléoanthropologie. Bien que reposant sur une démarche scientifique, ces approches ont été et continuent parfois d'être critiquées pour ce qu'elles restent influencées, voire biaisées, par les idéologies des sociétés contemporaines. De nos jours, les différentes conceptions de l'humanité ont des implications morales, éthiques, scientifiques, juridiques et environnementales qui s'expriment, par exemple, dans les débats sur la personnalité juridique de l'embryon humain ou le statut des grands singes.
Note : les concepts de Nature humaine et de Condition humaine ne doivent pas être confondus.
[4] Le contractualisme aussi appelé théorie du contrat, est un courant moderne de philosophie politique qui pense l'origine de la société et de l'État comme un contrat originaire entre les hommes, par lequel ceux-ci acceptent une limitation de leur liberté en échange de lois garantissant la perpétuation du corps social.
Le contrat social présuppose un état de nature avec lequel il rompt, état préexistant à toute société organisée. Cet état de nature ne correspond nullement à une réalité historique qui aurait précédé l'instauration des lois, mais à l'état théorique et hypothétique de l'humanité soustraite à toute loi.
La théorie du contrat social, en rompant avec le naturalisme politique des philosophes classiques (platoniciens et aristotéliciens), introduit la notion d'égalité politique, formelle et matérielle à partir de l'époque moderne.
Cette théorie est à l'origine d'une grande partie des idées de la Révolution française, inspirées par le contrat social de Jean-Jacques Rousseau. La théorie du contrat social s'est opposée à la société d'ordres et aux corporations d'Ancien Régime, héritières des communautés de métiers du Moyen Âge.
[5] L’état de nature est une notion de philosophie politique forgée par les théoriciens du contrat à partir du XVIIe siècle qui s'oppose à l'état civil. Elle désigne la situation dans laquelle l'humanité se serait trouvée avant l'émergence de la société, et particulièrement avant l'institution de l'État et du droit positif. Bien que certains aient cru à la réalité de l'état de nature, le concept est d'ordinaire pensé comme une hypothèse méthodologique, utile indépendamment de sa véracité historique. Il existe différentes conceptions de l'état de nature, largement différentes selon leurs auteurs. On retrouve sur les débats au sujet de l'état de nature l'idée du Bon Sauvage (d'une nature innocente ou bonne), et celle de Hobbes (d'une nature mauvaise), entre autres. Dans tous les cas, l'état de nature est situé dans un temps reculé, avant la naissance des sociétés étatiques. Selon le point de vue des partisans d'une nature bonne (ou innocente), le développement des sociétés étatiques met globalement fin à cet état.
17 commentaires:
Thomas Hobbes (1588–1679), auteur du Léviathan, John Locke (1632-1704) qui s'est aussi intéressé aux prémisses de ce qui sera appelé à compter du XIXe siècle le libéralisme, et Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), auteur du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755) et Du contrat social (1762) ont essayé de définir le "droit naturel" par l'usage de leur raisonnement mais en se basant sur des hypothèses intellectuelles subjectives.
Il leur manquait les données scientifiques objectives : celles de l'anthropologie et de l'ethnologie.
L'anthropologie étudie dans son acception la plus large le genre humain. Elle s'est développée au cours du XIXe siècle pour répondre aux observations faites sur la diversité physique et culturelle de l'espèce humaine.
L'anthropologie est une science, située à l'articulation entre les différentes sciences humaines et naturelles, qui étudie l'être humain sous tous ses aspects, à la fois physiques (anatomiques, morphologiques, physiologiques, évolutifs, etc.) et culturels (social, religieux, psychologiques, géographiques, etc.). Chapitre le plus vaste de l'histoire naturelle, l'anthropologie constitue une monographie sur le type ou genre homo, qui décrit et analyse les « faits anthropologiques », c'est-à-dire caractéristiques de l'hominisation et de l'humanité.
Le terme anthropologie vient de deux mots grecs, anthrôpos, qui signifie « homme » (au sens générique), et logos, qui signifie parole, discours. La démarche anthropologique « prend comme objet d’investigation des unités sociales de faible ampleur à partir desquelles elle tente d’élaborer une analyse de portée plus générale, appréhendant d’un certain point de vue la totalité de la société où ces unités s’insèrent ».
Le terme « ethnologia » est utilisé pour la première fois par Adam Franz Kollár (1718-1783) dans Historiae ivrisqve pvblici Regni Vngariae amoenitates,Vienne, 1783. L'ethnologie ne s'est donc séparée de la littérature et de l'exotisme vers la fin du XVIIIe siècle.
L'ethnologie est l'une des sciences humaines et sociales : elle relève de l'anthropologie et est connexe à la sociologie. Son objet est l'étude comparative et explicative de l'ensemble des caractères sociaux et culturels « les plus manifestes comme les moins avou[é]s » des groupes humains, caractères évolutifs qui sont plus ou moins propres à tel ou tel groupe (ou bien que ce groupe partage avec d'autres, mais dont les variantes ou le mélange lui sont plus ou moins propres), et qui en font (ou sont censés en faire) une « ethnie ». À l'aide de théories et concepts qui lui sont propres, elle tente de parvenir à la formulation de la structure, du fonctionnement et de l'évolution des sociétés. Elle comporte notamment deux théories opposées, le fonctionnalisme de Bronislaw Malinowski et le structuralisme de Claude Lévi-Strauss.
Fonctionnalisme en anthropologie
Il a été initié par Bronislaw Malinowski et Radcliffe-Brown. Il apparaît pour la première fois dans l'ouvrage de Bronislaw Malinowski intitulé Les Argonautes du Pacifique occidental, produit d'un long travail d'observation participante qu'il réalisa dans les îles Trobriand. Néanmoins, ayant trouvé chez Émile Durkheim une même mise en rapport des fonctions et des besoins, Malinowski en fait le père du fonctionnalisme.
Ce courant veut apposer à chaque fait social une ou des fonctions qui le déterminent. Autrement dit, chaque élément de la culture possède une certaine tâche à accomplir — une fonction —, qui présente une part irremplaçable de la totalité organique.
Le structuralisme est un ensemble de courants de pensée holistes apparus principalement en sciences humaines et sociales au milieu du XXe siècle, ayant en commun l'utilisation du terme de structure entendue comme modèle théorique (inconscient, ou non empiriquement perceptible) organisant la forme de l'objet étudié pris comme un système, l'accent étant mis moins sur les unités élémentaires de ce système que sur les relations qui les unissent. La référence explicite au terme de structure, dont la définition n'est pas unifiée entre ces différents courants, s'organise progressivement avec la construction institutionnelle des sciences humaines et sociales à partir de la fin du XIXe siècle dans la filiation positiviste ; elle reste l'apanage de la linguistique et de la phonologie jusqu'à sa généralisation après 1945.
La délimitation des frontières intellectuelles du structuralisme après 1945 est devenu un champ de recherche à part entière, complexe et en évolution, avec des divergences importantes en fonction des pays et des disciplines universitaires. Le terme désigne communément le mouvement d'idées pluridisciplinaire essentiellement français des années 1950 à 1970 marquée par sa volonté de rupture intellectuelle, son rejet de la dimension historique et temporelle (diachronie) et son formalisme dans la notion de structure ; ce « moment structuraliste », inspiré essentiellement de la linguistique saussurienne, a débordé largement les frontières universitaires pour envahir le champ littéraire, médiatique et politique. Il s'est organisé autour d'un petit nombre de personnalités-phares comme Claude Lévi-Strauss en anthropologie, Roland Barthes en littérature, Jacques Lacan en psychanalyse, Michel Foucault et Louis Althusser en philosophie.
Cependant la pluralité des disciplines concernées et des méthodologies employées rend compte du caractère hétérogène de cette définition classique, et certains auteurs (comme Jean Piaget en psychologie, Jean Petitot en épistémologie) préfèrent insérer le structuralisme dans une histoire des idées scientifiques sur la longue durée, en tant que manifestation contemporaine des théories de la connaissance, avec une généalogie remontant jusqu'à la philosophie de la forme chez Aristote. Dans cette lignée, le structuralisme est souvent considéré par les historiens de la systémique comme l'un de ses courants précurseurs dans les années 1950, parallèlement à la cybernétique et à la théorie de l'information aux États-Unis.
En conclusion, il est certainement très intéressant de lire Hobbes, Locke et Roussseau mais, pour vérifier si leurs hypothèses sont proches de la réalité, il faut en revenir à l'anthropologie et à l'ethnologie (quelle que soit la méthode/théorie utilisée; fonctionnalisme de Bronislaw Malinowski ou structuralisme de Claude Lévi-Strauss).
A titre d'exemple, il est très révélateur de lire l'article de l'anthropologue (et militant anarchiste) David Graeber : "Anthropologie politique et changement de l’histoire humaine" :
~ 1ère partie ~ http://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2018/04/anthropologie-politique-et-changement.html
~ 2ème partie ~ http://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2018/04/anthropologie-politique-et-changement_23.html
Le "droit naturel" moderne est une émanation de la pensée européenne occidentale des Temps Modernes. Son développement coïncide :
- d'une part avec la remise en question (notamment à travers la Réforme et la philosophie humaniste) de la religion catholique en tant que fondement ultime de toute légitimité,
- et d'autre part avec un développement sans précédent des échanges internationaux accompagnés de conquêtes coloniales.
Le droit naturel est ainsi la transposition laïcisée et rationalisée, en pleine période d'expansion économique, scientifique et impériale, d'un universalisme déjà inscrit dans la culture européenne mais dont la base ne pouvait plus reposer ni sur un consensus religieux ni sur une autorité morale commune.
Hugo Grotius, dans la première moitié du XVIIe siècle considère qu'il existe une nature humaine mue par deux principes :
- la préservation de soi
- et le besoin de vivre paisiblement en société.
La préservation de soi implique de pouvoir défendre sa vie, ses biens, sa famille. Pour vivre en société paisiblement, ces droits doivent être respectés, et la violence sociale réduite ou régulée.
Dans son Léviathan de 1651, Thomas Hobbes, très influencé par Grotius, considère que les êtres humains n'obéissent qu'à ce qu'il appelle leur « droit naturel » : « Le droit naturel est la liberté que chacun a d'user de sa propre puissance, comme il le veut lui-même pour la préservation de sa propre nature, autrement dit de sa propre vie ». Ce droit est naturel car il relève de la nature humaine et est à ce titre un comportement universel.
Afin d'éviter une guerre de tous contre tous, une « loi naturelle » est de refréner la violence. Cette loi (qui encadre le droit naturel) est naturelle car rationnellement utile et compréhensible par tous, en ce qu'elle protège tous les individus contre la violence sans frein.
Elle mène au contrat social par lequel les individus délèguent à l’État (le "Léviathan") la gestion de leur sécurité. Si Hobbes préfère une monarchie absolutiste (plus stable de son point de vue), il n'en défend pas moins l'existence d'un état de droit que doit respecter la-dite monarchie :
- interdiction de la torture (« Tout mal qu'on fait subir à un homme, en l'attachant ou en restreignant sa liberté, avant que sa cause ne soit entendue, au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer sa détention préventive, est contraire à la loi de nature. »),
- non-rétroactivité des lois,
- protection des innocents car leur punition viole la loi naturelle (qui refrène la violence illégitime).
De façon générale, toute peine qui ne vise pas à favoriser l'obéissance des sujets n'est pas une peine, mais un acte d'hostilité (la vengeance, par exemple, ne peut pas être une sanction pénale légitime). Et tout acte d'hostilité conduit à légitimer la résistance des sujets, qui deviennent de facto ennemis de l'État.
John Locke, dans son Traité du gouvernement civil (1690), énonce trois droits fondamentaux :
- droit à la vie et à fonder une famille ;
- droit à la liberté ;
- droit à la jouissance de ses biens et surtout à l'échange.
A l'état de nature, les hommes sont par principe libres et égaux puisque nul ne les limite sinon la loi naturelle qui oblige à respecter les droits d'autrui. « L'état de nature a la loi de la nature, qui doit le régler, et à laquelle chacun est obligé de se soumettre et d'obéir : la raison, qui est cette loi, enseigne à tous les hommes, s'ils veulent bien la consulter, qu'étant tous égaux et indépendants, nul ne doit nuire à un autre, par rapport à sa vie, à sa santé, à sa liberté, à son bien. ».
Pour s'assurer que la loi naturelle est mise en œuvre (la protection de tous et le respect des droits naturels), il faut un contrat social entre les individus, contrat qui crée une communauté seule détentrice de tous les pouvoirs, et qui transforme les droits naturels en droit positif (c'est-à-dire en lois concrètement applicables). Locke distingue un pouvoir suprême (le législatif, qui crée la loi et appartient à la société) et un pouvoir exécutif (qui gère l'administration et recours à la force si besoin).
"Méditant sur les premières et les plus simples opérations de l'âme humaine", Jean-Jacques Rousseau croit y "apercevoir deux principes antérieurs à la raison, dont :
- l'un nous intéresse ardemment à notre bien-être et à la conservation de nous-mêmes
- et l'autre nous inspire une répugnance naturelle à voir périr ou souffrir tout être sensible et principalement nos semblables."
Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755).
Selon Denis Diderot, rédacteur de l'article « Droit naturel » de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, « L’usage de ce mot est si familier, qu’il n’y a presque personne qui ne soit convaincu au-dedans de soi-même que la chose lui est évidemment connue. »
Il est pourtant très embarrassé pour en donner une définition précise.
Il reconnaît un peu plus loin : « Le philosophe commence à sentir que de toutes les notions de la morale, celle du droit naturel est une des plus importantes et des plus difficiles à déterminer ».
Il se borne ensuite à établir quelques principes à l’aide desquels on peut résoudre les difficultés les plus considérables qu’on a coutume de proposer contre la notion de droit naturel.
Les conceptions élaborées aux XVIIe et XVIIIe siècles sur l'état de nature n'ont pas abouti à un véritable consensus12. Il en a été de même pour le droit naturel.
En France même, il y eut une polémique entre Denis Diderot et Jean-Jacques Rousseau au sujet de l'article Droit naturel de l'Encyclopédie, à l'époque où Rousseau publiait le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755). Cela amena Rousseau à supprimer le chapitre « La société générale du genre humain » de la première version du Contrat social, dite « Manuscrit de Genève », qui contenait une réfutation des thèses de Diderot portant sur la sociabilité naturelle. La version définitive du Contrat social, publiée en 1762, ne contient donc pas ces considérations en rapport avec le droit naturel. Le Manuscrit de Genève, quant à lui, ne fut publié qu'à la fin du XIXe siècle.
Une étude approfondie de cette polémique entre Diderot et Rousseau a été menée par Jean-Pierre Marcos.
Selon l'article 2 de La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont :
- la liberté,
- la propriété,
- la sûreté,
- et la résistance à l’oppression ».
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 donne une liste sensiblement différente des "droits naturels" de 1789.
Article 1. - Le but de la société est le bonheur commun. - Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.
Article 2. - Ces droits sont :
- l'égalité,
- la liberté,
- la sûreté,
- la propriété.
Quant au droit de résistance à l'oppression, il est mis en valeur dans la Déclaration de 1793 aux articles 27. 33. 34 et 35., qui précisent sa forme et son étendue. Même lorsque cette oppression n'atteint qu'un seul individu, la résistance est possible. La Déclaration reconnaît l'insurrection populaire contre un pouvoir oppressif, tyrannique et despotique comme un devoir. Cet article sert aussi à légitimer les évènements du 10 août 1792, lors desquels la Commune de Paris transformée en Commune insurrectionnelle a obtenu la chute du roi.
L'article le plus cité sur ce sujet est le 35ème et dernier : "Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs".
Il sera intéressant de comparer les deux textes intitulés "Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen" pour saisir les différences entre :
- la monarchie constitutionnelle désirée initialement par les grands bourgeois qui ont fomenté la Révolution de 1789
- et la république définie en 1793.
Confer : http://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2018/04/comparaison-des-deux-textes-intitules.html
Enregistrer un commentaire