lundi 21 mai 2018

Création monétaire

La création monétaire est le processus par lequel la masse monétaire d’une zone économique (comme la zone euro) est augmentée.
Par le passé, les gouvernements et les banques centrales avaient de facto le monopole de création monétaire, via l'émission de pièces (monnaies métalliques). Ce système permettait dans une certaine mesure aux États de se financer, grâce aux revenus de seigneuriage.
Avec l'apparition des banques centrales et le développement des billets et des bons du trésor, la création monétaire est devenue fiduciaire, c'est-à-dire décorrélée d'une garantie liée aux métaux précieux (par exemple l'étalon-or). Pendant un temps, la création monétaire des banques centrales pouvait couramment financer les gouvernements, via le rachat de leurs bons du trésor ou la création de lignes de crédits. Ce processus s'appelle le financement monétaire, ou plus péjorativement décrit par l'expression « faire fonctionner la planche à billets »1. Néanmoins, cette pratique est désormais très limitée, et même strictement interdite dans certaines zone monétaires telles que la zone euro (Article 123 du Traité de Lisbonne). Cela pour éviter les tensions inflationnistes : les dépenses publiques sont généralement réinjectées dans l'économie non-financière, si le montant injecté est trop élevé, des tensions inflationnistes peuvent apparaître voire de l'hyperinflation.
Dans l'économie moderne où la monnaie est essentiellement scripturale (électronique), la création monétaire est aujourd'hui largement conduite par les banques privées, par l'émission de crédits2,3. En effet, lorsqu'un crédit est accordé, la banque crée la monnaie nécessaire à ce crédit par un simple jeu d'écriture dans un livre comptable4,5. Ce système est parfois appelé le système de réserves fractionnaires.

Cette création monétaire est néanmoins contrôlée et limitée par la politique monétaire des banques centrales, via la fixation des taux directeurs, les taux de réserves obligatoire ou encore les ratios fixés par le comité de Bâle. Les banques centrales peuvent également créer de la monnaie dans le cadre des opérations dites d'open market. On parle alors de "monnaie centrale" ou de réserves. Néanmoins, de plus en plus, il est considéré que seule la fixation des taux directeurs est efficace pour contrôler la masse monétaire.

Si la création monétaire par les banques commerciales est prépondérante, il existe d'autres types de création monétaires de moindre importance. Par exemple, lorsqu'une entreprise reçoit un virement de l'étranger en devise étrangère, la banque qui tient son compte va créditer ce compte en euro par création monétaire, et va acquérir une créance sur le pays étranger en question5. Les banques centrales créent de la monnaie centrale qui est utilisée seulement dans leurs opérations avec les banques et elles peuvent créer de la monnaie par quantitative easing (elles le font pour racheter des titres) ou lorsqu'elles font tourner "la planche à billets" (elles financent le déficit public).

Création monétaire par la banque centrale

Les banques centrales ont le pouvoir de créer deux types de monnaies: la monnaie fiduciaire (pièces et billets) ainsi que les réserves (aussi appelées monnaie centrale ou monnaie de base).

Pièces et billets

Les monnaies ayant une valeur propre égale à leur valeur faciale (comme les pièces de métal précieux) ayant quasiment disparu, il ne reste aujourd'hui que des monnaies fiduciaires, telles que les pièces et les billets.

D'un point de vue comptable, les billets émis par la banque centrale ne sont rien d'autre qu'une reconnaissance de dette au porteur, inscrits à son passif quand elle les met en circulation6. Chaque billet valant par définition son montant nominal, la banque centrale peut émettre autant de billets qu'elle veut sans déséquilibrer son bilan.

Chaque pièce ou billet matérialise ainsi une promesse de pouvoir disposer du bien que la monnaie représente. L'émission n'est plus contrainte par un élément physique (ce qui est le cas pour les devises modernes depuis l'abandon de l'étalon de change or).

Aujourd'hui, la création de pièces et de billets par la banque centrale est essentiellement effectuée en fonction de la demande par le secteur bancaire, et en échange de monnaie centrale. L'effet de la création de pièces et de billets sur la masse monétaire globale est donc relativement limité, voire nul7.

Financement monétaire public

Le financement monétaire (ou monétisation de dette) consiste pour une banque centrale à financer directement le budget du gouvernement central. Ce processus est parfois appelé péjorativement la « Planche à billets ». Elle fait référence aux processus de production de monnaie physique, mais en pratique il s'agit aujourd'hui plus d'écriture comptable.
La capacité des États et des banques centrales à créer massivement de la monnaie ex nihilo est un outil économique puissant, qui peut contribuer à stimuler l'économie, mais peut également la déstabiliser durablement.

Les États ont fréquemment abusé de la création monétaire, par exemple pour financer des guerres coûteuses, avec souvent des conséquences graves sur l'économie8 notamment des crises hyperinflationnistes.

La crainte de ces abus a conduit la plupart des États à interdire le financement monétaire public : cette disposition est par exemple inscrite dans la Constitution allemande9 ou les traités de l'Union européenne (article 101 du traité CE, repris par l'article 123 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE)10 issu de la signature du traité de Lisbonne en 2007). Les déficits publics doivent donc être financés par emprunts – très majoritairement obligataires – auprès d'organismes privés, aux taux d'intérêt proposés par le marché.

La « planche à billets » n'a pas pour autant disparu. Si certains courants radicaux (libertarianisme, partisans de l'étalon or…) souhaiteraient interdire ou drastiquement limiter la création de monnaie, ou la confier à des acteurs non politiques, la plupart des économistes s'accordent à considérer qu'une création de monnaie contrôlée, accompagnée d'une inflation raisonnable, font partie du fonctionnement normal d'une économie11.

Certains économistes notamment keynésiens considèrent que la relance monétaire (création massive de monnaie pour relancer l'économie) peut être un moyen de répondre aux dépressions économiques graves et que le risque d'inflation est soit surévalué, soit un moindre mal12,13.

Opérations d'open market

En pratique, les politiques de relance monétaire des banques centrales aujourd'hui s'effectuent de façon indirecte. Les banques centrales ont notamment recourt aux opérations d'open market par lesquelles elles créent des réserves (monnaie centrale) non pas pour financer les gouvernements, mais pour se substituer au refinancement des banques privées sur le marché interbancaire, ou par le rachat massif d'actifs financiers (quantitative easing). Ces pratiques ne constituent pas du financement monétaire public puisqu'elles ont pour objectif de relancer la création monétaire par le crédit bancaire, et non l'augmentation du déficit de l'État.

Dans le but d'éviter une aggravation de la crise des subprimes de 2007-2008, les banques centrales ont massivement recouru à ces pratiques, notamment aux États-Unis14. En Europe, pour faire face à la crise de l'endettement de certains pays de l'Union monétaire européenne, la Banque centrale européenne (BCE) a elle-même dérogé à cette interdiction par décision du 10 mai 2010. Dans ces circonstances, afin de justifier ces dérogations, le terme « méthode non conventionnelle » a été utilisé.

Remarque : Le quantitative easing a été massivement utilisé ailleurs qu'aux États-Unis.

Création monétaire par les banques privées

Dans le système monétaire actuel, la monnaie est essentiellement scripturale (environ 90 %) : elle est créée par les banques par un jeu d'écritures, sur simple demande, et dans certaines limites, en échange d'une promesse de remboursement (émission d'un crédit bancaire). Il y a ainsi création monétaire lors de l'octroi d'un crédit, et destruction monétaire lors du remboursement de ce crédit. En zone euro par exemple, 93 %15de la masse monétaire est créée par l'émission de crédits ouverts par les banques commerciales.

La Banque d'Angleterre décrit ainsi ce phénomène16 :
« À chaque fois qu'une banque fait un prêt, elle crée simultanément un dépôt sur le compte en banque de l'emprunteur, créant ainsi de la nouvelle monnaie »
Le président de la BCE Mario Draghi explique aussi17 :
« La vaste majorité de la monnaie est émise par les banques privées - les dépôts bancaires »

Mécanisme

Lorsqu'une banque octroie un crédit à un particulier ou une entreprise18, soit elle utilise les dépôts existants, soit elle passe par un processus de création monétaire. Elle a alors recours à un simple jeu comptable : elle inscrit dans son bilan une créance, ayant pour montant la somme qu'elle va prêter à son client, et augmente le compte de dépôt de son client d'autant19. Le crédit venant alimenter le compte de dépôt du client, c'est l'expression « les crédits font les dépôts » qui est vraie et non l'inverse. On dit aussi parfois que la banque crée de l'argent « ex nihilo »20. L'expression « les dépôts font les crédits » est, elle, appliquée lorsque la banque utilise les dépôts existants et ne passe pas par un processus de création monétaire.

Le jeu d'écriture comptable est le suivant:
  • inscription de l'augmentation du dépôt du client (qui est, ici, le prêt de la banque à son client) au passif du bilan de la banque, la monnaie sur le compte du client étant due par la banque à son client.
  • inscription de la créance à l'actif du bilan de la banque, la monnaie due par le client étant considérée comme un actif de la banque.
Le remboursement d'un crédit à la banque correspond à une démonétisation : la part de monnaie correspondant au prêt initial est détruite21, ayant pour effet de diminuer la masse monétaire. La part de monnaie correspondant aux intérêts revient à la banque.

Théorie des réserves fractionnaires

Ce mécanisme a été pendant un temps décrit sous l'appellation de "système de réserves fractionnaires" ou le "multiplicateur monétaire". Cette vision a pour caractéristique de penser la création de crédit comme contrainte par la quantité de réserve (monnaie de base) disponibles dans le marché interbancaire, et le niveau de Réserves obligatoires. Selon cette vision, les banques "multiplient" la part de base monétaire dont elles disposent lorsqu'elles effectuent des crédits, ceci dans la limite de capacité d'effet de levier maximum.

Mais un nombre croissant (bien qu'encore marginal) de publications académiques22,23,24 nuancent voire rejettent aujourd'hui la validité de cette théorie, et avancent que les banques privées n'ont pas besoin de mobiliser des réserves en amont de l'émission d'un crédit. Autrement dit, les banques créent bien de la monnaie en émettant des crédits, mais cette création monétaire n'est pas contrainte par l'existence d'un taux de réserves obligatoires. Il n'y a donc pas non plus d'« effet multiplicateur de crédit ». En effet, le FMI explique :
Les banques centrales modernes poursuivent des objectifs de taux d'intérêts et doivent fournir autant de réserves que le système bancaire en demande pour ces objectifs. Ce fait va à l'encontre de la très populaire théorie bancaire du multiplicateur de dépôts, qui explique que les banques font des prêts en multipliant à répétition un montant initial de réserves de monnaies (monnaie centrale).
La Banque d'Angleterre explique également25 :
La demande de monnaie de base est plus certainement une conséquence qu'une cause de la création de crédit bancaire.
En conclusion, la Banque d'Angleterre affirme :
Certes, la théorie du multiplicateur de monnaie peut être une façon utile d'introduire la monnaie et le fonctionnement des banques dans les manuels d'économie, mais il ne constitue pas une façon correcte de décrire comment la monnaie est créée en réalité. Plutôt que de contrôler la quantité de réserves, les banques centrales mettent en place leur politique monétaire en fixant le prix des réserves, c'est-à-dire par les taux d'intérêts.

Contrôle et limites de la création monétaire par le crédit

Facteurs de l'évolution de la création monétaire par le crédit

Bien que les banques commerciales puissent, en théorie, créer du crédit sans limite, en pratique, la création monétaire globale des banques dépend de plusieurs facteurs :
  • Du désir d'encaisse liquide des agents économiques qui dépend étroitement de leurs anticipations en matière de revenu, d'épargne, d'inflation ainsi que de l'idée qu'ils se font de la solidité des placements possibles.
  • Des anticipations des banquiers qui, selon la conjoncture, privilégieront l'extension ou la défense de leur bilan.
  • De l'action des autorités de régulation, par la réglementation ou par l'intervention.
  • Des autres sources de création monétaire qui l'alimentent plus ou moins généreusement en dépôts (solde de balance des paiements, création monétaire par le trésor public là où elle est possible).
Cette complexité où la confiance et les facteurs psychologiques jouent un rôle important, explique l'instabilité associée à la création monétaire des banques et son rôle dans les mouvements de la conjoncture et dans le cycle économique26.

Auto-régulation par le marché monétaire

Lorsqu’une banque prête de l'épargne pré-existante ou crée de la nouvelle monnaie scripturale à la suite d'un crédit accordé, elle crédite le compte à vue de son client qui va dépenser cette monnaie, c'est-à-dire la virer aux comptes à vue de ses fournisseurs et salariés, une fraction seulement des comptes des bénéficiaires étant tenus par cette banque. À l'inverse, la banque peut recevoir, dans les comptes de dépôts de ses clients, les montants correspondant aux achats effectués par les clients d’autres banques.

Les banques doivent faire face aux fuites correspondantes aux besoins de monnaie banque centrale : réserves obligatoires (1 % dans la zone euro27) et demande de monnaie fiduciaire (estimé en moyenne à 15 % des dépôts à vue, mais variable suivant les périodes et les lieux).

Si chaque banque accorde des crédits en fonction de ses parts de marché de dépôts, les fuites se compensent et le marché bancaire est équilibré. Mais si ce n'est pas le cas, pour ajuster leur trésorerie en monnaie banque centrale, les banques vont se tourner vers le marché monétaire (Euribor, par exemple) qui leur permettra de placer, auprès des autres banques et établissements financiers, leurs excédents ou d’obtenir d'eux le financement de leurs besoins de monnaie centrale, après compensation journalière des mouvements entre banques.

Les interventions de la banque centrale sur ce marché correspondent au « refinancement ».
Les opérations de la banque centrale sur les taux d’escompte et les opérations d’open market, conjointement avec les règles de mises en pension de certains actifs monétaires, sont censées réguler ce marché. Du fait d’une abondance excessive de liquidité des établissements financiers, les taux du marché peuvent devenir inférieurs aux taux de refinancement de la banque centrale. En cas de tension sur le marché monétaire, une mise à disposition de liquidité (refinancement) par la banque centrale est de nature à réguler la situation.

Lorsque (comme ce fut le cas en 2008) aucune banque ne fait plus confiance aux autres, il advient un blocage des prêts inter-bancaires ou un taux de prêt trop élevé. Cette situation bloque le marché monétaire et impose des refinancements massifs par les banques centrales pour permettre aux banques commerciales d'assurer leurs besoins de monnaie centrale.

Limitations par la politique monétaire et réglementation financière

La création monétaire par ce procédé reste soumise à des contraintes pratiques ou réglementaires qui la maintiennent dans certaines limites :
  • Les clients d'une banque réclament régulièrement de la monnaie banque centrale (retrait via un distributeur automatique de billets par exemple), une banque a donc besoin de pouvoir acheter (par cession d'obligations éligibles) à la banque centrale une quantité de billets généralement liée à la quantité de monnaie scripturale qu'elle accorde ; cette quantité est variable suivant le lieu et la période mais peut être estimée en moyenne à 13 % des crédits ;
  • Des règles prudentielles sont imposées aux banques afin que les crédits qu’elles accordent ne dépassent pas différents ratios (déterminés actuellement par les règles dites de Bâle II) ; les fonds propres doivent représenter au minimum 8 % des crédits accordés, pondérés par le risque28 ;
  • La politique monétaire permet de jouer sur la quantité de crédit que les banques peuvent offrir avec profit (donc la quantité de monnaie scripturale dans leurs comptes) :
    • La banque centrale exige des banques des réserves obligatoires : plus le total des dépôts (dépôts à vue et dépôts à terme) de leurs clients est élevé, et plus il leur faut déposer de fonds à la banque centrale. En faisant varier le ratio de réserves obligatoires des établissements de crédit, la banque centrale fait varier la quantité maximale de crédits (donc de monnaie) qui peuvent être octroyés. Le ratio actuel de réserves obligatoires dans la zone euro est de 1 % des dépôts27,
    • Les taux directeurs sont le principal outil de la politique monétaire : les établissements de crédit empruntent sur le marché interbancaire ou empruntent aux banques centrales à un taux d'intérêt défini par la banque centrale, le taux de refinancement, la monnaie banque centrale dont elles ont besoin29. En augmentant (respectivement en baissant) ses taux d'intérêt, la banque centrale rend plus difficile (respectivement plus facile) l'accès au refinancement pour les banques commerciales et induit un renchérissement du coût d'un crédit pour l'emprunteur (ménage ou entreprise). De ce fait, une hausse du taux d'intérêt entraîne (toutes choses égales par ailleurs) une baisse de demande de crédit. Une diminution du taux de refinancement a évidemment un effet contraire ;
  • Dans certains cas les autorités peuvent aussi agir sur la quantité de crédit offerte par les banques : en exerçant une pression plus ou moins amicale, en édictant des impératifs légaux (c’était par exemple le cas en France dans le cadre des lois Debré dans les années 1960), etc.

Autres types de création monétaire

Création monétaire par achat de devises

Toute entrée de devises, du moment qu'elle transite par une banque, est à l'origine d'une création monétaire domestique, et inversement toute sortie engendre une destruction.

Monnaie alternatives ou quasi-monnaie

Les établissements de crédit ne sont pas les seuls à émettre de la monnaie fiduciaire. De la monnaie ou quasi-monnaie, en quantité proportionnellement infime et quasiment négligeable, est également émise par d'autres agents économiques.

Cette monnaie peut prendre un grand nombre de formes, scripturale ou matérialisée par un objet représentatif : bons d'achat, chèques-cadeaux, titres restaurant, « points » comme les Nintendo Points ou les miles, la monnaie Canadian Tire30, tickets de kermesse ou jetons de casinos, crédit d'heures, crédit mutuel…

Les émetteurs sont tout aussi divers : entreprises, associations, Système d'Echange Locaux, etc.
En période de crise ou de troubles (ce fut par exemple le cas dans de nombreux pays, dont la France, après la première guerre mondiale), des collectivités ou des privés émettent des pièces et des billets appelés monnaie de nécessité.

L'émetteur contrôle sa monnaie et lui applique les règles qui lui semblent adaptées ; il peut en contrôler le taux de change et la convertibilité, lui donner les caractères d'une monnaie fondante, donner des droits de tirage fixe ou progressifs aux participants (capital initial « offert » aux participants de jeux en ligne…).

Lorsque la quantité de monnaie ainsi émise devient significative, les autorités exigent que l'émetteur se soumette aux régulations ordinaires des établissements de crédits, alors qu'elles peuvent être assez tolérantes pour la même activité exercée plus modestement (ce qui par exemple conduisit PayPal à s'adapter).

Les droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international constituent également la monnaie qui lui sert d'unité de compte.

Controverse autour de la création monétaire

L’État n'a pas le monopole de créations monétaires excessives. Elles peuvent être pratiquées aussi bien par le secteur privé et aboutir aux mêmes dysfonctionnements. Par les crédits qu'elles accordent au-delà de la base monétaire (monnaie de banque centrale) dont elles disposent, les banques commerciales créent de la monnaie. Cette création peut être excessive et source d'inflation et de surendettement. La crise des subprimes en est une illustration. Les banques américaines ont multiplié les crédits immobiliers qu'elles accordaient à des emprunteurs. Entre 2000 et 2006 leurs encours ont plus que doublé31. Les prix de l'immobilier ont alors augmenté de 171 % entre 1997 et 2007 créant de ce fait une bulle immobilière32. L'éclatement de cette bulle et l'insolvabilité des endettés ont déclenché une crise financière entraînant une crise économique mondiale. La responsabilité de la banque centrale américaine (Fed) ne saurait être éludée puisqu'elle est responsable de la gestion quantitative des crédits, notamment par la fixation des taux d'intérêt (banque centrale).

La création monétaire par le secteur privé peut également être dommageable si l'utilisation de la monnaie créée est source d'instabilité. Il en est ainsi lorsque les banques privées procurent des fonds qui servent aux opérateurs financiers à spéculer avec effet de levier. Cette pratique peut être à l'origine de gains ou de pertes très importants. En cas de pertes des retombées et des effets de contagion peuvent se transmettre aux banques et porter atteinte à la sphère économique réelle33.

Murray Rothbard, élève de Ludwig von Mises et également membre de l'école autrichienne d'économie a dénoncé le système de réserves fractionnaires, en visant particulièrement Milton Friedman, comme dans Milton Friedman unraveled en 197134. Il critique le processus de création de monnaie par le système de réserves fractionnaires pour ses effets inflationnistes et assimile la création de monnaie ainsi faite à de la « magie »35.

Plus récemment, Maurice Allais considérait en 1999, dans La Crise mondiale aujourd'hui, comme « inappropriée » la structure de création monétaire actuelle36. Il considère le système actuel comme instable et risqué, les engagements et les créances n'étant pas nécessairement au même horizon et le risque d'un retrait massif de liquidités par les épargnants étant toujours possible. Ainsi, selon Allais, « L'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile ». Il appelle de ses vœux un système où la création monétaire ne relève que de l'État, dans un cadre de régime de change fixe.

James Robertson et d'autres auteurs altermondialistes souhaitent ramener le processus de création monétaire sous le contrôle de l'État et jugent que le système actuel n'est pas aligné « sur des principes de justice économique et sur les réalités de l’ère de l’information, à tel point que la confiance dans la démocratie même en est sérieusement ébranlée »37. Et d'ajouter : « Le fait que ces banques commerciales créent toujours ces fonds libellés en devises officielles et que cette création de monnaie génère des bénéfices revenant au privé constitue un anachronisme flagrant ». Il préconise également que les banques centrales soient seules créatrices de monnaie et que la monnaie créée soit affectée aux dépenses publiques. Les banques de second rang n'auraient plus la possibilité de créer de la monnaie par l'emprunt, le tout dans un système contrôlé par une banque centrale mondiale qui « devrait rendre compte aux gouvernements membres ».

D'autres économistes (Gabriel Galand, André Grjébine, Philippe Derudder) préconisent dans certains cas la création de monnaie permanente sous l'égide de l’État.

La succession des crises financières et les dégâts qu'elles engendrent dans la sphère réelle incite certains Suisses (qui croient aux causes monétaires) à retourner au monopole public de la création monétaire. L'objectif est d'empêcher les banques de créer de la monnaie. Un référendum sera organisé à la suite de cette demande avalisée par 111 819 signatures38. Le monopole public de création monétaire est préconisé tant par des économistes monétaristes que keynésiens (école de Chicago, Friedman, Allais, Tobin)39, et naturellement contesté par les autres.

Sourcehttps://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9ation_mon%C3%A9taire

5 commentaires:

Je a dit…

Les réserves obligatoires sont des réserves financières que les banques et autres établissements financiers doivent déposer auprès de la banque centrale.

Définition

Le montant des réserves obligatoires à déposer, rémunérées ou non selon les pays, est calculé comme un pourcentage de leur encours de dépôts. En général, seule une partie des dépôts est prise en compte. Dans la zone euro, il s’agit des dépôts et des titres de créance et instruments du marché monétaire dont les échéances sont inférieures à deux ans. Par exemple, si une banque a 100 € comme dépôts et si le pourcentage de réserve est de 10 %, les réserves obligatoires à déposer à la banque centrale s’élèvent à 10 €.

Depuis leur mise en place début 1999, le taux des réserves obligatoires (appelé en anglais required reserve ratio (RRR)) était de 2 % dans la zone euro pour les dépôts à vue et les dépôts à terme d’une durée inférieure ou égale à deux ans1. En date du 18 janvier 2012, ce montant est abaissé à 1 %.

Ces réserves obligatoires sont rémunérées à un niveau indexé sur la moyenne du taux de refinancement des opérations principales de refinancement de l’Eurosystème, soit un taux qui était de 1 % en 2010, puis a atteint 1,5 % en août 20115, avant de redescendre à 1,25 % fin 2011, puis 1 % en janvier 2012, 0,5 % puis 0,25 % en 2013, pour atteindre 0,15 % en juillet, 0,05 % le 10 septembre 2014, puis 0,00 % à partir du 16 mars 2016.

Les autorités monétaires peuvent faire varier le montant des réserves obligatoires en fonction de leur volonté de limiter l’expansion du crédit (voir effet multiplicateur du crédit) : elles s’en servent comme un des instruments de leur politique monétaire.

Par exemple, en 2007 et début 2008, les autorités monétaires chinoises augmentent le montant des réserves pour limiter l’inflation. Puis, fin 2008, la banque centrale chinoise l’abaisse 4 fois pour compenser les effets de la crise financière mondiale. À partir de décembre 2009, elle relève à nouveau le montant des réserves obligatoires qui était alors de 15,5 % dans le but de réduire les pressions inflationnistes ; ce montant augmente plusieurs fois en 2010, jusqu’à atteindre 18,5 % fin 2010 pour les grandes banques, dépassant ainsi le niveau record atteint mi-2008 avant la crise.

Six nouvelles hausses de ce montant ont lieu pendant le 1er semestre 2011, le portant le 20 juin 2011, à un niveau record de 21,5 % pour les plus grandes banques.

Mettant fin à 2 ans de hausse et pour tenir compte d’une baisse de l’inflation et de la croissance, la banque centrale chinoise abaisse à 21 % le 5 décembre 2011, puis à 20,5 % le 24 février 2012 et à 20 % le 12 mai le montant des réserves des grandes banques. Après 2 ans de stabilité, ce montant est, une nouvelle fois diminué, à 19,5%, mi-juin 2014 pour la plupart des banques chinoises. Celles des banques petites et moyennes avaient été abaissées à 16,5 % en novembre 2012.

Je a dit…

Dans le contexte historique du système dit de réserves fractionnaires, l’expansion monétaire est en partie la conséquence de l’effet multiplicateur du crédit. Ce terme désigne le rapport existant entre l'augmentation de monnaie centrale (voir base monétaire) nouvellement émise par la banque centrale et la quantité de monnaie issue du crédit accordé par les établissements de crédit permise par cette augmentation.

Principe

Une banque commerciale crée de la monnaie à l'instant où elle conclut un contrat de prêt avec un emprunteur (voir création monétaire pour plus de détails). La banque crédite alors le compte de l'emprunteur d'une certaine somme d'argent en échange d'une créance : c'est la monétisation d'un actif. Mais la banque commerciale est tenue à un certain nombre de règles formelles dans le cadre d'accords internationaux (Bâle III) qui limitent son pouvoir de création monétaire. Ces accords supplantent largement le fait qu'elle devait disposer en banque centrale d'un pourcentage déterminé des dépôts de ses clients (les réserves obligatoires, noté r ). Ces réserves, bien que continuant à exister réglementairement sont en pratique devenues minimes, voire nulles pour certaines banques centrales. En effet, le blocage d'argent à la banque centrale, loin de constituer une sécurité, exposait plutôt au risque d'illiquidité.

La banque doit par ailleurs satisfaire à la demande d’espèces (noté b {\displaystyle b} b) qu'elle va devoir également se procurer auprès de la banque centrale. Une partie de la monnaie créée aboutit chez d’autres banques ou organismes financiers lors de paiements. La banque d'origine doit donc collecter de nouveaux dépôts pour se refinancer et ainsi maintenir son équilibre de bilan (gestion actif-passif).

Par les règles qu'elles imposent et surtout par la politique monétaire, la quantité globale de monnaie reste néanmoins sous le contrôle des autorités. Cela justifie une analyse de l'effet multiplicateur en sens inverse : l'approche dite du « diviseur ». Celle-ci considère au contraire que la monnaie est endogène, c'est-à-dire que son évolution est déterminée par les besoins de financement des agents non bancaires ; la causalité est alors inverse, dans le sens de la monnaie nécessaire vers la monnaie « banque centrale ». Le système bancaire, puis in fine la banque centrale, ajuste la quantité de monnaie émise en fonction des besoins. En période de crise, modifiant les habitudes financières (préférence pour la liquidité, etc.), le multiplicateur peut changer alors que le besoin de monnaie subsiste, provoquant un resserrement du crédit (credit crunch), ce qui justifie une augmentation des émissions par les autorités monétaires pour maintenir la quantité de monnaie.

Je a dit…

James Robertson (11 août 1928) est un intellectuel et militant britannique, surtout concerné par les domaines de l'économie et de la politique, depuis 1974 écrivain indépendant et conférencier. Un des fondateurs de L'autre sommet économique dans les années 1980.

Biographie

Robertson a été élevé dans le Yorkshire et en Écosse pendant que ses parents travaillaient au Soudan. Il avait travaillé plus de trois ans dans le cabinet du premier ministre Harold Macmillan durant le "vent du changement" (Wind of Change) en Afrique, (1960). Ensuite il devint directeur de Inter-Bank Research Organisation (organisation de recherches interbancaires) pour les grosses banques britanniques.

Dans les années 1980, Robertson fut un des cofondateurs, avec son épouse Alison Pritchard, de "L'autre sommet économique" (The Other Economic Summit - TOES-) et de "fondation des nouvelles économies" (New Economics Foundation). Une des premières coordinations remarquées dans la résistance au changement de politiques économiques.

Il est membre de Feasta et un des directeurs de la fondation SANE (South Africa New Economics Foundation), créée après sa visite en Afrique du Sud en 1996.

En octobre 2003, à la XXIXe conférence annuelle du Pio Manzu Research Centre, Rimini, Italie (étroitement associée à l'ONU), il est récompensé de la médaille d'or pour sa remarquable contribution, ces dernières 25 années, à la promotion de nouvelles économies basées sur des valeurs sociales et spirituelles.

Les livres récents de Robertson incluent "A New Economics of Sustainable Development, a 'Briefing for Policymakers'" écrit en 1997 pour la Commission européenne.

Après avoir longtemps vécu à Londres, il vit depuis 1984 dans le comté d'Oxfordshire. Depuis que lui et sa famille ont quitté la ville, ils élèvent quelques poules, font pousser la plupart de leurs légumes, récoltent leurs propres fruits et utilisent une partie de l'électricité à partir des panneaux photovoltaïques installés sur leur toit, tout à fait dans l'application de la simplicité volontaire.

Je a dit…

Thèses de James Robertson

Il rejoint les idées de Maurice Allais et propose en particulier de créer immédiatement toute la monnaie centrale en contrepartie de toute la monnaie déjà en circulation, en considérant que celle-ci a été empruntée à la banque centrale et en exigeant que les banques de second rang (banques commerciales) versent à la banque centrale les intérêts annuels en cours, aucune autre pratique financière n'étant modifiée (au moins au début). Ces intérêts sont reversés à l'État, la banque centrale étant (ou devenant préalablement) l'une de ses institutions. En d'autres termes, le gain généré par la création de monnaie (seigneuriage) ne devrait plus revenir aux banques commerciales mais être attribué aux recettes publiques.

Thèmes récurrents de ses travaux

- Revenu de base
- Écologie
- Féminisme
- Globalisation
- Système monétaire
- Justice sociale
- Justice économique
- Simplicité volontaire

Influences

C'est suite à la lecture du livre Geldschöpfung in öffentlicher Hand: Weg zu einer gerechten Geldordnung im Informationszeitalter (« La création monétaire en mains publiques », de James Robertson et Joseph Huber) en 2008 que le Suisse Hansruedi Weber a fondé l'association Modernisation monétaire en 2011 et lancé l'initiative « monnaie pleine » en 2014.

Je a dit…

Maurice Félix Charles Allais est un économiste et physicien français, né à Paris le 31 mai 1911 et mort le 9 octobre 2010 à Saint-Cloud. En 1988, il devient le deuxième Français à recevoir le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel après Gérard Debreu en 1983. C'est un économiste libéral et protectionniste : il est pour une économie de marché à l'intérieur de groupes d'États économiquement homogènes formant une même zone d'échange mais contre l'ouverture douanière vis-à-vis de pays présentant de fortes disparités économiques (niveau de développement, protection sociale, normes environnementales, etc.).

Issu d'un milieu modeste, il est major de sortie de sa promotion (1931) de l'École polytechnique. Ingénieur du Corps des Mines, il oriente sa carrière vers la recherche scientifique et l'enseignement.

Il est un de ceux qui voulurent apporter la rigueur mathématique des sciences dures à la science économique. Il devient titulaire de la chaire d'économie de l'École nationale supérieure des Mines de Paris en 1944 où il professera quarante ans. En 1946, il est nommé directeur de recherche au CNRS. Ses premiers ouvrages furent À la recherche d'une discipline économique (1943) et Économie et Intérêt (1947).

Ses travaux lui valent de nombreuses récompenses qui culminent avec l'attribution du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel en 1988. Cette reconnaissance internationale lui donne l'assise médiatique pour se projeter dans le débat sur l'ouverture financière et la mondialisation. Il développe pour le grand public des thèses qui sont celles de son enseignement depuis longtemps, mais qui contreviennent à l'esprit général des grandes réformes financières et douanières entreprises depuis 1973.

Il dénonce les changes flottants, la déréglementation financière, et la suppression des protections douanières. Il annonce que toutes ces nouveautés provoqueront en Europe le déclin de l'emploi et dans le monde le risque d'une nouvelle grande dépression. À l'occasion de la crise dite « des pays émergents », en 1998, il annonce dans un article au journal Le Monde : « Ce qui doit arriver arrive ! ». Ses positions, contraires aux grands consensus de l'époque, ont souvent été exprimées de façon abrupte. La plupart ne seront généralement pas accueillies favorablement.

La crise économique sévère que connaît le monde depuis 2008, et dont il s'était fait inlassablement l'augure dans de nombreux ouvrages successifs, a fait renaître le débat autour des analyses et des nombreuses questions sur lesquelles il avait pris des positions marquées.