« La
solution de nos problèmes économiques... une union douanière, un marché
libre, un système bancaire et des taux de change stables en Europe,
vers une union monétaire européenne. » Herman Goering, juillet 1940
C’est
selon moi [ ingirumimus ] un ouvrage que tous les « gens de gauche » qui sont axés dans
la lutte antifasciste et qui voient dans le FN le danger le plus
immédiat devraient lire d’urgence, ils verraient que le fascisme n’est
pas où on croit qu’il gîte et que l’ennemi principal n’est pas forcément
le Front National[1]. La priorité avant de pouvoir faire de la politique, c’est de sortir de l’Union européenne et bien sûr de l’euro.
Du IIIème Reich à l’Union européenne
Bien que les intentions d’Olivier Delorme soient semblables à celles de Coralie Delaume et David Cayla[2]
– il est urgent de sortir de l’Europe et de remettre tout à plat – son
livre est très différent dans la forme. Il s’attaque d’abord à la
formation du projet européen. Il montre clairement que ce projet
mortifère a été concocté principalement par des hommes de droite,
souvent proches de la collaboration, souvent aussi proches du Vatican
qui a toujours vu d’un mauvais œil l’émancipation des nations dans un
cadre laïque. Tous les pères fondateurs de l’Europe comme on les appelle
bêtement ont été aussi les employés des Américains durant la Guerre
froide et son soudés entre eux par un anticommunisme primaire autant que
par leur goût de l’argent. Faut-il rappeler que Jean Monnet était
banquier ? Bien avant le sinistre Barroso, ils ont appris à se recycler
dans les boutiques louches qui sponsorisent pour leur profit le
développement d’une Europe libérale. Aucun de ces hommes n’eut un rôle
actif dans la Résistance de leur pays. Et pour cause ! Le IIIème
Reich était déjà un projet européen supranational. Olivier Delorme va
montrer d’une manière convaincante qu’il y a une continuité de
Metternich à Jean-Claude Juncker pour créer une Europe supranationale
sous domination germanique. Dans le même temps il montre assez
facilement que ces projets n’ont jamais réussi à produire autre chose
que le désordre à grande échelle, les entités nationales refusant de se
laisser soumettre.
L'Union européenne comme le Vatican distribue des images pieuses
On sait le peu de goût que Jean Monnet et Robert Schuman[3]
avaient pour la démocratie, et comment ils faisaient tout pour faire
avancer leur projet dans l’ombre, jusqu’à ce que les citoyens soient mis
devant le fait accompli et ne puissent plus revenir en arrière. C’est
la deuxième caractéristique de l’Europe : démontrer qu’on peut se passer
de la démocratie et remplacer celle-ci par un gouvernement d’experts –
la fameuse gouvernance – qui nous indique la voie unique à suivre.
Pour
Olivier Delorme il s’agit avec la construction de l’Union européenne de
mettre en place une sorte de « fascisme mou », c’est le mot fort juste
qu’il emploie, qui a remplacé les tanks par la maîtrise de la monnaie et
de la construction des règles. L’Union européenne au fur et à mesure
qu’elle perd de ses soutiens, devient de plus en plus autoritaire et
punitive. Etant incapable de produire des résultats politiques et
économiques positifs, elle désigne tel ou tel peuple, telle ou telle
catégorie de la population comme coupable. Dernièrement ce furent les
malheureux Grecs qui subirent les conséquences de cette tendance.
Je
propose pour ma part que quand nous sortirons de l’Union européenne on
débaptise une fois pour toutes les rues et les lycées ou les
institutions publiques qui portent le nom de Jean Monnet ou celui de
Robert Schuman. Pour moi c’est un peu comme si un lycée s’appelait le
lycée du Maréchal Pétain ou le lycée Adolf Hitler.
Dissimuler et agir
Les
pères fondateurs de l’Europe moderne ont toujours avancé masqués, sans
dévoiler leurs véritables intentions parce qu’ils savaient que dans le
conteste de la Libération ont les auraient cloués au pilori. Ils ont
donc préféré les petites réunions furtives, déjà financées par le grand
patronat, à la lumière du jour. Ils ont donc avancé à petits pas, en se
débrouillant pour qu’on ne puisse revenir en arrière.
Cette
volonté de cacher ses intentions est d’ailleurs aujourd’hui encore la
marque permanente de l’action des bureaucrates de l’Union européenne.
Que ce soit dans la transformation de l’Union en un espace qui soit la
pointe avancée du néo-libéralisme – les sociaux-démocrates ont couvert
cette tendance au motif qu’après l’Europe économique on ferait l’Europe
sociale – ou que ce soit dans les négociations de CETA et de TAFTA dont
on cache le plus possible les enjeux véritables. En vérité le but était
exactement le contraire de celui affiché : il s’agissait de détruire
l’Etat providence comme l’avouera bien naïvement Hans Werner Sinn, le
patron de l’IFO et le chantre d’un libéralisme autoritaire et sauvage[4].
Il fallait donc se voiler vraiment la face pour ne pas voir dès 2005 et
le débat sur le TCE quel était le but ultime de l’UE. Dans cet article
très éclairant Sinn déclarait d’ailleurs que les migrations étaient
l’outil adéquat pour détruire définitivement l’Etat providence. Certes
il parlait des migrations internes à l’Union européenne, mais on
comprend bien que si celles-ci ne suffisent pas on peut en générer
d’autres comme l’a assumé Merkel en 2015 sous le couvert de la
générosité européiste.
L’Europe c’est la paix
Delorme va s’en prendre ensuite au misérable slogan l’Europe c’est la paix comme si cela justifiait tous les sacrifices et notre mise en esclavage progressive. S’il
y a eu la paix en Europe pendant de longues années, ce n’est pas dû à
l’institution européenne qui n’avait strictement aucune importance entre
1945 et 1983, mais à deux phénomènes conjoints :
-
d’abord chaque pays construisait son modèle de développement autonome,
et la prospérité revenue, la guerre n’avait aucun sens. Dire que
l’Europe serait facteur de paix c’est oublier que la guerre est presque
toujours le résultat de difficultés économiques. Lorsqu’Hitler déclenche
la guerre que l’on sait, c’est parce qu’il a dans l’idée – outre celle
de faire l’Europe – de construire une économie de pillage pour
satisfaire les besoins de son peuple[5] ;
-
ensuite parce que l’Union européenne est aussi un facteur de guerre
dans ses marges, que ce soit en Ukraine ou dans l’ex-Yougoslavie, ou que
ce soit dans ses velléités de construire une Europe de la défense au
service de l’OTAN en désignant la Russie comme l’ennemi. L’Union
européenne apparaît ainsi comme un facteur de Guerre froide à
perpétuité. Mais n’est-ce pas le meilleur moyen d’affirmer son existence
que de se créer un ennemi ? On note que les peuples européens sont
cependant assez sceptiques face à la nécessité de partir en guerre
contre Poutine, fusse au travers de sanctions économiques. C’est là une
nouvelle divergence entre l’élite et le peuple[6].
On
peut ajouter que l’Europe est entrée aussi en guerre contre les pays du
Sud, à commencer par la Grèce que l’Allemagne pille et torture
allégrement avec la bénédiction de la France et des autres pays du Nord.
Delorme laisse entendre d’ailleurs que l’Allemagne se venge des Grecs
qui ont été un pays de Résistance au moment de la Seconde Guerre
mondiale. Le résultat est que les Grecs sont devenus très anti-allemands
et pour très longtemps.
La sortie de l’euro et de l’Union européenne
Delorme
analyse aussi la possibilité de sortir de l’euro et de l’Union
européenne, le Brexit, comme la possibilité pour le Danemark et la Suède
de ne pas avoir à user de l’euro ne sont pas des handicaps, bien au
contraire. En effet comme le savent les économistes depuis la fin du
XVIIème siècle, la valeur de la monnaie s’ajuste en fonction des
déséquilibres de la balance commerciale : si la balance commerciale est
déficitaire, la valeur de la monnaie baisse, si elle est excédentaire la
valeur de la monnaie augmente. Cela engendre des mouvements de prix sur
les biens importés et exportés qui permettent de rééquilibrer le solde.
Dans la mesure où l’euro gèle la parité des monnaies pour l’éternité
entre les différents pays qui l’utilisent, les pays riches deviennent de
plus en plus riches et les pays pauvres de plus en plus pauvres. Une
partie de la relative bonne santé de l’économie britannique provient
d’ailleurs de la possibilité de dévaluer la livre lorsque le besoin s’en
fait sentir.
L’euro
est devenu un carcan, sauf pour ceux qui se trouvent sur la bonne
trajectoire ou qui ont su bien négocier le taux d’entrée dans l’euro,
comme l’Allemagne. Sans l’euro l’Allemagne ne serait pas grand-chose.
L'union européenne est censée représenter une nouvelle jeunesse
Evidemment
si on est entré dans l’euro on peut en sortir contrairement à ce que
nous affirme la propagande. C’est le principe même de la vie politique
et de ses incertitudes de pouvoir être réversible. Si on s’est trompé
avec l’euro, et bien il faut revenir en arrière sauf à démontrer qu’avec
l’euro on vit mieux qu’avant, sauf si on a l’esprit borné et pour tout
dire germanique de croire à l’éternité d’une règle en la matière. Mais
après tout les Allemands pensaient que le IIIème Reich durerait 1000
ans. L’avantage de sortir de l’euro est que le pays qui en sort retrouve
directement la maitrise de son destin, récupère les moyens politiques
que sont le budget et l’émission de la monnaie. Mais il va voir aussi
grâce à l’inflation ainsi générée ses dettes relibellées en monnaie
nationale diminuer. Delorme rappelle d’ailleurs que toutes les dettes
publiques se sont soldées aussi bien par de l’inflation que par de la
croissance, et jamais par la potion amère de l’abominable docteur
Schaüble qui propose année après année un tour de vis supplémentaire. On
rappelle d’ailleurs que les purges ont commencé en Grèce en 2005 avec
soi-disant pour but de retrouver la croissance et de faire baisser les
dettes : dix ans après on n’a eu ni l’un ni l’autre et les Grecs
sombrent dans la misère avec un pays qui est en train de se faire
dépecer notamment par les prédateurs allemands qui bradent eux-mêmes et
pour eux-mêmes les biens publics de la Grèce grâce à une succession de
memoranda auxquels Tsipras n’a pas eu le courage de s’opposer.
Bien
entendu la sortie de l’Union européenne doit être maîtrisée : il faut
évidemment pour cela mettre en place un système de contrôle des flux de
capitaux, mais également renationaliser le crédit non seulement en
reprenant le contrôle de la Banque de France, mais aussi en produisant
une séparation effective entre banques d’affaire et banques de dépôt.
Delorme pense également qu’une banque nationale serait nécessaire pour
susciter des investissements dans des secteurs clés. On pourrait
également proposer des mesures complémentaires comme la
renationalisation des autoroutes, de la SNCF, de Gaz de France, etc.
Toute ces choses qui vont redonner de la puissance à un Etat stratège au
moment où il faut se poser la question non seulement d’une transition
énergétique, mais d’une transition tout court vers un modèle différent
où on ne vise plus la production pour la production, mais où on
partirait de la satisfaction des besoins plutôt que de la nécessité
d’ accumuler du profit.
Conclusion
Evidemment
puisqu’en j’en partage la plupart des idées je dirais que c’est un très
bon livre. Un livre très dense et utile en tous les cas pour accélérer
le débat sur cette épineuse question. Le titre annonce qu’il y a en
réalité trente courts chapitres, on aurait pu en ajouter encore plein
d’autres, ou encore chacun de ces chapitres aurait pu donner naissance à
un ouvrage singulier. C’est bien rédigé, très clair, encore qu’on peut
regretter que toutes les sources de l’auteur ne soient pas citées.
Delorme revient sur ce secret de Polichinelle : les bureaucrates
européens sont non seulement menteurs et lâches, mais aussi complètement
corrompus, avec une mention spéciale pour les économistes qui ont été
achetés par wagons entiers pour justifier de ce projet moisi. Quand on
est économiste et qu’on travaille pour la Commission européenne, on peut
gagner pas mal d’argent à l’instar de Jean Pisani-Ferry, économiste
médiocre, mais habile à se promener dans les couloirs de Bruxelles.
Il
y a de la passion dans le texte et fort justement Delorme est
scandalisé par le sort qu’on a fait aux Grecs dont le pays se trouve à
l’agonie tandis que les européistes de profession prennent des gants
pour négocier avec le maître chanteur d’Istanbul, alors même que
l’opinion européenne est très majoritairement hostile à ce que les Turcs
intègrent un jour l’Europe. Mais si les Européens sont si lâches avec
la Turquie, c’est non seulement parce que les Américains veulent la
conserver dans l’OTAN, mais encore parce que l’Allemagne a des liens
anciens avec ce pays, tandis qu’elle a toujours méprisé la Grèce.
Delorme décrit aussi très bien le processus de corruption généralisé de
la Commission européenne en donnant des noms en citant des faits, il est
d’ailleurs remarquable que la Commission européenne recycle de façon
permanente des politicards qui se sont fait désavouer dans leur propre
pays, c’est vrai pour Barroso, c’est vrai pour Tusk et aussi quelques
autres.
[1]
Je précise pour pas qu’on vienne m’ennuyer avec ça que je ne vote pas
FN, et que je ne préconise aucune alliance électorale avec lui.
[2] http://in-girum-imus.blogg.org/coralie-delaume-et-david-cayla-michalon-la-fin-de-l-union-europeenne-2-a128021348
[3] https://www.upr.fr/dossiers-de-fond/la-face-cachee-de-robert-schuman
[4] Hans-Wemer Sinn, « Union sociale, migrations et constitution européenne », Commentaire, n° 109, 2005.
[5] Goetz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands, Flammarion, 2005.
[6] http://www.toutdz.com/sanctions-contre-la-russie-americains-et-europeens-partages-sondage/
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