lundi 6 février 2017

Olivier Delorme, 30 bonnes raisons pour sortir de l’Europe, Olivier Delorme, H&0

 « La solution de nos problèmes économiques... une union douanière, un marché libre, un système bancaire et des taux de change stables en Europe, vers une union monétaire européenne. » Herman Goering, juillet 1940
 Oliver Delorme, 30 bonnes raisons pour sortir de l’Europe, Olivier Delorme, H&0 
C’est selon moi [ ingirumimus ] un ouvrage que tous les « gens de gauche » qui sont axés dans la lutte antifasciste et qui voient dans le FN le danger le plus immédiat devraient lire d’urgence, ils verraient que le fascisme n’est pas où on croit qu’il gîte et que l’ennemi principal n’est pas forcément le Front National[1]. La priorité avant de pouvoir faire de la politique, c’est de sortir de l’Union européenne et bien sûr de l’euro.

Du IIIème Reich à l’Union européenne

Bien que les intentions d’Olivier Delorme soient semblables à celles de Coralie Delaume et David Cayla[2] – il est urgent de sortir de l’Europe et de remettre tout à plat – son livre est très différent dans la forme. Il s’attaque d’abord à la formation du projet européen. Il montre clairement que ce projet mortifère a été concocté principalement par des hommes de droite, souvent proches de la collaboration, souvent aussi proches du Vatican qui a toujours vu d’un mauvais œil l’émancipation des nations dans un cadre laïque. Tous les pères fondateurs de l’Europe comme on les appelle bêtement ont été aussi les employés des Américains durant la Guerre froide et son soudés entre eux par un anticommunisme primaire autant que par leur goût de l’argent. Faut-il rappeler que Jean Monnet était banquier ? Bien avant le sinistre Barroso, ils ont appris à se recycler dans les boutiques louches qui sponsorisent pour leur profit le développement d’une Europe libérale. Aucun de ces hommes n’eut un rôle actif dans la Résistance de leur pays. Et pour cause ! Le IIIème Reich était déjà un projet européen supranational. Olivier Delorme va montrer d’une manière convaincante qu’il y a une continuité de Metternich à Jean-Claude Juncker pour créer une Europe supranationale sous domination germanique. Dans le même temps il montre assez facilement que ces projets n’ont jamais réussi à produire autre chose que le désordre à grande échelle, les entités nationales refusant de se laisser soumettre.
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L'Union européenne comme le Vatican distribue des images pieuses 
On sait le peu de goût que Jean Monnet et Robert Schuman[3] avaient pour la démocratie, et comment ils faisaient tout pour faire avancer leur projet dans l’ombre, jusqu’à ce que les citoyens soient mis devant le fait accompli et ne puissent plus revenir en arrière. C’est la deuxième caractéristique de l’Europe : démontrer qu’on peut se passer de la démocratie et remplacer celle-ci par un gouvernement d’experts – la fameuse gouvernance – qui nous indique la voie unique à suivre.  
Pour Olivier Delorme il s’agit avec la construction de l’Union européenne de mettre en place une sorte de « fascisme mou », c’est le mot fort juste qu’il emploie, qui a remplacé les tanks par la maîtrise de la monnaie et de la construction des règles. L’Union européenne au fur et à mesure qu’elle perd de ses soutiens, devient de plus en plus autoritaire et punitive. Etant incapable de produire des résultats politiques et économiques positifs, elle désigne tel ou tel peuple, telle ou telle catégorie de la population comme coupable. Dernièrement ce furent les malheureux Grecs qui subirent les conséquences de cette tendance.
Je propose pour ma part que quand nous sortirons de l’Union européenne on débaptise une fois pour toutes les rues et les lycées ou les institutions publiques qui portent le nom de Jean Monnet ou celui de Robert Schuman. Pour moi c’est un peu comme si un lycée s’appelait le lycée du Maréchal Pétain ou le lycée Adolf Hitler.
 Oliver Delorme, 30 bonnes raisons pour sortir de l’Europe, Olivier Delorme, H&0 
Dissimuler et agir

Les pères fondateurs de l’Europe moderne ont  toujours avancé masqués, sans dévoiler leurs véritables intentions parce qu’ils savaient que dans le conteste de la Libération ont les auraient cloués au pilori. Ils ont donc préféré les petites réunions furtives, déjà financées par le grand patronat, à la lumière du jour. Ils ont donc avancé à petits pas, en se débrouillant pour qu’on ne puisse revenir en arrière.
Cette volonté de cacher ses intentions est d’ailleurs aujourd’hui encore la marque permanente de l’action des bureaucrates de l’Union européenne. Que ce soit dans la transformation de l’Union en un espace qui soit la pointe avancée du néo-libéralisme – les sociaux-démocrates ont couvert cette tendance au motif qu’après l’Europe économique on ferait l’Europe sociale – ou que ce soit dans les négociations de CETA et de TAFTA dont on cache le plus possible les enjeux véritables. En vérité le but était exactement le contraire de celui affiché : il s’agissait de détruire l’Etat providence comme l’avouera bien naïvement Hans Werner Sinn, le patron de l’IFO et le chantre d’un libéralisme autoritaire et sauvage[4]. Il fallait donc se voiler vraiment la face pour ne pas voir dès 2005 et le débat sur le TCE quel était le but ultime de l’UE. Dans cet article très éclairant Sinn déclarait d’ailleurs que les migrations étaient l’outil adéquat pour détruire définitivement l’Etat providence. Certes il parlait des migrations internes à l’Union européenne, mais on comprend bien que si celles-ci ne suffisent pas on peut en générer d’autres comme l’a assumé Merkel en 2015 sous le couvert de la générosité européiste.

L’Europe c’est la paix

Delorme va s’en prendre ensuite au misérable slogan l’Europe c’est la paix comme si cela justifiait tous les sacrifices et notre mise en esclavage progressive. S’il y a eu la paix en Europe pendant de longues années, ce n’est pas dû à l’institution européenne qui n’avait strictement aucune importance entre 1945 et 1983, mais à deux phénomènes conjoints :
- d’abord chaque pays construisait son modèle de développement autonome, et la prospérité revenue, la guerre n’avait aucun sens. Dire que l’Europe serait facteur de paix c’est oublier que la guerre est presque toujours le résultat de difficultés économiques. Lorsqu’Hitler déclenche la guerre que l’on sait, c’est parce qu’il a dans l’idée – outre celle de faire l’Europe – de construire une économie de pillage pour satisfaire les besoins de son peuple[5] ;
- ensuite parce que l’Union européenne est aussi un facteur de guerre dans ses marges, que ce soit en Ukraine ou dans l’ex-Yougoslavie, ou que ce soit dans ses velléités de construire une Europe de la défense au service de l’OTAN en désignant la Russie comme l’ennemi. L’Union européenne apparaît ainsi comme un facteur de Guerre froide à perpétuité. Mais n’est-ce pas le meilleur moyen d’affirmer son existence que de se créer un ennemi ? On note que les peuples européens sont cependant assez sceptiques face à la nécessité de partir en guerre contre Poutine, fusse au travers de sanctions économiques. C’est là une nouvelle divergence entre l’élite et le peuple[6].
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On peut ajouter que l’Europe est entrée aussi en guerre contre les pays du Sud, à commencer par la Grèce que l’Allemagne pille et torture allégrement avec la bénédiction de la France et des autres pays du Nord. Delorme laisse entendre d’ailleurs que l’Allemagne se venge des Grecs qui ont été un pays de Résistance au moment de la Seconde Guerre mondiale. Le résultat est que les Grecs sont devenus très anti-allemands et pour très longtemps.

La sortie de l’euro et de l’Union européenne

Delorme analyse aussi la possibilité de sortir de l’euro et de l’Union européenne, le Brexit, comme la possibilité pour le Danemark et la Suède de ne pas avoir à user de l’euro ne sont pas des handicaps, bien au contraire. En effet comme le savent les économistes depuis la fin du XVIIème siècle, la valeur de la monnaie s’ajuste en fonction des déséquilibres de la balance commerciale : si la balance commerciale est déficitaire, la valeur de la monnaie baisse, si elle est excédentaire la valeur de la monnaie augmente. Cela engendre des mouvements de prix sur les biens importés et exportés qui permettent de rééquilibrer le solde. Dans la mesure où l’euro gèle la parité des monnaies pour l’éternité entre les différents pays qui l’utilisent, les pays riches deviennent de plus en plus riches et les  pays pauvres de plus en plus pauvres. Une partie de la relative bonne santé de l’économie britannique provient d’ailleurs de la possibilité de dévaluer la livre lorsque le besoin s’en fait sentir.
L’euro est devenu un carcan, sauf pour ceux qui se trouvent sur la bonne trajectoire ou qui ont su bien négocier le taux d’entrée dans l’euro, comme l’Allemagne. Sans l’euro l’Allemagne ne serait pas grand-chose. 
Oliver Delorme, 30 bonnes raisons pour sortir de l’Europe, Olivier Delorme, H&0
L'union européenne est censée représenter une nouvelle jeunesse 
Evidemment si on est entré dans l’euro on peut en sortir contrairement à ce que nous affirme la propagande. C’est le principe même de la vie politique et de ses incertitudes de pouvoir être réversible. Si on s’est trompé avec l’euro, et bien il faut revenir en arrière sauf à démontrer qu’avec l’euro on vit mieux qu’avant, sauf si on a l’esprit borné et pour tout dire germanique de croire à l’éternité d’une règle en la matière. Mais après tout les Allemands pensaient que le IIIème Reich durerait 1000 ans. L’avantage de sortir de l’euro est que le pays qui en sort retrouve directement la maitrise de son destin, récupère les moyens politiques que sont le budget et l’émission de la monnaie. Mais il va voir aussi grâce à l’inflation ainsi générée ses dettes relibellées en monnaie nationale diminuer. Delorme rappelle d’ailleurs que toutes les dettes publiques se sont soldées aussi bien par de l’inflation que par de la croissance, et jamais par la potion amère de l’abominable docteur Schaüble qui propose année après année un tour de vis supplémentaire. On rappelle d’ailleurs que les purges ont commencé en Grèce en 2005 avec soi-disant pour but de retrouver la croissance et de faire baisser les dettes : dix ans après on n’a eu ni l’un ni l’autre et les Grecs sombrent dans la misère avec un pays qui est en train de se faire dépecer notamment par les prédateurs allemands qui bradent eux-mêmes et pour eux-mêmes les biens publics de la Grèce grâce à une succession de memoranda auxquels Tsipras n’a pas eu le courage de s’opposer.
Bien entendu la sortie de l’Union européenne doit être maîtrisée : il faut évidemment pour cela mettre en place un système de contrôle des flux de capitaux, mais également renationaliser le crédit non seulement en reprenant le contrôle de la Banque de France, mais aussi en produisant une séparation effective entre banques d’affaire et banques de dépôt. Delorme pense également qu’une banque nationale serait nécessaire pour susciter des investissements dans des secteurs clés. On pourrait également proposer des mesures complémentaires comme la renationalisation des autoroutes, de la SNCF, de Gaz de France, etc. Toute ces choses qui vont redonner de la puissance à un Etat stratège au moment où il faut se poser la question non seulement d’une transition énergétique, mais d’une transition tout court vers un modèle différent où on ne vise plus la production pour la production, mais où on partirait de la satisfaction des besoins plutôt que de la nécessité d’       accumuler du profit.

Conclusion

Evidemment puisqu’en j’en partage la plupart des idées je dirais que c’est un très bon livre. Un livre très dense et utile en tous les cas pour accélérer le débat sur cette épineuse question. Le titre annonce qu’il y a en réalité trente courts chapitres, on aurait pu en ajouter encore plein d’autres, ou encore chacun  de ces chapitres aurait pu donner naissance à un ouvrage singulier. C’est bien rédigé, très clair, encore qu’on peut regretter que toutes les sources de l’auteur ne soient pas citées. Delorme revient sur ce secret de Polichinelle : les bureaucrates européens sont non seulement menteurs et lâches, mais aussi complètement corrompus, avec une mention spéciale pour les économistes qui ont été achetés par wagons entiers pour justifier de ce projet moisi. Quand on est économiste et qu’on travaille pour la Commission européenne, on peut gagner pas mal d’argent à l’instar de Jean Pisani-Ferry, économiste médiocre, mais habile à se promener dans les couloirs de Bruxelles.
Il y a de la passion dans le texte et fort justement Delorme est scandalisé par le sort qu’on a fait aux Grecs dont le pays se trouve à l’agonie tandis que les européistes de profession prennent des gants pour négocier avec le maître chanteur d’Istanbul, alors même que l’opinion européenne est très majoritairement hostile à ce que les Turcs intègrent un jour l’Europe. Mais si les Européens sont si lâches avec la Turquie, c’est non seulement parce que les Américains veulent la conserver dans l’OTAN, mais encore parce que l’Allemagne a des liens anciens avec ce pays, tandis qu’elle a toujours méprisé la Grèce. Delorme décrit aussi très bien le processus de corruption généralisé de la Commission européenne en donnant des noms en citant des faits, il est d’ailleurs remarquable que la Commission européenne recycle de façon permanente des politicards qui se sont fait désavouer dans leur propre pays, c’est vrai pour Barroso, c’est vrai pour Tusk et aussi quelques autres.



[1] Je précise pour pas qu’on vienne m’ennuyer avec ça que je ne vote pas FN, et que je ne préconise aucune alliance électorale avec lui.
[2] http://in-girum-imus.blogg.org/coralie-delaume-et-david-cayla-michalon-la-fin-de-l-union-europeenne-2-a128021348
[3] https://www.upr.fr/dossiers-de-fond/la-face-cachee-de-robert-schuman
[4] Hans-Wemer Sinn, « Union sociale, migrations et constitution européenne », Commentaire, n° 109, 2005. 
[5] Goetz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands, Flammarion, 2005.
[6] http://www.toutdz.com/sanctions-contre-la-russie-americains-et-europeens-partages-sondage/

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