Quelques mois après le
Brexit, Olivier Delorme publie 30 bonnes raisons pour sortir de
l’Europe, aux éditions H&O. Petit compte-rendu d’un ouvrage incisif,
à la fois plaidoyer pour un « Frexit », et critique argumentée et sans
concession de l’Union Européenne.
Décidément, l’Union Européenne va mal.
Les ouvrages d’intellectuels qui font le constat de la mort du projet
européen se comptent par dizaines. Joseph Stiglitz, prix nobel
d’économie, a auréolé de sa gloire académique la critique à la fois
économique et politique de l’euro. Dans le petit monde des économistes,
les langues se délient de plus en plus. Ici, c’est au tour d’Olivier
Delorme, historien et romancier, auteur d’une somme impressionnante de
2500 pages sur l’histoire de la Grèce et des Balkans. Le traitement
réservé à la Grèce, petit pays à la périphérie de l’Union Européenne, a
été la goute d’eau qui fait déborder le vase pour un homme qui séjourne
six mois de l’année chez nos amis grecs, et qui a donc pu voir les
ravages de l’austérité depuis le déclenchement de la crise.
C’est donc une critique impitoyable du
projet européen, de son histoire passée et de son présent, que nous
livre Olivier Delorme sur un style quasi-pamphlétaire. Des accointances
des collaborateurs de Vichy pour un « nouvel ordre européen » à la crise
grecque et à la nouvelle emprise de l’Allemagne sur l’Union Européenne,
en passant par le « fédérateur extérieur » que sont les États-Unis et
le coup d’État juridique permanent qui règne à l’intérieur de l’Union
Européenne, tout est passé au crible de la critique sans concession.
L’auteur entend à la fois présenter la
réalité européenne dans tout ce qu’elle a de plus crue – on renvoie en
particulier à l’excellent chapitre sur les liens entre Goldman Sachs, la
finance, et les hauts fonctionnaires européens -, et mettre à mort les
dernières illusions sur les « États-Unis d’Europe » et « l’Europe
sociale ». Car selon lui, l’Union Européenne est bien loin de l’alliance
libre et mutuellement avantageuse entre pays égaux.
Il s’agirait en réalité d’une forme
impériale dans laquelle l’Allemagne est devenue « plus égale que les
autres ». Ainsi, l’ouvrage met en avant la façon dont on a imposé
l’ordolibéralisme allemand, à travers la constitutionnalisation de tout
ce qui faisait une politique économique, à des pays qui y étaient plus
que rétifs et qui ont des besoins économiques et sociaux tout à fait
différents. Les contradictions entre les pays membres et le degré
d’intégration ont atteint un tel niveau qu’il serait maintenant
impossible de réorienter l’ensemble, voué à imploser.
Point de salut à l’intérieur de l’Union
Européenne, c’est la leçon que nous livre Olivier Delorme. C’est
pourquoi l’auteur appelle à sortir de l’euro, de l’Union Européenne et
de l’OTAN. Ce qui doit déboucher sur un « nouveau programme du CNR » qui
garantisse à la fois l’indépendance de la France, une politique
économiquement et socialement juste, et qui permette de nouvelles
coopérations entre pays européens hors de l’utopie fédéraliste.
On le dira sans ambages, nous avons
apprécié la lecture de cet ouvrage, tout particulièrement la partie qui
s’attarde sur la trajectoire biographique des fondateurs de la CECA et
du Traité de Rome – Monnet, Gasperi, Schumann, Erhard, Spaak, Bech,
entre autres. Il met en lumière leurs liens avec le pape Pie XII, leur
comportement trouble pendant la guerre et leur méfiance pour la
souveraineté des peuples. Mais la plus grande qualité de l’ouvrage, à
nos yeux, vient du fait que l’auteur est à la fois historien et
romancier : le souffle se maintient tout au long d’un exposé très
vivant. Même si l’auteur va au fond des choses, on ne s’y perd jamais,
car Olivier Delorme a une certaine capacité à rendre limpide des
phénomènes très complexes, tout en ne tournant pas autour du pot.
Nous avons peu de critiques à faire à
l’ouvrage, hormis peut-être une certaine propension à forcer le trait
sur l’Allemagne, qui n’est pas loin d’être essentialisée. Les
contradictions internes du pays, notamment l’absence de rattrapage réel
de l’ex-RDA, mériteraient peut-être qu’on s’attarde dessus. Néanmoins,
cela tient aussi à l’esprit du livre, dans la mesure où la colère et
l’exaspération de l’auteur, contre ce qu’il qualifie de système
d’oppression des peuples au bénéfice de l’espace rhénan, sont tout à
fait palpables.
« 30 bonnes raisons pour sortir de
l’Europe » est donc, contre toute attente, un ouvrage grand public, qui
fait œuvre de salubrité publique à l’heure où le futur européen de la
France est totalement absent de la campagne présidentielle. Nous vous le
conseillons particulièrement comme cadeau à offrir aux néophytes des
obscures arcanes européennes. C’est un cadeau qui, nous en sommes sûr,
rendra les enjeux tout à fait limpides au lecteur qui l’aura entre les
mains.
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