mardi 8 décembre 2015

L’érosion et l’évaporation du Capital #3

par Alban Dousset
jeudi 3 septembre 2015  
 
 
Je souhaite faire usage de l'espace d'expression qu'offre Agoravox pour enrichir un essai d'économie politique (en cours d'écriture) des critiques pertinentes que vous apporterez en commentaire.
Cet essai devrait s'intituler "L'érosion et l'évaporation de Capital", voici sa troisième partie

Derrière l’économie politique du capitalisme dite "néolibérale" ou "ultralibérale", on découvre une vision spécifique de la liberté et de l'individu. Philosophiquement, cette suprématie de la liberté et de l’individu remonte jusqu’aux penseurs des lumières (peut-être même au cogito de Descartes…). Sur le plan économique, elle apparaît avec des penseurs tels que A. Smith et s'extrémise avec des économistes tel que F. Von Hayek qui sera un apôtre de « l'ultralibéralisme ».
Grâce au dogme libéral, la « main invisible » du marché et de l’évolution guidera les hommes et l’humanité vers le « plus grand bien » et la « plus grande perfection ». A sa manière, le libéralisme est une idéologie manichéenne puisqu’elle considère comme bien (unique) la liberté et comme mal tout ce qui l’entrave. En cela, le libéralisme comme économie politique estime que l’Etat doit avoir pour mission essentielle de garantir la liberté des acteurs économiques (au détriment de sa stabilité ?), l’Entrepreneuriat doit être libre d’entreprendre, le Capital doit être libre d’investir et le Travail doit être libre de travailler. Le libéralisme, en proposant de « laisser faire la nature », rend l’homme à sa nature d’animal intelligent.
De mon point de vue, cela fonctionne mieux que le communisme. Cependant le capitalisme rencontre ponctuellement des « crises », pour ne pas dire des séismes économiques, comme en 1929 et comme la crise que nous connaîtrons bientôt[1]. Pourquoi ?
Lorsque le capitalisme et le libéralisme poursuivent leur logique, ils se heurtent inévitablement à leurs propres absurdités, leurs propres extrémités : K. Marx avait relevé certaines de ces aberrations mais son analyse est incomplète.

Nous avons défini, à partir de leur comportement, quatre facteurs centraux de l’économie : Capital[2], Travail[3], Entrepreneuriat[4] et Etat[5].
Pour comprendre la mécanique du système capitaliste, il est nécessaire de développer des notions :
La masse : Elle exprime le volume et le poids d’un facteur économique. La masse est dite « économique » lorsqu’elle est favorable à l’économie [et au social] et « critique » lorsqu’elle est défavorable à l’économie [et au social].
L’exigence : Elle exprime la force des attentes d’un facteur économique. L’exigence est fonction de la masse et de la concentration du facteur économique.
La concentration : Elle exprime la répartition, la densité et la cohésion d’un facteur économique.
La liquidité : Elle exprime la mobilité et la volatilité d’un facteur économique.

L’une des clefs de compréhension de ce schéma réside dans le fait que la masse du Capital ne peut que s’accroître. De manière localisée et spécifique, certains capitaux peuvent être détruits lorsque le marché fluctue, lorsqu’une entreprise fait des déficits ou dépose le bilan, lorsqu’une bulle spéculative éclate, lorsqu’un Etat renonce à payer une part de ses dettes ou décide de prélever une part du patrimoine de la société. Néanmoins, cela n’atteint jamais la masse globale du Capital qui continue de croître inexorablement vers sa masse critique. De plus, les déperditions localisées du Capital stimulent le phénomène de concentration du Capital ; en effet les acteurs les mieux épargnés par ces épiphénomènes sont les acteurs les mieux informés et les plus réactifs, c’est-à-dire ceux qui concentrent le Capital.
  1. Phase de construction du capitalisme
Dans la grande majorité des pays développés, la phase de construction du capitalisme la plus récente s’étend entre 1945 et 1973. Cette phase est baptisée « trente glorieuses ».
La construction capitaliste est riche de ses bienfaits et de sa diversité : développement de l’industrie et du commerce au niveau mondial, stimulation de l’innovation managériale, technologique et organisationnelle, développement d’une gestion comptable et financière stable et performante, hausse généralisée du niveau et du confort de vie.
Pendant cette période de croissance économique intense, la demande de « moyens » est si forte que le Capital entreprend de se multiplier artificiellement (pour faire face à la demande) par l’intermédiaire du crédit bancaire et, dans une certaine mesure, des réserves fractionnaires. Cela permet aux banques de prêter beaucoup plus que ce qu’elles ne possèdent.
Lors de cette phase, le Capital se cantonne à son rôle, son conatus de facteur économique : se multiplier. Il n’a aucun intérêt à perturber les autres acteurs puisque, avec la croissance économique, « tout fonctionne parfaitement tout seul ».
Avec cette croissance économique, tout le monde est gagnant-gagnant et répond à son conatus :
Le Capital se multiplie.
Le Travail est stable et gagne en efficience (durée de travail diminuée et hausse des salaires)
L’Entrepreneuriat dispose de fortes capacités de développement et d’innovation dans une multitude de domaines économiques.
L’Etat dispose d’une vigueur économique qui lui permet des investissements structurels et d’intérêt général.
A l’issue de cette phase, le Capital atteint sa masse économique maximale. Néanmoins, il est toujours déterminé par son conatus : se multiplier. L’exigence du Capital à satisfaire ce désir est proportionnel à sa masse. C'est à cet instant que le Capital atteint sa masse critique et que le capitalisme entre dans une phase autodestructrice.
 
[1] Cf à l'épisode 9 de ma chronique d'un éveil citoyen : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/chronique-d-un-eveil-citoyen-164697
[2]Le Capital désigne le désir (des propriétaires des moyens de production) de faire fructifier leur investissement. Le désir du Capital se situe dans la recherche d’une rentabilité maximum pour un risque minimum. En d’autres mots, le conatus du Capital réside dans sa multiplication.
[3]Le Travail désigne le désir (des forces laborieuses et productives) d'un échange pérenne et optimal entre tache laborieuse et rémunération. Ce désir cantonne l'individu à son intérêt individuel, c'est à dire à son désir d'un rapport optimal entre son travail et sa contrepartie. En d’autres mots, le conatus du Travail est une recherche d’efficience et de stabilité optimum pour son activité et sa contrepartie.
[4]L’Entrepreneuriat désigne le désir (des forces laborieuses et productives) d'améliorer et développer l'organisation économique dans laquelle elles évoluent. Le désir de l’Entrepreneuriat se situe dans un désir de croissance, de réalisation et de construction. En d’autres mots, le conatus de l’Entrepreneuriat réside dans une transcendance organisationnelle. [>> Cette dernière se manifeste par la volonté de bâtir, de guider, de conquérir, d’optimiser, d’innover…]
[5]L’Etat désigne le désir (de la structure organisant les connections économiques et le service public d’une société) d'une relative stabilité économique, sociale et politique. Le désir de l’Etat se situe dans l'autoconservation de sa structure. En d’autres mots, le conatus de l’Etat réside dans une stabilité systémique.

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