mardi 8 décembre 2015

L’érosion et l’évaporation du Capital 1#

par Alban Dousset
mardi 12 mai 2015

Je souhaite faire usage de l'espace d'expression qu'offre Agoravox pour enrichir un essai d'économie politique (en cours d'écriture) des critiques pertinentes que vous apporterez en commentaire.
Cet essai devrait s'intituler "L'érosion et l'évaporation de Capital", voici son introduction.

Introduction : un empire en déliquescence.

« Le capital doit se protéger par tous les moyens possibles, à la fois par la combinaison et la législation. Les dettes doivent être collectées, les hypothèques saisies le plus rapidement possible. Lorsque, en vertu de la loi, les gens perdront leurs maisons, ils deviendront plus dociles et plus faciles à gouverner grâce au bras fort du gouvernement mis en œuvre par un pouvoir central de la richesse sous le contrôle de grands financiers. Ces vérités sont bien connues parmi nos principaux hommes qui sont maintenant engagés dans la formation d’un impérialisme pour gouverner le monde. En divisant les électeurs par le système des partis politiques, nous pouvons les amener à dépenser leur énergie en se battant pour des questions sans importance. C’est donc par l’action discrète que nous pouvons obtenir pour nous-mêmes ce qui a été si bien planifié et ainsi accompli avec succès. » Cette citation beaucoup reprise sur internet est généralement attribué à Norman Montagu, gouverneur de la Banque d’Angleterre lorsqu'il s’adressait à l’association des Banquiers des États-Unis, New York 1924.


Je pensais ouvrir mon essai sur cette citation fracassante néanmoins, après quelques recherches, il apparaît que cette citation a été brutalement sortie de son contexte. Je vous recommande donc de vérifier soigneusement les sources des éléments qui circulent abondamment sur les réseaux sociaux. On retrouve notamment cette citation à la page 217 d'un "Bankers magazine" datant de 1920[1]. Voici ce qui la précède :
« Dans le but de donner l'impression que les banquiers du pays conspiraient pour opprimer le "petit peuple", différentes agences du Middle West faisaient circuler un pamphlet contenant ce qu'elles prétendaient être une citation du "magazine des banquiers". Aucune déclaration semblable, ou quelque chose s'en rapprochant même de loin, n'a jamais paru dans le magazine et elle n'a d'intérêt que pour les initiateurs de la propagande dont le seul but semble être de créer dans l'esprit du public une fausse impression. »
Cette défiance à l'égard des banquiers qui préexistait dès les années 1920 semblait présager de la dérive des marchés financiers, de leurs bulles spéculatives et de la crise qui survint en 1929.
« Entre mars 1926 et octobre 1929, le cours des actions augmente de 120 %. Le 3 septembre, l'indice Dow Jones atteint 381,17, son plus haut niveau avant 1954. Le 16 octobre, l'économiste Irving Fisher déclare : « Stock prices have reached what looks like a permanently high plateau » (« Les cours ont atteint ce qui semble être un plateau perpétuellement élevé »).Extrait de wikipédia sur la crise de 1929.
Entre mars 2009 et mai 2015, le cours des actions du Dow Jones a augmenté de plus de 273 % tandis que le Dow Jones entre mai 1923 et septembre 1929 avait augmenté de 444 %. D'autres éléments factuels qui permettent de discerner la crise financière majeure qui frappera bientôt nos économies sont développés dans l'un de mes précédents articles[2].
Cette crise financière, puis économique, à venir n’est que l’un des nombreux bouleversements qu'endureront nos sociétés dans les décennies à venir. Nous devrons également surmonter le basculement de guerres d’influences, de dogmes idéologiques, de hiérarchies médiatiques, des rapports de force géopolitiques et la gestion de nos matières premières…
Plus globalement, nous assisteront certainement à l’effondrement inévitable de ce que les uns qualifient « d’empire » et les autres « de système » selon leur lecture de la réalité.
Dans les années 90, le bloc de l’URSS, porteur d'une idéologie "communiste" fondée sur une « égalité » intégriste (mais à géométrie variable), s’effondre après un exercice du pouvoir de 70 ans.
De nos jours, l’empire anglo-américain, porteur d'une idéologie "capitaliste", fondée sur une « liberté » intégriste (mais à géométrie variable), est en passe de s’effondrer.
La chute de ces deux empires est [ou sera] d’abord liée à leurs économies.
Certains outils conceptuels apportés par K. Marx sont d'un intérêt significatif pour comprendre ces deux économies politiques. Ainsi, K. Marx introduit deux facteurs antagonistes pour comprendre le fonctionnement de l’économie : le Travail et le Capital.
Le Travail désigne les forces laborieuses et productives au sein d’une organisation économique.
Le Capital désigne les moyens de production (et implicitement leur propriétaire, les capitalistes) au sein d’une organisation économique.
Cette définition des facteurs économiques est le fruit d'un approche juridique/contractuelle.
>> Les propriétaires de la force de travail Versus les propriétaires des moyens de production.
Bien qu'intéressants pour une première approche, ces deux facteurs antagonistes tirés d'une approche contractuelle mériteraient d'être développés et complétés avec une nouvelle perspective.
Pour repenser notre système d'économie politique, je suggérerai de redéfinir les facteurs économiques en fonction de leur comportement où, plus exactement, en fonction de ce que Spinoza qualifierait comme leur conatus[3].
Afin de saisir certaines complexités sociales il me semble nécessaire d'identifier quatre facteurs économiques que je définirais par leur conatus :
  • Le Travail désigne le désir (des forces laborieuses et productives) d'un échange pérenne et optimal entre tache laborieuse et rémunération. Ce désir cantonne l'individu à son intérêt individuel, c'est à dire à son désir d'un rapport optimal entre son travail et sa contrepartie. En d’autres mots, le conatus du Travail est une recherche d’efficience et de stabilité optimum pour son activité et sa contrepartie.
  • L’Entrepreneuriat désigne le désir (des forces laborieuses et productives) d'améliorer et développer l'organisation économique dans laquelle elles évoluent. Le désir de l’Entrepreneuriat se situe dans un désir de croissance, de réalisation et de construction. En d’autres mots, le conatus de l’Entrepreneuriat réside dans une transcendance organisationnelle. [>> Cette dernière se manifeste par la volonté de bâtir, de guider, de conquérir, d’optimiser, d’innover…]
  • Le Capital désigne le désir (des propriétaires des moyens de production) de faire fructifier leur investissement. Le désir du Capital se situe dans la recherche d’une rentabilité maximum pour un risque minimum. En d’autres mots, le conatus du Capital réside dans sa multiplication.
  • L’Etat désigne le désir (de la structure organisant les connections économiques et le service public d’une société) d'une relative stabilité économique, sociale et politique. Le désir de l’Etat se situe dans l'autoconservation de sa structure. En d’autres mots, le conatus de l’Etat réside dans une stabilité systémique.

Vous l'aurez certainement compris, cet approche conceptuel reprend le rapport de force Capital/Travail à la différence que :
  • Elle divise le facteur Travail (définit comme des forces laborieuses et productives) en deux facteurs distincts : le Travail (dont le conatus est une recherche d’efficience et de stabilité optimum pour son activité et sa contrepartie) et l'Entrepreneuriat (dont le conatus est la recherche d'une transcendance organisationnelle).
  • Elle ajoute l'État comme acteur économique essentiel.

Les idées que je m'efforcerai de développer dans cet ouvrage retranscrivent ma compréhension de la réalité politique, économique, monétaire et sociale.
Au terme de ce développement, je présenterai des préconisations pour améliorer notre économie politique notamment ce que j'ai choisi de baptiser "l'érosion et l'évaporation du Capital".
 
[2]Cf au dernier épisode de ma chronique d'un éveil citoyen : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/chronique-d-un-eveil-citoyen-164697
[3] On peut résumer le « conatus » comme « l’origine comportementale d’une entité ».
Extrait wikipédia : Spinoza nomme conatus la puissance propre et singulière de tout « étant » à persévérer dans cet effort pour conserver et même augmenter, sa puissance d'être. [Pour Spinoza,]le conatus est une stratégie dynamique qui dépend du degré d'activité : toute chose s'efforce de persévérer dans son être, c'est-à-dire dans la direction de l'affirmation de soi qui lui est propre, pour accroître sa puissance.

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