mardi 29 décembre 2015

Déchéance de nationalité : questions clés sur un outil symbolique

Quelle est l’histoire de la déchéance de la nationalité?

La dénaturalisation apparaît en 1848, pour sanctionner les Français continuant à pratiquer la traite après l’abolition de l’esclavage.
Pendant la Première guerre mondiale, une législation spéciale permet de déchoir de leur nationalité des Français originaires de puissances ennemies. Plus de 500 personnes sont touchées.
Sous le régime de Vichy, la déchéance est massive, avec 15000 cas: «le seul moment où on a dénaturalisé des Français de naissance, comme De Gaulle», relève Serge Slama, maître de conférence en droit public à l’université Paris Ouest-Nanterre La Défense.
Ces dispositions sont annulées après guerre et une ordonnance de 1945 fixe les grandes lignes de la déchéance de nationalité, qui ont peu bougé depuis.

Quelles sont les conditions de la déchéance et son utilisation?

L’article 25 du Code civil prévoit qu’un individu «qui a acquis la qualité de Français» depuis 15 ans ou moins peut être déchu de la nationalité «s’il est condamné» pour un crime ou délit précis, tel que «l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation», le «terrorisme» ou encore le fait de se livrer au profit d’un Etat étranger «à des actes préjudiciables aux intérêts de la France».
Cette déchéance est prononcée «par décret, après avis conforme du Conseil d’Etat».
La disposition est peu usitée. Selon le ministère de l’Intérieur, 26 déchéances de nationalité ont été prononcées depuis 1973, dont 13 pour terrorisme.

Que changera la révision constitutionnelle?

Le projet passe par une révision de l’article 34 de la Constitution. Celle-ci vise à rendre possible une déchéance de nationalité «pour les binationaux nés Français», et plus seulement pour ceux qui ont acquis la nationalité. Les Français n’ayant pas d’autre nationalité ne seront pas concernés, pour éviter de créer des apatrides, selon une disposition de la loi Guigou de 1998.
La déchéance vise à sanctionner les auteurs des «crimes contre la vie de la Nation», a affirmé cette semaine le Premier ministre Manuel Valls. Mais contrairement au projet initial, les simples délits ne seront pas concernés. L’exécutif compte suivre «point par point» l’avis du Conseil d’Etat qui a également jugé peu opportun d’introduire le terme de «terrorisme» dans la Constitution.
Pour fixer les modalités d’application de ces dispositions, notamment la liste des crimes concernés, une loi ordinaire sera nécessaire.

Quels sont les garde-fous?

Le champ d’application de cette mesure sera «strictement limité», a assuré Manuel Valls, en soulignant que seule «une condamnation définitive» édictée «par un tribunal indépendant», et pour «un crime grave» de l’ordre du «crime terroriste», rendrait possible une déchéance de nationalité.
Cette mise au point est intervenue alors que certains s’inquiètent pour l’ensemble des binationaux, dont le nombre est évalué entre 3 et 3,5 millions en France.
Au bout du compte, cette mesure est «symbolique», de l’aveu même du Premier ministre.
Le Conseil d’Etat lui-même a souligné que la perspective d’une éventuelle déchéance «aurait sans doute peu d’effet dissuasif» sur les candidats aux attaques terroristes.

Qu’adviendra-t-il des personnes sanctionnées?

Les auteurs de crimes terroristes déchus de leur nationalité «seront poursuivis et condamnés en France», a affirmé Manuel Valls, en précisant que «c’est seulement à l’expiration de leur peine» qu’ils pourront faire l’objet d’une expulsion du territoire.
Dans les cas où la mise à exécution de l’expulsion ne serait pas possible, un certain nombre de mesures de surveillance pourraient être prises, telles que l’assignation à résidence ou l’interdiction d’entrer en contact avec certaines personnes par exemple.

Source http://www.lavoixdunord.fr/france-monde/decheance-de-nationalite-questions-cles-sur-un-outil-ia0b0n3242472

3 commentaires:

Je a dit…

La déchéance de nationalité pour les binationaux est déjà possible dans notre code civil - pour les étrangers qui ont acquis la nationalité française et pour eux seuls.

Le gouvernement l’a étendue aux binationaux nés français.

Le Conseil d’Etat a été saisi pour avis le 1er décembre du projet de loi en ce sens qui devrait être présenté le 23 décembre au conseil des ministres et a statué qu’il fallait pour cela réviser la Constitution.

C’est un moment grave : « il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois, soulignait Montesquieu en 1721. Mais le cas est rare, et, lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante ».

Je a dit…

Mais en définitive, ce changement de la Constitution (ou plutôt cette extension de la loi à la constitution) ne s'applique qu'aux binationaux (qu'ils soient nés étrangers ou français).

Un Français qui commet des actes portant atteinte à l'Etat ne pourra pas se retrouver apatride. Et puis, si c'est un terroriste suicidaire ou abattu par le GIGN, peu lui importera d'être enterré français ou pas.

Beaucoup de brassage d'air pour pas grand chose.

N'y a-t-il vraiment eu que ce changement dans la Constitution dans la nuit du 23 au 24 décembre ?

Je a dit…

Je suis persuadé que la polémique qui remplit les journaux n'a d'autre but que de masquer quelque chose de plus grave, une atteinte aux libertés de tous les Français.

Sinon, pourquoi changer la Constitution en cachette, la nuit, pratiquement pendant le réveillon de Noël ?