A lire absolument.
Collectif, Gouverner par le chaos / Ingénierie sociale et mondialisation, Editions Max Milo,
collection Essais – Documents, 29/04/2010, 94 pages
Le chaos n’est plus l’ennemi des classes dirigeantes. Il est au contraire devenu la stratégie privilégiée du pouvoir.
Jacques Attali ne cesse de le rappeler, que ce soit dans ses
publications ou ses interventions médiatiques : la plupart des
dirigeants contemporains ne poursuivent fondamentalement que deux buts,
le premier étant de mettre sur pied un gouvernement mondial, le
deuxième, afin de protéger ce gouvernement mondial de tout renversement
par ses ennemis, étant de créer un système technique mondialisé de
surveillance généralisée fondé sur la traçabilité totale des objets et
des personnes.
Ce système global de surveillance est déjà fort avancé grâce à
l’informatique (reciblage publicitaire, programme de surveillance de
masse PRISM, etc.), à la téléphonie mobile et aux dispositifs de
caméras, statiques ou embarquées dans des drones, en nombre toujours
croissant dans nos villes.
Il importe au pouvoir, avant toute chose, de détruire le lien entre
le réel et la raison. Ainsi, le retour du réel étant en quelque sorte
indéfiniment différé, le discours du pouvoir devient le paradigme de la
pensée, discours souvent prononcé dans cette langue médiatique étrange
qui se nomme novlangue …
L’ingénierie politico-sociale consiste ni plus ni moins dans un
travail de programmation et de conditionnement des comportements, ou
plutôt de re-programmation et de re-conditionnement, puisque l’on ne
part jamais d’une tabula rasa mais toujours d’une culture déjà
donnée du groupe en question, avec ses propres routines et
conditionnements. Les sociétés humaines, en tant que systèmes
d’information, peuvent ainsi être reconfigurées dans le sens d’une
harmonisation, homogénéisation, standardisation des normes et des
procédures, afin de conférer à celles et ceux qui les pilotent une
meilleure vue d’ensemble et un meilleur contrôle, l’idéal étant de
parvenir à fusionner la multitude des groupes humains hétérogènes dans
un seul groupe. La technique utilisée pour atteindre l’objectif
intermédiaire de découplage entre le réel et la raison se situe au
croisement de toutes les sciences de la gestion, et c’est « l’ingénierie
des perceptions ».
Il s’agit de construire un « espace de vie » en trompe-l’œil, un pur
virtualisme, au sein duquel la masse pourra évoluer sans jamais toucher
au réel. La construction de ce vaste trompe-l’œil repose sur les
techniques du cognitivisme, du behaviourisme, de la PNL (programmation
neuro-linguistique), du storytelling, du social learning et du reality-building.
Pour justifier l’entreprise de surveillance universelle et la
reconstruction d’un espace mental collectif modélisé, qui doivent rendre
possible le déploiement d’une ingénierie des perceptions complète, le
pouvoir a besoin du chaos. Le chaos financier permet de justifier la
concentration du pouvoir par les grandes banques d’affaires : c’est le
seul moyen de reconstruire une gestion des flux d’information au sein du
système. Le 11 septembre 2001 permet de justifier le Patriot Act. Etc.
Pour qu’une stratégie du choc soit efficace, pour que le chaos pousse
les dominés à se réfugier dans la matrice symbolique constituée par le
système de pensée des dominants, il faut que les dominés aient
préalablement régressé intellectuellement.
Cette destruction des capacités d’autonomie des dominés passe par
l’abolition des frontières de leur être, individuel et/ou collectif.
Tant qu’une frontière existe, il est possible d’opposer un mode de
pensée à un autre mode de pensée. Tant qu’une frontière existe, un
principe d’incertitude, puisque d’incohérence, vient contrarier la mise
en place d’une ingénierie des perceptions unifiée. C’est pourquoi il y a
isomorphie parfaite, sur deux plans bien distincts de l’histoire, entre
mondialisme et consumérisme régressif. Le mondialisme détruit les
frontières nationales, le consumérisme régressif abolit les frontières
de l’être individuel.
Il y a engendrement mutuel entre les deux conditions d’atteinte de
l’objectif intermédiaire, la destruction du lien réel/raison. Ces deux
conditions sont, rappelons-le, d’une part le chaos, d’autre part la
régression infantile. C’est dans cet engendrement mutuel que se trouve,
si l’on ose dire, le « principe actif » des nouvelles techniques de
pouvoir : le gouvernement par le chaos.
Un petit extrait qui résonne étrangement en ces temps de diffusion
dans les écoles de la théorie du genre ou de « lutte contre les
stéréotypes » :
« Plus largement, pour désorganiser-dépolitiser un groupe et le
rendre inoffensif, il suffit d’attaquer son Œdipe. Le complexe d’Œdipe
est le moment où s’intériorise la structure mentale primordiale au
fondement de toute vie humaine socialisée et organisée : c’est le moment
où advient la capacité mentale de se représenter un organigramme, un
système articulé de places différenciées. En un mot, l’aptitude à la
dialectique et à la politique. Le proto-organigramme, qui sert de
matrice à tous les autres, est le système psychoculturel de distinction
ET d’articulation coopérative entre les places des hommes et des femmes
d’une part, des parents et des enfants, donc par extension des vieux et
des jeunes, d’autre part. Attaquer l’Œdipe d’un groupe, attaquer son
système de distinctions primordiales entre genres (hommes/femmes) et
entre générations (parents/enfants), c’est attaquer toute sa faculté à
se constituer un organigramme, donc le faire basculer dans l’impotence
organisationnelle et le réduire à des individus juxtaposés, incapables
de communiquer et de coopérer. Faire la promotion de l’indistinction des
rôles et de l’échange des places, faire passer le désir personnel avant
le respect de l’organigramme du groupe, tout cela facilite l’expression
de l’individualisme pas-tout phallique et relève donc de stratégies de
désorganisation. Au niveau comportemental concret, cela se traduit par
une culture du spontané, de l’impulsif, du viscéral, du versatile, du
flexible et de la recherche de résultats immédiats, induisant une
incapacité à la concentration, à la planification et l’élaboration de
stratégies sur le long terme.»
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire