vendredi 20 mars 2015

Etienne Chouard et Frédéric Bosqué : éco-villages avec revenu de base en monnaie locale et constitutions populaires communales

 

 
 
 

Sources : http://infoalternative.unblog.fr/2014/08/27/etienne-chouard-et-frederic-bosque-eco-villages-avec-revenu-de-base-en-monnaie-locale-et-constitutions-populaires-communales/ et https://youtu.be/TDtCcb_ZVOA

"Le capitalisme c'est du droit, le droit des propriétaires au détriment du droit des travailleurs.", commence Étienne Chouard. 

Puis il développe : "La constitution donne le pouvoir aux riches. Elle prévoit la désignation d'acteurs politiques au suffrage universel (accompagné du geste : entre guillemets). C'est la possibilité de choisir des "maîtres" parmi des gens qu'on n'a pas choisis. Choisis par qui ? Par ceux qui ont les moyens de financer l'exposition des candidats dans des proportions telles qu'ils vont être élus parce que les gens votent pour ceux qu'ils ont vus et entendu vanter les mérites, ceux à qui on a posé les questions les moins gênantes.

Et encore : "Les gens votent pour ces candidats-là parce que la plupart des gens ne sont pas politisés. Ils regardent le spectacle politicien.". 

"Cette façon de désigner nos acteurs politiques permet aux riches d'acheter les acteurs politiques."

Frédéric Bosqué décrit un projet d'éco-village ou d'éco-hameau. "Si on prenait du temps pour s'engager dans la reprise des moyens de production, c'est-à-dire la capacité de se nourrir, de se loger, de se vêtir, de s'informer, de fabriquer notre propre énergie, qu'on encadrait cette production à travers des moyens d'échange comme les monnaies citoyennes qui permettraient que cette force économique ne remonte plus sur les marchés financiers, en mettant en place un revenu d'existence/d'autonomie qui permettrait à tous les citoyens de profiter de la production de cet éco-village, et si c'était validé par un comité scientifique, et si d'autres commençaient à s'y mettre, est-ce qu'on aurait pas là un outil de non-coopération [avec le régime actuel] ?"

Bien qu'il dise "C'est très séduisant.", Étienne Chouard se montre sceptique à cause de la violence dont sont capables les "maîtres" (et il rappelle des précédents historiques comme le cas des mineurs en grève qui ont été tués par les gendarmes sur ordre des propriétaires des mines au XIXème siècle). Puis il tempère son propos grâce à l'espoir que représente internet, un moyen inédit de communication, libéré des propriétaires de presse, et qui permet de se mobiliser vite.

Frédéric Bosqué ajoute que ces éco-villages pourraient être financés par la participation de citoyens (extérieurs) voulant tester l'efficacité de ce système alternatif.

Étienne Chouard  décrit à son tour la constitution communale puis la fédération de communes pour se défendre des périls extérieurs : les oligarchies armées, cupides et cruelles. Les constitutions communales écrites par les citoyens (en Europe, en Amérique, en Afrique ...) ont souvent beaucoup de points communs :
- séparation des pouvoirs
- reddition des comptes
- mandats courts non renouvelables
- initiative populaire
- monnaie publique
- média indépendants, inappropriables, interdiction de l'acheter par une entreprise
- banque privée = crime contre l'humanité, les banques sont publiques ou n'existent pas
etc.

Pour l'instant, on n'écrit pas la constitution, on s'entraîne à écrire une constitution, on s'entraîne à devenir adulte (au sens politique), à vouloir de façon autonome sans passer par des maîtres. C'est un entraînement qui va nous conduire à une liberté.
Nous sommes des enfants politiques, étymologiquement : ceux qui n'ont pas la parole.

Plus tard, dans le dialogue, Frédéric Bosqué donne une information capitale à Étienne Chouard : après 10 ans d'efforts, une loi vient d'être votée (en juillet 2014) qui institue pour les entreprises de l'économie sociale et solidaire peuvent créer des monnaies locales complémentaires. Aujourd'hui, des coopératives, des associations, des sociétés coopératives d'intérêt collectif à l'intérieur des communes (qui peuvent prendre 20% des parts), peuvent se regrouper pour créer des monnaies. Cela débouche sur la création de banques éthiques.

A la fin de la vidéo, Etienne Chouard regrette que Frédéric Lordon ne l'accompagne pas dans sa démarche de rédaction de constitution populaire. Cet économiste et sociologue français est directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre de sociologie européenne (CSE). Il est membre du collectif « Les Économistes atterrés ». Mais il se méfie de la constitution car elle a trop servi d'outil aux "affreux libéraux" comme dit Chouard.

De même, Etienne Chouard regrette qu'on n'étudie jamais la constitution à l'école, et qu'on ne lise pas les philosophes Alain (de son vrai nom Émile-Auguste Chartier) ou Spinoza (Baruch Spinoza, également connu sous les noms de Bento de Espinosa ou Benedictus de Spinoza).

Etienne Chouard conseille également de lire :
- "La société contre l’État" de Pierre Clastres anthropologue et ethnologue français, connu pour ses travaux d'anthropologie politique, ses convictions et son engagement libertaires et sa monographie des indiens Guayaki du Paraguay.
- et "La théorie du choc" de la journaliste canadienne Naomi Klein.

2 commentaires:

Je a dit…

Une monnaie complémentaire communautaire (MCC) est une forme de monnaie, qui comprend les monnaies locales et monnaies sectorielles, qui se veut complémentaire aux monnaies officielles. Une monnaie complémentaire communautaire favorise les systèmes de don et d'échanges locaux avec moins d'endettement. Selon l’économiste Bernard Lietaer, « bien conçue, elle crée la quantité de monnaie exactement nécessaire pour mener à bien une transaction qui, autrement, n’aurait pas lieu. Il n’y a donc pas de risque d’inflation »

Je a dit…

Dans son œuvre la plus connue, La société contre l'État, Clastres critique à la fois les notions évolutionnistes qui voudraient que l'État organisé soit la finalité de toute société et rousseauistes de l'innocence naturelle de l'homme. Ce faisant, il expulse paradoxalement l'État de la place centrale qu'il occupait alors en anthropologie politique pour recentrer la problématique de son apparition autour de la notion de pouvoir coercitif. La connaissance de cette notion de pouvoir est innée dans toute société, ce qui explique cette tendance naturelle de l'homme à préserver son autonomie vis-à-vis de celui-ci. Les sociétés sont donc perçues comme étant des structures faites d'un réseau de normes complexes qui empêchent activement l'expansion d'un pouvoir despotique et autoritaire. En opposition, l'État est alors cette constellation législative émanant d'un pouvoir hiérarchique qu'elle légitime, tout particulièrement dans ces sociétés qui ont échoué à maintenir en place des mécanismes naturels qui l'empêchent de prendre cette forme. Il oppose ainsi les grandes civilisations andines aux petites unités politiques formées par les chefferies amazoniennes dont l'ensemble du corps social se met continuellement en branle pour empêcher le chef de transformer son prestige en pouvoir.

On retiendra sa thèse principale : les sociétés premières ne sont pas des sociétés qui n'auraient pas encore découvert le pouvoir et l'État, mais au contraire des sociétés construites pour éviter que l'État n'apparaisse. Dans Archéologie de la violence, Clastres s'oppose ainsi aux interprétations structuralistes et marxistes de la guerre dans les sociétés amazoniennes. Selon lui, la guerre entre tribus est une façon de repousser la fusion politique, et donc empêcher la menace d'une délégation de pouvoir menant aux dérives intrinsèquement liées à la trop grande taille d'une société.

Les sociétés "primitives" (ou segmentaires) refusent la différenciation économique et politique en interdisant le surplus matériel et l'inégalité sociale. Clastres refuse l'appellation de "sociétés sans États", car il juge que cela constitue un parti pris, celui selon lequel l’État serait indispensable dans une société, alors que ses convictions quelque peu anarchistes le conduisent à juger favorablement ces sociétés dans lesquelles il n'y a pas d’État, pas d'exploitation d'hommes par d'autres hommes. Il est à signaler toutefois que ces tribus disposent chacune d'un chef ; mais ce chef n'a qu'un rôle de diplomate ou de chef de guerre et n'exerce pas véritablement de pouvoir politique. Le chef joue aussi parfois le rôle de médiateur en cas de litige entre des membres de la tribu. Si le chef veut exercer un véritable pouvoir sur sa tribu, s'il a trop d'ambition et de prétentions, il peut se faire évincer de son poste honorifique, voire être éliminé. La société primitive est une "société par essence égalitaire" selon Clastres. Clastres ne prend alors pas en compte l'inégalité existante entre hommes et femmes. Ces sociétés segmentaires connaissent une économie de subsistance, c'est-à-dire que les hommes ne produisent que ce qui leur est nécessaire pour vivre : ce sont des "sociétés de refus du travail" selon Jacques Lizot. Ils travaillent donc peu, du moins moins que dans les sociétés connaissant l'économie de marché ; Clastres dit qu'ils travaillent moins de quatre heures par jour.

« L'histoire des peuples sans histoire, c'est [...] l'histoire de leur lutte contre l'État. »

— Pierre Clastres, La société contre l'État