Les extraits du "Manuel républicain de l'homme et du citoyen", 1848, de Charles Renouvier (1815-1903) sont incroyablement d'actualité dans les débats politiques contemporains.
On y comprend :
- les excès où nous conduit le libéralisme (excès au nom de la seule liberté),
- les excès qui ont conduit à la chute du communisme (institué au nom de la seule égalité),
- et les problèmes français d'aujourd'hui : droit au travail (avec peut-être même une ébauche de RMA : "revenu minimum d'activité") et risque d'explosion sociale.
Pourtant, il s'agissait d'un simple ouvrage de "littérature d'éducation politique populaire" (destiné aux élèves d'école primaire).
Chapitre IX
De l'égalité et de la fraternité
L'instituteur : [...] La devise de la République est : Liberté, Egalité, Fraternité. S'il n'y avait que liberté, l'inégalité irait toujours croissant et l'Etat périrait par l'aristocratie; car les plus riches et les plus forts finiraient toujours par l'emporter sur les plus pauvres et les plus faibles.
S'il n'y avait qu'égalité, le citoyen ne serait plus rien, ne pourrait plus rien par lui-même, la liberté serait détruite, et l'Etat périrait par la trop grande domination de tout le monde sur chacun. Mais la liberté et l'égalité réunies composeront une République parfaite, grâce à la fraternité. C'est la fraternité qui portera les citoyens réunis en Assemblée de représentants à concilier tous leurs droits, de manière à demeurer des hommes libres et à devenir, autant qu'il est possible, des égaux.
L'élève : Que faut-il dans une République fraternelle pour que les citoyens soient en même temps libres et égaux ?
L'instituteur : Il faut et il est indispensable qu'une République fraternelle reconnaisse et assure deux droits à tous les citoyens :
- le droit à travailler et à subsister par son travail
- le droit à recevoir l'instruction sans laquelle un travailleur n'est que la moitié d'un homme.
L'élève : Comment concevez-vous que la République puisse assurer à tous les citoyens l'exercice du droit au travail ?
L'instituteur : Il y a pour cela deux sortes de moyens :
1° L'organisation même du travail; si les besoins et les ressources de la France étaient bien connus, ainsi que l'état du débouché extérieur et si les travailleurs trouvaient dans l'association, dans le crédit et dans les diverses aptitudes que l'enseignement professionnel devrait leur donner, un ensemble de lois ou de précautions tutélaires, il arriverait rarement qu'un citoyen eût à faire valoir son droit au travail envers la Société.
2° Les travaux d'intérêt général, d'utilité publique. L'Etat peut diriger lui-même ces travaux et donner plus d'extension dans les temps de crise industrielle, de manière à utiliser les bras ou les capacités sans service. Il est vrai que les travailleurs de toutes les spécialités ne pourraient ainsi trouver leur emploi le plus convenable; mais aussi faudrait-il que l'éducation eût fait tout citoyen propre à certaines occupations manuelles. L'égalité le commande, et la santé, la moralité de tous ne pourraient qu'y gagner.
Au surplus, dans le cas où le droit au travail ne peut être exercé pour cause de force majeure, il se traduit en droit à l'assistance. [...] Une République qui ne reconnaîtrait pas le droit à l'assistance serait elle même sans droit sur les citoyens privés du nécessaire. Une guerre civile, légitime d'un côté, serait son état naturel. Et c'est là ce que nous avons trop vu sous le gouvernement des rois [...]
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