Résumé : Les démissions de David Davis et de Boris Johnson – les deux ministres pro-Brexit les plus importants du gouvernement de Theresa May – ont révélé en plein jour le vice d’origine de ce gouvernement. Ils confirment l’importance décisive de disposer d’un mouvement politique cohérent et rassemblant au-dessus du clivage droite-gauche, comme l’est l’UPR, pour sortir de l’Union européenne.
Le vice d’origine : un gouvernement qui ne reflète pas l’électorat du Brexit
La confusion qui entoure l’organisation du Brexit par le gouvernement britannique et les démissions de David Davis et Boris Johnson, les deux ministres pro-Brexit les plus importants, illustrent les contradictions internes du gouvernement britannique dont la composition ne reflète absolument pas l’électorat qui a voté à 52% en faveur du « Brexit » le 23 juin 2016.Il faut en effet se rappeler que les électeurs ayant voté pour la sortie de l’UE étaient ainsi constitués :
- 40% d’entre eux étaient des électeurs du parti conservateur
- 25% d’entre eux étaient des électeurs du parti UKIP de Nigel Farage
- 21% d’entre eux étaient des électeurs du parti travailliste (votant ainsi contre la position de leur propre parti)
- 5% d’entre eux étaient des électeurs du parti libéral-démocrate
- 3% d’entre eux étaient des électeurs du parti national écossais
- 2% d’entre eux étaient des électeurs du parti Vert
- 2% d’entre eux étaient des électeurs du parti national gallois
- 2% d’entre eux étaient des électeurs divers
Dans ces conditions :
- il a été profondément anormal que la mise en œuvre de la sortie de l’Union européenne ait été confiée à un gouvernement constitué uniquement de ministres conservateurs alors que les électeurs du parti conservateur ne représentaient que 40% du total des électeurs du Brexit.
- ce fut d’autant moins justifiable au regard des principes démocratiques que le parti conservateur, profondément divisé sur le sujet, n’avait officiellement pas donné de consigne de vote, et que 23 des 30 ministres du gouvernement conservateur sortant s’étaient prononcés contre le Brexit.
- en particulier, il a été très choquant du point de vue démocratique que ce soit Theresa May, ministre de l’intérieur (du gouvernement Cameron sortant) qui avait milité contre le Brexit pendant la campagne référendaire, qui devienne le nouveau Premier ministre britannique, en charge de préparer le Brexit qu’elle avait combattu.
- il a été non moins choquant que de nombreux ministres du nouveau gouvernement se soient déclarés eux aussi contre le Brexit lors de la campagne référendaire.
Pour mesurer l’invraisemblance de la situation outre-Manche, il suffit d’imaginer :
- qu’un référendum soit organisé en France sur la sortie de l’Union européenne,
- qu’une majorité de Français (dont au moins un tiers constitué d’électeurs de gauche et un quart constitué d’électeurs du Front national) votent en faveur du Frexit après une campagne acharnée,
- et que le nouveau gouvernement, constitué après le référendum et chargé de mener à bien cette sortie de l’UE, soit confié uniquement à des ministres de LREM, dont une majorité aurait milité résolument pour le maintien dans l’UE,
- à commencer par le nouveau Premier ministre qui serait un pro-européen notoire, comme Alain Juppé, François Bayrou ou Valérie Pécresse.
C’est exactement ce qui se passe outre-Manche. Les ministres du Brexit et des affaires étrangères, ardents partisans du Brexit, ont claqué la porte du gouvernement May en usant de mots très durs. Boris Johnson a ainsi dénoncé le fait que Mme Theresa May entamait les négociations avec la Commission européenne en prenant une posture défaitiste – « en agitant le drapeau blanc » – et en acceptant par avance que le Royaume-Uni se retrouve dans la situation d’une « colonie de l’UE ».
Ce vice de conception d’origine explique, les évolutions chaotiques constatées actuellement dans la conduite gouvernementale britannique et le soupçon de trahison des électeurs.
Le soupçon de trahison des électeurs
Comme on l’imagine très bien, un responsable politique qui a bâti toute sa carrière sur le soutien à la « construction européenne » ne peut pas aisément, du jour au lendemain, se mettre à dénigrer et à démanteler de gaieté de cœur ladite construction européenne.Parmi eux, même les opportunistes et les cyniques, prêts à retourner leur veste pour continuer à bénéficier des avantages matériels du pouvoir, ne peuvent pas ne pas être gênés aux entournures et conserver au moins des arrière-pensées.
Manquant de convictions, ou même secrètement persuadés que le Brexit est une erreur, ces ministres traîneront les pieds pour organiser la sortie de l’Union européenne, feront preuve de mollesse dans les négociations avec la Commission européenne, et seront tentés de retenir la solution qui leur permette de neutraliser autant que possible les effets de cette sortie de l’UE. Il n’est d’ailleurs pas exclu que certains membres de l’actuel gouvernement britannique recherchent, de façon dissimulée, l’échec même du Brexit.
Et ces ministres seront d’autant plus enclins à suivre cette ligne – qui se situe non loin de la trahison pure et simple de la décision des électeurs – qu’ils sont l’objet de pressions considérables émanant de cercles d’affaires opposés à la sortie de l’Union européenne.
C’est ainsi que l’on a vu le président exécutif du groupe Airbus – l’Allemand Thomas Enders – se permettre, à quatre jours d’intervalle, de critiquer vertement et publiquement le gouvernement britannique pour ses tergiversations (le 6 juillet 2018 ) , puis saluer tout aussi publiquement la « bonne direction » prise désormais par Theresa May sur le Brexit et ayant motivé la démission des deux ministres les plus favorables au Brexit.
Cerise sur le gâteau, cette deuxième déclaration de M. Enders a été faite le 10 juillet lors d’une allocution à la Chambre de commerce allemande de Londres, façon de rappeler que la « construction européenne » est d’abord placée, aux yeux des élites allemandes, sous la tutelle implicite de Berlin…
Conclusion : l’impératif d’un mouvement de rassemblement clair, constant et au-dessus du clivage droite-gauche, pour réussir le Frexit
La crise politique qui sévit à Londres autour du Brexit est riche d’un enseignement fondamental. À savoir qu’elle découle d’un vice de départ dans la construction du gouvernement britannique en charge de conduire cette sortie de l’UE.Ce vice tient dans le fait qu’il a été bâti selon la logique du clivage droite-gauche alors que la principale action qu’il doit conduire – le Brexit – n’obéit justement pas à cette logique mais à une toute autre logique : celle du clivage entre les partisans de la souveraineté nationale (les partisans du Brexit) et les adeptes de la dilution des États dans un mondialisme piloté par les marchés financiers et par les grands groupes transnationaux (les partisans du maintien dans l’UE).
Il n’y aurait pas de crise politique à Londres et le gouvernement britannique ne serait pas tiré à hue et à dia si c’était un gouvernement d’union nationale, rassemblant les partisans de la sortie de l’UE (les « Brexiteers ») des deux camps, qui avait été chargé de mettre en œuvre le Brexit. Et non un gouvernement exclusivement de droite, en partie composé d’anciens opposants à la sortie de l’UE (les partisans du « Bremain »).
L’Union populaire républicaine (UPR), comme la plupart des observateurs politiques, ne connaît pas les arrière-pensées des différents protagonistes chargés de mettre en œuvre le Brexit. Il est, en revanche, de plus en plus net que le processus chaotique du Brexit est dû à l’absence d’un large mouvement de rassemblement national en Grande Bretagne pour sortir de l’Union européenne.
À la suite de l’actualité italienne, l’actualité britannique apporte ainsi une nouvelle démonstration de la validité de la stratégie sans faille de l’UPR, fondée à la fois sur la clarté du programme et des intentions, et sur une démarche politique de large rassemblement, au-dessus du clivage gauche-droite.
François ASSELINEAU
11 juillet 2018
François
Asselineau, Président de l’Union populaire républicaine. La France doit
sortir de l’Union européenne, de l’euro et de l’Otan.
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