mercredi 26 septembre 2018

4.
De la transition démocratique
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Même si la théorie de la démocratie réelle est plutôt émiettée sur nos espaces de communication, ou en librairie, nous sommes quand même quelques centaines, ou milliers, à au moins entrevoir ce que pourrait signifier techniquement un fonctionnement démocratique du corps social, et à avoir compris la pertinence du concept : salvateur, émancipateur, et protecteur.
Lancinante est la question qui nous est souvent posée ( parmi d’autres, tout aussi délicates, pour ne pas dire difficiles … ) : « Comment voyez vous l’avènement de la démocratie : suite à quels événements, selon quels processus ? »
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L’idée de nous fonder sur l’élection pour partir à la conquête du pouvoir autoritaire absolu, mais dans l’intention d’instaurer de force la démocratie intégrale , cette idée là, qui est génétiquement porteuse de contradiction, si elle présente quelque espoir désespéré, n’en est pas moins génératrice de grosses inquiétudes, ou incertitudes ; elle laisse entrevoir un chemin de libération chaotique, chargé de lourds nuages noirs, chemin qui peut conduire à la désillusion.
Car enfin … il faut beaucoup de confiance en la parole donnée, ou beaucoup de naïveté (?), pour espérer qu’un jour une fine équipe, détentrice « légalement » du pouvoir absolu, accepterait de tenir ses engagements, donc d’instituer le pouvoir intégral du peuple et du citoyen, pour ensuite, mission accomplie, se retirer modestement à la campagne, afin de se contenter alors de bailler aux corneilles, pour vivre au milieu des arbres et des fleurs, le reste de son âge.
Nous adorerions avoir à financer la retraite heureuse d’une telle équipe :)
Grand est le risque de voir, au pied du mur, grandes âmes et beaux discours se fracasser, tantôt contre le mur de la prétendue difficulté technique, tantôt contre de grossiers appétits, jusqu’ici dissimulés, dissimulés peut être à la conscience de leurs porteurs eux-mêmes.
Nul ne peut prétendre que l’œuf du serpent n’est pas en lui, attendant pour éclore des heures favorables.
La brève qui suit n’est qu’un exemple, mais elle est warning de luxe : si nombreux ont été dans le passé les candidats à la présidence de la république qui en campagne promirent le référendum d’initiative populaire, pour ensuite, une fois élus, faire preuve d’une étrange amnésie ; « étrange », que dis-je, non : bien prévisible …
MAIS faute de grive on mange des merles, et il n’est pas forcément raisonnable en cette affaire, pour ne pas être naïf, de donc renoncer à une possibilité. La désillusion n’est pas un risque supérieur à celui de l’abstention. Je ne crois cependant pas trop à cette option. Mais bon … débat sans fin, sans fin possible autre que l’expérience ...
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Certains songeront à l’insurrection …
Genre 1789 ou révolution tunisienne.
Je ne développerai pas ici le fait qu’une organisation née de la violence porte en quelque sorte la violence dans ses gênes, et qu’il lui sera donc difficile d’instituer la gentillesse comme valeur centrale et effective ...
L’Histoire démontre que la probabilité de voir une insurrection accoucher de la démocratie est très faible, voisine de zéro. Tout au plus assiste-t-on en général à l’institution d’un ersatz, qui très vite, d’ersatz, se transforme en cruelle facétie.
Cela tient, je pense, d’une part à l’impréparation des foules et des gens à l’art d’assumer promptement leur liberté nouvelle, pourtant souvent chèrement acquise, et d’autre part à la présence inévitable de loups embusqués, prêts quant à eux à se présenter en sauveurs, quand ils ne sont que de faux sauveurs, c’est à dire des voleurs de révolution.
L’insurrection est un phénomène dont la source est la colère, le raz le bol, l’indignation ; elle se produit de manière inopinée, n’a pas lieu quand on la prévoit, ou au contraire survient quand on ne l’attend pas. Mais surtout, elle n’est pas le fruit d’une volonté, d’une intelligence collective, équipée de tout le savoir individuel et collectif nécessaire à l’aboutissement souhaitable.
Et quand survient ce phénomène quasi quantique, il est bien tard pour songer à l’éducation populaire préventive&constructive, et à la formation des gens à leur nouveau métier de citoyens, que donc ils n’assument pas, laissant ainsi le champ libre aux susdits voleurs de révolution.
Il y a donc un minimum à faire savoir aux foules et aux gens, mais il ne s’agit que d’un minimum :
L’instant où tombe la tyrannie ne signe en aucun cas la fin de la révolution, mais doit au contraire en marquer le début :
A cet instant là, la rue doit refuser le discours des faux sauveurs, qui affirment : « rentrez chez vous, on va vous arranger les bidons » . C’est au contraire le moment de ne pas rentrer chez soi, et de refuser tout gouvernement provisoire, dit de libération, autoproclamé ; c’est aussi le moment de refuser l’émergence d’une constituante elle aussi autoproclamée, et une constituante élue n’est pas plus souhaitable, en raison des biais pervers qu’induit l’élection. Les développements relatifs à cette question ne manquent pas, mais sont encore trop peu diffusés ;)
Une coda : c’est souvent parmi les plus brillants des insurgés que se trouvent les futurs voleurs de révolution.
Ce minimum vital étant diffusé, mieux vaudrait en outre que le plus grand nombre possible ait un minimum réfléchi aux chapitres clés de la démocratie, qui sont la topologie de la délibération et la topologie de la décision. Sujet immense, développé et à encore développer ailleurs.
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Certains autres miseront sur l’énorme crise, le big collapse, bancaire ou autre, qui produisant le chaos contraindrait à la démocratie communale ( un peu comme cela s’est produit à la chute des carolingiens ).
Mais usant d’un vocabulaire inattendu pour certains, je parle ici de magie noire ; car espérer le bonheur comme conséquence d’un cataclysme n’est pas sain ; nul ne peut prédire les misères, famines, épidémies qui suivraient le big collapse, provoquant la mort de milliers de braves gens, … ou de milliards.
En outre l’Histoire a démontré que si en tel cas un mieux est possible, il n’est qu’éphémère : la pensée n’étant pas préparée à éviter la résurrection du hiérarchisme le plus rigide, cette résurrection a lieu.
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Voici pour finir la seule réponse pragmatique que je sois capable de présenter.
Beaucoup la penseront décevante …

Dans tous les cas de figure, il apparaît que tout processus d’émancipation des peuples ne peut être qu’avorté ou éphémère si un seuil critique de conscience et de compétence volontaire globales n’est pas atteint. Intégrant ce qui a été dit plus haut, plus quelques idées fortes, comme par exemple le principe d’une constituante tirée au sort, non traité ici, mais amplement ailleurs.
C’est donc dans l’approche laborieuse de ce seuil critique que nombre d’entre nous se donnent.
( l’idée des ateliers constituants est ici centrale )
Car rien ne pourra résister à la volonté claire et solide de plusieurs millions d’individus.
Car rien ne pourra résister à un tsunami de conscience.
Y a du boulot !
Il est hors de question de considérer la tâche insurmontable.

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