dimanche 6 mai 2012

Pierre-Joseph Proudhon

Pierre-Joseph Proudhon (né le 15 janvier 1809 à Besançon dans le Doubs, mort le 19 janvier 1865 à Passy, en France) est un polémiste, journaliste, économiste, philosophe et sociologue français. Il fut le premier à se qualifier d'anarchiste. Il a rendu célèbre la formule « La propriété, c’est le vol » qui figure dans son mémoire Qu'est-ce que la propriété ? ou Recherche sur le principe du Droit et du Gouvernement, son premier ouvrage majeur, publié en 1840.

[...]

Proudhon donna dans son Système des contradictions économiques, publié en 1846, une explication de la société fondée sur l’existence de réalités contradictoires. Ainsi la propriété manifeste l’inégalité mais est l'objet même de la liberté ; le machinisme accroît la productivité mais détruit l’artisanat et soumet le salarié ; in fine la liberté elle-même est à la fois indispensable mais cause de l'inégalité.

Dans son livre Les Confessions d’un révolutionnaire pour servir à l’histoire de la révolution de février (1849), Proudhon écrit entre autres choses la phrase « L’anarchie c’est l’ordre sans le pouvoir ». Il tenta de créer une banque nationale pratiquant des prêts sans intérêts, similaire d’une certaine façon aux mutuelles d’aujourd'hui.

La critique de la propriété

Dans ses premiers travaux, Proudhon analyse la nature et les problèmes d'une économie capitaliste. Bien que profondément critique du capitalisme, il objecte aussi aux socialistes contemporains qui idolâtrent le collectivisme. Dans des séries de commentaires, de Qu'est ce que la propriété ? (1840) jusqu'au posthume Théorie de la propriété (1863-64), il déclara d'abord que « la propriété c'est le vol », mais affirma enfin que « la propriété, c'est la liberté ». Il expliqua alors que quand il disait que la propriété est du vol, il avait été compris à contre-sens : il désignait en fait les seuls propriétaires terriens oisifs qui, d'après lui, volent les profits aux travailleurs. Plus généralement, il parlait des personnes qui tirent un revenu sans travailler. Dans Théorie de la propriété, il affirme que la « propriété est la seule force qui puisse servir de contre-poids à l'État ». Ainsi, « Proudhon pouvait maintenir l’idée de propriété comme vol et en même temps en offrir une nouvelle définition comme liberté. Il y a possibilité perpétuelle d’abus, d’exploitation qui produit le vol. Mais simultanément la propriété est une création spontanée de la société et une défense contre le pouvoir insatiable de l’État. » Ainsi la propriété est la principale des contradictions éternelles qui explique la société.

En soutenant que la propriété est essentielle à la liberté, Proudhon renvoie non seulement au produit du travail de l'individu mais aussi au foyer du paysan ou de l'artisan, aux instruments de son commerce et au revenu qu'il perçoit de la vente de ses marchandises. Pour Proudhon – à la suite de Locke – la seule source légitime de propriété est le travail. Ce que chacun produit est sa propriété et celle de nul autre. Il peut être considéré comme un socialiste libertaire puisqu'il plaida pour l’auto-gestion du travailleur et argua contre la possession capitaliste des moyens de production. Cependant, il rejeta la possession des produits du travail par la société. Proudhon exposait de nombreux arguments pour ne pas conférer des droits à la terre et au capital, arguments comprenant des raisons fondées sur la morale, l'économie, la politique et la liberté individuelle. Un de ses arguments était que de tels droits permettaient le profit, qui menait à son tour à l'instabilité sociale et à la guerre par la création de cycles d'endettement qui au final rendaient impossible le remboursement par le travail. Un autre argument était que cela produisait le « despotisme » et transformait les travailleurs en salariés sujets à l'autorité d'un chef.

Proudhon s'oppose au fond autant à la propriété collective qu'à la propriété individuelle. Il les dénonce toutes deux, quoique abandonnant finalement sa défense de la « possession » contre la « propriété » et justifiant cette dernière comme un mal nécessaire. Dans Théorie de la propriété, il maintient : « Or, en 1840, j'ai nié carrément le droit de propriété... pour le groupe comme pour l'individu, pour la nation comme pour le citoyen » mais ensuite il expose sa nouvelle théorie de la propriété. « La propriété est la plus grande force révolutionnaire qui existe et qui se puisse opposer au pouvoir » et « servir de contre-poids à la puissance publique, balancer l'État, par ce moyen assurer la liberté individuelle ; telle sera donc, dans le système politique, la fonction principale de la propriété. » (Théorie de la propriété). Cependant, bien qu'il soutienne maintenant la propriété de la terre (incluant le droit à l'héritage), il croit encore que la « propriété » devrait être distribuée plus égalitairement et limitée en taille afin qu'elle soit utilisée réellement par les individus, les familles et les associations de travailleurs. (Théorie de la propriété) Il supporte le droit d'héritage, défendu « comme un des fondements de la famille et de la société ». (Steward Edwards, Introduction to Selected Writings of P.J. Proudhon) Il refuse cependant de l'étendre au-delà des possessions personnelles arguant que sous la loi de l'association, la transmission de la richesse ne s'applique pas aux instruments de travail.

10 commentaires:

Je a dit…

Proudhon déclara d'abord que « la propriété c'est le vol », mais affirma enfin que « la propriété, c'est la liberté ».
Cette seule information prouve la necessite de lire les textes directement et non leurs commentaires, comme le recommande vivement Michel Onfray.

Je a dit…

En tronquant un texte, en ne retenant que quelques passages, on risque de denaturer completement la pensee de son auteur.
C'est malheureusement une pratique journalistique tres en vogue actuellement, en plein dans la campagne presidentielle 2012.

Je a dit…

J'ai tardé mais ai finalement lu l'intégralité de "Qu'est-ce que la propriété ?" en 2019.

J'en livrerai de larges extraits dans un article consacré, à l'adresse suivante :
https://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2019/04/quest-ce-que-la-propriete-de-proudhon.html

Je a dit…

En relisant le texte biographique ci-dessus, j'ai été dérangé par le deuxième paragraphe :

Au sein de l’Association internationale des travailleurs (première Internationale), il y eut une scission entre les anarchistes proches de Bakounine et ceux qui étaient proches des idées de Proudhon. Les mutualistes proudhoniens pensaient que la propriété collective était indésirable et que la révolution sociale pouvait être atteinte pacifiquement.

En effet, à ma connaissance, ce qui a provoqué la scission de la première Internationale, c'est le conflit entre Marx et Bakounine.

Voir par exemple cet article : https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2007-1-page-112.htm#

Le conflit qui a opposé Marx et Bakounine au sein de l’Internationale a le plus souvent été abordé sous l’angle d’une comparaison des principes (« socialisme libertaire » contre « socialisme autoritaire », par exemple) ou sous celui des rapports personnels. [...]

Je devrais peut-être supprimer ce paragraphe douteux. Puisqu'il a lui-même été supprimé de l'article consacré à Pierre-Joseph Proudhon, sur Wikipédia, dont il était issu.

Je a dit…

D'ailleurs, Proudhon est mort au moment de la fondation de cette première Internationale et Bakounine ne l'intégra que plus tard.

A Londres, quelques mois avant sa mort, usé par les épreuves et le travail, Proudhon participe à la naissance de la Première Internationale avec (ou plutôt contre) Karl Marx. Des « proudhoniens » étaient présents, mais pas lui. En juillet-août 1864, Proudhon fait un voyage à Besançon puis rentre au 12 rue de Passy le 14 septembre. Son état de santé se dégrade. À partir du 30 novembre, il n'a plus la force de tenir la plume. Sa fille Catherine écrit sous sa dictée les dernières pages de la Capacité… Il n'est donc pas à Londres lors du meeting de St-Martin's Hall le 28 septembre 1864 ni les jours qui suivent. Il ne semble pas, d'ailleurs, qu'il en ait entendu parler.

Je a dit…

Proudhon et les anarchistes

On sait que Proudhon a eu une influence directe et déterminante sur le mouvement ouvrier français. Rappelons que le mouvement libertaire n'apparaît, en tant que tel, qu'environ quinze ans après sa mort. Il en est un des précurseurs et son influence est marquante lorsqu'il devient l’ami intime de Bakounine, à Paris dans les années 1840. Il est l’auteur socialiste révolutionnaire le plus traduit en Russie au XIXème siècle, au point par exemple que Tolstoï intitule son roman Guerre et Paix en hommage à l’un de ses ouvrages et que Dostoïevski le cite dans Les Frères Karamazov. Il fait partie des lectures de jeunesse de Kropotkine. Et lors du procès des anarchistes de Lyon en 1883, il est reconnu comme le « père de l’anarchisme ». Enfin Émile Pouget, figure éminente de la CGT syndicaliste révolutionnaire entre 1901 et 1908, se réclame explicitement de Proudhon dans sa brochure L’Action directe (1910). L’auteur de Philosophie de la misère, contre lequel Karl Marx a écrit un livre Misère de la philosophie a donc joué un rôle important dans la construction idéologique de ceux qui seront les organisateurs, les théoriciens et les propagandistes de l’anarchisme au tournant du XXe siècle.

Je a dit…

Le 28 septembre 1864, un congrès ouvrier européen se tient au Saint-Martin's Hall de Londres à l’initiative des ouvriers britanniques des Trade Unions. La décision y est prise de créer l'Association internationale des travailleurs (appelée plus tard « Première Internationale »), qui unit des éléments du mouvement ouvrier de divers pays.

Le meeting du Saint-Martin's Hall décide de la création d'un Comité central (Central Council). Ce dernier publie en anglais, rédigés par Karl Marx, une Adresse inaugurale et des statuts provisoires (Provisional rules) dans lesquels l'AIT affirme que « l'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes » et déclare agir « pour l'émancipation définitive de la classe travailleuse, c'est-à-dire pour l'abolition définitive du salariat ».

Les éléments constitutifs de l'Internationale sont au départ très hétérogènes :

* tout d'abord, il y a les syndicalistes anglais, réformistes, modérés, qui gèrent prudemment de riches fonds de grèves. Ils travaillent à l'amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière mais font peu référence au socialisme. L'Association internationale les intéresse sur un plan corporatif si elle parvient à empêcher l'introduction en Grande-Bretagne d'ouvriers du continent venant briser les grèves ou faire tendre les salaires à la baisse ;

* côté français, les militants qui participent à la naissance de l'AIT sont davantage issus du monde de l'artisanat que du prolétariat moderne. Ils sont fortement influencés par Proudhon. Ils représentent un mouvement ouvrier qui renaît depuis peu grâce à la libéralisation de l'Empire : la loi du 25 mai 1864 vient de supprimer le délit de coalition en vigueur depuis la Révolution française (loi Le Chapelier du 14 juin 1791) et Napoléon III n'oppose aucun obstacle aux prémices de l'Internationale ;

* de nombreux représentants de la démocratie « à la mode de 1848 », à commencer par les mazziniens, sympathisent avec la cause de l'Internationale et y adhèrent.

Je a dit…

La Ire Internationale se trouve au bout de quelques années divisée entre « mutuellistes » et « collectivistes » (ou « communistes »). Ainsi, le deuxième congrès qui s'ouvre à Lausanne le 2 septembre 1867 est traversé par des divergences entre les mutuellistes suisses et français et les collectivistes anglais et allemands. Et, à l'occasion d'une motion finale, il est acquis que « l'émancipation sociale des travailleurs est inséparable de leur émancipation politique ».

Je a dit…

Dès la fin de l'année 1867, le gouvernement français décide de contrer le développement de l'Internationale. Lors des premières poursuites (février 1868), Henri Tolain et la commission parisienne démissionnent. Ils personnifiaient le mutuellisme proudhonien [...], hostile aux institutions étatiques, favorable au maintien de la femme au foyer — base de la famille. Ceux qui vont prendre le relais, avec Eugène Varlin à leur tête, prétendent dépasser le mutuellisme qui, selon eux, se doit de déboucher sur le collectivisme et le syndicalisme. Dans la section française, un collectivisme anti-étatique succède au mutuellisme.

Je a dit…

En 1868, Bakounine adhère à la section suisse de l’AIT, et en 1869 l’AIT intègre les membres de son Alliance démocratique sociale (qui déclare s’auto-dissoudre afin d’intégrer l’Internationale). Bakounine écrit à Marx le 22 décembre 1868 : « Ma patrie maintenant, c’est l’Internationale, dont tu es l’un des principaux fondateurs. Tu vois donc, cher ami, que je suis ton disciple, et je suis fier de l’être ».

Lors du IVe congrès de Bâle (6-12 septembre 1869), on peut apprécier le poids respectif de chacune des sensibilités. À partir de votes sur des motions ou amendements présentés par ces divers « courants », on peut établir le « rapport de force » comme suit :

* 63 % des délégués de l'A.I.T. se regroupent sur des textes collectivistes dits « anti-autoritaires » (« bakouninistes ») ;
* 31 % se regroupent sur des textes collectivistes dits « marxistes » ;
* 6 % maintiennent leurs convictions mutuellistes (proudhoniens).

Les deux premières sensibilités se retrouvent sur une proposition ayant trait à la socialisation du sol. Enfin, et à l'unanimité, le congrès décide d'organiser les travailleurs dans des sociétés de résistance (syndicats).

À partir de cette période, Marx et Bakounine, qui se connaissaient depuis de nombreuses années, commencent à se méfier l’un de l’autre. « Ce Russe, cela est clair, veut devenir le dictateur du mouvement ouvrier européen. Qu'il prenne garde à lui, sinon il sera excommunié » (lettre du 27 juillet 1869 de Marx à Friedrich Engels). « Il pourrait arriver et même dans un très bref délai, que j'engageasse une lutte avec lui [Marx]… pour une question de principe, à propos du communisme d'État… Alors, ce sera une lutte à mort » (lettre du 28 octobre 1869 de Bakounine à Herzen — il faut cependant remarquer que dans la même lettre, Bakounine écrit à propos de Marx : « nous ne saurions méconnaître, moi du moins, les immenses services rendus par lui à la cause du socialisme, qu’il sert avec intelligence, énergie et sincérité depuis près de vingt cinq ans, en quoi il nous a indubitablement tous surpassés »).