lundi 12 mars 2012

6ème semaine de congés : les Suisses refusent de travailler moins pour gagner autant

A près de 70%, les électeurs suisses ont refusé par référendum une sixième semaine de congés. Abusés par la propagande patronale, ces naïfs craignaient d’y perdre en compétitivité…

Aïe ! Ce sont les frontaliers français qui vont être de mauvais poil en arrivant au boulot ce matin : leurs collègues de travail helvètes ont en effet refusé, hier et à près de 70%, de s’octroyer une sixième semaine de congés payés…

C’est qu’ils sont comme ça, les Helvètes, sympas mais un peu bourrins. Contre toute raison, ils sont convaincus que c’est en continuant de travailler beaucoup (42 heures hebdomadaires en moyenne pour une durée légale de 45 heures) qu’ils préserveront leur niveau de vie élevé et leur quasi plein emploi.

N’importe quoi !

Le problème, c’est qu’ils ne sont pas assez perméables au consensus gaulois sur la façon d’aborder les grandes mutations du moment. Et bien trop sensibles à la propagande du patronat et des gnomes de Zurich. « Regardez les Français : depuis qu’ils sont passés aux 35 heures, leur chômage a explosé et leurs usines se délocalisent à la vitesse d’un cheval chinois au galop », assure benoîtement le MEDEF local.

Hum, c’est sûr, si l’on commence à introduire un argument aussi spécieux dans le débat, on ne va pas aller très loin. Oui la France compte proportionnellement trois fois plus de chômeurs que la Suisse, rémunère ses salariés jusqu’à deux fois moins, n’exporte plus grand chose quand le petit voisin inonde la planète de sa mécanique de précision et de ses molécules pharmaceutiques, mais il faut vraiment être d’assez mauvaise foi pour en conclure que c’est elle qui se plante.

Chacun sait bien, de fait, que si la France est dans les trente-sixième dessous, c’est justement parce qu’elle n’a pas encore suffisamment réduit la durée légale du travail et que c’est en passant aux 32 heures qu’elle redressera enfin la barre. Tout comme chacun sait bien que l’emploi est une sorte de gros fromage circulaire dont le volume est fixé par décret, sur la base d’une loi naturelle, et qu’il suffit de le découper en tranches toujours plus fines pour rassasier tout le monde.

Ah, s’ils faisaient du camembert, les bouffeurs de Gruyère, ils l’auraient compris depuis longtemps… Les frontaliers suisses travaillant en France pourraient d’ailleurs le leur expliquer, mais on me dit que c’est assez rare comme espèce. C’est dingue ce qu’ils sont à côté de la plaque, ces gens-là.

Hugues Serraf

Hugues Serraf est journaliste, écrivain et blogueur.
Aujourd'hui, éditorialiste à Atlantico, il est l'auteur de Petites exceptions françaises (Albin Michel, 2008) et de L'anti-manuel du cycliste urbain (Berg International, 2010).

4 commentaires:

Je a dit…

Hugues Serraf, né le 27 janvier 1964 à Larmor-Plage (Morbihan), est un journaliste, essayiste, romancier et blogueur français.

Journaliste et chroniqueur à Slate.fr, il y développe l’hebdomadaire thématique Slate.fr-Les Tablettes pour tablettes numériques.

Auparavant éditorialiste à Atlantico, il a effectué l'essentiel de sa carrière de journaliste dans la presse spécialisée. Il a également été le responsable du pôle de revues automobiles du groupe Bertelsmann information professionnelle France et le rédacteur en chef des sites Internet du magazine L'Argus. Il intervenait chaque vendredi comme chroniqueur dans La Matinale de Canal+ (saison 2011/2012) et publie par ailleurs le blog Commentaires & vaticinations créé en 2004.

Polémique

Chroniqueur sur Rue89 de novembre 2009 à janvier 2011, il interrompt cette collaboration à la suite d'un différend concernant la rémunération de ses chroniques.

Mais cette interruption précédant de peu son arrivée à Atlantico, elle ouvre le champ à des critiques selon lesquelles il serait passé de l'un à l'autre pour des raisons idéologiques : Rue89 est en effet situé à gauche quand Atlantico est perçu comme un site marqué à droite, ce que réfutent ses promoteurs qui revendiquent plutôt le « pluralisme d'opinion. »

La rédaction en chef de Rue89 alimente d'ailleurs cette interprétation des motivations de Hugues Serraf, d'abord dans un article annonçant le lancement d'Atlantico et mentionnant de façon anecdotique le départ d'un chroniqueur « déçu par notre site qui verse trop souvent, selon lui, dans le consensus anti-sarkozyste », puis à l'occasion d'un échange entre Pierre Haski, président et fondateur de Rue89, et Pascale Clark sur France Inter. Hugues Serraf y est présenté comme un « petit Éric Besson selon les internautes » par l'animatrice radio ; Pierre Haski ajoute que ce départ fait partie du mercato médiatique et entérine cette explication.

À la suite de cette émission, Hugues Serraf demande et obtient la publication, sur Rue89, d'un article dans lequel il détaille les raisons réelles de son départ et l'impossibilité de voir ses chroniques rétribuées.

En commentaire de cet article, Pascal Riché, rédacteur en chef de Rue89, ne revient pas sur la question du prétendu désaccord idéologique, mais indique que Hugues Serraf n'avait pas à être rémunéré au motif que ses articles constituent un « blog », qu'il s'agit d'un « hobby » et que la « visibilité » offerte par le site est la seule contrepartie. Ce que conteste Hugues Serraf, journaliste professionnel normalement rémunéré dans le cadre de ses collaborations diverses.

Je a dit…

Atlantico est un site d'information français de type pure player, uniquement disponible sur Internet, qui a ouvert le 28 février 2011. Son nom est un mot-valise formé à partir des titres des sites américains The Atlantic et Politico.

Orienté « grand public », généralement classé à droite, il se donne pour but d'être un « facilitateur d'accès à l'information », une « plateforme d’aiguillage vers une information fiable et adaptée aux nouveaux modes de consommation de l’information sur Internet » selon Jean-Sébastien Ferjou, l'un des fondateurs du site et actuel directeur de la publication.

Le site est construit sur un modèle inspiré de The Daily Beast ou de Business Insider. Il propose chaque jour une sélection d'articles (« dix pépites du Web »), des décryptages de l'actualité, un fil de dépêches et des sujets people (« Atlantico Light »).

La gestion du site est assurée par une équipe d'une quinzaine de journalistes, qui font appel à des experts ou éditorialistes, pour un total de plus de 2 500 contributeurs. Atlantico veut jouer un rôle d'agrégateur web : « Si quelque chose est bien traité par ailleurs, pourquoi le refaire ? Autant mettre le lien ».

Pour son lancement, le site a mobilisé un million d'euros. Les actionnaires initiaux sont les cofondateurs (Jean-Sébastien Ferjou (ex-LCI), Pierre Guyot (ex-RTL et Europe 1, lauréat en 2008 du Prix de la Commission européenne Lorenzo Natali pour le journalisme), Loïc Rouvin (ex-DG de Societe.com) et Igor Daguier ainsi que la holding d'investisseurs Free Minds, parmi lesquels figurent Charles Beigbeder, Marc Simoncini (fondateur de Meetic), Xavier Niel (fondateur de Free et actionnaire minoritaire du Monde) et Arnaud Dassier (fondateur de l'agence de communication L'Enchanteur des médias, qui a animé la campagne politique présidentielle de Nicolas Sarkozy sur le Web en 2007).

En septembre 2012, le site annonce une levée de fonds d'un montant de 2,075 millions d'euros auprès notamment de Gérard Lignac, ancien président de France Est Médias. Ce tour de table va permettre au site de développer des produits payants innovants : enquêtes et pamphlets sous la forme de mini-livres numériques de 30 à 50 pages ; digests de livres en partenariat avec la maison d'édition Eyrolles.

Le conseil de surveillance du site compte six personnes, dont Gérard Lignac, Christian de Villeneuve (ancien directeur de la rédaction du Parisien, du Journal du dimanche — propriété de Lagardère Active — et de France-Soir), et Mathieu Laine (avocat et essayiste).

Je a dit…

(Petites) exceptions françaises

Pourquoi sommes-nous parmi les seuls en Europe à faire chroniquement la chasse aux poux ? Pourquoi les cacahuètes apéritives sont-elles en France plus toxiques qu’ailleurs ? Au pays de la gaudriole et du respect de la vie privée, la déontologie dans le boudoir de nos journalistes : une passion française ? De la réservation d’hôtel à la chasse au taxi : vers un durcissement des conditions de séjour des touristes dans notre beau pays ?

Inventaire désopilant de ces « petites exceptions françaises » qui peuvent paraître aux yeux du monde aussi absurdes qu’archaïques, regard insolite et impertinent jeté sur nos mœurs et nos travers. Un excellent remède pour en rire … et pourquoi pas, en changer.

Je a dit…

L'anti manuel du cycliste urbain

Les pistes cyclables ? Un truc inventé par le IIIe Reich ! Les feux rouges ? Une contrainte absurde, tout juste bonne à briser votre élan dans une montée difficile ! Les selles profilées ? Ok, mais seulement si l'amour du vélo a déjà remplacé l'amour tout court dans l'expression de votre libido. Le casque ? Ça va pas la tête ?
S'il y a bien une idée reçue sans aucun fondement, c'est que le cyclisme urbain soit un mode de transport « paisible », permettant essentiellement d'aller se fournir en légumes dans une boutique bio de l'Est parisien un bonnet péruvien sur la tête. Ces chroniques, tour d'horizon des pratiques détestables mais assumées d'un automobiliste repenti, en sont la meilleure preuve. À ne pas lire derrière un volant, même au coeur d'un embouteillage !

Postface de Maître Eolas

Hugues Serraf est journaliste, ancien rédacteur en chef dans la presse automobile, chroniqueur à Rue89 et Slate.fr. Auteur de Commentaires & vaticinations (www.com-vat.com), l'un des blogs politiques français les plus suivis. Il n'a plus de voiture, ne se déplace qu'à vélo, mais n'a demandé ni nouvelle identité ni protection de la police pour éviter les représailles de ses anciens confrères.