samedi 24 mars 2012

24 mars 1998. En Amérique, on n'est jamais trop jeune pour devenir assassin

Parce qu'on se moque d'eux, Drew, 11 ans, et Mitch, 13 ans, abattent trois fillettes et un professeur de leur école. Ça les soulage.

Le mardi 24 mars 1998, Drew (Andrew Golden, 11 ans) et Mitch (Mitchell Johnson, 13 ans) revêtus de treillis militaires, abattent trois fillettes et une professeur d'anglais de leur école de Jonesboro, en Arkansas. Planqués dans un bois à une vingtaine de mètres des bâtiments, ils tirent comme s'ils jouaient à Killzone sur leur Playstation. La petite Britney Varner, 11 ans, est la première à s'effondrer. Elle a juste le temps de s'accrocher à une camarade pour l'implorer dans un murmure : "Whitney, Whitney", avant de mourir. Un prof touché à l'abdomen crie aux élèves de s'enfuir. C'est la panique. Certains se jettent à terre, d'autres s'échappent à toutes jambes. Les enfants hurlent. Une professeur d'anglais, Shannon Wright, se jette devant une élève pour la protéger de son corps. Pour sa peine, elle reçoit une décharge mortelle avant de rouler sur le sol. Couverte de sang, elle a juste le temps d'articuler avec peine : "Dites à Mitchell (son mari) et à Zane (son fils) que je les aime beaucoup... et dites à Mitchell de prendre soin de notre Zane." En moins d'une minute, les deux Rambo tirent 27 balles avec lesquelles ils descendent quatre personnes et en blessent une dizaine d'autres. C'est quand même plus amusant que de se bouffer des talibans sur un jeu vidéo ou d'aller à la chasse avec grand-père.

Le plus effrayant dans cette histoire, c'est que les deux gamins n'appartiennent pas à un gang des rues et ne présentent pas de graves troubles mentaux apparents. Ce sont simplement deux jeunes garçons habitant un trou de l'Arkansas où toute la population se retrouve à l'église ou au temple chaque dimanche. Andrew Golden est le fils d'un couple de postiers. Il adore son grand-père Doug qui collectionne les armes à feu comme d'autres des timbres-poste. Il adore le suivre pour chasser le canard, son grand-père lui a promis de lui faire abattre son premier cerf à 12 ans !

Embuscade

Quant à Mitchell Johnson, il est élevé par une mère divorcée venue d'un autre bled de l'Amérique profonde. Au début, c'était un gentil garçon fréquentant l'église, mais il est vite devenu hargneux, agressif. Devant ses petits camarades, il se vante d'appartenir à un gang (ce qui est faux), de prendre de la drogue. Il aime s'infliger des blessures avec un couteau sur les bras. Les deux garçons, qui ont fait connaissance dans le bus scolaire, aiment agresser leurs camarades en leur assénant quelques bonnes vérités de leur cru : "Que t'es moche avec tes lunettes." Ou encore : "Espèce de bâtard, je vais te péter la gueule."

L'idée de l'embuscade revient, semble-t-il, au plus jeune. La veille de Noêl, Drew propose à son ami Mitch d'organiser un petit événement sympa pour terroriser les élèves et les profs qui ne les aiment pas. Pourquoi ne pas piquer des flingues pour tirer au-dessus de leurs têtes ? Son copain, pris de court, refuse tout net. Drew ne désarme pas pour autant. Il revient à la charge vers la mi-mars. Cette fois, Mitch trouve l'idée géniale, car il meurt d'envie de buter plusieurs de ses professeurs qui l'ont puni récemment. Et puis, il y a cette "petite salope" qu'il accuse de l'avoir largué comme un bouffon. Les deux garçons établissent leur scénario comme des pros. Ils imaginent de déclencher l'alarme anti-incendie pour obliger tous les élèves à sortir, puis de les arroser de balles depuis un bois qui fait face à l'école. Drew se chargera des armes, tandis que Mitch piquera la Dodge de sa mère. Ils prévoient également de se vêtir en treillis, d'emporter des vêtements de rechange, de la bouffe, des sacs de couchage pour se planquer durant plusieurs semaines en forêt.

Arsenal

La veille de leur opération spéciale, ils ne peuvent pas retenir leur langue dans le bus qui les mène à l'école. "Demain, vous saurez si vous devez mourir ou vivre." Mitchell précise : "Tous ceux qui me détestent et tous ceux que je n'aime pas vont mourir." Et, encore : "Toutes celles qui ont cassé avec moi, je les tuerai demain." Les autres mômes prennent ces menaces pour une blague. Mais quels idiots ! N'ont-ils pas entendu parler de la jeune Brenda Ann Spencer qui a canardé une école le 29 janvier 1979, tuant deux adultes, parce qu'elle n'aimait pas les lundis ?

Le lendemain, le mardi 24 mars, Drew et Mitch passent à l'action. Ils ont réglé leur affaire au quart de poil. Mitch part à l'école avec son petit frère, mais revient chez lui expliquant à sa mère qu'il a raté le bus scolaire. Qu'elle ne s'inquiète pas : son beau-père qui n'est pas encore parti veut bien le déposer à l'école. Mensonge. Le jeune garçon repart au volant de la grosse Dodge familiale. À 13 ans, il sait déjà conduire. Il retrouve son complice près de chez lui. Tous deux s'introduisent alors chez Drew pour voler des armes, mais celles-ci sont enfermées dans un coffre qu'ils n'arrivent pas à fracturer. Qu'importe, ils vont emprunter celles de Doug, absent de chez lui. Les fusils sont reliés les uns aux autres avec un câble d'acier, mais l'enfant sait où est cachée la clef. Les deux gamins repartent avec un véritable arsenal : quatre pistolets et trois fusils dont un à lunette télescopique, sans oublier les munitions. Mitch roule alors jusqu'à une petite route secondaire derrière l'école. Pendant qu'il transporte les armes sur le lieu choisi pour ouvrir le tir, Drew court à l'école pour se glisser dans sa classe.

Vers 12 h 30, Drew demande la permission de se rendre aux toilettes. Accordée. En fait, il déclenche l'alarme anti-incendie avant de rejoindre au pas de course son camarade planqué dans les sous-bois. Ils observent les classes sortir les unes après les autres. Les élèves patientent alignés les uns à côté des autres. Comme des pros, les deux petits salopards attendent que la porte de secours se referme. Ils savent qu'il est impossible de l'ouvrir de l'extérieur. C'est alors qu'ils ouvrent le feu, oubliant de tirer au-dessus des têtes. Comme s'ils actionnaient la manette de leur console de jeu, ils visent méthodiquement leurs victimes. Quelques minutes après le début de la fusillade, la police débarque sirènes hurlantes. Deux flics se lancent à la poursuite du commando qui s'enfuit vers la Dodge. Ils rattrapent les deux gamins qui, après avoir hésité une fraction de seconde, laissent tomber leurs armes. Ils ont réintégré la réalité. Quelques mois plus tard, ils seront condamnés à la peine maximale prévue par l'Arkansas pour des mineurs meurtriers : emprisonnement jusqu'à la majorité de 21 ans. Drew effectuera 10 ans de peine contre 8 pour Mitch. Pas cher payé.

1 commentaire:

Je a dit…

Plusieurs facteurs à signaler :
- l'article parle fréquemment de jeux vidéos (chers au candidat présidentiel Jacques Cheminade) qui seraient responsables de la confusion entre fiction et réalité
- l'aîné des deux garçons est l'archétype du gamin déstructuré (et donc jaloux, hargneux) parce que sa structure familiale est éclatée
- enfin, c'est une réalité propre aux États-Unis : les armes à feu sont à portée de main dans toutes les "bonnes" familles américaines.

C'est le plus jeune, Drew, qui a eu l'idée de la fusillade, sans doute pour surenchérir face à son "mentor" Mitch.

La confusion fiction/réalité est une chose fréquente, les familles peu ou pas structurantes psycho-affectivement sont devenues légion mais ... sans arme à feu on en serait resté à des insultes ou des jets de cailloux tandis qu'avec des armes à feu ... On pourrait imaginer qu'à part aux États-Unis, on serait à l'abri mais, d'après le ministre de la Défense, de tels arsenals sont facilement disponibles dans les quartiers sensibles de notre bonne vieille France (l'exemple Mohamed Merah en étant le dernier exemple).