vendredi 24 avril 2015

Les concepts organisateurs de la formation du citoyen dans les programmes (2/10)

2 LA CITOYENNETE

2.1 Définition

Le citoyen se définit dans l’Antiquité par son appartenance à une cité c’est à dire à un petit territoire indépendant comprenant une ville et des villages, libre de se gouverner comme il le désire. La citoyenneté comprend différents attributs notamment l’identité, la nationalité et le droit de participer directement ou indirectement à l’exercice du pouvoir politique.
La Révolution a donné au mot « citoyen » un sens complètement nouveau : le citoyen, par opposition au sujet, est membre de la nation, c’est à dire d’une communauté formée de l’ensemble des citoyens et seule dépositaire de la souveraineté nationale. Dans cette acception, le citoyen désigne donc le national du pays et le titulaire des droits politiques.
Indissociable de la citoyenneté, la nationalité repose sur un lien juridique qui implique un ensemble de droits et d’obligations reconnus par un Etat à une personne. Elle est une composante de l’Etat, elle est un droit pour la personne (Déclaration Universelle des Droits de l’homme de 1948, article 15). L’identité est indispensable pour fixer les droits et les obligations de chaque membre d’une société et régler les relations entre les individus. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 précise : « Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique ». La Convention Internationale des Droits de l’Enfant (1989) affirme : « Chaque enfant a droit dès sa naissance à un nom et à une nationalité ».
Dans la France d’aujourd’hui, une personne est identifiée par son nom, le patronyme que tout individu reçoit à la naissance et qui permet d’établir la filiation et par ses prénoms, le premier prénom étant dit « usuel ». L’existence de chacun est authentifiée par l’Etat qui, depuis la Révolution (1792) tient les registres de l’Etat civil et en fixent les règles. Par conséquent, tout individu doit être capable de prouver son identité c’est à dire de disposer de pièces d’identité comme la carte nationale d’identité ou un extrait d’acte de naissance. L’apparition récente du web interactif sur Internet a induit de nouvelles pratiques sociales. Les « réseaux sociaux » comme les « blogs » donnent la possibilité aux personnes de s’attribuer une identité numérique qui traduit la façon dont celles-ci veulent se représenter et être perçues par les autres.
On peut donc affirmer que « chaque personne possède des identités multiples tout en appartenant à une seule humanité » : une identité individuelle, propre à chacun, chaque personne étant unique, une identité collective, construite autour de repères et de codes communs, qui s’enracine dans le territoire, le pays, la ville ou le quartier dans lesquels la personne vit ou a vécu et une identité « numérique » ou « virtuelle », liée au développement récent des réseaux sociaux.

2.2 Histoire

Ce sont les Grecs qui « inventent » le politique, notamment le principe de l’Etat de droit. A Athènes, au Ve siècle avant JC, seuls les citoyens participent à la vie politique qui est considérée, notamment par Aristote, comme étant la seule activité digne de l’homme. Les esclaves, les femmes, les étrangers et les métèques en sont exclus et l’acquisition de la citoyenneté athénienne par des étrangers reste l’exception. A Rome, un nouveau type de relations sociales naît, lié à l’immensité des territoires qui constituent peu à peu l’Empire. La citoyenneté romaine se définit par le droit. Le citoyen dispose de droits publics comme le droit de voter, d’être élu à Rome et de droits civils comme le droit de posséder, de faire un testament. Cette conception permet à Rome d’intégrer peu à peu les habitants de l’Empire et d’en faire des citoyens romains. En 212, l’édit de Caracalla élargit la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’Empire. Par conséquent, les Romains en définissant le citoyen en termes juridiques, ont inventé l’idée d’une citoyenneté ouverte. La conception révolutionnaire française s’inspire des idées de Rousseau : l’intérêt et la volonté de chaque citoyen sont ceux de la collectivité. La conception révolutionnaire introduit deux grandes idées qui constituent une rupture avec l’Antiquité : la représentation c’est à dire la possibilité de déléguer ses pouvoirs à des représentants qui exercent le pouvoir législatif et le droit de chaque citoyen à exercer concrètement ses droits qui est mis en oeuvre par la Troisième République et notamment par l’Ecole.
Par conséquent, pour exercer pleinement sa citoyenneté (être un citoyen actif dans la cité), il faut avoir une identité (être reconnu), une nationalité, jouir de la liberté (d’aller et venir, de pensée, d’association, d’expression), de droits économiques et sociaux (les très pauvres ne peuvent exercer leurs droits). La citoyenneté véritable ne peut s’exercer sans liberté et sans égalité.
 
2.3 Les enjeux actuels

Aujourd’hui, le concept de citoyenneté a évolué et s’inscrit dans une logique nouvelle, liée à l’évolution de notre société en crise. La citoyenneté uniquement politique apparaît comme une citoyenneté limitée car elle ne prend pas en compte la prise de participation que peut avoir chaque habitant de la cité dans sa vie personnelle et professionnelle (associations, syndicats, partis politiques, clubs, entreprises). Les politiques et les sociologues ont donc réfléchi à une définition plus large de la citoyenneté qui répond davantage aux problèmes actuels, la citoyenneté sociale. Celle-ci se manifeste aujourd’hui notamment par la volonté d’associer les Français à l’édification et à la gestion de leur cadre de vie.
Une autre dimension de la citoyenneté, la citoyenneté européenne, apparaît dans le traité de Maastricht, signé en 1992, qui introduit, dans le traité de Rome (1957), une deuxième partie qui s’intitule « La citoyenneté de l’Union ». Son contenu comporte des droits de nature politique (le droit de vote et l’éligibilité aux élections européennes et municipales dans l’Etat membre de résidence) et des droits à caractère économique, social et juridique (droit de circuler librement sur tout le territoire de l’Union) Instrument de cohésion entre les citoyens et les institutions communautaires et entre les Etats eux-mêmes, la citoyenneté européenne joue un rôle essentiel.
En définitive, « la citoyenneté est l’appartenance à une collectivité aux règles de fonctionnement de laquelle on est assujetti tout en étant coresponsable de leur élaboration et de leur gestion » (J P Worms, Reconquérir la citoyenneté pour reconstruire l’Etat, Revue Esprit, décembre 1994).

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