Ce que les médias maastrichtiens aiment par-dessus tout, c'est ce
qu’ils reprochent à leurs ennemis: l'amalgame. Ces temps-ci, chacun le
voit dans les journaux, radios et télés du système: une seule hirondelle
morveuse fait pour cette engeance le printemps des gilets-jaunes. On a
pu ainsi constater avec eux, et ce ad nauseam, combien un homophobe, un
raciste, un antisémite, un complotiste surgissant parmi les
gilets-jaunes faisait de tous les gilets-jaunes des coupables de ces
crimes listés.
Or, est-ce que le passé d'un joueur de poker,
compagnon de quelques spécimens de la pègre Marseillaise devenu ministre
de l'Intérieur de Macron, fait de tous les ministres de Macron des
joueurs de poker compagnons de la pègre marseillaise? Je pense que même
Castaner dirait que non... C'est pourtant ainsi qu'on procède chez les
ennemis des gilets-jaunes -car ils sont moins traités par eux en
adversaires respectables et respectés qu'en ennemis à supprimer...
Des gilets-jaunes ont lancé un transpalette électrique (donc
écoresponsable et non polluant: un bon point pour eux...) contre la
porte du ministère de Benjamin Griveaux. La belle affaire! Voici donc
qu'en guise de résumé de ce nouveau samedi jaune, le transpalette est
presque présenté par les journalistes comme un char d'assaut, un Rafale
de la dernière génération, un sous-marin à propulsion nucléaire, un
engin de guerre furtif, le dernier cri de la technologie meurtrière
d’État, le petit bijou secret de Dassault.
On nous dit
également que le transpalette a été lancé contre la République en
personne! Tudieu... Si la République est mise en péril par un
transpalette, soit le pouvoir du transpalette est grand, soit la
République est bien faible, soit encore ceux qui tiennent ce genre de
discours prennent leurs auditeurs pour des imbéciles. Je penche plutôt
pour cette dernière hypothèse...
Je remarque au passage que,
reprenant comme un seul homme les éléments de langage du ministre, les
journalistes parlent d'un "engin de chantier" alors que, comme son
étymologique l’indique (mais encore faut-il ne pas ignorer le mot, donc
la chose, bien connus de la plupart des gilets-jaunes...), le
transpalette permet de déplacer des palettes dans des entrepôts, des
hangars, des halles, des dépôts, des cours d'usine, ce qui ne relève pas
à proprement du chantier... Plus intelligente que le ministre, ses
conseillers, ses communicants et les (ses...) journalistes, ce qui n'est
pas peu dire, la notice Wikipédia du "transpalette" dit: "On retrouve
les transpalettes dans les centres de distribution, entrepôts, commerces
au détail, camions, etc.". Un sophiste des communicants du
Château dirait que cet "etc." cache le mot "chantier"... Sylvain Fort,
la plume du président qui, je le sais, lisait attentivement mes
chroniques et qui vient de quitter le navire avec les rats, n'est plus
là pour rédiger une note avec cet élément de langage.
L'amalgame, ici, c'est de résumer l'acte VIII des gilets-jaunes à cette
affaire de la République attaquée par un transpalette!
Un seul
transpalette défonce la porte d'un ministère et ce sont tous les
transpalettes qui défoncent en même temps toutes les portes des
ministères avec pour objectif de faire tomber la République! Concluons
qu'avec ce modeste transpalette sur lequel étaient juchés des
personnages sortis tout droit de Rabelais et qui se marraient en
défonçant une porte, les gilets-jaunes avaient pour but avoué de
fomenter un coup d'État -comme jadis Pinochet avec les chars de l'armée
chilienne... Rien moins, sinon, quoi?
Écoutons en effet le
macronien qui voudrait se faire passer pour le président socialiste
chilien réfugié dans son ministère pendant que gronde le bruit de moteur
électrique du transpalette: l'homme a sauvé sa vie avec une
exfiltration du genre commando -en fait, avec son couteau et son
portable sous le bras, il est parti sans encombre par une autre porte...
Il confie au journal "20 Minutes": "Ce n’est pas moi qui suis visé,
c’est la République (sic)", par "ceux qui souhaitent l’insurrection,
renverser le gouvernement", mais "la République tient debout". L'a-t-on
bien compris? ce que ce transpalette venait faire, c'était faire chuter
la république en entrant dans son bureau -ce qui, pour un transpalette,
reste une performance logistique inédite à ce jour, même chevauché par
un quarteron de Pieds Nickelés...
Un journaliste du "Monde",
journal ami de Macron et ennemi des gilets-jaunes, était comme par
hasard justement dans le bureau du pauvre homme afin de relayer la bonne
parole macronienne à ses lecteurs de la gauche de droite. Le journal
titre: "Récit de l’évacuation (sic) de Benjamin Griveaux après
l’irruption (sic) de manifestants dans son ministère"! On tremble... On
apprend par ce reportage de guerre que la République a été sauvé par la
fuite du ministre & du journaliste "dans la précipitation mais sans
heurt (sic) à travers le jardin du ministère et la cour intérieure d’un
immeuble voisin. Une 'sortie de secours' (sic) qui débouche dans une
petite rue adjacente à la rue de Grenelle dont le 101 accueille le
ministère du porte-parolat. Le 'passage secret' (sic) avait déjà été
utilisé lors d’une première intrusion le jour de 'l’acte II' des 'gilets
jaunes'." Où l'on voit que l'on a échappé à un carnage, car le
transpalette aurait pu réussir tout seul à grimper les étages, à se
frayer un passage dans le labyrinthe des couloirs, avant de se retrouver
devant le bureau vide du ministre! Une fois arrivé, il aurait
probablement pu tirer, bien qu’il ne possède pas de canon ou de
mitrailleuse... A BFM, on aurait pu soutenir cette thèse, à France-Inter
aussi!
Sur Twitter, le chef de l'État se fend de ce
commentaire: "Une fois encore (sic), une extrême violence (sic) est
venue attaquer la République (sic) –ses gardiens, ses représentants, ses
symboles [1]. Ceux qui commettent ces actes oublient le cœur de notre
pacte civique (sic). Justice sera faite. Chacun doit se ressaisir pour
faire advenir le débat et le dialogue." Que raconte ce message concocté
par les communicants du Château?
"Une fois encore" dit que les
gilets-jaunes ne sont que dans la violence, mais jamais dans la
revendication pacifique, jamais sur les ronds-points dans l'occupation
fraternelle et débonnaire, amicale et festive, jamais dans les
manifestations bon enfant. Pour comprendre un peu d'où vient cette
violence, il serait intéressant de savoir où se trouvent depuis quelques
semaines certains policiers dont le métier a toujours consisté, sous
tous les régimes, à infiltrer les défilés pour initier les violences qui
permettent ensuite de discréditer les manifestants. C'est vieux comme
le monde... Depuis que Benalla ne fait plus ce travail, après avoir été
filmé la main dans le sac, où sont ses semblables?
"Une extrême
violence"? Mais alors comment doit-on qualifier le massacre physique de
nombre de gilets-jaunes présents dans les manifestations et qui ont été
défigurés, énucléés, explosés, ravagés? Des photos montrent un grand
nombre de victimes ayant perdu un œil, dont les dents ont sauté, les
arcades sourcilières explosé, qui ont perdu des morceaux d’os, des
lambeaux de cuir chevelu, voire une partie du visage? Si un trou dans
une porte, qui se remplace, c'est "une extrême violence", alors comment
qualifier des trous dans le visage de gens définitivement défigurés?
Une "attaque de la République"? Mais comment peut-on faire passer ce
monôme de quelques secondes, montées puis montrées en boucle par BFM
pendant toute la journée, pour une tentative de putsch? Juchés sur leur
transpalette, comment les tenants de cet attelage auraient-il pu croire
une seule seconde qu'avec ce véhicule électrique, ils avaient pour
projet avoué de faire tomber le régime ?
Par ailleurs: comment
Macron ose-t-il parler du "pacte civique ", lui qui a conseillé et
accompagné longtemps François Hollande dans une politique dont le cœur
est le mépris de ce pacte qui exige le sacrifice du peuple pour tracer
la route libérale de l'État maastrichtien contre l'État français? Si les
gilets-jaunes sont dans la rue, c'est parce que ce pacte civique a été
rompu par tous les politiciens maastrichtiens depuis des années -dont
Macron.
Car, qui se moque de la République ? Les gilets-jaunes
ou bien Macron et les siens? Un ami bien inspiré, merci Jean-Yves, m'a
envoyé un article signé Juan Branco et intitulé : Sur un certain
Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement. Ce formidable texte
[2] permet de répondre clairement à cette question: s'il existe bien des
gens qui se moquent de la République, ce sont nommément Macron et
Griveaux. Jugez-en:
"Le jeune Benjamin Griveaux était payé
très cher (10.000 euros mensuels) quand il travaillait au cabinet de
Marisol Touraine; il a quitté ce poste en 2014 pour un autre plus juteux
(17.000 euros mensuel) afin de monnayer son carnet d'adresses avec un
objectif bien précis: 's'assurer que personne au ministère des Finances
ne propose d'abolir une niche fiscale favorable à l'entreprise'. Ses
moyens? Les réseaux que l'État lui avait confiés."
Et Juan Branco
de révéler que, pendant ce temps, Benjamin Grivaux charge son ami
Gabriel Attal, 23 ans, sans expérience, sans diplômes du supérieur, de
recruter des chargés de mission socialistes pour faire la campagne de
Macron en sous-main. L'État, via le ministère de la Santé et des
Affaires sociales, le payait pour faire la campagne du candidat
Macron... Le même État mettait pour ce faire à son service chauffeurs et
voitures de fonctions, cuisiniers et secrétaires. Juan Branco signale à
quoi ressemblait cette machine de guerre illégale et antirépublicaine.
Les amis et amies de Griveaux sont très bien servis dans cette mafia.
Les noms de Benalla, de Mimi Marchand, de Xavier Niel, de Lagardère, de
Bruno Jeudy, apparaissent -ce qui n'est guère étonnant...
Juan Branco conclut son article ainsi: "Ces êtres ne sont pas corrompus. Ils sont la corruption." Chapeau l'artiste.
Nous avons donc la réponse: quand ce transpalette défonce la porte du
ministère de Griveaux, il ne s'attaque pas à la République pour
l'abolir, mais à ceux qui, corrompus, la voudraient à leur image. C'est
juste ce que refusent les gilets-jaunes: que ces gens-là continent leurs
forfaits en toute impunité et en continuant à saigner le peuple -que la
République ait cessé d'être républicaine.
Pas sûr que les
Zorro du transpalette aient su tout ça, encore que, mais ils ont juste
pu se souvenir que Griveaux les méprisait au début de leur mouvement en
disant qu'ils étaient "des fumeurs de clopes qui roulaient au diesel"
[3]. Sur ce transpalette qui fonctionne à l’électricité, il semble que
ces gilets-juanes n'avaient pas la clope au bec! Pareille insulte
suffisait pour lui faire tâter un peu du transpalette, même de loin. Pas
de quoi faire chuter la République ni se prendre pour Allende! Ce fut
juste un pétard de fête que lui et les siens, dont les journalistes,
présentent aujourd’hui en guise de résumé de l'acte VIII des
gilets-jaunes, comme un genre d'attentat au lance-roquette.
Guignols...
Michel Onfray
________________________________
[1] J'ignorais qu'une porte et un pare-brise puissent être des symboles de la République... Je m'en faisais une autre idée.
[2]
https://blogs.mediapart.fr/juan-branco/blog/101218/sur-un-certain-benjamin-griveaux-porte-parole-du-gouvernement
[3]
http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2018/10/29/31002-20181029ARTFIG00214-le-mepris-siderant-de-griveaux-pour-les-gars-qui-fument-des-clopes-et-roulent-au-diesel.php
Source : https://michelonfray.com/interventions-hebdomadaires/la-republique-attaquee-par-un-transpalette-?mode=text
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