Le matérialisme est l'un des courants philosophiques qui a suscité le
plus de controverses, ce qui lui a valu d'être malmené et caricaturé à
de nombreuses reprises. Cet ouvrage se propose de montrer le contenu
réel de ses concepts, d'en fournir une définition nouvelle et de le
relier à ses racines historiques et sociales. Dans chaque période, il
est au coeur d'enjeux idéologiques de premier plan, parce qu'il est à
l'intersection des progrès de la connaissance et des préoccupations
métaphysiques. Jusqu'à présent, il n'existait pas d'histoire complète et
synthétique de ce courant de pensée, alors qu'il a joué un rôle
fondamental dans la vie scientifique et culturelle du monde occidental.
La seule entreprise de ce genre fut l'ouvrage de F.-A. Lange (1866),
devenu largement incomplet. Le livre de P. Charbonnat se veut le
panorama d'un champ conceptuel en constante agitation, uni par l'idée
que les mythes et le sacré ne sont pas les seuls horizons pour penser la
place de l'homme dans l'Univers. D'Épicure aux matérialistes
contemporains anticréationnistes en passant par Marx, une même exigence
émancipatrice traverse l'oeuvre de ces penseurs. Il s'agit d'en rendre
compte tout en indiquant où passent les lignes de fracture.
L'enseignement de l'histoire des idées en France néglige cet héritage
intellectuel, en le confinant à un cercle restreint de spécialistes. Cet
ouvrage voudrait indiquer que les interrogations soulevées par le
matérialisme s'adressent à tous. Il est en effet indispensable que cette
philosophie soit mieux représentée dans les programmes et les manuels,
qui semblent oublier qu'une part importante de la population ne se
réfère pas à la transcendance pour donner un sens au monde.
L'histoire
du matérialisme est également incontournable pour saisir les enjeux du
travail des sciences de notre temps. En dévoilant comment les savoirs
d'aujourd'hui sont les fruits de luttes contre des traditions
conservatrices, elle invite à ne verser ni dans un positivisme naïf, ni
dans une défiance figée à l'égard des résultats scientifiques. Être
matérialiste consiste moins à désenchanter le monde qu'à en restituer le
libre cours.
Pascal Charbonnat est enseignant dans le secondaire, chercheur en
épistémologie rattaché à l’IREPH, auteur d’articles d’histoire des
sciences, d’une Histoire des philosophies matérialistes (Syllepse,
2007), et de Quand les sciences dialoguent avec la métaphysique
(Vuibert, 2011). Cofondateur des Editions Matériologiques, auteur de Le
Génie du sarkozysme.
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