jeudi 20 février 2014

Et si on instituait le Permis de Voter ?

Après @eowenn (« Et si vous offriez le compte Twitter idéal à vos meilleurs amis?« ), @naro (« Et si l’agence de com du futur restait à inventer ?« ), David @AdTimes (« Et si Paul Le Poulpe prédisait aussi l’avenir de la pub ?« ), @cyceron (« Et si le marketing n’était pas l’ennemi du journalisme ?« ), et @maximegarrigues (« Et si René la taupe partait à la conquête du monde ? »), notre sixième candidat  (sur 20), à tenter l’ascension #EnHautDuCocotier est Boris Laffargue, Toulousain, en charge des medias du Toulouse Football Club. 

Une fois n’est pas coutume, nous quittons la sphère du digital et de la communication, pour aborder un sujet d’ordre politique qui renvoie au débat démocratie directe / démocratie représentative, et à l’importance de revaloriser la politique pour garantir le bon fonctionnement de la démocratie. Une incitation à relire Benjamin Constant et Alexis de Tocqueville. Ou plus récemment, le livre d’ Olivier Drochon « La faillite de la démocratie. De la nécessité d’un permis de voter » que Boris a découvert après avoir écrit son post, et à qui il rend hommage dans sa conclusion. Cette idée iconoclaste est-elle une solution pertinente pour redonner l’envie et le gout de la politique et du vote responsable ? Permettra t-elle à Boris de dépasser @Maximegarrigues qui a pris la place de @naro #EnHautDuCocotier la semaine dernière avec 1 841 visiteurs uniques entre 9h et Minuit ? A vous d’en décider. Les résultats seront publiés juste après minuit via Twitter, et demain matin sur ce blog. Bonne lecture !


J’aime Coluche. Beaucoup plus que n’importe quel sportif, acteur, politique ou humoriste. J’aime cet homme qui n’a cessé tout au long de sa courte carrière d’émouvoir, surprendre, amuser et déranger. Un trublion, provocateur jusqu’au bout de ses gants de boxe. Coluche c’est mon Général de Gaulle… mon personnage politique des 30 miséreuses et c’est peut-être de lui, que l’idée m’est venue…

Traçabilité de l’idée.

En 1958, la France est entrée dans la Ve république. Ses fondements sont rédigés dans la constitution (58) dont on retient surtout : le pouvoir exécutif pour le Président et le suffrage universel direct. Désormais, le peuple va décider seul, de l’identité de son Président. Que vive la démocratie !

S’en suit une période faste de notre société, où la politique tient une place centrale dans le quotidien d’une majorité de Français (par peur de revivre l’horreur de la guerre peut-être ou plus certainement par envie de rebâtir et développer notre pays en plein chaos). Entre 1950 et 1980, la conscience politique se traduit notamment par la montée en puissance des maisons de presse « politisés », par mai 68, par le fort taux de syndicalisme, par également la création de rendez-vous médiatiques réguliers où le Président s’adresse aux Français.

Et puis, les années 80 sont arrivées : le chômage, la pleine société de consommation, le SIDA, … la crise modifie le rapport de force entre les politiques (les M.N.S) et la population (les noyés). Les habitudes politiques françaises commencent à s’estomper : petit à petit on s’informe moins,  s’encarte moins, milite moins. Une distance se crée entre la population et la chose politique. Ce phénomène semble s’être confirmé voire accentué jusqu’à aujourd’hui.



Quand on sait que les syndicats français ont par exemple : obtenu la loi sur les conventions collectives (1950), obtenu la 3e, 4e et 5e semaine de congés (depuis 1956), obtenu la retraite à 60 ans (1970) ou encore la semaine de 39h (1981) alors, à la vue de ce graphique, on peut légitimement penser que les salariés ont depuis longtemps freiné leurs ardeurs politiques…

(J’ouvre une parenthèse…

Depuis 2007, 4 propositions de lois ont été « jugées » anticonstitutionnelles par le conseil constitutionnel : Hadopi (Liberté), Burqua (Liberté), Taxe Carbonne (Egalité), Identité nationale (Egalité). D’après vous quelle part de la population a eu cette info ? Combien savent quel est le rôle du conseil ? Combien voient le lien avec les fondements républicains de notre société ? Assez peu finalement, non ? Me tromperai-je ?

Edwy Plenel et quelques autres plumes dénoncent ce qu’ils appellent « le viol de la Constitution » dans la matinale du 17/08 sur France Inter… (C’est la première intervention de Plenel).

http://www.dailymotion.com/video/xegzht_edwy-plenel-laurent-neumann-yves-th_news

En 1995 certains reprochent aux Guignols d’avoir fait élire Jacques Chirac. D’autres à TF1 d’avoir emmené Jean-Marie Le Pen au second tour en 2002, ou plus légèrement à RMC d’avoir contribué pleinement à la réduction de tête de Domenech. N’en déplaise à Lazarsfeld, je crois que dans une société « inculte » (disons qui n’est pas assez experte), individualiste et sédentarisée, les médias de masse quasi-fusionnent avec les relais d’opinion. Et le lobby médiatique peut avoir un effet bien plus fort finalement celui que lui attribue Lazarsfeld. Dans le sens positif, comme négatif! Et je ne souhaite même pas parler de la légitimité desdits relais d’opinion… (comme dans l’affaire Domenech, qui est devenu une affaire politique, c’était surréaliste!).

Faisons un test rapide ;) Demandez dans votre entourage à quel personnage politique l’on attribue : « Je veux lutter contre la fracture sociale » puis demandez ensuite aux mêmes personnes le nom du politique qui a proposé de « manger des pommes ». Là encore je ne brillerai pas par mon empirisme mais peut-être qu’une majorité de réponse ira dans le sens de ce que je tente de démontrer.

… je referme la parenthèse).

En 2007, de façon tout à fait surprenante, selon moi, les français n’avaient jamais autant voté pour une élection présidentielle (en volume). Plus de 36.000.000 de votants au second tour (source Wikipédia ci-dessous).



Sur les 36 millions de votants en 2007, on peut se demander quelle est la part de ceux qui sont légitimes pour voter. Je n’entends pas par légitimes : l’origine, la nationalité, le niveau de diplôme, la CSP, … Non j’entends par légitimes, les personnes armées pour réaliser le choix qui va réellement défendre leurs convictions – enjeu central de la démocratie.

Ces armes, quelles sont-elles ? Une instruction politique (comment la politique est-elle organisée dans notre pays ?), une culture politique (quels sont les courants historiques, les nouveaux courants, quels modèles de pensée ?), une implication dans des causes politiques (syndicalisme, élus, gréviste) ou a minima une activité politique (participation à débats, vie associative) pour ne citer que celles-ci. Raisonnablement, j’estime le taux des « légitimes » à 15-20% des votants. Je ne m’intègre d’ailleurs pas vraiment dedans : je ne milite pas, je ne suis plus trop actif dans le monde associatif, j’ai une instruction-culture politique toute relative. Assez ! Vive la démocratie ;)

Drôle d’Idée : « Voter tue ».

Comment alors une population qui au quotidien « s’intéresse » de moins en moins à la politique, peut-elle être de plus en plus nombreuse à voter (du moins aussi constante sur les élections majeures) ? N’est-ce pas là un danger ? Ne risque-t-on pas d’être particulièrement influençable, manipulable dans ces conditions ? En somme n’est-ce pas là le meilleur moyen d’entrer dans une « dictature » qu’elle soit politique, financière ou médiatique ?

Pour conduire, chasser, construire, … l’on a systématiquement besoin d’obtenir un permis. Une sorte de sécurité que prend l’état avant de laisser entre nos mains une pratique à risque. Pourquoi alors voter n’appartiendrait-il pas aux conduites à risques : « Voter tue » ! On aurait pu l’inscrire en 1933 sur les bulletins allemands… (Il y a pleins de slogans anti-tabac que l’on pourrait d’ailleurs adapter sur des bulletins, avec un gros brin de cynisme).

Si l’on considère qu’en allant voter sans y être réellement préparé, on prend le risque de défendre des hommes et des femmes dont « finalement » les convictions vont à l’encontre des intérêts du peuple; alors l’acte le plus symbolique de toute démocratie devient l’arme qui se retourne contre elle. On croit sur parole … et adieu la démocratie !

On a souvent demandé aux politiques le prix d’un ticket de métro ou de la baguette de pain. C’est dommage qu’aucun d’entre eux n’ait encore répondu : » et vous, pouvez-vous me donner les principes fondamentaux de notre république ? »… j’aurais pu m’y attacher.

L’idée qui tue. 

Parce que le vote est essentiel à la démocratie, il vaut peut-être mieux confier cette grande responsabilité à des personnes qui auront fait la démarche de développer leur culture politique, qui se seront impliquées, qui auront démontré leur engagement citoyen. Je ne parle pas là des élus (coincés trop souvent dans les murs de leur parti). Je parle du peuple, de toute personne qui aura fait la démarche de s’inscrire au permis de voter.

Le permis de voter, ce n’est pas un examen que l’on doit obtenir, c’est un ensemble de droits que nous offrirait l’Etat et qui nous imposerait certains devoirs : L’idée est de donner un accès à une « in/formation » politique gratuite, globale et surtout interactive. Le tout, à la simple demande du citoyen.

Avoir son permis de voter c’est : 

> Devenir électeur pour toutes les élections durant un quinquennat présidentiel et représenter la part de la population non « permise ».

> Obtenir un accès gratuit et illimité au portail web des électeurs : et si l’on inventait un portail web social destiné uniquement aux votants ? Un www.france.fr en mode utile :

> Le réseau donnerait un accès gratuit à l’actualité politique au quotidien : presse écrite, tv…

> Un accès gratuit et illimité à une in/formation politique : la république, ses fondements, les courants de pensée, l’histoire, le journal officiel, …

> Un accès aux experts : donner son avis, poser une question, échanger, débattre…

> Profiter de certains avantages : d’un traitement accéléré pour tous les documents administratifs à la défiscalisation d’une partie des revenus…

> être obligé de participer à chaque vote. La non participation entraîne sanction (perte des avantages du votant notamment, perte du permis, sanction financière?).

> être « encouragé » à participer (même ponctuellement) à la vie politique locale : conseil municipaux, départementaux, régionaux…

> être invité à des colloques thématiques tenus par des experts en région.

> Etc.

Vote for me !

Depuis 30 ans on tente de faire culpabiliser les personnes qui ne votent pas, leur collant l’étiquette de mauvais citoyens (« quand on pense que nos aînés sont morts pour ça! »). C’est vrai, ce n’est pas très consciencieux, pour certains. Pourtant, doit-on forcément penser que les français dont la seule activité politique consiste à placer un bulletin dans l’urne sont de meilleurs citoyens ? Combien de français soulagent-ils leur conscience politico-morale les jours d’élection ? Pour moi, c’est uniquement en élevant la culture politique des français que l’on peut espérer élever le niveau de nos hommes et nos femmes politiques. Et donc jouer parfaitement notre rôle dans cette sacrosainte démocratie.

Vous allez me demander : « que vient faire Coluche dans tout cela? ».  Peut-être avec un poil d’ironie vient-il ici gratter la situation de notre société…





Et sur la vidéo ci-dessous nous prouver qu’avec un positionnement de marque très simple (je suis le candidat de ceux qui n’ont pas envie de voter pour les autres candidats), on peut quasiment transformer un humoriste en présidentiable. Ça c’est joué à un Mi-tterrand… c’est dire!


http://www.dailymotion.com/video/x5kxzo_coluche-candidat-a-la-presidence_fun

Enfin cher lecteur, si l’organisation d’un tel dispositif national vous paraît irréalisable (« c’est quoi cette usine à gaz?! »), alors je vous répondrais que cela ne peut pas être plus complexe et coûteux que d’organiser le service militaire depuis 1798 ;) Nom d’une démocratie !

cette-idée-n'est-pas-a-moi

Boris Laffargue.
Photo Boris
NDLR : Boris Laffargue pensait à l’âge de 6 ans faire du football son métier. Après y avoir renoncé à l’âge de 13 ans, il a retrouvé à 20 ans le filon pour espérer un jour, intégrer un club de foot pro ! A bientôt 30 ans, il est le responsable médias du Toulouse Football Club, qu’il a intégré en 2003 pour créer le concept « Jeunes Citoyens Supporters » et déployer une politique de mécénat qui lu a valu un Oscar du Mécénat en 2006. En dehors du Club et de Twitter, vous pouvez le retrouver sur son blognote (cliquer ici) où, en dehors de sa vision décalée sur la démocratie, il incarne le précepte de Brassens : « Mourrons pour des idées, d’accord, mais de mort lente » ! .-)

Sourcehttp://www.nicolasbordas.fr/archives_posts/permisdevoter

2 commentaires:

Je a dit…

Il faut peut-être envisager une autre forme de gouvernance. Certains proposent un "permis de voter" basé sur une capacité à effectuer des choix réfléchis, étayés par une connaissance du droit, de l'économie, des sciences politiques ... et non sur la croyance en des promesses électorales non-tenables ou sur l'appartenance à telle ou telle communauté religieuse.

Je a dit…

Ce qu'il faut d'abord connaître, c'est la Constitution. Dans l'article 27, il est écrit que "le mandat impératif est nul". Dit autrement, les élus ne sont nullement obligés de respecter leur programme.

Donc, autant dire que voter n'est pas un acte politique mais un renoncement à toute action politique. On donne carte blanche, on délègue totalement à un élu de la même façon qu'un adulte déficient intellectuel est placé sous la tutelle d'un adulte responsable.

Ceci n'est pas nouveau puisque l'interdiction du "mandat impératif" date de 1791, année où la toute première Constitution française fut rédigée (à l'époque pour une Monarchie parlementaire).

Je retiendrais toutefois l'utilité de cette formation décrite dans l'article. Et je la généraliserais à tous les Françaises et Français pendant leur éducation. L’Éducation Nationale devrait logiquement y contribuer.

Seuls bémols :
- qui décide du contenu ?
- et qui fait passer les examens ?

Un seul exemple : quelle est la définition de la "démocratie" ? Depuis 1848, on nous rabâche que la "république", c'est la "démocratie" ou encore que "l'élection" c'est la "démocratie". Or, depuis 2300 ans, et l'ouvrage d'Aristote, Les Politiques, il est clairement établi que l'élection est un processus aristocratique tandis que la démocratie repose sur le titrage au sort.