On
ne le confondra pas avec Zénon de Citium (Chypre), à droite, qui
fonda l'école stoïque vers -308.
Sa doctrine prit le nom
de stoïcisme car il enseignait à ses disciples sous un portique
(du grec "stoa").
Philosophe, disciple (fils, pour certains historiens) de
Parménide qui fonda l'école d'Élée : les Éléates développèrent une philosophie fondée sur la
dialectique (débat
contradictoire susceptible de conduire à la vérité) et la
logique affirmant
l'unicité de l'Être, c'est à dire la réalité transcendante, non pas celle qui
nous apparaît : l'Opinion (doxa) qui est trompeuse : l'Être est, le non Être n'est pas.
Par suite, l'Être est
un (unique), indivisible, continu et immuable, il n'a ni
commencement ni fin. La pluralité n'est donc pas et le
mouvement est impossible. Le contraire n'est qu'apparence... Dans le même ordre
d'idées, pour Zénon, l'espace lui-même ne peut exister car il implique
l'existence d'un espace "plus grand" le contenant. Dans cette philosophie, la
clé implicite est l'infini. Quel sens lui
donner ?
Afin de défendre ces principes, Zénon énonce ses célèbres paradoxes, comme celui de la flèche
qui ne peut se mouvoir ou celui d'Achille ne pouvant
rattraper la tortue qui trottine devant lui, rapportés par Simplicius
(philosophe contemporain de Zénon), Platon
("Le Parménide") et Aristote
("La Physique"). Selon ce dernier, Zénon est le premier à définir le principe de
dichotomie (de dikha = deux
parties et temein = couper) qui conduira
Eudoxe et Archimède à la
méthode d'exhaustion.
Zénon a une vision atomiste
de l'espace et du temps. Une flèche occupant à chaque instant un espace égal à son
volume, elle ne peut se mouvoir ni dans l'espace où elle se trouve, encore moins
dans celui où elle ne se trouve pas. Son mouvement est donc impossible.
Si le
temps et l'espace sont constitués d'instants et d'emplacements
insécables,
la flèche est
à chaque instant tn en un emplacement
déterminé en. A l'instant tn+1
suivant, elle devrait être en un emplacement en+1 : ceci n'est pas
possible car pour passer de en à en+1 ,
il lui faudrait un certain temps. Or, entre tn et
tn+1, il n'y a, par hypothèse, aucun instant.
Aux partisans de la divisibilité à l'infini de l'espace et du
temps, Zénon rétorque par la dichotomie : si
on intercale des couples "espace-temps" supplémentaires, le problème est alors
récurrent : l'espace doit être divisé à l'infini et la flèche devra d'abord
parcourir la moitié de la distance qui la sépare de sa cible, puis la moitié de
la distance restante et ainsi de suite indéfiniment car la moitié d'une distance
non nulle ne sera jamais nulle.
Ainsi, dans les deux hypothèses, la flèche
n'atteindra pas la cible : le mouvement est impossible !
Achille
voit une tortue en avant sur son chemin. Il se met à courir pour la rattraper
mais malgré sa grande vélocité, il ne pourra y arriver : les raisons sont
sensiblement les mêmes que ci-dessus : car lorsque Achille atteint la place
qu'occupait la tortue, cette dernière a avancé; il doit donc atteindre
maintenant la place qu'elle occupe alors, et ainsi de suite... :
Achille ne rattrapera donc jamais la tortue !
Il faudra plus de 2000 ans pour apporter avec
Weierstrass et Dedekind
(entre autres) une définition rigoureuse de la notion
de limite et une
construction des nombres réels
liées à une conception abstraite du continu mathématique calquée sur notre
intuition du continu physique avec le concept de la
droite numérique admise sans difficultés par les collégiens
: à tout point d'un axe correspond une abscisse et inversement (bijection, voire
identification, entre R et la droite géométrique).
Quoique contestée par
Kronecker et les mathématiciens philosophes du courant
intuitionniste (également appelé
constructiviste), comme
Brouwer et Weyl, cette
construction de l'analyse n'a jamais engendrée de contradiction susceptible de
l'invalider.
Dans le paradoxe de la flèche, si d est la distance qui la sépare de la cible,
la flèche devra parcourir la moitié d/2 , puis la moitié de la moitié, soit le
quart d/4, puis la moitié du quart, etc., c'est à dire : d/2 + d/4 + d/8 + d/2n
+ ...
Mettant d/2 en facteur, on obtient la somme infinie 1 + 1/2 + 1/4 + 1/8 + ...
1/2n + ... = 2 :
limite de la somme des
termes d'une
suite géométrique de premier terme1, de raison 1/2.
La
flèche parcourra donc bien la distance
d, mais à l'époque ce résultat est
faux : aussi petit que soit d divisé par 2n, donc aussi grand que
soit n, ce nombre est non nul, donc le parcours est impossible.
Et si t est le temps (dont nous admettons le
déroulement continu...) mis pour couvrir d/2, le temps de parcours sera alors t + t/2 + t/4 + ... = t(1
+ 1/2 + 1/4 + 1/8 + ... 1/2n + ...) = 2t. On s'en doutait, mais ce
qui nous paraît mathématiquement évident aujourd'hui ne l'était pas alors :
On ne conçoit pas, au temps de Zénon,
qu'une infinité de distances finies puisse être parcourue en un temps
fini : dire que la somme t + t/2 + t/4 +
... égale 2t, c'est concevoir un
infini en acte
(ou
actuel : infini
atteint) à distinguer d'un infini potentiel,
celui qui s'oppose tout simplement à la finitude mais qui n'est pas « réalisable
» : on ne peut séparer (exhiber) un instant t ou un point P d'une droite; une
telle extraction est virtuelle, fruit d'un processus intellectuel : est-il
valide de construire une suite de points (les milieux successifs) sur une
"droite" abstraite (la trajectoire de la flèche) censée être continue ?
Cette
extraction dénombrable est contestable. Par le biais d'une interrogation métaphysique, Zénon
se pose en mathématicien, soulevant le difficile
problème du
continu
arithmétique
que
Cantor, 2300 ans plus
tard, réussira à définir.
Aristote, dans sa Physique, réfuta tous les
paradoxes de Zénon, sans être très convaincant : concernant Achille et la
tortue, il émet l'idée que toute ligne finie sera parcourue en un temps fini car
en ajoutant au fini, on dépassera tout fini. Il élude le problème en usant ainsi
de l'infini potentiel où le mathématicien peut toujours puiser une quantité inférieure ou
supérieure à toute quantité donnée, point de départ de l'axiome
d'Archimède et de la méthode d'exhaustion.
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