vendredi 21 décembre 2012

Thalès de Milet, grec, -624?/-548?


Astronome, commerçant, ingénieur et philosophe. Bien qu'il n'ait laissé aucun écrit, on peut le considérer, de par sa doxographie (ensemble des récits anciens le concernant), comme le père de la géométrie déductive grecque héritée des Babyloniens et des Égyptiens.
Thalès affirma en particulier des résultats susceptibles de faire sourire quelques élèves de collège habitués au "c'est forcé", mais il faut voir là, 300 ans avant Euclide, les premières ébauches d'une pensée universelle, source de la science occidentale et d'une civilisation intellectuelle que l'on appela le miracle grec :
  • Un diamètre partage un cercle en deux demi-cercles superposables.
  • Les angles à la base d'un triangle isocèle, du grec iso = égal et skelos = jambe : ayant deux côtés de même mesure) sont superposables.
  • Deux angles "opposés par le sommet" (formés par deux droites sécantes) sont superposables (même mesure).
Plus intéressant, ce résultat au programme de la classe de 4ème, qu'un élève de 5ème peut aussi parfaitement prouver à partir du rectangle et de la symétrie centrale :
Tout angle « inscrit » dans un demi-cercle est un angle droit

A son retour d'Égypte où il étudia l'astronomie, Thalès fonda l'École ionienne où il enseigna principalement cette science. Il y aurait affirmé, mais cela est contesté, la sphéricité de la Terre déduite en particulier de l'observation de l'ombre de la Terre sur la Lune lors des éclipses. Selon le philosophe Aetius d'Antioche (4ème siècle), il fut le premier à affirmer que la Lune nous apparaissait car illuminée par le Soleil.

L'astronomie moderne de R. Tocquet, préface de Louis Leprince-Ringuet (1965) : (...) Thalès étudia l'astronomie chez les Égyptiens et, revenu dans son pays, créa l'École ionienne où il enseigna la cause des éclipses, l'obliquité de l'écliptique et, fait remarquable, l'isolement et la sphéricité de la Terre.  (...) Malheureusement, Anaximandre (-610/-547), son disciple et successeur à la tête de l'École,  introduisit les sphères de cristal sur lesquelles les astres étaient attachés comme des clous à une voûte. Elles devaient s'imposer jusqu'au 16è siècle  dans l'esprit d'un grand nombre d'astronomes. (...).

Quoi qu'il en soit, philosophes et historiens s'accordent pour dire que Thalès mettait l'eau comme principe de l'Univers car :
"Ce qui est chaud a besoin d'humidité pour vivre, et ce qui est mort se dessèche, et tous les germes sont humides, et tout aliment est plein de suc; or, il est naturel que chaque chose se nourrisse de ce dont elle provient; mais l'eau est le principe de la nature humide et ce qui entretient toutes choses; donc il est conclu que l'eau était le principe de tout et déclaré que la Terre repose sur l'eau". Doxographie de Thalès de Milet par Simplicius (philosophe néoplatonicien, vers 500 après J.-C.).

Aetius d'Antioche précise cette belle conception :
"Thalès, Pythagore et son école : la sphère du ciel entier est divisée par cinq cercles; ce sont l'arctique toujours visible, le tropique d'été, l'équateur, le tropique d'hiver, l'antarctique invisible. Le zodiaque est oblique sur les trois cercles du milieu et les touche tous les trois. Le méridien coupe les cinq à angle droit, allant du nord à l'opposé".

Et il ressort que l'univers serait en quelque sorte une bulle flottant sur l'eau...

On lui doit cependant sans conteste l'observation de l'inclinaison de l'écliptique (du grec ekleipsis = éclipse, ekleiptikos = orbite du soleil, plan où se produisent les éclipses) : l'orbite apparente du Soleil autour de la Terre est inclinée par rapport au plan de l'équateur terrestre.
Plus tard, Euclide, à l'époque d'Aristarque, sans doute influencé par des idées platoniciennes, estimait l'obliquité de l'écliptique à 24° et correspondant donc à l'angle sous lequel on voit le côté du pentadécagone (dit aussi pentédécagone) régulier (15 côtés).

Thalès expliqua le phénomène des éclipses. Il est souvent dit que Thalès avait prédit une éclipse totale de Soleil (-585). Aucune preuve n'étaye cette assertion relevant plutôt de la légende. La prévision d'une éclipse (la Lune occulte le Soleil) demande non seulement des moyens géométriques puissants mais aussi des calculs trigonométriques (sphériques de surcroît) éminemment complexes (on parle d'ailleurs de calculs astronomiques...), voire des éphémérides, qui ne seront à la disposition des astronomes que dans quelques siècles grâce, en particulier, à Euclide (vers 300 av. J.-C.) pour la géométrie, et les astronomes Conon de Samos, Aristarque, Hipparque et Ptolémée.

Ce dernier, vers 150 ap. J.-C., ne présenta d'ailleurs qu'une théorie approximative du mouvement de la Lune. Il faudra attendre Galilée, puis Newton et Cassini (15 siècles plus tard...) pour une théorie rigoureuse de prévision de ces phénomènes. Les éclipses de Lune, localement plus nombreuses, permirent des prévisions grâce aux observations précoces des Chaldéens et des Égyptiens : les premiers avaient établi une règle empirique selon laquelle une éclipse de Lune ou de Soleil se reproduit sensiblement dans les mêmes conditions après 223 lunaisons, période appelée Saros, soit environ 18 ans et 11 jours puisqu'une lunaison (mois lunaire : intervalle entre deux nouvelles lunes) dure 29 jours, 12 heures et 44 minutes (et 2,8 secondes très précisément). Après tout, Thalès a peut-être eu un peu de chance, en tout cas, à Paris, il n'y eut aucune éclipse totale de Soleil au 19è siècle alors qu'une eut lieu en 1724. Tout comme celle du 11 août 1999, l'éclipse du 17 avril 1912 ne fut pas totale à Paris.

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