mercredi 21 août 2013

Le talent n’excuse pas l’ignominie

« Qu’est-ce qu’un revolver ? demandait Shane. Un outil au même titre qu’une hache ou un marteau. Qu’il en sorte du bien ou du mal dépend de qui s’en sert ».
Il en va de même de l’art oratoire ; le tribun peut être l’Abbé Pierre ou… Hitler. La parole peut transmettre le meilleur ou le pire. Où se situe Jacques Vergès dans cette gradation du sublime vers l’ignoble ?
J’en appelle à la mémoire lumineuse de Danielle Casanova, déportée à Buchenwald, au courage sans faille de Fred Scamaroni.
Lorsque Jacques Vergès choisit de défendre Klaus Barbie, chef de la Gestapo lyonnaise, pour incriminer et faire indirectement le procès de la colonisation française, il est hors de toute déontologie. Il manque d’humanité.
En disant avec ironie et un cynisme inacceptable aux enfants des victimes que « le sourire du bourreau Barbie face à ses victimes était une preuve de courtoisie »,ses propos deviennent dégoûtants, insultants pour la mémoire des enfants de déportés. Liberté de la plaidoirie, ça ? Est-ce cela la « chevalerie » évoquée par les avocats politiques louant leur « maitre » Vergès ?
Ce dernier fut l’ami notoire de Pol Pot et ses Khmers rouges, dont il n’a pas condamné les crimes monstrueux : plus de 3 millions de morts, tout de même, lors de gigantesques tueries soigneusement planifiées et exécutées !
Est-ce là le côté si mystérieux (ah oui ! la fameuse « zone d’ombre ») évoqué par l’avocat et qui fascine tant Me Blériot ? Quant à Me Morel, avocat de droite plutôt extrême, quand il parle du soi-disant « courage » de son confrère, est-ce celui de se taire lâchement devant les killing fields de Phnom Penh ?
Voici que Me David cite « une vie fantastique » : certainement celle d’avoir, dans le silence et la peur, laissé tuer des hommes ; à moins que ce ne soit celle d’avoir défendu leurs bourreaux ?
Issu d’une famille de résistants, j’en appelle encore aux mânes des FFL, des membres du CNR, de Jean Moulin et Lucie Aubrac, et même des anciens communistes qui, eux, ne trichaient pas avec les impôts sur la fortune, qui ont réellement lutté pour l’honneur et la dignité de l’homme.
Nous ne voyons pas dans les actes de l’avocat Vergès la liberté, le courage et la puissance évoqués par Me Boniface, avocat du PCR. Mais plutôt le mépris de la lumière de la France. Où est l’« envergure exceptionnelle » que cite Nassimah Dindar. La présidente qui appréciait le Soleil de Picirandéar, ne mérite-t-elle pas mieux ? Celle d’avoir mis du talent à défendre des crapules, des criminels ignobles, des monstres humains en provoquant à coups de formules infâmes les familles des victimes ? Est-ce talentueux que de piétiner les sentiments de la veuve et de l’orphelin ? Evidemment, dans ce cas, la Shoah redevient le sinistre « détail de l’histoire » qui plaisait tant à un autre dirigeant vulgaire, son challenger dans la monstruosité !
« Un grand Réunionnais », dit sans rire Roland Robert. Bon ! Alors qu’a-t-il fait de bien, de concret, pour La Réunion. Faire condamner Eric Boyer ? Tiens donc ! Qu’a-t-il fait pour les déshérités du pays ?
Il ne fut pas plus, contrairement à la légende savamment entretenue par lui-même et le PCR, un résistant. Après l’arrivée du Léopard, lui et son frère, rejoignent pendant un temps très court les forces du Général De Gaulle. Une escapade qui n’a pas laissé de traces lumineuses : le seul Réunionnais cité par De gaulle dans ses Mémoires de guerre est le prince Vinh San, que le Général voulait remettre aux commandes en Indochine. Va savoir par qui le prince a été assassiné, l’histoire finira par le dire un jour.
Après son passage éclair chez les gaullistes, il déploya talent et énergie à salir l’honneur du pays qui l’avait fait ce qu’il était. Lors des tristes événements Freedom, on se souvient très bien de ses propos fielleux ; au lieu de calmer le jeu, il a attisé le feu en exacerbant les passions haineuses contre une police débordée. Esprit de responsabilité, ça ? C’est là « l’homme qui n’a pas oublié ses racines » cher à Thierry Robert ?
Où est l’honneur ? Où est la chevalerie ? Où sont la philanthropie et l’amour du pays ?
Désolé, monsieur le ministre de l’Outremer, mais l’action de l’avocat richissime « ne restera pas indubitablement inscrite dans les mémoires » : cet avocat a du sang impur, puisé chez Staline, Mao, Carlos ou Pol Pot, pour lie de conscience, et fut tout sauf un homme de bien. Vergès ne fut pas Voltaire mais son négatif.
L’avocat narcissique se retrouve vraiment « de l’autre côté du miroir », face à sa conscience. Si nous n’avons pas à juger, il importe de ne pas oublier les faits dans toute leur horreur, ils témoignent pour la postérité. Dans les coeurs ne doit être honorée que la mémoire des Justes !
Par souci de liberté, je préfère exalter le souvenir d’un Albert Elie, écrivain créole, humaniste chrétien, militant discret ; l’engagement d’un éducateur « guerrier de l’harmonie », Patrick D. ; la force tranquille d’un Louis « Mouniapin » Sellom à transmettre les valeurs humanistes du monde tamoul ; l’opiniâtreté d’un Jacques Lougnon à contribuer sans relâche à l’amélioration du sort de ses semblables, sans jamais exclure qui que ce fût des bénéfices de son admirable pensée.
A chacun ses références.

Christian Vittori
21/08/2013

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