vendredi 29 juin 2012

Profession des députés français: toujours beaucoup de fonctionnaires et d'enseignants, mais plus aucun ouvrier

ASSEMBLÉE NATIONALE - Quel est le métier de nos députés? Nous ressemblent -ils? Viennent-ils de milieux aisés? Il y a t-il encore des députés ouvriers? Quel est le métier qui domine à l’Assemblée? Autant de questions qui nous ont taraudé au Huffington Post, alors que l’Assemblée comporte 40% de nouveaux députés.

Fonctionnaires et enseignants forment le gros des troupes
Premier constat: l’Assemblée n’a pas beaucoup changé ! Les fiches des députés, qui viennent tout juste d’être remplies, montrent un profil à peine différent. La nouvelle Assemblée compte surtout des fonctionnaires et des enseignants, au total 185, à peine plus que dans l’ancienne, qui en comptait 172. On trouve aussi beaucoup de cadres, d’avocats et de médecins. Le nombre de cadres n’a pas bougé, mais celui des médecins a chuté : 21 contre 34 dans la précédente, et seulement 6 avocats en moins, sur un total aujourd’hui de 32.

A noter, comme le rappelle Libération, ce décompte n’est pas définitif car il correspond à la déclaration de candidature des futurs élus auprès du ministère de l’Intérieur.

L’Assemblée est encore loin de refléter la population
Pourquoi tant de fonctionnaires et d’enseignants? Cette forte proportion de députés issus du secteur public s’explique notamment, selon une étude du chercheur Luc Rouban, parue dans les Cahiers du Cevipof, “parce que l’absence de risques professionnels encourage davantage les salariés du public à candidater”. Résultat : les professeurs ont toujours été nombreux, formant jusqu’à  20% des rangs en 1981 et 17% en 1988. (mais 11% en 2007 et entre 6 et 10% entre 1958 et 1973). Enseignants et fonctionnaires réunis formaient même près de 52% de l’Assemblée en 1981 !

La classe moyenne a gonflé...
En 50 ans, la physionomie de l’Assemblée a quelque peu évolué. Les débuts de la Ve étaient marqués par une très forte proportion des catégories supérieures d’un côté, avec un contingent de classe moyenne plus faible et quelques ouvriers au bout de la chaîne. “On est passé d’une Assemblée où les catégories supérieures du privé sont fortement représentées à une Assemblée dominée par les classes moyennes”, explique Luc Rouban dans le Figaro.

Une "démocratisation" de l'Assemblée ? Il faut apporter à cela plusieurs nuances. Tout d'abord les "classes moyennes" de l'Assemblée sont des classes moyennes des couches supérieures, comme le fait remarquer Louis Maurin, président de l'Observatoire des inégalités, contacté par le Huffington Post.

...aux dépens des ouvriers
Mais surtout, même si les bancs de l’Assemblée n’ont jamais regorgé de cols bleus, aujourd’hui ils ont disparu. Ils étaient 6% en 1978 et près de 5% en 1981, et cette proportion est ensuite retombée à un pourcent en 2007, puis zéro en 2012. Alors que la population compte, elle, près de 12,5% d'ouvriers, selon les chiffres de l'INSEE.

Il y avait aussi bien plus de députés d’origine modeste aux débuts de la Ve République. “Qu'ils soient gaullistes ou communistes, les premiers députés de la Ve République étaient souvent d'anciens résistants, et donc presque tous issus de milieux modestes. Cette génération a naturellement commencé à disparaître dans les années 1980, pour laisser la place à des élus provenant de plus en plus des classes moyennes”, explique le sociologue. Et même, si l'on remonte à la première législature de la IVe République, soit entre 1946 et 1951, les catégories populaires, ouvriers et employés confondus, représentaient près de 19 % des députés.

PRÉCISION: Comme l'a fait remarquer un de nos lecteurs, le député Patrice Carvalho, qui regagne les rangs de l'Assemblée cette année, a fait ses débuts dans l’hémicycle vêtu de son bleu de travail en 1997. Ouvrier mécanicien à ses débuts, le député PCF de la 6e circonscription de l'Oise est aujourd'hui auditeur responsable en environnement,en hygiène industrielle et en sécurité comme l'indique sa fiche parlementaire et comme cela nous a été confirmé par sa permanence à l'Assemblée nationale.
De moins en moins d'agriculteurs
Pour certaines professions, l’Assemblée semble refléter parfaitement les évolutions. Ainsi la catégorie des agriculteurs, qui n’a cessé de baisser, avec environ 12% d’agriculteurs-députés à la fin des années 1950 et au début des années 1960, pour seulement 3 à 4% depuis 1993, ce qui est assez proche de la proportion d’agriculteurs dans la population active, qui est autour de 2 à 3% aujourd’hui.

Mais pour la plupart des autres professions, il subsite toujours un fossé important entre la population et les élus. Ce qui fait regretter au président de l'Observatoire des Inégalités, que ces disparités ne soient pas davantage mises en avant. "Dans le débat public, on se concentre sur la présence des femmes à l'Assemblée, mais l'on évoque quasiment jamais l'absence des catégories populaires. L'Assemblée actuelle ne compte quasiment plus de représentants des couches sociales les moins favorisées, cela a des conséquences en terme de politiques publiques.".

Aude Lorriaux
Aude.Lorriaux@huffingtonpost.fr

1 commentaire:

Je a dit…

Lors du débat entre Charles Gave et Etienne Chouard "Politique-Eco - Gave et Chouard : la Disputatio" sur TVLiberté (confer : https://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2019/06/politique-eco-gave-et-chouard-la.html), les deux intervenants s'interrogeaient sur la représentativité (en termes de catégories socio-professionnelles) des députés de l'assemblée nationale.

Charles Gave a comparé l'Assemblée Nationale française avec la Chambre des Communes britannique : une trentaine de professions du côté français contre plus de 270 au Royaume-Uni. Mais en omettant d'ajouter que la Chambre des Lords ne compte que des sièges héréditaires; monarchie parlementaire oblige.