samedi 7 janvier 2017

Une lecture incontournable pour un éveil citoyen : "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" (de Jean-Jacques Rousseau)

Depuis 2005, mes convictions (croyances) de citoyen sont de plus en plus ébranlées. Cette année-là, pour la dernière fois, le peuple français a été consulté par les élus de la République Française lors d'un référendum sur la Constitution européenne. Un texte de 900 pages, co-écrit par Valery Giscard d'Estaing (le même qui, en 1973, avait donné la priorité aux banques privées aux dépends de la Banque de France pourtant enfin nationalisée par le général de Gaulle après 140 d'arnaque aux Français ...), résumé en une quarantaine de pages (comme si on pouvait signer un contrat en ne lisant qu'un résumé ...), pour lequel on nous demandait de nous exprimer : "oui" ou "non". Pas d'alternative (pas d'autre texte possible). J'ai candidement essayé de lire le résumé pour rapidement me rendre compte que seuls des juristes, des spécialistes de droit constitutionnel, pouvaient en comprendre le sens réel. J'ai donc voté blanc avec un cruel sentiment d'incompétence.

A cette époque, j'ai envisagé la nécessité d'un permis de voter qui n'offrirait le droit de vote qu'aux citoyens les plus compétents. Après tout, voter est une responsabilité, comme conduire, et cela nécessite d'en peser les conséquences. J'ai ensuite nuancé cette opinion me disant qu'il faudrait appliquer les mêmes critères aux candidats des différentes élections. Après tout, un délinquant (un homme ou une femme politique condamné pour un délit) a le droit de se présenter tandis qu'il faut avoir un casier judiciaire vierge pour être fonctionnaire. Incohérent, non ?

En 2008, la Constitution européenne (refusée par 55% des Français s'étant exprimés) a quand même été adoptée par les soit-disant représentants des Français : nos "chers" (coûteux) élus. Comment cela a-t-il été possible ? La Constitution a été coupée en deux morceaux, à Lisbonne : Traité sur l'Union Européenne (T.U.E.) et Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (T.F.U.E.). Comme un traité se signe entre États sans avoir besoin d'une validation par les populations, nous avons subi cette trahison. Là, j'ai compris que le problème ne venait pas d'un permis de voter, ou de se présenter, mais de quelque chose de plus grave, de plus profond.

En 2012, j'ai pris le temps de lire tous les programmes (professions de foi) des candidats à l'élection présidentielle et, à ma grande surprise, j'ai découvert que ce que les médias de masse nous en disaient relevait du mensonge éhonté. Les "petits" candidats étaient méprisés, leurs propos déformés négativement et leurs personnes dénigrées si leur programme n'était pas attaquable directement. Quant aux deux "gros", ils étaient choyés, surexposés jusqu'au gavage des téléspectateurs. Les programmes des deux "gros" candidats étaient creux, vagues, voire mensongers (inapplicables compte tenu des traités européens, justement). Par contre, les programmes des "petits" fourmillaient d'idées novatrices, ou tout simplement de bon sens !
Cette année-là, j'ai compris que les médias de masse n'informaient pas le public mais le manipulaient à l'avantage des partis au pouvoir depuis des générations.

En 2014, j'ai suivi "l'affaire Dieudonné", celle d'un humoriste qui, lors d'un sketch improvisé, avait touché du doigt le soutien inconditionnel des médias français à Israël, colonie anglo-américano-juive en terre arabo-musulmane. Au lieu de se reprendre (comme tant d'autres l'ont fait), il a assumé et, plus on l'a attaqué (violence physique, des dizaines de procès, interdiction de passage à l'antenne, dénigrement permanent, jusqu'au vol par des policiers de la recette d'un de ses spectacles), plus il a piqué là où ça fait mal. Que de masques sont tombés durant cette affaire ! Premier ministre, Conseil d’État (la plus haute juridiction administrative en France), LICRA ("LICrA" parce que, selon eux, "l'antisémitisme est plus grave que les autres formes de racisme"), CRIF ("CRIjF" serait plus exact puisque "Israélite" a été remplacé par Institutions juives"; à noter aussi que ce conseil est autoproclamé représentatif, ce qui sous-entend que d'autres associations juives ne sont pas représentatives, selon eux), télévision publique, etc.

A partir de là, je me suis plongé dans la lecture de textes philosophiques et politiques. J'ai lu "La contre-histoire de la philosophie" de Michel Onfray, écouté les conférences d’Étienne Chouard sur la nécessité pour un peuple d'écrire lui-même la Constitution, découvert François Asselineau et ses explications au sujet de l'anti-démocratique et ultra-libérale Union Européenne, visionné la "Chronique d'un éveil citoyen" d'Alban Dousset, écouté les conférences de l'historien et critique littéraire Henri Guillemin, etc. Je ne peux tous les citer !

Dans ce processus, un texte de référence a plusieurs fois été cité : "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" de Jean-Jacques Rousseau, publié en 1755. La dernière fois, c'était en visionnant le film "Captain Fantastic" qui raconte la vie d'une famille anarchiste qui vit à l'écart du monde dans une forêt du Canada.
J'ai enfin lu ce texte fin-2016.

La version dont je cite des extraits et que je commente ci-dessous est celle de l'édition Librio, collection Philosophie, parue en 2013. L'ouvrage contient 126 pages.


A la république de Genève. 

Les pages 7 à 16 sont un éloge de la République de Genève et de ses "Magnifiques, très honorés et souverains seigneurs" ; une expression écrite à six reprises dans ce court texte, chaque fois ... toute en lettres majuscules (on ne saurait être plus flatteur !).

Jean-Jacques Rousseau affirme (page 8) qu'il "aurait voulu naître sous un gouvernement démocratique, sagement tempéré" mais pourtant critique la démocratie directe athénienne :

- "les innovations dangereuses qui perdirent enfin les Athéniens" (page 9) et au contraire aurait "désiré que chacun n'eût pas le pouvoir de proposer de nouvelles lois à sa fantaisie, que ce droit appartînt aux seuls magistrats"; ce qui est antinomique avec la définition du citoyen dans une vraie démocratie (tous égaux, sans distinction entre magistrats et citoyens réduits au rang de sujets ou  de simple électeurs).

- Il surenchérit même en ces termes : "J'aurais fui, surtout, comme nécessairement mal gouvernée, une république où le peuple, croyant pouvoir se passer de ses magistrats ou ne leur laisser qu'une autorité précaire, aurait imprudemment gardé l'administration des affaires civiles et l'éxécution de ses propres lois; telle dut être la grossière constitution des premiers gouvernements sortant immédiatement de l'état de nature, et tel fut encore un des vices qui perdirent la république d'Athènes." (page 10).

Pamphlet contre la démocratie directe, donc, mais éloge de la république au sein de laquelle on "élirait d'année en année les plus capables et les plus intègres des concitoyens pour administrer la justice et gouverner l'Etat; et où la vertu des magistrats portant ainsi témoignage de la sagesse du peuple, les uns et les autres s'honoreraient mutuellement". (page 10).

On perçoit toute la naïveté de ces propos avec le recul de plus de 200 ans de république en France, et une liste innombrable de magistrats corrompus, tout sauf vertueux. A la décharge de Jean-Jacques Rousseau, son texte a été initialement publié en 1755, une époque soumise à la monarchie absolue. Peut-être aussi n'était-il pas totalement sincère et se cherchait-il d'emblée des protecteurs avant de se lancer dans le cœur du texte ...

Préface

Pages 17 à 22, l'auteur affirme que la connaissance la plus utile mais aussi, paradoxalement, la moins avancée est : l'homme. "Connais-toi toi-même", en grec "Gnothi seauton", était pourtant inscrit à l'entrée du temple de Delphes. Rousseau pessimiste, ajoute : "Ce qu'il y a de plus cruel encore, c'est que tous les progrès de l'espèce humaine l'éloignant sans cesse de son état primitif, plus nous accumulons de nouvelles connaissances, plus nous nous ôtons les moyens d'acquérir la plus importante de toutes".

Il ne renonce néanmoins pas et se pose deux questions fondamentales :
- "Quelles expériences seraient nécessaires pour parvenir à connaître l'homme naturel ;
- et quels sont les moyens de faire ces expériences au sein de la société ?"

"Tant que nous ne connaîtrons point l'homme naturel, c'est en vain que nous voudrons déterminer la loi qu'il a reçue ou celle qui convient le mieux à sa constitution.", insiste-t-il.


"Méditant sur les premières et les plus simples opérations de l'âme humaine", Rousseau croit y "apercevoir deux principes antérieurs à la raison, dont :  
- l'un nous intéresse ardemment à notre bien-être et à la conservation de nous-mêmes
- et l'autre nous inspire une répugnance naturelle à voir périr ou souffrir tout être sensible et principalement nos semblables."

Toute les règles du droit naturel, souvent cité, mais rarement défini de façon convaincante, par les philosophes du XVIIIème siècle, découlent de la combinaison de ces deux principes. A partir de là, armé de sa seule raison et de quelques récits de voyages réalisés par des marins, des marchands, des soldats et des missionnaires, Jean-Jacques Rousseau va se lancer dans une hypothétique histoire des gouvernements ... un siècle avant l'invention de l'anthropologie et de l'ethnologie. Une performance remarquable.

Question proposée par l'Académie de Dijon (p.23)


Quelle est l'histoire de l'inégalité parmi les hommes, et si elle est autorisée par la loi naturelle.


Avertissement sur les notes (p. 25)

"Ces notes s'écartent quelquefois assez du sujet pour n'être pas bonnes à lire avec le texte", avoue Jean-Jacques Rousseau. Mais elles sont très intéressantes car cela permet de découvrir les sources (récits de voyage, références philosophiques, etc) sur lesquelles Rousseau appuie sa réflexion. 

Discours sur l'origine  et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (pages 27 à 29)

Rousseau commence son propos par une distinction : "Je conçois dans l'espèce humaine deux sortes d'inégalité :
- l'une que j'appelle naturelle ou physique, parce qu'elle est établie par la nature, et qui consiste dans la différence des âges, de la santé, des forces du corps, et des qualités de l'esprit, ou de l'âme,
- l'autre qu'on peut appeler inégalité morale, ou politique, parce qu'elle dépend d'une sorte de convention, et qu'elle est établie, ou du moins autorisée par le consentement des hommes." 

Première partie (pages 30 à 56)

De la page 33 à la page 36, Rousseau qualifie la vie naturelle de plus saine que celle de l'homme civil (civilisé). L'homme sauvage est plus robuste, ajoute-t-il. Il est vrai qu'au XVIIIème siècle, la médecine n'était pas plus efficace dans les villes d'Europe que dans les contrées où subsistaient des peuples premiers/primitifs. il faudra attendre le début du XIXème siècle et des savants comme Pasteur pour cela. Une fois la mortalité infantile (due aux maladies infantiles) surmontée, les individus naturels/sauvages devaient effectivement être plus résistants que ceux qui s'épuisaient au labour ou dans les mines et les usines.

Faute de sciences humaines adéquates (la paléontologie pour connaître la vie réelle des hommes préhistoriques, l'anthropologie qui compare les peuples sur un sujet donné, l'ethnologie qui étudie un peuple dans l'ensemble de ses manifestations : linguistique, politique, religieuse, économique, historique ...) ou même de disciplines plus larges comme l'éthologie (comportement des animaux, notamment grégaires, comme l'homme), Jean-Jacques Rousseau doit improviser pour sa définition de "l'état de nature".

"L'homme sauvage, privé de toute sorte de lumière, n'éprouve que les passions [par la simple impulsion de la nature]; ses désirs ne passent pas ses besoins physiques; les seuls biens qu'il connaisse dans l'univers sont la nourriture, une femelle et le repos; les seuls maux qu'il craigne la douleur et la faim; je dis la douleur et non la mort, car jamais l'animal ne saura ce que c'est que mourir, et la connaissance de la mort, et de ses terreurs, est une des premières acquisitions que l'homme ait faites, en s'éloignant de la condition animale."

Rousseau comprend intuitivement la naissance des religions, des croyances surnaturelles, de l'importance de l'inconscient (comme expliqué dans le livre de Joseph Campbell "Le héros aux mille et un visages" [1]) mais se trompe toute de même un peu sur la conscience de la mort chez quelques espèces animales. Certains éléphants, par exemple, caressent les squelettes des membres de leur famille quand ils reviennent sur le lieu de leur décès.

Rousseau situe la transition de sauvage à civilisé (il utilise plutôt l'adjectif "civil") au tournant qu'on nomme aujourd'hui le néolithique : "Comment cultiver la terre tant qu'elle ne sera point partagée entre les hommes, c'est-à-dire tant que l'état de nature ne sera point anéanti ?"

Il émet l'hypothèse qu'à l'origine, l'homme sauvage était un pur solitaire. Sauf pour la procréation, et un temps limité mais nécessaire après. "Le couple mâle-femelle ne dure aussi longtemps qu'il est nécessaire pour la nourriture et la conservation des procréés; jusqu'à ce qu'ils soient capables de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins."

Il réfléchit aux circonstances de la naissance du langage oral ... dont le spécialiste moderne est un certain Noam Chomsky, linguiste et intellectuel engagé de la tendance anarchiste (également cité dans le film "Captain Fantastic").

Puis il compare les deux modes de vie en termes de bonheur : "Je me demande laquelle, de la vie civile ou naturelle, est la plus sujette à devenir insupportable à ceux qui en jouissent. Je me demande si jamais on a ouï dire qu'un sauvage en liberté ait seulement songé à se plaindre de la vie et à se donner la mort."

Il pointe ensuite du doigt la relation de dépendance des hommes vivant en société : "Les hommes civilisés ne seraient pas dans une situation plus heureuse de n'avoir ni mal à craindre ni bien à espérer de personne que de s'être soumis à une dépendance universelle et à s'obliger à tout recevoir de ceux qui ne s'obligent à rien leur donner ?". (p.47) "L'homme est faible quand il est dépendant et il est émancipé avant que d'être robuste." (p.48)

Rousseau hiérarchise ensuite les vertus sociales et désigne la première de toute sur laquelle toutes les autres reposent : la pitié. La générosité est la pitié vis-à-vis des faibles, la clémence est la pitié vis-à-vis des coupables, l'humanité est la pitié vis-à-vis de l'espèce humaine. La bienveillance, l'amitié et la commisération découle du même principe fondateur. "La pitié est un sentiment naturel qui modère en chaque individu l'amour de soi même, et concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce." (p.50)

Rousseau parle aussi de l'amour en faisant la distinction entre l'amour physique et l'amour moral.
"Le physique est ce désir général qui porte un sexe à s'unir à l'autre; le moral est ce qui détermine ce désir et le fixe sur un seul objet exclusivement, ou qui du moins lui donne pour cet objet préféré un plus grand degré d'énergie." (p. 51)

Il revient ensuite sur la notion de dépendance, fondamentale pour expliquer les liens de servitude et de domination. "Dans l'état de nature, l'inégalité est à peine sensible et son influence presque nulle. Les liens de la servitude ne sont formés que de la dépendance mutuelle des hommes et des besoins réciproques qui les unissent. Il est impossible d'asservir un homme sans l'avoir mis auparavant dans le cas de ne pouvoir se passer d'un autre." (p. 54-55)

Puis Rousseau conclut ainsi la première partie de son Discours : "Quelles causes ont sorti [l'homme] de sa condition primitive ? [Quelle causes] ont pu perfectionner la raison humaine en détériorant l'espèce, rendant un être méchant en le rendant sociable ?"

Seconde partie (pages 57 à 85)

D'emblée, Rousseau pose la question fondamentale de la propriété et s'oppose par avance à la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens qui sera rédigée en 1789 (quelques 34 années plus tard) dans laquelle la propriété est définie comme un droit "naturel et imprescriptible" (article 2), au même titre que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, et même le droit suprême puisque "inviolable et sacré" (article 17).[2]

"Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : "Ceci est à moi", et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : "Gardez-vous d'écouter cet imposteur, vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne"."  (p.57)

Rousseau poursuit avec des hypothèses qui ne seront pas forcément toutes confirmées par les découvertes scientifiques ultérieures (paléontologie, éthologie ...) mais qui marquent une progression cohérente depuis l'être solitaire et sauvage jusqu'à l'homme social, civilisé, dépendant de ses semblables.

Outre l'instinct de conservation individuel, l'espèce put se perpétuer ainsi : "Il y eut une [faim] qui l'invita à perpétuer son espèce; et ce penchant aveugle, dépourvu de tout sentiment du cœur, ne produisait qu'un acte purement animal. Le besoin satisfait, les deux sexes ne se reconnaissaient plus, et l'enfant même n'était plus rien à la mère sitôt qu'il pouvait se passer d'elle."

"Des cris inarticulés, beaucoup de gestes et quelques bruits imitatifs durent composer pendant longtemps la langue universelle." Le langage est un outil bien pratique pour la chasse au gros gibier, ou la transmission des techniques de taille de pierre.

"Bientôt, cessant de s'endormir sous un arbre, ou de se retirer dans des cavernes, on trouva quelques sortes de haches de pierre dures et tranchantes, qui servirent à couper du bois, creuser la terre et faire des huttes de branchages, qu'on s'avisa ensuite d'enduire d'argile et de boue. Ce fut là l'époque d'une révolution qui forma l'établissement et la distinction des familles, et qui introduisit une sorte de propriété; d'où peut-être naquirent déjà bien des querelles et des combats." (p.60)

"Un voisinage permanent ne peut manquer d'engendrer enfin quelque liaison entre diverses familles. [...] Chacun commença à regarder les autres et à vouloir être regardé soi-même, et l'estime publique eut un prix. [...] De ces premières préférences naquirent d'un côté la vanité et le mépris, de l'autre la honte et l'envie; et la fermentation causée par ces nouveaux levains produisit enfin des composés funestes au bonheur et à l'innocence." (p.62)

"C'est faute d'avoir suffisamment remarqué combien ces peuples étaient déjà loin du premier état de nature que plusieurs se sont hâtés de conclure que l'homme est naturellement cruel et qu'il a besoin de police pour l'adoucir, tandis que rien n'est si doux que lui dans son état primitif." Cette hypothèse très personnelle, très caractéristique, Jean-Jacques Rousseau l'appuie par une citation de celui qu'il qualifie de "sage" John Locke : "Il ne saurait y avoir d'injure, où il n'y a point de propriété."  (p.63)

"Tant que les hommes ne s'appliquèrent qu'à des ouvrages qu'un seul pouvait faire, et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d'un commerce indépendant : mais dès l'instant qu'un homme eut besoin du secours d'un autre; dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul d'avoir des provisions pour deux, l'égalité disparut, la propriété s'introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de ma sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l'esclavage et la misère germe et croître avec les moissons." (p.64)

Une fois cette chronologie hypothétique élaborée, Rousseau détaille tout en passant de l'Antiquité aux Temps Modernes.

"Pour le poète, c'est l'or et l'argent, mais pour le philosophe, ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes et perdu le genre humain." (p. 64)

Rousseau rappelle à juste titre que la déesse Cérès, personnification de l'agriculture, est nommée la législatrice. "Le partage des terres a produit une nouvelle sorte de droit c'est-à-dire le droit de propriété différent de celui qui résulte de la loi naturelle." (p.66)

Avec le travail de la terre, les différences de talent (force, adresse, ingéniosité ...) creusent les inégalités naturelles.

"De libre et indépendant qu'était auparavant l'homme, le voilà par une multitude de nouveaux besoins assujetti à ses semblables." Cette réflexion s'applique au pauvre bien sûr mais aussi au riche ! "Riche, il a besoin de leurs services; pauvre, il a besoin de leurs secours, et la médiocrité ne le met point en état de se passer d'eux. Il faut donc qu'il cherche sans cesse à les intéresser à son sort, et à leur faire trouver en effet ou en apparence leur profit à travailler pour le sien : ce qui le rend fourbe et artificieux avec les uns, impérieux et dur avec les autres, et le met dans la nécessité d'abuser tous ceux dont il a besoin, quand il ne peut s'en faire craindre, et qu'il ne trouve pas son intérêt à le servir utilement." (p.67)

Rousseau poursuit sa réflexion. "Quand les héritages se furent accrus au point de se toucher tous, les uns ne purent plus s'agrandir qu'aux dépends des autres. Il s'élevait entre le droit du plus fort et le droit du premier occupant un conflit perpétuel qui ne se terminait que par des combats et des meurtres." (p.68)

Sur les lois : "L'origine de la société et des lois instituées par les riches, en manipulant les faibles, fixèrent pour jamais la loi de la propriété et de l'inégalité; adroite usurpation, droit irrévocable. Il est raisonnable de croire qu'une chose a été inventée par ceux à qui elle es utile plutôt que par ceux à qui elle fait du tort." (p.72)

La réflexion de Rousseau atteint enfin son époque marquée par la monarchie absolue. Il commence son analyse par une importante distinction : le monarchisme n'est pas du paternalisme.
"Rien au monde n'est plus éloigné de l'esprit féroce du despotisme que la douceur de l'autorité [paternelle bienveillante] qui regarde plus à l'avantage de celui qui obéit qu'à l'utilité de celui qui commande. Par la loi de la nature, le père n'est le maître de l'enfant qu'aussi longtemps que son secours lui est nécessaire." (p.74)

Il poursuit par une critique de la monarchie française (p.74-75) ... au risque d'être mis à l'Index et d'être persécuté.

Rousseau réaffirme que la vie et la liberté relèvent du droit naturel tandis que la propriété n'est que convention et institution humaine. (p.75)

A la différence du "sage" Locke et d'une grande partie de ses contemporains, Rousseau critique l'esclavage (p.76)

Rousseau définit le pacte fondamental de tout gouvernement comme un contrat entre le peuple et ses chefs. Les magistrats ne sauraient être irrévocables, puisqu'un contrat contient des engagements réciproques. A l'inverse, le chef a le droit d'abdiquer. (p.76-77) Cette remarque est ô combien importante en ce début de XXIème siècle, avec une défiance croissante pour la classe politique, puisque la population française conteste de plus en plus l'irrévocabilité et l'irréfutabilité des élus de la république.

Il décrit ensuite les principales formes de gouvernement : monarchie, aristocratie et démocratie (cette dernière étant décrite comme le moins éloignée de l'état de nature). Rousseau oublie l'anarchie (absence de gouvernement, absence d’État) à moins qu'il considère cette forme comme étant l'état de nature.

Puis il explique la diffusion du despotisme au détriment de l'état de nature ou même de la démocratie.
"Les citoyens voulurent garder leur liberté; les sujets voulurent l'ôter à leurs voisins. D'un côté richesses et conquêtes, de l'autre, bonheur et vertu." (p.78)
N'est-ce pas une contradiction avec son éloge de la république de Genève et de ses "magnifiques, très honorés et souverains seigneurs" ? Je pense que Rousseau était lucide et savait qu'il se mettait en danger en critiquant ouvertement le roi de France et la monarchie dans son fonctionnement.

Les "chefs élus" devenus au fil du temps les "chefs héréditaires (propriétaires de l’État) [...]" comptèrent "comme du bétail leurs concitoyens." (p.78)

Rousseau distingue trois étapes dans la progression de l'inégalité :
"- l'établissement de la loi et du droit de propriété fut son premier terme;
- l'institution de la magistrature le second;
- le troisième et dernier terme fut le changement de pouvoir légitime en pouvoir arbitraire."
soit :
"- état de riche et de pauvre;
- état de puissant et de faible
- état de maître et d'esclave."
Visionnaire, avec quelques décennies d'avance, il affirme "... jusqu'à ce que de nouvelles révolutions dissolvent le gouvernement ou le rapprochent de l'institution légitime." (une république de magistrats vertueux, selon lui, la démocratie pour d'autres mais pas lui; le retour à l'anarchie naturelle n'étant même pas envisagée).

"Les distinctions politiques amènent nécessairement les distinctions civiles. L'inégalité croissant entre le peuple et ses chefs." (p.79)

Rousseau définit quatre sortes d'inégalités (p.80) :
"- la richesse
- la noblesse ou le rang
- la puissance
- le mérite.
La richesse est la dernière à laquelle elles se réduisent à la fin; on s'en sert aisément pour acheter tout le reste."
C'est toute la force de la corruption.

Étant donné le désir universel de réputation, d'honneurs et de préférences, "les riches et les puissants cesseraient d'être heureux si le peuple cessait d'être misérable." (p.81)
Faisant écho au livre "Gouverner par le chaos", Rousseau ajoute : "On verrait fomenter par les chefs tout ce qui peut affaiblir des hommes rassemblés en les désunissant [...] tout ce qui peut inspirer aux différents ordres une défiance et une haine mutuelle par l'opposition de leurs droits et de leurs intérêts, et fortifier par conséquent le pouvoir qui les contient tous." (p.82)
On connaît l'adage "Diviser pour mieux régner". C'est aussi une méthode de l'ingénierie sociale, de la manipulation des masses: une arme du despote et de ses agents (Église jadis, presse aujourd'hui). Avec une telle affirmation, Jean-Jacques Rousseau serait de nos jours taxé de "complotiste" ou de "conspirationniste".

Rousseau met en perspective les deux état de l'homme : celui perdu et celui subi (voire accepté) par ses contemporains :
"[L'homme sauvage] ne respire que le repos et la liberté, il ne veut que vivre et rester oisif, et l'ataraxie même du stoïcien n'approche pas de sa profonde indifférence pour tout autre objet.
Au contraire, [l'homme policé], le citoyen toujours actif, sue, s'agite, se tourmente sans cesse pour chercher des occupations encore plus laborieuses : il travaille jusqu'à la mort, il y court même pour se mettre en état de vivre, ou renoncer à la vie pour acquérir l'immortalité" (celle faussement promise par l’Église). "Il fait la cour aux grands qu'il hait et aux riches qu'il méprise pour obtenir l'honneur de les servir; il se vante orgueilleusement de sa bassesse et de leur protection, et, fier de son esclavage, il parle avec dédain de ceux qui n'ont pas l'honneur de le partager." (p.83)

"Le sauvage vit en lui-même; l'homme sociable toujours hors de lui ne sait vivre que dans l'opinion des autres [... c'est] de leur seul jugement qu'il tire le sentiment de son existence." (p.84)

Rousseau conclut à propos de la puissance (sociale) et de la réputation  : "Nous n'avons qu'un extérieur trompeur et frivole, de l'honneur sans vertu, de al raison sans sagesse, et du plaisir sans bonheur." (p.84)

Lettre de Voltaire à M. J-J. Rousseau (pages 87 à 89)

Voltaire ironise brièvement en écrivant qu'il ressent l'envie de marcher à nouveau à quatre pattes. Mais que son état de santé l'en empêche. Puis il vante les mérites de la raison, celle-là même que Rousseau critiquait comme un des facteurs ayant sorti l'homme sauvage de son état naturel de bonheur. Enfin, et surtout, il parle de lui-même et des attaques que ses écrits ont subi.


Réponse [à Voltaire] (pages 91 à 93)

Échanges d'amabilités. Rousseau avoue que, lui non plus ne se sent pas capable de retourner à l'état de nature.

Lettre de J-J. Rousseau à M. Philopolis (pages 95 à 101)

A ce monsieur qui utilise un pseudonyme signifiant "Qui aime la cité", Rousseau répond que la civilisation est au genre humain ce qu'est la vieillesse à un homme. On est certes plus sage, plus instruit, mais on souffre physiquement et on s'approche de la mort.

Dans cette réponse, Rousseau indique aussi que la civilisation n'est pas unique, que l'Europe n'est pas un modèle absolu. Il indique ainsi que la vérité est relative puisque Lapons, Esquimaux, Algonquins, Chicacas, Caraïbes ou encore Hottentots sont autant de peuples qui se moquent de notre police, au sens d'organisation sociale.

Notes (pages 103 à 124)

Se basant sur la "figure des dents" et sur la "conformation des intestins", et rapprochant celles de l'homme des animaux frugivores (dents plates, côlon ...) étaient eux-aussi frugivores à l'état naturel. Il cite également Dicéarque, à travers saint Jérôme et ses Livres des antiquités grecques : "Sous le règne de Saturne, où la terre état encore fertile par elle-même, nul homme ne mangeait de chair [...] tous vivaient des fruits et légumes qui croissaient naturellement.". (note n°5, p.106)
L'homme moderne (mais cela remonte aux australopithèques d'après les paléontologues) est pourtant omnivore. Néanmoins, la pyramide alimentaire confirme que la base historique et toujours la plus importante reste "les fruits et légumes" :


Rousseau cite le naturaliste Georges-Louis Leclerc de Buffon : "La durée de la vie des chevaux est comme dans toutes les autres espèces d'animaux proportionnée à la durée du temps de leur accroissement." Rousseau en déduit la durée de vie de l'homme. "L'homme, qui est 14 ans à croître, peut vivre six ou sept fois autant de temps, c'est-à-dire quatre-vingt-dix ou cent ans." (note n°7, p. 107)

Rousseau ressent l'absence et pourtant la nécessité d'une science pour connaître l'homme. Elle naîtra un siècle plus tard sous le terme d'anthropologie. Mais en attendant, il déplore qu'à son époque seuls les marins, les marchands, les soldats et les missionnaires (et non les académiciens et les philosophes) effectuent ces longs voyages qui permettraient de mieux connaître l'homme. (note n°10, p.112 à 117)

"Excepté le seul nécessaire physique, que la nature même demande, tous nos autres besoins ne sont tels que par l'habitude avant la quelle ils n'étaient point des besoins, ou par nos désirs, et l'on ne désire point ce qu'on n'est pas en état de connaître; D'où il suit que l'homme sauvage ne désirant que les choses qu'il connaît et ne connaissant que celles dont la possession est en son pouvoir ou facile à acquérir, rien ne doit être si tranquille que son âme et rien si borné que son esprit." Étonnante similitude avec les réflexions d'Epicure qui, curieusement, n'est jamais cité dans ce texte, à la différence des stoïciens à qui Rousseau attribue exclusivement l'ataraxie (note n°11, p.117) [3]

"Dans l'état de nature, le couple mâle-femelle dure aussi longtemps qu'il est nécessaire pour la nourriture et la conservation des procréés, jusqu'à ce qu'ils soient capables de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins"; dixit le Gouvernement civil de Locke. Rousseau distingue les animaux qui vivent d'herbe (pour qui le couple ne dure que le temps de la copulation) et les bêtes de proie chez qui la société dure plus longtemps parce qu'il est impossible de chasser et en même temps de veiller sur les petits. (note n°12, p.117) 

"Tous nos travaux se dirigent vers deux seuls objets; pour soi les commodités de la vie, et la considération parmi les autres." (note n°16, p. 122)

[Biographie de] Jean-Jacques Rousseau (pages 125 et 126)

Né en 1712 à Genève et mort à 66 ans (en 1778). Ne connaît pas sa mère et quitte son père à dix ans. Orphelin très jeune, sa vie est marquée par l'errance. Si ses livres et lettres connaissent à partir de 1749 un fort succès, ils lui valent aussi des conflits avec l'Église catholique et Genève qui l'obligent à changer souvent de résidence et alimentent son sentiment de persécution.

[1] Une chose est évidente : les dangers psychologiques qu'ont traversés les générations passées avec l'aide des symboles et des exercices spirituels de leurs mythologies et de leurs religions, il nous faut les affronter seuls aujourd'hui (pour autant que nous soyons incroyants ou, si nous ne le sommes pas, que les croyances dont nous avons hérité ne soient pas en mesure de représenter les problèmes réels de la vie contemporaine); ou, dans le meilleur des cas, nous devons les résoudre avec une aide incertaine, improvisée et rarement efficace. C'est notre problème d'hommes modernes "éclairés" qui, à force de rationalisation, avons chassé dieux et démons de notre existence. (Le héros aux mille et un visages, Joseph Campbell, édition J'ai Lu, collection Bien-être, page 146)

[2] Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789
Article 2. -

Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.
Article 17. -

La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

[3]  L'ataraxie

Dans le scepticisme

Au sein de l’école sceptique, et notamment chez Sextus Empiricus, l’ataraxie est le résultat de l’épochè, la suspension de l'assentiment ou du jugement. Elle consiste dans le fait, grâce à l'absence de jugements dogmatiques, de ne pas vivre les désirs et les craintes que créent les dogmatiques en imaginant que certaines choses sont bonnes et d'autres mauvaises. Les sceptiques pensent que la valeur de l'ataraxie réside dans son caractère d'absence ou de déni de connaissance, c’est-à-dire que le scepticisme prône l'idée que la connaissance n'est pas nécessaire à l'action, mais qu'au contraire ce sont nos convictions qui nous paralysent.
En revanche, les sceptiques n'arrêtent pas leur réflexion sur les choses et les évènements ; ils n'accordent simplement aucun crédit ni aucune véritable certitude sur l'une ou l'autre vision des choses, ce qui n'empêche nullement l'action.
Dès lors, une libération intérieure résulte de ce détachement face aux affections rencontrées au fil des jours, et permet à l'individu d'envisager la vie libérée des troubles, d'où résulte cette absence de trouble, l'ataraxie.

Dans l'épicurisme

Pour Épicure, la réflexion sur le bonheur est incontournable car l'existence de l'humain est toute entière dominée par la recherche des causes qui le produisent. Épicure enseigne à distinguer les désirs naturels des désirs non naturels, et les désirs nécessaires des désirs non nécessaires :
« Quand nous disons que le plaisir est notre but, nous n'entendons pas par là les plaisirs des débauchés ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle, ainsi que le disent ceux qui ignorent notre doctrine, ou qui sont en désaccord avec elle, ou qui l'interprètent dans un mauvais sens. Le plaisir que nous avons en vue est caractérisé par l'absence de souffrance corporelle et de troubles de l'âme. »
« Il n'est pas possible de vivre de façon bonne et juste, sans vivre avec plaisir. »
Il faut viser la suffisance à soi, car ainsi la douleur provenant du manque est supprimée.
Pour Épicure, une amitié restreinte mais véritable est importante à l'ataraxie donc c'est atteindre l'aponie. Dans le jardin d'Épicure, seuls ses vrais amis sont présents, ce qui empêche tout trouble de l'âme.

Dans le stoïcisme

Pour les adeptes du stoïcisme (chez Epictète il apparaît comme le complément de l'apatheia, l'absence de passion), l'ataraxie désigne un état acquis grâce à la méditation et un travail sur soi, notamment l'étude de leur doctrine. La quiétude stoïcienne résulte de la connaissance du mouvement de l'univers, animé selon eux par un air chaud (le pneuma) animant tout l'univers dans un mouvement infini et cyclique d'inspiration et d'expiration. L'éthique est ainsi imbriquée avec la physique. En méditant sur le cosmos, les stoïciens tentaient de trouver un rythme de vie calqué sur la totalité cosmique, libérée des passions négatives, qui deviennent des troubles et engendrent angoisse et colère. Ce détachement amène donc le stoïcien à considérer chaque évènement comme un moment nécessaire à la bonne marche de l'univers.

4 commentaires:

Je a dit…

C'est à partir de récits de voyages que Jean-Jacques Rousseau a bâti ses hypothèses et rédigé son discours dans lequel il compare "l'homme naturel" supposé et et "l'homme moderne/policé" dont il connaît bien les travers.

Jean-Jacques Rousseau lui-même déplore que des académiciens, des scientifiques, n'aient pas effectué les voyages nécessaires pour étudier l'homme et ainsi pouvoir le comparer avec la référence européenne considérée par ses pairs comme la seule version possible de l'homme civilisé.

Ce qu'il décrit, et le manque qu'il ressent, c'est tout simplement l'apport de l'anthropologie; une science qui ne naîtra qu'un siècle plus tard.

Je a dit…

Le Français Yves Coppens est une référence mondiale de la paléoanthropologie. Ses découvertes auraient été fort utiles à l'analyse de Jean-Jacques Rousseau, concernant les premiers âges de l'humanité. Elles seraient au plus proche de "l'homme naturel" que Rousseau est obligé d'imaginer sans preuves.

Extrait de sa biographie trouvé sur le site du Collège de France :http://www.college-de-france.fr/site/yves-coppens/index.htm

L'histoire des dix derniers millions d'années s'éclaire ; une hypothèse propose une explication environnementale de la séparation Hominidae Panidae il y a 8 millions d'années (Coppens, 1983), une autre, une explication du premier déploiement des Australopithèques il y a 4 millions d'années (Coppens, 1999), une autre, une explication de l'émergence du genre Homo il y a 3 millions d'années (Coppens 1975) ; ces 3 stades s'enchaînent en cyme ou en épi, au sein de véritables bouquets, chacun se trouvant, à la base, à l'origine du suivant, mais n'en développant pas moins ensuite sa propre lignée de manière originale et indépendante (Coppens, 1975). Enfin, Yves Coppens a montré, en s'appuyant sur les vitesses différentielles d'évolution de la biologie et de la technologie, comment l'acquis peu à peu avait prévalu sur l'inné donnant à l'Homme sa liberté et sa responsabilité et pourquoi, depuis 100 000 ans, l'évolution de l'Homme s'était ralentie puis arrêtée (Coppens 1982, 1988). Associé aux découvertes paléoanthropologiques les plus récentes (Tchad, Kenya), Yves Coppens se trouve aujourd'hui cosignataire de 6 nouveaux Hominidés (ce qui fait un record mondial original !).

Je a dit…

Les travaux de Philippe Descola éclaireraient également d'un jour nouveau, avec de remarquables fondements scientifiques, la réflexion du philosophe Jean-Jacques Rousseau.

Cours au Collège de France: http://www.college-de-france.fr/site/philippe-descola/_course.htm

En apparence, l’anthropologie de la nature est une sorte d’oxymore puisque, depuis plusieurs siècles en Occident, la nature se caractérise par l’absence de l’homme, et l’homme par ce qu’il a su surmonter de naturel en lui. Mais la nature n’existe pas comme une sphère de réalités autonomes pour tous les peuples. En postulant une distribution universelle des humains et des non-humains dans deux domaines ontologiques séparés, nous sommes bien mal armés pour analyser tous ces systèmes d’objectivation du monde où une distinction formelle entre la nature et la culture est absente. Une telle distinction paraît, en outre, aller à l’encontre de ce que les sciences de l’évolution et de la vie nous ont appris de la continuité phylétique des organismes. Notre singularité par rapport au reste des existants est relative, tout comme est relative aussi la conscience que les hommes s’en font.

Je a dit…

Je dois également citer Jean-Jacques Hublin, actuel responsable de la chaire de paléoanthropologie au Collège de France qui a enseigné sur :
- La première sortie d'Afrique
- Néandertals et Dénivosiens
- Homo sapiens : l'espèce orpheline

Liens vers ses cours : http://www.college-de-france.fr/site/jean-jacques-hublin/_course.htm