dimanche 22 février 2015

Étienne Chouard

Étienne Chouard est un homme doux, parfaitement en colère. Poil à gratter de la pensée unique, il agace, perturbe, fait réfléchir. Et en attendant, il bosse. C’est le marathon man des salles des fêtes, l’égérie des résistants, le citoyen d’or d’Agoravox. Calomnié, encensé, il ne laisse pas indifférent. C’est probablement qu’il a quelque chose à dire. En mouvement. Enseignant l’économie et le droit, à l’occasion du Référendum de 2005, Étienne se plonge dans les textes du projet de Constitution Européenne. Ce qu’il découvre le change à jamais. Depuis, loin des organisations partisanes, il dénonce notre apathie et veut redonner au mot démocratie sa véritable signification. Son credo : une constitution écrite par les citoyens et des représentants tirés au sort.

Étienne Chouard, né le 21 décembre 1956 à Paris, est un enseignant français dans un lycée à Marseille. Il accède à la notoriété en 2005, en lançant une campagne pour le « non » à l'occasion de la campagne du référendum français sur le traité établissant une constitution pour l'Europe. Il est depuis principalement connu comme blogueur.
Les écrits d'Étienne Chouard, qui déclare « chercher la cause principale des injustices sociales », se basent sur son étude de différents régimes démocratiques et constitutions. Il arrive à la conclusion que « la cause des causes » est que « nous laissons écrire la Constitution par les seuls hommes qui ne devraient surtout pas l’écrire », c'est-à-dire les professionnels de la politique. Il défend notamment le système du tirage au sort1 (dans certains contextes et associé à des mécanismes de contrôle) et soutient qu'une nouvelle assemblée constituante devrait être basée sur cette méthode. Il défend également le référendum d'initiative populaire2 et soutient que le véritable suffrage universel est le vote direct des lois par les citoyens3. Il qualifie l'Union européenne « d'épouvantable piège » qui met en place un « chômage institutionnalisé », et dénonce fréquemment le « sabordage monétaire » que constitue selon lui l'abandon de la création monétaire publique vers les banques privées. Dans une moindre mesure il défend également l'idée du revenu de base inconditionnel4.

Parcours

Titulaire d'une maîtrise en droit à Nanterre (1980), Étienne Chouard est enseignant en économie-gestion et droit fiscal et, par la suite, professeur d'informatique au lycée Marcel-Pagnol à Marseille.
Le 25 mars 2005, il publie sur son site personnel, « Une mauvaise constitution qui révèle un secret cancer de notre démocratie », une analyse critique envers le traité constitutionnel européen, se présentant comme un citoyen sans parti, sans étiquette et sans ambitions politiques personnelles. D'après Thierry Crouzet, ancien journaliste d'informatique et auteur de livres de vulgarisation informatique, cet article serait parvenu à un moment où, dans les sondages, le « non » est au plus haut et témoigne d'un malaise grandissant des Français face aux déclarations des politiques et à la directive Bolkestein qui fait figure d'épouvantail.
Le 30 mars 2005, Bellaciao.org republie son texte. Le 4 avril, rezo.net repère et diffuse l'article. Le texte se diffuse rapidement via les forums, le courrier électronique et les blogs. Daniel Schneidermann, animateur d'Arrêt sur images sur France 5, qui invitera Étienne Chouard sur un plateau de télévision, en prend par exemple connaissance le 4 avril dans les commentaires de son Big Bang Blog et diffuse un billet « Où notre explorateur réalise qu'Internet le pousse vers le non » sur Étienne Chouard dès le lendemain 5 avril 2005, puis un autre le 11 avril. Le 9 avril, Thomas Lemahieu s'interroge, dans L'Humanité, « Et si Étienne Chouard faisait gagner le « non » ». Le 22 avril, Dominique Strauss-Kahn répond directement aux arguments d'Étienne Chouard avec son article « Traité constitutionnel : Réponse à Étienne Chouard »5 . Le 30 avril, Olivia Renaudin écrit « Sur Internet, le champion du non c'est Étienne Chouard », dans Libération. Le 1er mai, « Constitution : Les experts d'en bas », France 5, Arrêt sur images. Le 12 mai, est publié un article, « Étienne Chouard, Don Quichotte du non », dans Le Monde.
Rapidement des centaines de réactions lui parviennent par courriel et la fréquentation de son site se confirme. Conscients de l'importance de ce nouveau terrain de la citoyenneté, certains internautes commentent ses pages en particulier sur le blog de Dominique Strauss-Kahn.
Marie-France Garaud lui demande de lire son livre consacré au traité constitutionnel. La notoriété grandissante des écrits d'Étienne Chouard s'avère suffisante pour qu'une partie de la presse nationale s'intéresse à son tour à son site.
Relayé par des sites comme rezo.net ou Attac, l'argumentation d'Étienne Chouard fait l'objet d'un emballement, parfois critique, sur Internet. Son argumentaire est diffusé de proche en proche sur les forums et de nombreuses personnes l'adressent par courrier électronique à tous leurs contacts à la manière d'une chaîne de lettres.
Le 22 avril 2005, Dominique Strauss-Kahn tente de déconstruire l’argumentation de Chouard. Puis le professeur de sciences politiques à la Sorbonne Bastien François, coauteur avec Arnaud Montebourg du livre La Constitution de la VIe République : Réconcilier les Français avec la démocratie, procède à une analyse critique publiée sur son blog.
Des « incorrections6 » sont relevées et prises en compte par Étienne Chouard qui amende son texte original.
Les commentateurs tirent argument de cette confrontation juridique et politique sans précédent pour mettre en évidence la complexité du projet de traité européen, difficilement accessible pour le simple citoyen, sinon illisible comme le soutient la critique7.
Le 12 mai 2005, Étienne Chouard répond aux critiques développées par les partisans du « oui » et des spécialistes de droit public et d'économie politique se joignent à lui.
Le journal Le Monde dresse le portrait de ce « Don Quichotte » du « non » et son site devient l'un des plus fréquentés de France avec plus de 30 000 connexions par jour.
Avec l'échec du référendum, il est consacré comme un des blogueurs les plus influents de France en 2006 : « de « Don Quichotte » du « non » […], il est devenu une vedette de la campagne référendaire. »
Les analyses a posteriori suggèrent pourtant que son influence directe aurait été surestimée (voir « Analyse critique et portée sociologique »).
Le « héraut » des blogs symbolise toutefois, bien au-delà du débat sur le traité constitutionnel de 2005, la découverte d'une conscience citoyenne sur Internet : « L'important, ce n'est pas que les citoyens votent la Constitution, mais qu'ils l'écrivent, sinon, ce sont encore les hommes de pouvoir qui feront les règles » déclare-t-il fort de l'idée que « la souveraineté du peuple a laissé la place à la souveraineté des élus. »
En 2007, Étienne Chouard apporte son soutien au mouvement altermondialiste au premier tour de l'élection présidentielle et signe la pétition de soutien à la candidature de José Bové à la présidence de la République.
Il poursuit depuis son action et tente l'élaboration d'une « Constitution d'origine Citoyenne ». Il a mis en place un site wiki pour favoriser un travail participatif8.
Il fait son retour en 2007, en marquant son opposition au Traité de Lisbonne. Date à laquelle il se rapproche aussi de Thierry Meyssan, qu'il définit comme un « résistant (…), un homme charmant, calme et cultivé, rigoureux dans ses analyses9. » En janvier 2010 à Marseille, il animait une soirée consacrée au 11 septembre et au « verrouillage du débat sur ce sujet en France, et la diabolisation systématique de ceux qui doutent de la version du gouvernement Bush II. »
Il s'est intéressé aussi à l'examen d'un système combinant tirage au sort de représentants du peuple non-reconductibles et révocables à tout moment, de façon à éviter toute oligarchie politique. Toujours dans le cadre de ses prises de position en économie politique ou en droit institutionnel, il cite en la matière à l'étranger le Venezuela et sa nouvelle constitution mise en place par le président Hugo Chávez: « Hugo Chavez, c'est un laboratoire de démocratie intéressant10. » Il ne s'agit pas d'un éloge du président Chavez vis-à-vis duquel il maintient une position prudente, mais plus d'un exemple de constitution qui aujourd'hui va dans le bon sens. Selon lui et quoi qu'il arrive, il ne faut pas conserver le pouvoir. « Le pouvoir corrompt et même les gens bien au départ, s'ils gardent le pouvoir trop longtemps, ils vont changer»11. »
Le 22 octobre 2011 à Metz, il donne une conférence dans laquelle il s’exprime sur les thèmes suivants : À quoi sert une constitution ?, L’Union Européenne, le chômage de masse et la docilité, la dictature des marchés financiers, le sabordage monétaire public, l’imposition des lois sans parlement, les enjeux de la création de la monnaie, la façon de financer nos activités. « Que faire ? La solution universelle, une vraie démocratie forcément fondée sur - et protégée par - le tirage au sort ». Pour clôturer sa conférence, il nous suggère – « afin que ces paroles ne restent pas vaines - à nous transformer en de "gentils virus", qui propageraient ces bonnes et fortes idées sur la démocratie12. »
Le 3 décembre 2011, il intervient lors de la conférence L'État et les banques, les dessous d'un hold-up historique avec Myret Zaki.
En 2013, il apparaît dans le film Dédale, un fil vers la démocratie. La diffusion de celui-ci est arrêtée lorsque Yannis Youlountas et d'autres intervenants du film refusent d’apparaître aux côtés de Chouard, pour la raison notamment que celui-ci accepte de parler avec des personnalités qu'Youlountas considère comme fascistes. La diffusion se poursuit malgré tout sans autorisation sur Internet : Chouard parle de censure, et publie un lien vers la version intégrale du film sur son propre blog.
En 2014, il déclare dans une émission de radio avoir adhéré à l'association Les Citoyens Constituants.
Il continue maintenant d'organiser en France des ateliers constituants afin que les citoyens s'entrainent eux-mêmes à écrire la Constitution13.

Controverses

Depuis 2008, Étienne Chouard a été accusé d'avoir approuvé certains travaux de personnalités de droite, voire d'extrême droite et de diffuser sur son blog des théories du complot. Il a déclaré avoir trouvé des qualités à des personnalités controversées comme Thierry Meyssan, Jacques Cheminade ou Alain Soral, au nom du refus de tout sectarisme. Il qualifie Jacques Cheminade d'« authentique sentinelle du peuple, maltraité depuis longtemps par les chiens de garde de l'oligarchie14 ». Pour ces raisons, une intervention d’Étienne Chouard qui devait avoir lieu à l'invitation du Front de gauche le 22 novembre 2012 au cinéma Utopia de Toulouse fut annulée, alors même qu’Étienne Chouard avait déclaré aimer Jean-Luc Mélenchon. Un journaliste de Reflets.info dénonce également sa sympathie affichée pour l'américain négationniste Eustace Mullins, dont il qualifie le livre sur la réserve fédérale américaine de « formidable livre à lire absolument ». Dans le même article, il écrit : « D'une certaine façon, le discret maître des banquiers, Rothschild, a besoin de (l'amalgame stupide de) l'antisémitisme pour rester intouchable, impuni ; il a objectivement un intérêt personnel puissant à ce que l'antisémitisme soit virulent, un peu partout dans le monde. Ce besoin de l'antisémitisme-comme-armure-anti-critiques pourrait expliquer (mais alors, si c'est vrai, quel cynisme !) les montagnes d'argent mises au service de la politique (objectivement détestable) d'Israël ».
À plusieurs reprises, Étienne Chouard a répondu en niant toute sympathie pour les thèses fascistes ou antisémites et continue, malgré ces accusations, à être régulièrement invité à débattre par des organisations de gauche. En 2014, il donne sa propre définition de « fascisme » et d'« extrême droite » : « les fascistes, les gens d'extrême droite, c'est les propriétaires, les grands propriétaires, les possédants, les grands possédants, les ultra-privilégiés [...] les banquiers et les possédants ».
Alain Beitone, professeur d'économie au lycée Thiers de Marseille et auteur de nombreux manuels et dictionnaires économiques, a également pointé, dans un article publié en décembre 2011 sur son site personnel, le rôle joué selon lui par Étienne Chouard dans la popularisation à gauche de la critique de la loi de 1973 sur la Banque de France, critique qu'il qualifie de « rumeur » et dont il situe les origines à l'extrême droite. Il a, par la suite, repris cette idée dans une tribune parue dans le journal Le Monde, sans cependant y mentionner explicitement Étienne Chouard. Étienne Chouard a répondu à ses arguments dans un long article paru sur son blog, dénonçant une nouvelle fois l'assimilation faite par Beitone entre les critiques de cette loi et l'extrême droite. Magali Pernin, blogueuse, reprend en partie les idées d'Alain Beitone et copublie une analyse de la loi de 1973 tendant à démontrer qu'elle n'avait rien changé sur le plan de la création monétaire publique. Lors d'une rencontre entre Magali Pernin et Chouard, ce dernier s’interroge sur les « erreurs » qu'il a pu commettre concernant la loi de 1973. Il reconnaît en particulier que la loi de 1973 n'a pas nécessairement été à l’origine d'un bouleversement, mais a pu seulement officialiser un état de fait. Pour autant il affirme qu'il pense qu'il ne s'est pas « rien passé » lors de l'instauration de la loi de 1973.
Étienne Chouard est également critiqué pour son soutien au militant politique Alain Soral, qui se définit lui-même comme « national-socialiste ». « Pour moi, Alain Soral est à gauche parce qu'il se bat contre les privilèges. C'est un résistant », affirme Étienne Chouard à L'Express en novembre 2014. Le 2 décembre 2014, Judith Bernard se désolidarise publiquement d'Étienne Chouard.

Publications

  • Étienne Chouard, Prendre de bonnes habitudes avec Excel, Rians (BP 8, 83560), Éd. Corroy, coll. « Outils et méthodes bureautiques »,‎ 2004 (ISBN 2915756015)
  • Étienne Chouard, Créer une application avec Access, Rians (BP 8, 83560), Éd. Corroy, coll. « Outils et méthodes bureautiques »,‎ 2004, 117 p. (ISBN 2915756007)
  • 2008 : préface de La dette publique, une affaire rentable : À qui profite le système, André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder, avec la collababoration du collectif Groupe de recherches économiques pour un système sociétal (GRESSO), Editions Yves Michel, coll. « Économie », Gap, 157 p. (ISBN 978-2-913492-56-1)

Sources : http://www.agoravox.tv/actualites/citoyennete/article/etienne-chouard-chercheur-en-cause-34772
et http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Chouard

Consulter aussi : https://www.m6r.fr/

3 commentaires:

Je a dit…

Le texte initial proposé par le commissaire Frits Bolkestein et notamment son « Principe du pays d'origine » engendra une polémique puis une contestation forte, tout particulièrement en France. Selon ce nouveau principe introduit par la directive, le contrôle de l'application du droit du travail serait conféré au pays d'origine du travailleur et non plus au pays dans lequel s'effectue le travail. Cette perspective fait craindre, en particulier au pays de l'ouest de l'UE, un risque de dumping social : les travailleurs des pays le mieux-disants sur le plan des droits sociaux se retrouveraient désavantagés dans la concurrence face aux travailleurs issus de pays moins avancés socialement, comme pouvaient l'être les nouveaux États membres. Ce risque a trouvé son incarnation dans l'opinion publique française sous l'allégorie du « plombier polonais » : ce plombier serait en effet soumis au régime des droits sociaux polonais, moins favorables que les droits français qui protègent ses collègues français.

Je a dit…

L'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne, généralement connue par son acronyme Attac (ou ATTAC), est une organisation altermondialiste créée en France en 1998. Elle est présente dans 38 pays.

Je a dit…

Etienne Chouard a publié un autre livre en mars 2017 intitulé "Nous ne sommes pas en démocratie" (une quarantaine de pages) aux éditions La Relève ou la Peste.

Voir : https://chouard.org/blog/2017/03/18/manifeste-n-1-nous-ne-sommes-pas-en-democratie-edition-la-releve-et-la-peste/