Un sociologue tente d'expliquer les raisons qui ont poussé les jeunes Réunionnais à se révolter.
Laurent Médéa est sociologue. Il a fait ses études en Angleterre et en Afrique du Sud avant de retourner à la Réunion où il a écrit un ouvrage sur la délinquance juvénile dans l'île. Il décrypte les racines de la contestation.
• Quels sont les origines des violences qui agitent l'île depuis quelques jours?
Il faut remonter aux révoltes contre la vie chère qui ont commencé en Guadeloupe en 2009. Il y a eu une contagion aux autres départements d'outre-mer pour réclamer une baisse des produits de première nécessité. Un collectif s'est monté à la Réunion qui a mis en place un observatoire des prix. La vie chère est une préoccupation constante. Il y a deux semaines, les transporteurs ont réclamé une baisse du prix de l'essence pour les professionnels de 25 centimes par litre. Ils ne l'ont pas obtenue. Ils sont allés au port, devant l'entreprise chargée de la distribution du carburant pour toute l'île et ont mis en place des barrages. Ils ont aussi appelé la population à les soutenir. Mardi, plusieurs centaines de personnes y sont allés, pour réclamer une baisse du prix aussi pour les particuliers. Les mécontents se sont ensuite rassemblés au Chaudron, à Saint-Denis, un quartier symbole de la contestation depuis les années 70, où les violences ont éclaté. Mais le prix de l'essence est juste un prétexte à la révolte, elle aurait pu avoir lieu à partir de n'importe quoi d'autres.
• D'un côté il y a les gens qui réclament une baisse des prix, de l'autre côté il y a eu des actes de vandalisme. Pourquoi les jeunes au Chaudron se sont-ils révoltés?
Il y a énormément de problèmes sociaux à la Réunion. Dans certains quartiers le taux de chômage atteint 70%, et même 90% pour les moins de 25 ans. Énormément de handicaps sociaux sont rassemblés au même endroit: violences, illettrisme, chômage… Les jeunes sont inoccupés, ils sont dans des situations de détresse extrême et d'exclusion. Ils ne trouvent pas leur place dans la société. Il n'y a pas de projet social pour intégrer les jeunes, la seule chose qu'on leur propose c'est la mobilité vers la métropole, la Grande-Bretagne ou le Canada. Moi-même je suis un pur produit de la mobilité, mais rien n'est proposé ici.
• Quelle est la situation actuellement dans l'île?
C'est très, très tendu. Je ne lis pas dans le marc de café, je ne peux pas vous dire ce qui va se passer. Ici il y a moins de revendications raciales que dans les Antilles, nous sommes une société «transculturelle», dans chaque famille il y a au moins deux ou trois religions. Mais il reste un problème d'identité réunionnaise et d'intégration dans la société. Le problème de la pauvreté -52% des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté- et de la classe sociale restent les plus importants.
Par Caroline Bruneau
Source : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/02/23/01016-20120223ARTFIG00509-le-prix-de-l-essence-est-un-pretexte-a-la-revolte.php
vendredi 24 février 2012
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1 commentaire:
J'ajouterai à cet article, que je valide par mes propres observations, que les jeunes réunionnais sont trop attentistes. Le slogan récurrent en créole est "Donn a nou travay" (Donnez nous du travail !). Comme si ça tombait du ciel !
Il y a quinze ans déjà, des enfants de 6 ans au Chaudron me disaient déjà que quand ils seraient grands ils iraient à la Poste chercher leur argent.
Une enseignante a récemment entendu une dispute entre une mère et sa fille adolescente qui lui réclamait de l'argent : "Si tu veux avoir de l'argent, tu n'as qu'à faire des enfants !" . Tiens, voilà une expression intégrée à la langue créole réunionnaise : "argent braguette" pour désigner les allocations familiales.
La Réunion est la caricature de ce que trop de social peut engendrer : l'oisiveté.
La situation standard à la Réunion est plus de 40% d'inactifs; chez les jeunes ça atteint 65%; et dans les quartiers dits défavoriés (que je connais bien pour y travailler) cela atteint les 80 ou 90% comme il est dit dans l'article.
A Maurice, les habitants, qui ont choisi l'indépendance, hallucinent sur le comportement des Réunionnais. "Des assistés", pensent-ils tous. Les RMIstes et chômeurs de la Réunion vont passer des "vacances" à Maurice au frais de l'Etat français au lieu d'essayer de travailler.
La mobilité pour chercher du travail ailleurs est une option mais elle concerne une minorité, ceux qui ont beaucoup de volonté.
Le problème c'est le trop de social ! Trop de social tue l'esprit d'entreprise !
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