Courrier des lecteurs : Gros comme un camion
Les tragiques évènements nocturnes que connaissent certaines villes de la Réunion étaient prévisibles. Ils reviennent de façon cyclique , les mêmes raisons accouchant irrémédiablement des mêmes réactions. Le pathétique défilé de certains élus ou responsables associatifs et syndicaux qui agissent en pompier-pyromane était également prévisible. Nous sommes en période électorale et certains comptent bien ramasser les dividendes de la violence urbaine, allant jusqu'à vouloir se donner une image de rassembleur. Nous ne manquons pas de petits califes qui pensent encore, à l' instar de leur maître spirituel : plus c'est gros plus ça passe.
La formation des prix à la Réunion est volontairement opaque et cette opacité fait le jeu des distributeurs et de la classe politique toujours assurée d'avoir, à la fois un financement amical pour ses campagnes , et un terreau de frustrations pour ses argumentaires . Le tout étant de trouver un équilibre et que la machine ne vous explose pas à la figure...
C'est une évidence pour certains, mais il est bon de le répéter puisqu' on voudrait nous faire croire que l'éloignement explique presque entièrement la cherté de la vie.Le facteur principal de cette opacité est l'octroi de mer.Il doit disparaître.
Il suffit de regarder ceux qui y sont attachés pour comprendre à qui profite cet écran de fumée.Alors que la mise en place de deux ou trois taux de TVA (y compris d'un taux zéro pour les produits de première nécessité) apporterait une véritable transparence en permettant de voir avec clarté les marges faramineuses de certains, la classe politique est muette à ce sujet quand elle ne se bat pas à Bruxelles pour la conserver au nom des sacro-saintes spécificités ultramarines.Les maires et membres des collectivités territoriales présentent cet octroi de mer comme leur principale ressource budgétaire.C'est vrai, mais comment vivent les 36000 communes métropolitaines ?
Alors, les adolescents à capuche sont dans la rue, en colère, avec l'envie d'en découdre et de hurler leur haine et leurs frustrations. Belle occasion pour les moralisateurs, pour ceux qui ne veulent pas voir, pour ceux qui espèrent encore qu' après une ou deux nuits, tout redeviendra calme, de les traîner dans la boue : ils sont alcoolisés, zamalés (même propos dans la bouche de Mr Caroupaye et Fruteau que dans celle de Marine Le Pen face à ses opposants..), ne savent pas parler, sont des consuméristes couyons, ne comprennent rien, etc, etc...
Ce qui change, c'est que cette fois-ci, il semblerait que cette jeunesse en colère soit vécue par certains parents comme une sorte d' incarnation de leur propre colère silencieuse. Prudents, les politiques diront qu'on "peut comprendre mais qu'on ne peut pas excuser la violence". C'est ce qui se dit d' ordinaire. Cette fois-ci, ce genre de discours s' avérera nettement insuffisant.
Et pourtant des élus ont su mettre en place des associations, des structures d' échange de paroles, des "seconde chance"...Mais on le constate, la terrible course de vitesse entre conscience collective et frustrations individuelles est perdue pour beaucoup.
Une fois de plus, les pauvres font mal aux pauvres, se contentent d'une colère de proximité, savent que le feu, la violence attirera plus les médias qu'une réunion de quartier entre citoyens responsables.
D'ailleurs, qui leur demande de s' exprimer ? N'ont-ils pas été , par leur milieu encore plus que par l'école, programmés pour se taire ? Et parfois hurler de colère ? N'ont-ils pas été tenus au silence ? N'ont-ils pas été condamnés à l' inculture, à l' incompréhension de cette société ? Surtout, et c'est là où réside la grande honte des politiques qui auraient dû les éclairer, n'ont-ils pas été entretenus comme réservoir de vociférations et menace d' embrasement potentiel ?
Sans que rien , jamais la moindre miette, jamais le moindre espoir ne tombe du camion pour eux...
CORIOLIS
Mon opinion
Je suis d'accord avec tout l'article sauf sa conclusion.
D'accord avec l'anachronisme que représente l'octroi de mer. C'est une taxe coloniale. Elle profite aux collectivités, aux communes, qui en tirent la moitié de leurs revenus. Mais elle n'est pas indispensable puisque les communes métropolitaines n'en ont pas. Il faut supprimer cette taxe.
Il faut aussi y voir plus clair sur le mécanisme de formation des prix. Informer les consommateurs réunionnais pour qu'ils puissent choisir quoi acheter et où acheter.
Par contre, sur la conlusion, non. L'école est gratuite et obligatoire. Ils ne sont pas programmés à l'inculture. Ils ont une opportunité (malgré les difficultés autour). Il faut se battre et la saisir !
samedi 25 février 2012
Courrier des lecteurs signé Coriolis
Libellés :
actualité,
économie,
éducation,
évolution de la société,
île de la Réunion
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
1 commentaire:
Mes opinions ont beaucoup évolué depuis la rédaction de cet article en 2012.
Entre temps, j'ai appris que l'octroi de mer, bien qu'étant une taxe d'origine coloniale, ne devait pas s'appliquer à tous les produits importés. Seulement à ceux qui viennent concurrencer la fragile production locale. C'est donc une taxe qui, bien appliquée, peut protéger l'emploi local, donc le pouvoir d'achat, donc réduire la frustration et la colère des consommateurs. Si elle n'est pas bien appliquée (par exemple avec une taxe de 28 à 35% sur les voitures alors qu'il n'y a aucune usine de voitures à la Réunion), c'est bien parce que les élus de la Région Réunion et des 24 communes n'y voient qu'une manne de revenus fiscaux. Plutôt que de supprimer l'octroi de mer, il faudrait simplement l'appliquer conformément à l'esprit de la taxe.
Si les produits alimentaires sont un tiers plus chers à la Réunion comparés à la France métropolitaine/européenne, ce n'est pas seulement à cause de l'octroi de mer. C'est surtout à cause des marges indécentes de la grande distribution. Et comme, en cette année 2019, la filiale Vindémia (supermarchés Jumbo Score) vient d'être achetée par son concurrent le groupe Bernard Hayot (supermarchés Carrefour), on se dirige vers un monopole dans la grande production, la fin de la concurrence (déjà fort peu différenciée) et donc à une envolée des prix.
Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_Bernard_Hayot
J'ai également appris, entre 2012 et 2019, que l'école républicaine conçue par François Guizot (loi de 1833, demandant la création d'une école primaire par commune et d'une école normale primaire par département) puis généralisée par Jules Ferry (lois de 1881-82 promouvant « l'école publique laïque, gratuite et obligatoire ») avait plusieurs objectifs :
- enseigner aux futurs ouvriers "leurs devoirs" (obéissance au patrons de l'industrie)
- inculquer aux futurs soldats "l'amour de leur fusil" (prêts à se sacrifier pour la patrie)
- et prendre la place de l'endoctrinement religieux catholique pour le remplacer par un endoctrinement républicain (devenir de crédules électeurs-contribuables bercés par le "droit-de-l'hommisme" franc-maçon).
L'école républicaine est au service de l’État, pas des enfants.
Certes, on peut y apprendre de quoi trouver un emploi (et encore ...) mais pas y acquérir l'esprit critique.
Finalement, je rejoins donc l'internaute Coriolis sur sa conclusion.
Enregistrer un commentaire