mardi 5 décembre 2017

Publication d'une internaute dans le groupe Facebook de discussion "Transition 2030"

Bonjour à tous,
je suis assez stupéfaite de voir ici et là dans ce groupe des gens qui défendent l'idée d'une sorte de dictature éclairée qui aurait vocation à mettre en œuvre la transition et les conditions écosystémiques de survie de l'espèce. On voit ici la patte de Jancovici qui provient elle même, je l'imagine, de Jorgen Randers (qui a co-écrit "The limits to growth").
Cette idée est sous tendue par le postulat que
1. La démocratie est populiste par nature et les politiciens ne prendront jamais des mesures qui déplaisent aux électeurs
2. Les occidentaux ne sentant pas dans leur chair les effets du réchauffement ne se bougeront pas avant qu'il soit déjà trop tard, il faut donc les y contraindre
Bon ben je suis désolée de le dire mais ces deux postulats sont complètement faux.
Tout d'abord "démocratie" ne décrit pas un système politique donné mais ne le caractérise que partiellement. Et ce qui caractérise aujourd'hui notre "démocratie" à nous, c'est bien son...déficit démocratique. La plupart de nos institutions politiques sont verrouillées par les institutions capitalistes (finance, grand patronat etc) et cette mascarade d'élections tous les 5 ans ne saurait le masquer. Macron, c'est une légitimité électorale réelle de 9%. Paie ta légitimité, vive le scrutin uninominal à deux tours. On n'analyse pas un système politique de manière hors sol. Il dépend toujours profondément des rapports de force qui siègent au sein de la société.
Et force est de constater que depuis la fin des années 70, la vague néolibérale a tout emporté. Savez-vous que Ronald Reagan, l'un des deux grands architectes politiques du néolibéralisme, a lu "the limits of growth"? Il en a réfuté tous les éléments et a annulé le projet de transition préparé par Jimmy Carter qui avait aussi lu le livre. C'est très simple, la croissance est dans les gènes du capitalisme et pour que ce système survive, la conversion néolibérale était indispensable. La baisse tendancielle du taux de profit (telle que décrite par Marx) et le système bancaire fondé sur la dette impliquent que pour que le système puisse survive, il faut toujours plus de croissance. Ainsi, il est dans les intérêts capitalistes de nier l'effondrement qui vient. Ces mêmes intérêts (et je ne parle pas de complot, mais d'influence politique et de reproduction sociale des idées) qui verrouillent nos institutions dites "démocratiques".
Le problème n'est donc pas la démocratie mais le déficit démocratique qui se fait au profit de défenseurs de la croissance infinie. Si les avis des peuples avaient été pris réellement en compte, il n'y aurait plus de TAFTA ou CETA et le glyphosate serait désormais interdit en UE. Ce ne sont pas deux produits de la démocratie, mais de la société capitaliste.
Les peuples se rendent bien compte que quelque chose ne va pas et la demande en bio et en AMAP en sont des signes. Défendre le dictat éclairé c'est se croire supérieur à eux. Mais dites moi, qui leur a mis dans la tête qu'il fallait toujours plus de croissance, quitte à détruire le code du travail, la sécu ou je ne sais quoi? A votre avis, ce qu'ils ressentent dans leur chair, au quotidien, c'est le cout des soins et la peur du chômage ou le très abstrait besoin de croissance? L'idée de croissance nécessaire a été matraquée par les économistes néoclassiques qui ont leur siège réservé à BFM-TV et ailleurs. Vous ne pouvez plus allumer la télé sans entendre parler de la croissance. Remplacez ces économistes par des Pablo Servigne, des Raphael Stevens ou des Meadows et je peux vous assurer que vous aurez vite une population réclamant à corps et à cri la transition. On a bien réussi à faire croire à des tas de gens en 3 ans avec des Finkelkraut, des Zemmour et des Bouvet que le problème en France c'était les musulmans...
Pour terminer, revenons sur cette histoire de "diktat éclairé". L'Histoire de vous a t elle vraiment rien appris? Un dictateur "éclairé", vraiment? Si la pensée anarchiste a bien quelque chose à nous apprendre, c'est que le pouvoir corrompt toujours. Le pouvoir appelle le pouvoir, toujours. Le diktat éclairé, cela n'existe pas. Un dictateur finit toujours par outrepasser les limites. Et je ne parle même pas des interminables luttes de pouvoir qui auraient lieu pour choisir qui serait au pouvoir... Sans compter que pour mettre en place ce genre de système il faut en passer inévitablement par les armes, le sang, la violence, les massacres. Il faut vraiment ne jamais avoir connu la guerre pour défendre tout cela. Pire que l'effondrement mes amis : la guerre. La survie de l'humanité n'a de sens que si c'est pour sauver une certaine idée de l'humanité et ce qu'elle porte de plus belle en elle. Si c'est pour sauver le sang et les larmes, je pense qu'il vaut mieux encore disparaitre. N'oubliez jamais que l'écologie est profondément anthropocentrée. Il ne s'agit pas de "sauver la planète" qui elle sera toujours la bien longtemps après nous et aura retrouvé un équilibre écosystémique après quelques centaines ou milliers d'années, mais de sauver notre écosystème. Ce qui après tout ramène à une vraie question philosophique : pourquoi sauver l'humanité?
Au lieu de défendre cette idée odieuse de dictature éclairée, il me semble plus juste de :
- Combattre l'idée de croissance et donc sortir du capitalisme ce qui est une condition nécessaire mais pas suffisante
- Se réapproprier les outils politiques et économiques : décentraliser beaucoup de décisions, donner d'avantage de pouvoir aux communes (qui sont d'ailleurs bien plus dynamiques que les États dans la promotion de la transition et dans son effectivité), donner de la force économique aux circuits courts et coopératifs, développer les AMAP, faire la promotion massive du maraichage sol-vivant et de la permaculture, réorganiser l'urbanisation des communes pour recréer les centres villes, rentrer dans des collectifs de désobéissance civile, lancer une Internationale écologique et transitionnelle , financer localement les conversions permacoles, développer les transports en commun, boycotter massivement les grandes surfaces et les industries polluantes, s'engager politiquement et faire infuser partout les mesures nécessaires à prendre.
-Construire partout des alternatives et surtout les rendre DESIRABLES.
Il faut être aveugle pour ne pas voir que le système est à bout de souffle. Les occidentaux sont en pleine crise économique, sociale, politique, anthropologues, éthique et philosophique. Quand vous parlez avec les gens, ils sont tous conscients que ça ne va pas, qu'il faut changer de modèle de société mais ils finissent toujours par verbaliser leur sentiment d'impuissance politique. Mais si vous voulez avoir la moindre chance de les convaincre de vous suivre, il faut rendre le changement désirable. Pas leur faire peur avec des bêtises comme la dictature éclairée. Construisez donc ces alternatives, participez à l'hégémonie culturelle, soyez des exemples et le changement que vous voulez voir dans le monde. Bref, rendez la transition sexy.

1 commentaire:

Je a dit…

Une association pour le maintien d'une agriculture paysanne ou une association pour le maintien d'une agriculture de proximité (AMAP) est, en France, un partenariat de proximité entre un groupe de consommateurs et une exploitation locale (généralement une ferme), débouchant sur un partage de récolte régulier (le plus souvent hebdomadaire) composée des produits de la ferme. L'AMAP est un contrat solidaire, basé sur un engagement financier des consommateurs, qui paient à l’avance la totalité de leur consommation sur une période définie. Ce système fonctionne donc sur le principe de la confiance et de la responsabilité du consommateur ; il représente une forme de circuit court de distribution.

Le terme « AMAP » est enregistré depuis mi-2003 à l'INPI en tant que marque française par l'association Alliance Provence. L'usage de la marque passe par l'engagement du respect de la charte des AMAP inspirée de la Charte de l'agriculture paysanne, éditée en mai 2003 par cette même association. En 2014, la Charte des AMAP est ré-actualisée, à la suite d'un chantier et d'une réflexion participative inter-régionale coordonnée par le Mouvement Inter-Régional des AMAP (MIRAMAP).