vendredi 21 avril 2017

Évhémérisme

L'évhémérisme est une théorie selon laquelle les dieux seraient des personnages réels, sacralisés après leur mort, leur légende étant embellie jusqu'à devenir une sorte de symbolisme absolu et universel. Elle tire son nom du mythographe grec Évhémère.

Principes

Ce courant de pensée postule que les personnages mythologiques étaient des êtres humains concrets, dont les peuples auraient divinisé le souvenir par admiration ou par crainte. Une telle théorie tomba à point nommé pour satisfaire les esprits cultivés de l'Antiquité, qui ne pouvaient plus prendre les mythes pour argent comptant. Bien que l'évhémérisme fût employé, aux débuts de l'ère chrétienne, comme une arme contre le paganisme et le polythéisme, le Moyen Âge se servit de ces théories, dans le cadre de l'étude, pour préserver les mythes païens dans leur dimension métaphorique en leur ôtant toute dimension surnaturelle.
L'évhémérisme s'inscrit donc dans la tradition médiévale d'interprétation des textes antiques. Celle-ci voyait, dans les mythes de la poésie d'Ovide et de Virgile, un sens métaphorique caché révélant des préceptes chrétiens. Ce vaste projet de « rationalisation » des mythes a permis, entre autres, de conserver d'importants textes antiques qui, sans cela, auraient certainement disparu : les Pères de l'Église accordaient une supériorité morale aux textes sacrés et condamnèrent très tôt la lecture des anciens poètes païens.

Postérité

Ce processus est sans doute à l’œuvre dans bon nombre de légendes de rois fondateurs des cités antiques, tels Romulus et Rémus ou Gilgamesh. Il fut même activement détourné par la propagande des pharaons, désireux d'apporter un lustre divin au moindre de leurs gestes. Ainsi, sur les monuments commémorant leurs victoires militaires, les pharaons étaient régulièrement représentés massacrant, seuls et à mains nues, des armées entières.
Aux XIIe et XIIIe siècle, le mythographe chrétien islandais Snorri Sturluson rédige son Edda de Snorri, qui présente les divinités nordiques comme des personnages historiques, dont la légende aurait été embellie par la tradition païenne.


 Le Prologue de l'Edda de Snorri présente les dieux d'une façon évhémériste.

Salomon Reinach a qualifié La vie de Jésus d'Ernest Renan (écrivain positiviste) d'« évhémérisme naïf ».
Le sociologue français Jean-Bruno Renard a qualifié en 1988 la théorie des anciens astronautes de « néo-évhémérisme ».

1 commentaire:

Je a dit…

Évhémère (en grec ancien Εὐήμερος / Euhếmeros) (-316 - -260) est un mythographe grec de la cour de Cassandre, auteur de L'Écriture sacrée, roman de voyage fantastique. Son roman est à l'origine de la théorie de l'évhémérisme. Il est considéré comme l'un des premiers théoriciens de l'athéisme systématique.

Notice historique

Le lieu de naissance d'Évhémère est contesté : il serait né à « Messine », alors que d'autres penchent plutôt vers Chios. Théophraste, lui, le dit originaire de Tégée.

Son œuvre (roman)

Elle ne nous est connue que de seconde ou de troisième main, traduite en latin par le poète Ennius, puis perdue mais transmise par un compte rendu donné dans les Institutions divines de l'apologiste chrétien Lactance, et un autre résumé transmis par Diodore de Sicile, mais on trouve des allusions à Évhémère chez plusieurs autres auteurs grecs et latins.

Il présente dans son roman les dieux grecs comme étant des héros ou de grands hommes divinisés après leur mort. L'ouvrage raconte un voyage initiatique qu’il aurait effectué dans une île nommée « Panchée » où il aurait pu contempler une colonne d'or sur laquelle auraient été racontées les actions, mais aussi la mort de divers hommes portant les mêmes noms que les divers dieux grecs.

« Ainsi, Zeus aurait été un souverain sage et bienfaisant, Aphrodite une courtisane du roi de Chypre qui en aurait fait une déesse et Athéna une reine guerrière. Sextus Empiricus, qui rapporte les propos d’Évhémère, donne une vision quelque peu différente de la théorie d’Évhémère : dans ce cas, les divinités de ces hommes n’étaient pas dues aux honneurs de l’immortalité que leur aurait conférée d’autres hommes, mais à un titre qu’ils se seraient eux-mêmes attribué. »

Sextus Empiricus écrit dans Contre l’enseignement des sciences :

« Évhémère, surnommé l’Athée, dit ceci : lorsque les hommes n’étaient pas encore civilisés, ceux qui l’emportaient assez sur les autres en force et en intelligence pour contraindre tout le monde à faire ce qu’ils ordonnaient, désirant jouir d’une plus grande admiration et obtenir plus de respect, s’attribuèrent faussement une puissance surhumaine et divine, ce qui les fit considérer par la foule comme des dieux. »

Moyen Âge

Plus tard, des écrivains chrétiens des premiers siècles, tel Lactance et d'autres apologistes, reprennent son argumentation pour combattre la religion romaine. Au Moyen Âge et à la Renaissance, on le cite encore et on détourne ses idées. J. Seznec montre dans sa thèse La Survivance des dieux antiques (publiée à Londres en 1940) que les dieux antiques, ou faux-dieux qu'Évhémère et les premiers apologistes avaient cru détruire en les réduisant à redevenir des hommes, sont néanmoins devenus, au Moyen Âge et à la Renaissance, des personnages historiques qu'on a vénérés pour leurs grandes qualités humaines, comme les saints.