mardi 26 novembre 2013

Charles Fourier et le phalanstère

François Marie Charles Fourier, né le 7 avril 1772 à Besançon (Doubs) et mort le 10 octobre 1837 (à 65 ans) à Paris, est un philosophe français, fondateur de l’École sociétaire, considéré par Karl Marx et Friedrich Engels comme une figure du « socialisme critico-utopique », dont un autre représentant fut Robert Owen. Plusieurs communautés utopiques, indirectement inspirées de ses écrits, ont été créées depuis les années 1830.

Il pose en 1808 les bases d'une réflexion sur une société communautaire dans son ouvrage Théorie des quatre mouvements et des destinées générales, qu’il poursuivit sous forme d’un grand traité dit de l’Association domestique et agricole. Cet ouvrage monumental est publié, bien qu’inachevé, en 1822. Dans le but d’être mieux compris, il se contraint ensuite à rédiger un résumé de sa théorie, intitulé Le Nouveau Monde industriel et sociétaire, qu’il publie en 1829.

Son école de disciples publie Le Phalanstère en 1832. C'est alors qu'apparaissent les termes fouriérisme et phalanstérien. Fourier connaît un début de notoriété dans les dernières années de sa vie, mais il reste un homme solitaire. Il collabore cependant à la rédaction du journal Le Phalanstère (1832-1834), et, en février 1834, en réponse au premier écrit politique de Victor Hugo, Étude sur Mirabeau, il écrit : « Je n'adhère nullement aux flatteries que vous adressez à la France, car elle porte partout le vandalisme, témoin sa conduite à Alger, qu'elle a barbarisé, couvert de vendées et de ravages ». Il publie en 1836 La fausse industrie.
Charles Fourier meurt célibataire à Paris en 1837.

Le Phalanstère 

Un phalanstère (du grec Phalanx, formation militaire rectangulaire, et stereos, solide) est un ensemble de bâtiments à usage communautaire qui se forme par la libre association et par l'accord affectueux de leurs membres. Pour Charles Fourier, les phalanstères formeront le socle d'un nouvel État.

Dans sa théorie, « la terre de la Société harmonique sera divisée en trois millions de phalanstères, chacun regroupant 1 500 personnes des trois sexes », (les mineurs, pour Fourier, appartiennent à un troisième sexe, un sexe neutre ou impubère).

Le phalanstère est une sorte d'exploitation agricole avec des bâtisses pour le logement et l'amusement, pouvant accueillir 400 familles au milieu d'un domaine de 400 hectares où l'on cultive les fruits et les fleurs avant tout. Fourier décrira à loisir les couloirs chauffés, les grands réfectoires et les chambres agréables.

Destiné à abriter 1 800 à 2 000 sociétaires, le phalanstère est un bâtiment de très grande taille : une longueur de 600 toises, soit environ 1 200 m, à comparer aux 500 m du château de Versailles ; une surface occupée – bâti et non bâti — d'environ 4 kilomètres carrés ; des arcades, de grandes galeries facilitant les rencontres et la circulation par tous les temps ; des salles spécialisées de grande dimension (tour-horloge centrale, bourse, Opéra, ateliers, cuisines) ; des appartements privés et de nombreuses salles publiques ; des ailes réservées au « caravansérail » et aux activités bruyantes ; une cour d'honneur de 600 m x 300 m, dans laquelle tiendrait la grande galerie du Louvre ; une cour d'hiver de 300 m de côté (à comparer aux 100 m de la Place des Vosges) plantée d'arbres à feuillage persistant ; des jardins et de multiples bâtiments ruraux…

Les phalanstères ont fait l'objet de nombreuses tentatives d'application en France et aux États-Unis au XIXe siècle, mais à l'exception notable du familistère de Guise et de celui de Bruxelles, toutes ont échoué plus ou moins rapidement. Mais après 1968, l'idée a stimulé certaines initiatives, notamment la communauté de Longo Maï en Provence.

Voici une description du phalanstère idéal faite par Victor Considerant, l’un des plus fervents disciples de Fourier. Elle est tirée de la brochure « Description du phalanstère » publiée en 1846 :
« Contemplons le panorama qui se développe sous nos yeux. Un splendide palais s’élève du sein des jardins, des parterres et des pelouses ombragées, comme une île marmoréenne baignant dans un océan de verdure. C’est le séjour royal d’une population régénérée. Devant le Palais s’étend un vaste carrousel. C’est la cour d’honneur, le champ de rassemblement des légions industrielles, le point de départ et d’arrivée des cohortes actives, la place des parades, des grands hymnes collectifs, des revues et des manœuvres. La route magistrale qui sillonne la campagne de ses quadruples rangées d’arbres somptueux, bordées de massifs d’arbustes et de fleurs, arrive, en longeant les deux ailes avancées du Phalanstère, sur la cour d’honneur, qu’elle sépare des bâtiments industriels et des constructions rurales, développées du côté des grandes cultures. Au premier rang de la ville industrielle, une ligne de fabriques, de grands ateliers, de magasins, de greniers de réserve, dresse ses murs en face du Phalanstère. »
— Georges Jean, Voyages en Utopie

La pensée de Charles Fourier

La quête de Fourier est celle d’une harmonie universelle. Il présente sa théorie comme résultant d’une découverte scientifique dans le domaine passionnel, parachevant la théorie de la gravitation d’Isaac Newton dans le domaine matériel. Dans le cadre de cette théorie dite de l’Attraction passionnée, l’univers serait en relation avec les passions humaines, qu’il reflèterait. Ainsi déclare-t-il possible de s’informer sur les situations passionnelles humaines en observant notamment les animaux et les plantes terrestres, et en appliquant à ces observations un raisonnement analogique dont il donne quelques clés.

Fourier classe hommes et femmes en 810 catégories. Ces catégories correspondent à autant de passions, sous-passions, sous-sous-passions, etc., différentes. Sur cette base de 1 620 caractères qu'il appelle une phalange, il jette l’organisation des phalanstères composés, comme il se doit, d’autant de personnes.
De fait, chaque personne au sein du phalanstère œuvre selon ses affinités, tout en accordant une place particulière à l’agriculture, ainsi qu’aux arts et aux sciences.

Il pose ainsi les premières bases d'une réflexion critique portant sur la société industrielle naissante et ses défauts les plus criants. Selon lui, pour faire cesser les vices de la société civilisée, il suffit de faire confiance aux indications données par l’Attraction passionnée, cette impulsion donnée par la nature antérieurement à la réflexion et persistante malgré l’opposition du devoir, du préjugé, etc.

Charles Fourier considère ainsi que l’attirance naturelle des humains pour l’activité et la vertu est totalement entravée et pervertie par le travail, un état où l’homme s’impose à regret un supplice, et par la morale, cette mortelle ennemie de l’attraction passionnée.

Il propose donc, après mûrs calculs et réflexions, ces sociétés idéales composées d'une phalange de 1 620 individus de tous âges, nommées phalanstères, où chacun s’active dans de multiples groupes fréquentés successivement dans la journée. Les groupes principaux sont appelés des séries, constituées de gens réunis passionnément par identité de goût pour quelque fonction. L’intégration dans le groupe est réalisée en toute liberté et par choix réciproque, comme de nos jours se constituerait un orchestre amateur ambitieux.

Il faut savoir que chacun y est rétribué après répartition des dividendes annuels du phalanstère d’abord entre les séries, puis entre les groupes qui les composent. Vient ensuite la répartition entre les individus. La méthode est identique pour chaque échelle : le montant dépend du rang occupé dans le phalanstère. Ce rang est déterminé selon divers critères, appliqués à l’intérieur de trois classes : nécessité, utilité et agrément. Ce n’est pas la valeur marchande des produits qui entre en ligne de compte, mais leur capacité à susciter le désir de produire, et leur potentiel d’harmonisation du phalanstère (mécanique d’attraction et d’harmonie).

La répartition entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif se réalise équitablement grâce à l’existence d'intérêts croisés, du fait même de la participation de chaque individu à de nombreux groupes (effet du libre essor de la passion du changement, la papillonne). Les dividendes attribués au groupe sont ensuite répartis entre les individus qui le composent, en prenant bien soin de s’appuyer sur la cupidité en premier (accord direct), afin que la générosité (accord indirect) puisse s’exprimer ensuite. Sont ainsi constitués trois lots, 5 à 6/12e pour le travail, 4/12e pour le capital et 2 à 3/12e pour le talent (lot dont sont exclus les novices).

Les dividendes ainsi perçus viennent en positif sur le compte de chaque individu (et non de chaque famille, les enfants étant émancipés dès l’âge de 3 ans). Sur ce compte sont inscrits en négatif le revenu minimum annuel garanti à chacun dès l’âge de trois ans révolus, et le coût des biens et services qu’il a obtenus du phalanstère au cours de l’année (costumes, repas, autres fournitures et services ...). Le solde positif n’est donc distribué qu’en fin d’année, et seulement à leur majorité pour les mineurs.

Charles Fourier promeut ainsi plusieurs idées très innovantes dont la création de crèches, l'une des premières tentatives de libération de la femme. Il faut insister sur la libre et sage audace de Fourier à une époque où les femmes se trouvent en position subalterne : Les progrès sociaux, écrit-il, s’opèrent en raison des progrès des femmes vers la liberté et les décadences d’ordre social en raison du décroissement de la liberté des femmes. (Théorie des Quatre mouvements).

Fort de ses convictions, il tente de faire réaliser un phalanstère expérimental par quelques mécènes fortunés, mais n’y parvient pas de son vivant. Après sa mort, quelques tentatives de création de communautés utopiques ont bien lieu, mais à part le familistère de Godin, toutes faillissent du fait de querelles internes. De toute façon, aucune n'approche le bonheur promis par le théoricien socialiste, en raison du non-respect de ses prescriptions, sans doute trop libertaires pour l’époque de leur réalisation.

Quoi qu'il en soit, par sa réflexion sur l’organisation du travail, sur les relations entre les sexes, entre l’individu et la société..., il apparaît comme un précurseur et du socialisme et du féminisme français.

Critique de la Révolution de 1789

Ce précurseur d'un socialisme coopératif ne sera pas un révolutionnaire, détestant tout particulièrement la violence consubstantielle à cette Révolution qu'il rejette en bloc et l'austérité qu'elle a entraînée. Selon lui, le mal est là dès 1789 qui a détruit les liens sociaux en voulant recomposer une révolution d'individus libres et égaux : la liberté n'est qu'un leurre et l'harmonie sociale qui résulte de la diversité est préférable à l'égalité. Cependant, à la différence des traditionalistes, la communauté dont il rêve est le produit de la volonté des hommes, si bien que paradoxalement, il reproche aux révolutionnaires de n'avoir pas été assez radicaux, notamment pour n'avoir pas fondé une religion.

Réalisations

Dans sa vie, Charles Fourier lança plusieurs appels au mécénat auxquels personne ne répondit. Les phalanstères qui furent construits après sa mort ne reprirent pas l’ensemble de ses idées, oubliant pour la plupart tout ce qui était contraire à la morale (polygamie, libertinage, etc.).


Anecdote : Les quatre pommes


Marx et Engels voient dans sa pensée utopique une critique radicale de la société de leur temps. Sa pensée réside d'abord dans une critique acerbe de la société industrielle qu'il qualifie d'anarchie industrielle, puis celle de la société commerçante : à Marseille, Charles Fourier avait été obligé par son patron de jeter des sacs de riz à la mer afin d'en maintenir le prix.

Fourier relève un jour que son beau-frère, Brillat-Savarin, le célèbre gastronome, paie dans un restaurant une pomme 14 sous, alors que le matin même à Rouen, ville qu'il vient de quitter, il venait lui-même d'en acheter une pour le centième de cette somme. Pour Fourier, une telle distorsion dans les prix est totalement injustifiée et condamne toute société fondée sur l'échange tarifé et la concurrence.
Cette remarque lui inspire une théorie sur le progrès de l'humanité, jalonné par quatre pommes fameuses :
celle qu'Ève offrit à Adam,
celle que Pâris offrit à Aphrodite,
celle qu'Isaac Newton prit sur la tête en dormant,
et la sienne (pomme de Fourier) qui lui révèle la malfaisance des intermédiaires, la féodalité mercantile, l'ampleur de l'imposture commerciale, et à la fois le principe de l'attraction des passions humaines que lient les messages de la pomme !

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Fourier

1 commentaire:

Je a dit…

Historiquement, la commune française est l'héritière de la communauté ou de la paroisse de l'Ancien Régime. La communauté était une circonscription fiscale qui portait aussi le nom de paroisse fiscale (dans les villes à deux ou plusieurs clochers) ou de collecte. Son ressort pouvait correspondre, ou pas (Languedoc), à la paroisse ecclésiastique.

Au XXIe siècle, la commune correspond :
• soit à un espace rural, avec un chef-lieu (bourg ou simple village) et des écarts (tout lieu habité distinct du chef-lieu, c'est-à-dire les « hameaux » et les habitations dispersées)
• soit à une ville isolée
• soit à une partie d'agglomération multi-communale.

Sa superficie et sa population peuvent varier considérablement. Paris est la commune la plus peuplée avec 2 249 975 habitants (données 2011), tandis que la commune habitée la moins peuplée, Rochefourchat, a un seul habitant ; et que six communes déclarées « villages morts pour la France » n'ont aucun habitant.

Il existe actuellement (données 2017) 35 416 communes en France. Compte tenu du nombre d’habitants, 66 990 856 (données juin 2017), cela fait une moyenne de 1891 habitants par commune.

Cette échelle de la commune me semble la plus à même de répondre aux besoins particuliers des habitants. Les nombreux exemples de « villes en transition » (et autres initiatives) rapportés par le film documentaire Demain démontrent que ce fonctionnement est tout à fait possible.

Cette échelle de grandeur (quelques milliers d’habitants) correspond d’ailleurs à ce que le philosophe et utopiste socialiste Charles Fourier (1772-1837) préconisait pour ses phalanstères (« Un phalanstère est un ensemble de bâtiments à usage communautaire qui se forme par la libre association et par l'accord affectueux de leurs membres. Pour Charles Fourier, les phalanstères formeront le socle d'un nouvel État. »). Le nombre très précis de membres était selon lui 1620 personnes.
Pour le défunt président de la République bolivarienne du Venezuela, Hugo Chavez, le redécoupage de son pays en communes ou communautés, devait s’appuyer sur des groupes de 200 à 400 familles (soit approximativement entre 1000 et 2000 personnes). Nous le verrons plus bas dans le chapitre 7, les exemples contemporains de quartiers libertaires ou de communes en transition oscillent également entre 1000 (Christiania) et 8000 (Totnes) habitants.

Source : http://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2017/08/apres-epicure-ou-de-lethique.html