François Marie Charles Fourier, né le 7 avril 1772 à Besançon (Doubs) et mort le 10 octobre 1837 (à 65 ans) à Paris, est un philosophe français, fondateur de l’École sociétaire, considéré par
Karl Marx et
Friedrich Engels comme une figure du «
socialisme critico-utopique », dont un autre représentant fut
Robert Owen. Plusieurs communautés utopiques, indirectement inspirées de ses écrits, ont été créées depuis les années 1830.
Il pose en 1808 les bases d'une réflexion sur une société communautaire dans son ouvrage
Théorie des quatre mouvements et des destinées générales, qu’il poursuivit sous forme d’un grand traité dit de l’
Association domestique et agricole. Cet ouvrage monumental est publié, bien qu’inachevé, en 1822. Dans le but d’être mieux compris, il se contraint ensuite à rédiger un résumé de sa théorie, intitulé
Le Nouveau Monde industriel et sociétaire, qu’il publie en 1829.
Son école de disciples publie
Le Phalanstère en 1832. C'est alors qu'apparaissent les termes
fouriérisme et
phalanstérien.
Fourier connaît un début de notoriété dans les dernières années de sa
vie, mais il reste un homme solitaire. Il collabore cependant à la
rédaction du journal
Le Phalanstère (1832-1834), et, en février 1834, en réponse au premier écrit politique de
Victor Hugo,
Étude sur Mirabeau,
il écrit : « Je n'adhère nullement aux flatteries que vous adressez à
la France, car elle porte partout le vandalisme, témoin sa conduite à Alger, qu'elle a barbarisé, couvert de vendées et de ravages ». Il publie en 1836
La fausse industrie.
Charles Fourier meurt célibataire à Paris en 1837.
Le Phalanstère
Un
phalanstère
(du
grec Phalanx, formation militaire rectangulaire, et
stereos, solide) est un ensemble de bâtiments à usage communautaire qui se forme par la
libre association et par l'accord affectueux de leurs membres. Pour
Charles Fourier, les phalanstères formeront le socle d'un nouvel État.
Dans sa théorie,
« la terre de la Société
harmonique sera divisée en trois millions de phalanstères, chacun
regroupant 1 500 personnes des trois sexes », (les mineurs, pour Fourier, appartiennent à un troisième sexe, un sexe
neutre ou impubère).
Le phalanstère est une sorte d'exploitation agricole avec des
bâtisses pour le logement et l'amusement, pouvant accueillir 400
familles au milieu d'un domaine de 400 hectares où l'on cultive les
fruits et les fleurs avant tout. Fourier décrira à loisir les couloirs
chauffés, les grands réfectoires et les chambres agréables.
Destiné à abriter 1 800 à 2 000 sociétaires, le phalanstère est un
bâtiment de très grande taille : une longueur de 600 toises, soit
environ
1 200 m, à comparer aux
500 m
du château de Versailles ; une surface occupée – bâti et non bâti —
d'environ 4 kilomètres carrés ; des arcades, de grandes galeries
facilitant les rencontres et la circulation par tous les temps ; des
salles spécialisées de grande dimension (tour-horloge centrale, bourse,
Opéra, ateliers, cuisines) ; des appartements privés et de nombreuses
salles publiques ; des ailes réservées au « caravansérail » et aux
activités bruyantes ; une cour d'honneur de
600 m x
300 m, dans laquelle tiendrait la grande galerie du Louvre ; une cour d'hiver de
300 m de côté (à comparer aux
100 m de la Place des Vosges) plantée d'arbres à feuillage persistant ; des jardins et de multiples bâtiments ruraux…
Les phalanstères ont fait l'objet de nombreuses tentatives d'application en France et aux États-Unis au
XIXe siècle, mais à l'exception notable du
familistère de
Guise et de celui de
Bruxelles,
toutes ont échoué plus ou moins rapidement. Mais après 1968, l'idée a
stimulé certaines initiatives, notamment la communauté de
Longo Maï en Provence.
Voici une description du phalanstère idéal faite par
Victor Considerant, l’un des plus fervents disciples de Fourier. Elle est tirée de la brochure « Description du phalanstère » publiée en 1846 :
«
Contemplons le panorama qui se développe sous nos yeux. Un
splendide palais s’élève du sein des jardins, des parterres et des
pelouses ombragées, comme une île marmoréenne baignant dans un océan de
verdure. C’est le séjour royal d’une population régénérée. Devant le
Palais s’étend un vaste carrousel.
C’est la cour d’honneur, le champ de rassemblement des légions
industrielles, le point de départ et d’arrivée des cohortes actives, la
place des parades, des grands hymnes collectifs, des revues et des
manœuvres. La route magistrale qui sillonne la campagne de ses
quadruples rangées d’arbres somptueux, bordées de massifs d’arbustes et
de fleurs, arrive, en longeant les deux ailes avancées du Phalanstère,
sur la cour d’honneur, qu’elle sépare des bâtiments industriels et des
constructions rurales, développées du côté des grandes cultures. Au
premier rang de la ville industrielle, une ligne de fabriques, de grands
ateliers, de magasins, de greniers de réserve, dresse ses murs en face
du Phalanstère. »
— Georges Jean, Voyages en Utopie
La pensée de Charles Fourier
La quête de Fourier est celle d’une harmonie universelle. Il présente
sa théorie comme résultant d’une découverte scientifique dans le
domaine passionnel, parachevant la théorie de la gravitation d’
Isaac Newton dans le domaine matériel. Dans le cadre de cette théorie dite de l’
Attraction passionnée,
l’univers serait en relation avec les passions humaines, qu’il
reflèterait. Ainsi déclare-t-il possible de s’informer sur les
situations passionnelles humaines en observant notamment les animaux et
les plantes terrestres, et en appliquant à ces observations un
raisonnement analogique dont il donne quelques clés.
Fourier classe hommes et femmes en 810 catégories. Ces catégories
correspondent à autant de passions, sous-passions, sous-sous-passions,
etc., différentes. Sur cette base de 1 620 caractères qu'il appelle une
phalange, il jette l’organisation des phalanstères composés, comme il se doit, d’autant de personnes.
De fait, chaque personne au sein du phalanstère œuvre selon ses affinités, tout en accordant une place particulière à l’
agriculture, ainsi qu’aux
arts et aux
sciences.
Il pose ainsi les premières bases d'une réflexion critique portant
sur la société industrielle naissante et ses défauts les plus criants.
Selon lui, pour faire cesser les vices de la société
civilisée, il suffit de faire confiance aux indications données par
l’Attraction passionnée, cette
impulsion donnée par la nature antérieurement à la réflexion et persistante malgré l’opposition du devoir, du préjugé, etc.
Charles Fourier considère ainsi que l’attirance naturelle des humains
pour l’activité et la vertu est totalement entravée et pervertie par le
travail,
un état où l’homme s’impose à regret un supplice, et par la morale, cette
mortelle ennemie de l’attraction passionnée.
Il propose donc, après mûrs calculs et réflexions, ces sociétés idéales composées d'une
phalange
de 1 620 individus de tous âges, nommées phalanstères, où chacun
s’active dans de multiples groupes fréquentés successivement dans la
journée. Les groupes principaux sont appelés des séries, constituées de
gens
réunis passionnément par identité de goût pour quelque fonction.
L’intégration dans le groupe est réalisée en toute liberté et par choix
réciproque, comme de nos jours se constituerait un orchestre amateur
ambitieux.
Il faut savoir que chacun y est rétribué après répartition des
dividendes annuels du phalanstère d’abord entre les séries, puis entre
les groupes qui les composent. Vient ensuite la répartition entre les
individus. La méthode est identique pour chaque échelle : le montant
dépend du rang occupé dans le phalanstère. Ce rang est déterminé selon
divers critères, appliqués à l’intérieur de trois classes : nécessité,
utilité et agrément. Ce n’est pas la valeur marchande des produits qui
entre en ligne de compte, mais leur capacité à susciter le désir de
produire, et leur potentiel d’harmonisation du phalanstère (mécanique
d’attraction et d’harmonie).
La répartition entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif se
réalise équitablement grâce à l’existence d'intérêts croisés, du fait
même de la participation de chaque individu à de nombreux groupes (effet
du libre essor de la passion du changement, la
papillonne). Les
dividendes attribués au groupe sont ensuite répartis entre les individus
qui le composent, en prenant bien soin de s’appuyer sur la cupidité en
premier (
accord direct), afin que la générosité (
accord indirect) puisse s’exprimer ensuite. Sont ainsi constitués trois lots, 5 à 6/12
e pour le travail, 4/12
e pour le capital et 2 à 3/12
e pour le talent (lot dont sont exclus les novices).
Les
dividendes
ainsi perçus viennent en positif sur le compte de chaque individu (et
non de chaque famille, les enfants étant émancipés dès l’âge de 3 ans).
Sur ce compte sont inscrits en négatif le revenu minimum annuel garanti à
chacun dès l’âge de trois ans révolus, et le coût des biens et services
qu’il a obtenus du phalanstère au cours de l’année (costumes, repas,
autres fournitures et services ...). Le solde positif n’est donc
distribué qu’en fin d’année, et seulement à leur majorité pour les
mineurs.
Charles Fourier promeut ainsi plusieurs idées très innovantes dont la création de
crèches,
l'une des premières tentatives de libération de la femme. Il faut
insister sur la libre et sage audace de Fourier à une époque où les
femmes se trouvent en position subalterne :
Les progrès sociaux, écrit-il,
s’opèrent
en raison des progrès des femmes vers la liberté et les décadences
d’ordre social en raison du décroissement de la liberté des femmes. (Théorie des Quatre mouvements).
Fort de ses convictions, il tente de faire réaliser un phalanstère expérimental par quelques
mécènes
fortunés, mais n’y parvient pas de son vivant. Après sa mort, quelques
tentatives de création de communautés utopiques ont bien lieu, mais à
part le
familistère
de Godin, toutes faillissent du fait de querelles internes. De toute
façon, aucune n'approche le bonheur promis par le théoricien socialiste,
en raison du non-respect de ses prescriptions, sans doute trop
libertaires pour l’époque de leur réalisation.
Quoi qu'il en soit, par sa réflexion sur l’organisation du travail,
sur les relations entre les sexes, entre l’individu et la société..., il
apparaît comme un précurseur et du
socialisme et du
féminisme français.
Critique de la Révolution de 1789
Ce précurseur d'un socialisme
coopératif ne sera pas un révolutionnaire, détestant tout
particulièrement la violence consubstantielle à cette Révolution qu'il
rejette en bloc et l'austérité qu'elle a entraînée. Selon lui, le mal
est là dès 1789
qui a détruit les liens sociaux en voulant recomposer une révolution
d'individus libres et égaux : la liberté n'est qu'un leurre et
l'harmonie sociale qui résulte de la diversité est préférable à
l'égalité. Cependant, à la différence des
traditionalistes,
la communauté dont il rêve est le produit de la volonté des hommes, si
bien que paradoxalement, il reproche aux révolutionnaires de n'avoir pas
été assez radicaux, notamment pour n'avoir pas fondé une
religion.
Réalisations
Dans sa vie, Charles Fourier lança plusieurs appels au mécénat
auxquels personne ne répondit. Les phalanstères qui furent construits
après sa mort ne reprirent pas l’ensemble de ses idées, oubliant pour la
plupart tout ce qui était contraire à la morale (polygamie, libertinage, etc.).
Anecdote : Les quatre pommes
Marx et
Engels
voient dans sa pensée utopique une critique radicale de la société de
leur temps. Sa pensée réside d'abord dans une critique acerbe de la
société industrielle qu'il qualifie d'anarchie industrielle, puis celle
de la société commerçante : à Marseille, Charles Fourier avait été obligé par son patron de jeter des sacs de riz à la mer afin d'en maintenir le prix.
Fourier relève un jour que son beau-frère,
Brillat-Savarin, le célèbre gastronome, paie dans un restaurant une pomme 14 sous, alors que le matin même à Rouen,
ville qu'il vient de quitter, il venait lui-même d'en acheter une pour
le centième de cette somme. Pour Fourier, une telle distorsion dans les
prix est totalement injustifiée et condamne toute société fondée sur
l'échange tarifé et la concurrence.
Cette remarque lui inspire une théorie sur le progrès de l'humanité, jalonné par quatre pommes fameuses :
- celle qu'Ève offrit à Adam,
- celle que Pâris offrit à Aphrodite,
- celle qu'Isaac Newton prit sur la tête en dormant,
- et la sienne (pomme de Fourier) qui lui révèle la malfaisance des
intermédiaires, la féodalité mercantile, l'ampleur de l'imposture
commerciale, et à la fois le principe de l'attraction des passions
humaines que lient les messages de la pomme !
Source :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Fourier