- une répartition harmonieuse et équilibrée des différentes communautés (grosso modo 25 à 30% sont des descendants de colons français, 25 à 30% de descendants d'esclaves noirs-africains et 25 à 30% de descendants de travailleurs engagés tamouls; le reste comprenant des commerçants chinois ou indo-musulmans, des immigrés mahorais et des fonctionnaires métropolitains)
- et un important métissage qui a vu naître une culture créole spécifique.
Chaque communauté a apporté dans ses bagages son patrimoine culturel; les sports et distractions en étant une des facettes. Ensuite, le métissage a produit sa part de création et a enrichi l'ensemble en apportant une identité collective plutôt qu'une simple juxtaposition. Une fusion des communautés plutôt qu'une simple addition.
"Rares sont les cartes postales qui reflètent les scènes de vie : les photographes d'il y a cent ans préféraient soit les portraits posés, soit les paysages et édifices. Les images du traditionnel moringue, de l'assaut de bâton, et de la lutte réunionnaise la croche sont d'autant plus précieuses". (d'après un texte de Daniel Vaxelaire pour le JIR). Jackie Ryckebusch a rassemblé nombre de ces clichés dans son livre "La Réunion 1900 en cartes postales" paru chez Océan Editions en 1994.
Pour commencer : "l'assaut au bâton". Comme on le voit sur le cliché ci-dessous, les protagonistes et la grande majorité des spectateurs étaient des Blancs, certains (en bas à droite) arborant d'ailleurs le typique chapeau colonial. Il faut dire que la canne de combat (et non le bâton comme l'a improprement légendé J.Ryckebusch) est caractéristique de la France. Elle a de tout temps été une discipline associée à la boxe française savate. Elle est l'une des rares disciplines au monde (avec l'escrime) dont les termes de l'arbitrage international sont en français. Elle fut sport de démonstration aux Jeux Olympiques de 1924 à Paris et ses premiers championnats du monde ont même été organisés sur l'île de la Réunion en 2004, par Alain Descorsier et son équipe ! Une grande tradition locale donc !
Légende du livre : Saint-Paul - Kermesse au bout de l’Étang (assaut au bâton) - Collection Archives Départementales de la Réunion
"L'île a une tradition de sports purement locaux. L'assaut de bâton en est un et aussi le moringue : Moringue, c'est la boxe de not pays. Pour envoye moringue cavaliers y rentrent dan'ron, là haut Lataniers, pendant que son dallon y bat'tambour moringue, pour donne courage. Et band'batailleurs y flanque coups pieds, coups de poings, coups de talons z'irondelles et coups de tête. Moin, mi trouve moringue plus zoli que la boxe, mais comé là, la police y défend jouer moringue, cavalier y met' pas de gants" note Fourcade dans Z'histoires la Caze" (p.185 de La Réunion 1900 en cartes postales).
On remarquera qu'autant l'escrime au bâton (la canne de combat) était jadis l'apanage de la communauté blanche originaire de France, autant les protagonistes et les spectateurs du moringue sont des Cafres. C'est tout naturellement parce que ce dur sport de combat poings-pieds est originaire de Madagascar d'où sont issus plus de la moitié des descendants d’esclaves. Il y existe encore de nos jours sous le nom de moringy (ainsi qu'à Mayotte sous le nom de mouringué) dans sa forme ancestrale, à frappes réelles .... bien loin de ce qu'on peut voir aujourd'hui à la Réunion.
Photographie prise par Octave du Mesgnil vers 1905. Cet imprimeur et photographe né à Saint-André en 1882 a signé plus de 250 cartes postales entre 1905 et 1925, imprimées à Nancy (collection Y.Patel).
Enfin, fruit du métissage, le sport endémique de la Réunion : sa jeune lutte traditionnelle "la croche". Comme nous l'ont décrit les plus anciens témoins (âgés de 88-93 ans dans les années 2002-2005) durant le travail de recherche qui a précédé la parution du livre "La croche - Lutte traditionnelle réunionnaise" (chez Azalées Éditions en 2006) les crocheurs posaient leur chemise pour ne pas arracher les boutons. Ils n'échangeaient pas de coups mais s'attrapaient puis continuaient la lutte au sol (sur le sable ou sur l'herbe) jusqu'à ce qu'un des deux renonce en reconnaissant la supériorité de son camarade.
On remarquera sur le cliché ci-dessous qu'un Cafre observe la scène tandis que ce sont deux jeunes, un Malbar et un Yab, qui sont en train de lutter. Celui de droite ayant réussi une saisie de la jambe gauche de son adversaire/partenaire et s'apprêtant à le faire tomber. La preuve en image que la croche n'était pas l'héritage d'une communauté mais le bien patrimoine de tous les Créoles, fruit du métissage.
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