dimanche 8 février 2009

Langue préhistorique

Dans les années 1980, la majorité des scientifiques penchaient vers une origine du langage plutôt tardive, il y a 40 ou 50 000 ans. Cette période était également celle de la "révolution symbolique" (développement des arts avec les grottes ornées, des outils de plus en plus perfectionnés et des sépultures). Il est maintenant permis de penser que les origines du langage sont beaucoup plus anciennes. Les dernières études sur les aptitudes anatomiques des premiers hominidés repoussent les prémisses du langage à 2 millions d'années.

Le protolangage

Développé par le linguiste Derek Bickerton, le protolangage part d'un langage primitif il y a 2 millions d'années qui se serait progressivement enrichi. Composé de juxtapositions de mots concrets, il ne possèderait pas de grammaire. Nos ancêtres auraient donc pu faire des phrases du type "Rahan manger fruits " ou "manger fruits Rahan" sans que cela nuise au sens global de la phrase... Le protolangage aurait évolué vers un langage plus élaboré il y a 50 000 ans. Cette théorie se base sur l'étude de quatre sources différentes de ce qu'aurait pu être notre langage primitif :
- le langage des grands singes à qui l'on a appris le langage des signes
- le langage des enfants de moins de 2 ans
- le langage de Genie, "enfant-placard" séquestrée pendant 13 ans
- le pidgin (voir ci-dessous), langage utilisé et créé par des populations différentes contraintes à vivre ensemble et donc à trouver un langage commun.
Le protolangage est maintenant l'hypothèse la plus couramment admise.

L'être humain et le langage

Noam Chomski est un linguiste américain, né en 1928, sans doute le plus célèbre des linguistes actuels. Ses études l'ont conduit à la conviction qu'il existe un gène du langage propre à l'être humain.

Constatation : tout être humain est capable d'acquérir en un temps relativement court la langue de la communauté à laquelle il appartient. Un enfant de huit ans possède déjà définitivement un savoir fondamental concernant sa langue, savoir acquis inconsciemment et sans efforts apparents. Même s'il apprend plus difficilement, par répétition, les aspects « périphériques » (mots nouveaux, éléments morphologiques comme les conjugaisons irrégulières), il est définitivement capable de comprendre de nouvelles phrases ou d'en former à l'infini, capable de saisir des ambiguïtés (phrases à double sens), d'établir des rapports entre les mots (le rôle des pronoms), de comprendre qu'un énoncé est acceptable ou non. Nous possédons donc naturellement une compétence qui nous permet d'assimiler une langue, de rebâtir inconsciemment la structure de notre langue maternelle.

Chomski en conclut qu'il existe probablement une sorte de grammaire universelle, qui limite les possibilités des langues, ce qui entraîne que les langues ont forcément des propriétés communes, qu'on appellera des universaux. Par exemple, parmi tous les sons que nous pouvons produire, il n'existe qu'un nombre restreint de phonèmes, entre 80 et 90 pour le monde entier (36 en français). Certaines catégories, comme le nom et le verbe, semblent universelles. Toutes les langues possèdent des mots qui relèvent de l'énonciation (les termes du dialogue direct, liés à moi / ici / maintenant), des interjections, des tournures interrogatives et exclamatives, etc.

Chomski est persuadé que tout ceci est déterminé par un gène du langage, propre à l'être humain.

Quelles formes ?

Selon le linguiste américain Derek Bickerton, la naissance du langage a pu ressembler à ce que nous appelons des pidgins et des créoles.

Un pidgin n'est pas encore un véritable langage, car il n'est pas structuré. C'est à peu près... le langage de Tarzan : Moi Tarzan, toi Jane... Un pidgin se constitue lorsqu'il se produit un mélange de populations d'origines culturelles trop disparates pour que les langues se perpétuent, après une transplantation forcée, comme l'esclavage. Par besoin de communiquer, on emprunte un vocabulaire limité à la langue locale, la plus accessible, la langue dominante, et l'on aboutit des proto-phrases telles Moi faim / Voisin maison feu / Demain moi retour. Cela a pu être la première forme d'expression articulée des hommes préhistoriques, pendant une assez longue période. Il est évidemment impossible d'imaginer quelles furent les formes des mots utilisés, sans doute très variables.

L'étape suivante, c'est le créole : dans les situations précédemment décrites (esclavage), le créole se crée rapidement, parce que tous les hommes modernes ont des capacités linguistiques et une langue d'origine. Le passage du pidgin au créole prend une génération. Un créole emprunte à la langue dominante sa structure : mots-outils (prépositions, conjonctions...), éléments morphologiques (conjugaisons, accords, affixes...), structure syntaxique (formation des groupes et des phrases, ordre des mots). Mais le lexique peut être emprunté à une ou plusieurs autres langues.

Dans la préhistoire, cela a dû prendre beaucoup de temps, car il a fallu créer des mots-outils, une morphologie, une structure. Cela a dû se faire selon une multitude de formes dans les peuplades concernées. Quel en a pu être le moteur ? Peut-être les contacts, les échanges. Les rencontres entre peuplades différentes, suite au développement de l'humanité (des humanités) ont pu être déterminantes, avec la création de nouveaux besoins linguistiques. En ce sens, il semble évident que le démarrage de l'agriculture, et parallèlement celui des échanges, du commerce (avec le défrichage et les voies de communication) ont entraîné un développement et un enrichissement des langues.

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